Les savants-maîtres* du Tendai d’aujourd’hui
pensent également être les seuls à avoir maîtrisé
la doctrine d'ichinen
sanzen. Mais ils considèrent que le Sutra du Lotus est égal au Sutra
Kegon* ou au Sutra Vairocana*.
Lorsqu’ils développent leurs théories, ils ne vont
pas au-delà de la vision de Cheng Guan. Ils sont comme Shubhakarasimha* et Amoghavajra*.
En conséquence, si la cérémonie de l’ouverture
des yeux d’une image sculptée ou peinte est dirigée
par un maître shingon, cette
image ne peut pas devenir le véritable Bouddha, mais un bouddha
provisoire.
L’ouverture
des yeux des images sculptées ou peintes (Kamakura 1264)
Mais il n'y
a certainement aucune raison de rejeter les enseignements du Shingon.
Le Sutra Vairocana* représente
l'enseignement caché du bouddha Vairocana*,
le roi de l'illumination. Il a été transmis, dans une lignée
ininterrompue du bouddha Vairocana* à Shubhakarasimha* et Amoghavajra*.
Et au Japon le Grand-maître* Kukai* répandit les enseignements concernant les mandala du Monde de diamant et du Monde
de la matrice. Ce sont des enseignements secrets et ésotériques
concernant les trente-sept honorés.
[...] Trouvez-vous la moindre allusion à ces points de la plus grande
importance dans les trois sutras ésotériques que vous avez mentionnés, les sutras Vairocana*, Sutra Kongocho* et les autres ? Shubhakarasimha* et Amoghavajra* volèrent ces principes vitaux du Sutra du Lotus, et s'efforcèrent
d'en faire les points essentiels de leurs propres sutras. Mais, en fait,
c'est une supercherie ; leurs propres sutras et traités ne contiennent
pas la plus petite trace de ces principes. Vous devez vous hâter
de réformer votre jugement sur ce point !
Conversation
entre un sage et un ignorant (1265
? à un samouraï ? )
Prenons un exemple. Le savant maître Shubhakarasimha* fut le fondateur de l'école Shingon en Chine. Il était le fils du roi Busshu
monarque du royaume d'Udyana. Le
vénérable Bouddha Shakyamuni quitta le palais de son père
à l'âge de dix-neuf ans pour entrer dans la vie religieuse.
Mais ce savant maître Shubhakarasimha*
renonça au trône à l'âge de treize ans,
après quoi il voyagea à travers plus de soixante-dix royaumes
de l'Inde, parcourant à pieds quatre-vingt-dix mille ri,
et étudiant les multiples sutras et commentaires des diverses écoles.
Dans un royaume du Nord de l'Inde, il se tint au pied du stupa élevé
par le roi Konzoku (note),
contempla le ciel et formula des prières, après quoi le mandala
du Monde de la Matrice* lui apparut
suspendu dans les airs avec, assis au centre, le bouddha Vairocana*
Par bienveillance, Shubhakarasimha* décida de propager la connaissance de cet enseignement dans des
contrées lointaines et se rendit en Chine où il exposa cet
enseignement secret à l'empereur Xuan-Zong.
En période de grande sécheresse, il fit des prières
pour faire tomber la pluie et au bout de trois jours la pluie tomba du
ciel. Ce savant maître pouvait reconnaître sans la moindre
hésitation les graines (note)
représentant plus de mille deux cents Honorés, leurs
nobles caractéristiques et leurs samaya.
De nos jours, tous les adeptes de l'école Shingon rattachés au To-ji et à
tous les temples Shingon du Japon
sans aucune exception se considèrent comme les disciples du Savant-maître
Shubhakarasimha*.
Mais un jour, subitement, le savant maître mourut. Et de nombreux
gardiens de l'enfer apparurent, le ligotèrent avec sept chaînes
de fer et le conduisirent au palais du roi. N'est-ce pas là une
grande source d'étonnement ? Quel crime avait-il bien pu commettre pour recevoir une telle punition ? Peut-être dans la vie qu'il venait de vivre avait-il commis certaines
des dix mauvaises actions, mais
il ne s'était certainement rendu coupable d'aucune des cinq
forfaits. Et en réfléchissant à ses existences
passées, pour être né fils de roi, prince héritier
d'un grand royaume, il devait avoir strictement observé les dix
préceptes de bien et loyalement servi cinq cents bouddhas.
Quelle faute, alors, pouvait-il avoir commise ? De plus, à l'âge de treize ans, il avait volontairement abandonné
sa position de roi et était entré dans la vie religieuse.
Personne dans le monde entier n'avait plus grand désir de parvenir
à l'Éveil. Une telle vertu aurait dû effacer toutes les fautes,
mineures ou graves, commises dans ses vies, présente ou passées.
Il avait étudié et maîtrisé tous les sutras
et tous les traités des diverses écoles répandues
en Inde à son époque. Cela n'aurait-il pas dû le laver
de tous les crimes qu'il aurait pu commettre ? Il faut ajouter à tout cela que les enseignements ésotériques du Shingon sont différents
des autres enseignements bouddhiques. Ils affirment que si l'on a formé
avec les mains ne serait-ce qu'un seul mudra,
si l'on a prononcé de sa bouche ne serait-ce qu'un seul mantra
dharani*, même les crimes les plus graves accumulés dans les trois
phases de la vie seront expiés. Ils ajoutent qu'il suffit
de poser les yeux sur un mandala ésotérique pour que toutes les fautes et entraves karmiques
accumulées pendant d'innombrables koti
de kalpa s'effacent immédiatement. Cela aurait dû être d'autant
plus vrai dans le cas de ce savant maître, qui avait mémorisé
tous les mudra et les mantra
dharani* des plus de mille deux cents Honorés, qui avait compris aussi clairement
que si elle avait été reflétée dans un miroir
la pratique de la contemplation qui permet d'atteindre la bodhéité
sans changer d'apparence, et qui, pendant la cérémonie
d'onction dans le Monde du Diamant*
et dans le Monde de la Matrice*, s'était métamorphosé
en roi illuminé Vairocana
ou en bouddha Vairocana* lui-même ! Pourquoi une personne de ce genre devait-elle se présenter
devant Emma, le roi des enfers, et
subir une punition ?
[...] J'ai longuement étudié la question et
j'ai conclu que Shubhakarasimha* avait été conduit devant Emma,
roi des enfers, pour deux fautes qu'il avait commises. Tout d'abord,
le Sutra Vairocana* est non seulement inférieur au Sutra
du Lotus mais il n'est même pas du niveau du Sutra
du Nirvana et des sutras Kegon* et Hannya*.
Pourtant, Shubhakarasimha* prétendit qu'il était supérieur au Sutra du
Lotus, commettant ainsi la faute de dénigrer le Dharma.
Le savant maître
Chan-wou-wei (Kamakura,
1270 à Joken-bo et Gijo-bo)
Parmi ces
divers enseignements, celui de l'école Shingon est particulièrement erroné. [Ses fondateurs] Shubhakarasimha* et Vajrabodhi* ont affirmé : "Le concept d'ichinen
sanzen est le plus essentiel des principes énoncés
par Zhiyi* et le coeur même de tous les enseignements exposés par
le Bouddha Shakyamuni de son vivant. Mais indépendamment du principe
d'ichinen sanzen qui constitue la base des enseignements exotériques aussi bien qu'ésotériques,
les mudra et les mantra
dharani*,
forment la partie essentielle des enseignements bouddhiques." Partant
de là, les maîtres du Shingon ont affirmé par la suite que les sutras qui ne comportent ni mudra ni mantra
dharani* doivent être considérés comme inférieurs,
c'est-à-dire du même niveau que les enseignements non bouddhiques.
[...] Se pourrait-il
qu'en Inde le Sutra du Lotus ait contenu des descriptions de mudra et de mantra
dharani* mais que ceux qui le traduisirent en chinois les aient supprimés
- Kumarajiva nommant sa version Myoho Renge Kyo ? Et que Shubhakarasimha*,
en y ajoutant des mudra et des mantra dharani*,
ait appelé la sienne le Sutra Vairocana* ? Par exemple, il y eut différentes versions du Sutra
du Lotus, telles que le Sho-hokke-kyo [traduction
chinoise existante du Sutra du Lotus faite par Dharmaraksha en 286], le Tembon-Hokke-kyo [traduction chinoise existante du Sutra du Lotus faite par
Jnanagupta et Dharmagupta en 601], le Hokke-zammai-kyo [traduction chinoise perdue du Sutra
du Lotus faite par Cien en 427] et le Satsuun Fundari-kyo [traduction chinoise perdue
du Sutra du Lotus dont l'auteur est inconnu].
[...] En Inde,
après la disparition du Bouddha, le bodhisattva Nagarjuna fut celui qui comprit véritablement le rapport entre le Sutra
du Lotus et les autres sutras ; et la première personne à
l'appréhender correctement en Chine fut le Grand-maître* sage Zhiyi*.
Des hommes comme Shubhakarasimha*,
de l'école Shingon, Cheng-guan de l'école Kegon, Jizang de l'école Sanron et Cien de l'école Hosso ont publiquement
professé la doctrine de l'école qu'ils avaient fondée
mais, dans leur coeur, ils étaient tous convertis à l'enseignement
de l'école de Zhiyi*.
Leurs disciples ont ignoré ce fait [et par conséquent
se sont forgés des conceptions erronées]. Comment pourraient-ils
ne pas être coupables d'opposition
au Dharma ?
La lettre de
Teradomari (Teradomari,
le 22 octobre 1271, à Toki Jonin)
Dès
l'origine, les écoles Kegon et Shingon furent toutes deux des
écoles provisoires basées sur des sutras provisoires. Mais Shubhakarasimha* et Vajrabodhi*,
qui introduisirent les enseignements ésotériques en Chine,
s'approprièrent le principe d'ichinen
sanzen de Zhiyi*,
pour en faire le coeur des enseignements de leur école, tout en
y ajoutant la pratique de mudra et
de mantra dharani* et prétendirent que leurs enseignements surpassaient ceux de Zhiyi.
De sorte que ceux qui étudiaient le bouddhisme, ignorant les faits
réels, en vinrent à croire que le principe d'ichinen
sanzen se trouvait déjà
dans le Sutra Vairocana* tel
qu'il était parvenu d'Inde.
[...] Les concepts de nijo jobutsu* et celui de kuon
jitsujo* ne sont pas limités au seul Sutra du Lotus mais sont également présents dans les sutras Kegon* et Vairocana*.Les patriarches du Kegon, Dushun, Zhiyan, Fa-zang et Cheng-guan ainsi que les maîtres du Shingon, Shubhakarasimha*, Vajrabodhi* et Amoghavajra* étaient supérieurs à Zhiyi* ou Saicho*. De plus, les enseignements de Shubhakarasimha* descendent en droite ligne du bouddha Mahavairochana.
Comment des hommes de cette sorte, qui sont des manifestations
du Bouddha, pourraient s'être trompés.
[...] Le titre
du Sutra du Lotus en chinois se dit Miao fa lian hua jing [Myohorengekyo en japonais]. En Inde, on appelle le Saddharma pundarika sutra.
Voici un mantra, exprimant le coeur
du Sutra du Lotus, composé par Shubhakarasimha* : Nomaku
sammandaibodanan (Hommage au bouddha universel)/
on (Ainsi-Venu en Trois Corps)/
a a annaku (qui ouvre, montre, illumine et nous fait accéder à)saruba bodai (de tous les bouddhas) kino (la sagesse et) sakishubiya (la compréhension) gyagyano samsoba (pour que, comprenant la vacuité) arakishani (nous nous détachions de l'impureté.)satsuri daruma (le Dharma correct) fundarikya (du lotus blanc) sotaran (sutra) ja (pénètre) un (partout) ban (nous amenant à résider) koku (dans la joie) bazara (avec une constante) arakishaman (protection) un (dans la vacuité, sans forme, sans désir) sohaka (absolument accompli).
[...] 2 Le passage : "même avec certains
talents et des capacités" se réfère à
des hommes comme Fa-zang et Cheng-guan de l'école Kegon ou à Shubhakarasimha* de l'école Shingon. Ces
maîtres possédaient talent et capacités, mais ils
étaient comparables à des fils qui ne reconnaissent même
pas leur propre père.
[...] 2 Le Sutra Vairocana* de l'école Shingon ne fait
aucune allusion au fait que les personnes des deux
véhicules peuvent atteindre la bodhéité
et que le Bouddha Shakyamuni atteignit l'Éveil dans le passé illimité,
ou encore au principe d'ichinen
sanzen. Mais, après
son voyage en Chine, Shubhakarasimha* eut l'occasion de lire le Maka
Shikan de Zhiyi* et en retira sagesse et compréhension. Il s'appropria alors le
principe d'ichinen sanzen,
l'utilisant pour interpréter les passages du Sutra Vairocana* sur "la réalité de l'esprit" ou celui qui dit
"Je [Vairocana] suis la source et le commencement de toutes choses",
pour en faire le cœur des
enseignements Shingon mais en y
ajoutant la pratique des mudra et
des mantra dharani*.
Et en comparant les mérites respectifs du Sutra du Lotus et du Sutra Vairocana*, il
déclara que si tous deux sont égaux d'un point de vue théorique,
le dernier est supérieur du point de vue de la pratique.
[...] 2 Shubhakarasimha* fut puni par Yama parce que son interprétation
était erronée [lorsqu'il considérait le Sutra Vairocana* comme
supérieur au Sutra du Lotus].
[...] 2 Quand Kukai*,
au Japon, établit une évaluation théorique des enseignements
du Shingon, influencé par
l'école Kegon, il classa le Sutra Kegon* au neuvième niveau d'avolution et] le Sutra du Lotus au huitième
niveau. Mais lorsqu'il enseigna les pratiques et cérémonies
à ses disciples Jitte, Shinga, Encho*, Kojo* et les autres, il plaça le Sutra du Lotus au centre, au-dessus
des deux mondes [de la Matrice et du Diamant, à l'instar de Shubhakarasimha* et Amoghavajra*].
[...] 2 Jizang de l'école Sanron déclara
: "Le Sutra Hannya* et le Sutra du Lotus sont des noms différents
qui recouvrent une réalité unique, deux sutra exprimant
la même vérité." Shubhakarasimha*, Vajrabodhi (Jin-gang-zhi)
et Amoghavajra* de l'école Shingon ont dit
que le Sutra Vairocana* et le Sutra du Lotus étaient identiques en théorie et
appartenaient tous deux à la catégorie des "Six actions
difficiles".
Traité pour
ouvrir les yeux (Sado,
février 1272 à Shijo Kingo)
Comme je
l'ai souvent déjà souligné par le passé,
des maîtres comme Shubhakarasimha* et Vajrabodhi*, Bodhidharma, Huiko, Shandao et Honen, Kukai* du temple To-ji et Enchin du temple Onjo-ji, Ennin* du Mont Hiei ou Ryokan de la région de Kanto, ont probablement lu les paroles d'or,
"Maintenant, ... en rejetant sincèrement les enseignements
provisoires,
Réponse
à Sairen-bo (Sado,
le 13 avril 1272, à Sairenbo Nichijo)
L'école Shingon s'appuie sur les sutras Vairocana*, Kongocho* et Soshitsuji*.
On les appelle les trois sutras
de Vairocana. Ils furent introduits par les Savants-maîtres* Shubhakarasimha* et Vajrabodhi* sous le règne de l'empereur Xuan-Zong.
Ce dernier éprouvait le plus grand respect pour ces sutras, et
les considérait comme supérieurs aux enseignements des
écoles Tendai et Kegon.
A ses yeux, ils dépassaient aussi les enseignements Hosso et Sanron.
La voix pure et
portant loin (Sado,
septembre 1272, à Shijo Kingo)
Après
la venue de Zhiyi* et de Saicho*,
de nombreux bouddhistes connurent le principe d'ichinen
sanzen grâce à l'enseignement de ces deux sages.
Parmi eux se trouvaient Jiaxiang de l'école Sanron ; plus
de cent moines des trois écoles
du Sud et des sept écoles du Nord, Fazang et Qingliang de l'école Kegon, Xuanzang et Cien de l'école Hosso ; Shubhakarasimha*, Vajrabodhi* et Amoghavajra* de l'école Shingon ; et Dao-xuan de l'école Ritsu. D'abord,
tous s'opposèrent à Zhiyi*,
mais plus tard, ils acceptèrent totalement ses enseignements.
Le
véritable objet de vénération (Sado,
avril 1273 à Toki Jonin)
Du vivant
du Bouddha, ainsi que pendant les deux mille ans des époques du Dharma correct et du Dharma
formel [qui suivirent sa disparition], il n'y eut que trois pratiquants du Sutra du Lotus. Le Bouddha Shakyamuni lui-même, Zhiyi* et Saicho*.
[Les autres, ] Shubhakarasimha (Shan-wu-wei) et Amoghavajra* de l'école Shingon, Dushun et Zhiyan de l'école Kegon,
ainsi que les maîtres des écoles Sanron et Hosso interprétèrent
tous les phrases du Sutra du Vrai Dharma pour les concilier avec
le sens des sutras provisoires.
Le pratiquant
du Sutra du Lotus rencontrera des persécutions (Sado, 14
janvier 1274 à Toki Jonin, Shijo Kingo, Kawanobe et Yamato Ajari)
Les écoles Kusha, Jojitsu, Ritsu disent : « Les explications du Bouddha sont dans les quatre Agon et dans les Préceptes, le Kegonkyo* et le Sutra du Lotus* ne sont pas des explications du Bouddha, ce sont des livres de non-bouddhistes », etc. Les patriarches de ces écoles furent Dushun, Zhiyan, Fazang, Cheng-guan (de l'école Kegon), Xuanzang, Cien (de l'école Hosso), Jizang, Daolang (de l'école Sanron), Shubhakarasimha, Vajrabodhi, Amoghavajra (de l'école Shingon), Daoxuan, Jian-zhen* (de l'école Ritsu), Tanluan, Daochuo, Shandao (de l'école Jodo), Bodhidharma, Huiko (de l'école Zen).
Traité sur l'essentiel du Lotus (Minobu, le 29 juin 1274, à Toki Jonin)
Et poursuivez en leur demandant : "Connaissez-vous la supercherie
utilisée par Shubhakarasimha* et Vajrabodhi* ? "
Expliquez-leur ensuite de quelle manière Shubhakarasimha* trompa le moine Yixing et lui
fit écrire un commentaire du Sutra Vairocana* (note). Bien qu'il n'y ait pas, dans le Sutra Vairocana*, la
plus petite allusion au principe d'ichinen
sanzen, lorsque Shubhakarasimha* introduisit ce sutra en Chine, il prétendit mensongèrement
qu'il s'y trouvait. Quant à la pire de leurs distorsions, demandez-leur : "Existe-t-il un seul passage, dans l'enseignement de quelque bouddha
que ce soit, parmi tous ceux qui apparurent dans les trois
phases de la vie, qui autorise à piétiner le front
des bouddhas (note) ? "
[...] Rien n'est
plus concluant que la preuve actuelle. Voyez l'horrible mort de Shubhakarasimha* et de Yixing, et les conditions
dans lesquelles sont morts Kukai* et Ennin*.
Auraient-ils pu mourir ainsi s'ils avaient été des pratiquants
du Dharma correct ?
[...] Yixing a écrit un commentaire absurde du Sutra Vairocana*], Shubhakarasimha* en répétant les mensonges de Kukai* a qualifié le Sutra du Lotus de théorie puérile.
Enseignement,
pratique et preuve (Minobu, 1274
? à Sammi-bo)
Les prêtres du Shingon rapportent tous que les trois Maîtres
du Tripitaka (sanzo), nommés Shubhakarasimha*, Vajrabodhi* et Amoghavajra*,
sont les cinquièmes ou sixièmes propagateurs de l’enseignement
de Vairocana et qu’ils
sont les précurseurs de l’enseignement promettant la bodhéité
sans changer d'apparence (sokushin jobutsu). Ils sont cependant, à
mes yeux, les instigateurs du vol d'enseignement ainsi que les auteurs
de ce vol.
[...] A son arrivée en Chine, Shubhakarasimha*, après avoir consulté les trente fascicules qui constituent
les trois œuvres principales du Grand-maître* Zhiyi*,
tel le Maka Shikan,
resta bouche bée d’admiration et se dit : "Le Sutra Vairocana* ne parvient pas au niveau du Sutra du Lotus. Il est donc impossible
d’en répandre les enseignements en Chine. Je ne peux prétendre
que le Sutra Vairocana* est supérieur, car il serait alors évident que je suis un
menteur.
[...] Après avoir médité, Shubhakarasimha* conçut finalement un énorme mensonge. Il soutint que les
trente et un chapitres du Sutra Vairocana* correspondaient aux vingt-huit chapitres du Sutra du Lotus plus
les trois chapitres du Sutra
des Sens Infinis (Muryogi-kyo),
et qu'en ce qui concerne la triple pratique (action, parole, pensée),
la pratique mentale du Sutra Vairocana* était
identique à celle du Sutra du Lotus, mais que le Sutra
du Lotus faisait l'impasse sur les pratiques corporelle et verbale
(mudra et mantra).
Faisant passer le Sutra du Lotus pour une version abrégée
du Sutra Vairocana*, Shubhakarasimha* maintint que ce dernier n’appartenait à aucune catégorie
de sutras enseignés avant, pendant et après le Sutra
du Lotus. Ainsi, Shubhakarasimha* se prononça ingénieusement partisan du Sutra du Lotus afin de se soustraire aux critiques de ceux pour qui ce Sutra prouvait de lui-même sa supériorité sur tous les autres
sutras, qu'ils aient été transmis avant, en même temps
ou après le Sutra du Lotus. Mais à force de proclamer
que le Sutra Vairocana* était supérieur, parce qu’il enseignait les mudra et les mantra
dharani*,
alors que le Sutra du Lotus ne le faisait pas, Shubhakarasimha* finit par calomnier ce dernier pour fonder l’école Shingon. Le gros mensonge de Shubhakarasimha* est comparable au comportement des trois
épouses impériales de l’ancienne Chine qui anéantirent
les derniers rois des dynasties Yin, Xia et Zhou.
Le Bouddha prédit, dans le fascicule IX du Sutra
du Nirvana, (épilogue du Sutra
du Lotus) : "Après mon trépas des moines malveillants
détruiront mon Véritable Dharma, tout comme la déchéance
d'un pays a été provoquée par une simple femme."
Le Bouddha devait faire référence au mensonge de Shubhakarasimha*. Par voie de conséquence, au moment de sa mort,
le Maître-du-tripitaka, Shubhakarasimha*,
fut ligoté par les sept chaînes de fer du roi Yama.
D'après sa biographie, il revint à la vie mais toute sa
peau était devenue noire et lui-même était totalement
décharné. Son corps montra l’apparence de l’enfer avici, tel qu’il est décrit
dans les textes sacrés. Il est clairement énoncé
dans ceux enseignés durant la vie du Bouddha que le noircissement
du corps au moment de la mort prédit que le défunt tombera
dans l’enfer des souffrances incessantes. L’apparence de Shubhakarasimha* à sa mort était exactement conforme aux paroles du sutra.
[...] Nous pouvons donc préjuger du sort de ses deux successeurs, les
Maîtres-du-tripitaka Vajrabodhi* et Amoghavajra*,
après leur mort. Ils ont eu l’air de se repentir dans les
dernières années de leur existence, mais ne s’étant
pas excusés du plus profond de leur cœur, ils n’ont
pas été à même d’éviter de tomber
en enfer. Aujourd’hui, les moines shingon ignorent ce qui s’est réellement passé. Quand ils
apprendrons l’énorme mensonge de Shubhakarasimha*,
ils comprendront immédiatement pourquoi l’empereur Xuanzong perdit son trône à l’ère Tang dans une Chine
qui avait foi en les Maîtres-du-tripitaka. Au Japon, des prêtres tels que Kukai*, Ennin* et Enchin, sans parler des autres
prêtres shingon, transmirent la doctrine erronée du bouddhisme shingon,
propagé par Shubhakarasimha* et d’autres, sans savoir que ceux-ci étaient des diffamateurs du Véritable Dharma. Pendant un temps, les bouddhistes shingon du Japon se querellèrent avec ceux de l'école Tendai-Hokke.
[...] Ces Grands-patriarches du Mont Hiei transmirent tels quels les enseignements ésotériques de maîtres shingon tels que Shubhakarasimha*, Vajrabodhi*, Amoghavajra*, Ennin* et Enchin. Tout comme une même
eau dans différents récipients, ils étaient de nom
prêtres tendai mais restaient de fait des prêtres shingon.
Souverains de notre
pays (Minobu,
février, 1275)
Si la source
est souillée, le courant ne peut être pur ; si le corps
est courbé, l'ombre ne peut être droite. Shubhakarasimha* et les autres fondateurs de l'école Shingon étaient destinés à tomber en enfer.
Peut-être certains d'entre eux se sont-ils repentis à temps
pour y échapper.
Lettre au nyudo
d'Ichinosawa (Minobu,
le 8 mai 1275, à l'épouse du nyudo d'Ichinosawa)
Sous le
règne de l'impératrice Gensho, quarante-quatrième souverain, un moine venu d'Inde, du
nom de Shubhakarasimha*,
introduisit le Sutra Vairocana* au Japon
mais retourna en Chine où il résidait sans l'avoir propagé.
[...] Question : Tout cela est peut-être vrai pour les traducteurs qui vécurent
à l'époque de Kumarajiva et avant, mais pourquoi ceux qui vécurent après lui, comme Shubhakarasimha* et Amoghavajra*,
auraient-ils, eux aussi, commis des erreurs ? Réponse : Pour ce qui est des traducteurs qui vécurent après lui,
si leur langue a brûlé lors de leur incinération,
c'est la preuve qu'ils avaient commis des erreurs. Ainsi, l'école Hosso fut un temps florissante
au Japon. Mais le Grand-maître* Saicho* l'a réfutée en faisant remarquer que, si la langue de Kumarajiva n'avait pas brûlé,
celle de Xuanzang et celle de Cien avaient été
réduites en cendres avec le reste de leur corps. Impressionné
par cet argument, l'empereur Kammu se convertit à l'école Tendai-Hokke.
[...] Les Maîtres
de doctrine* en Inde ne parvinrent jamais à saisir la vérité
inhérente au Sutra du Lotus. Les maîtres antérieurs
à Zhiyi* en Chine ont été tantôt trop loin [ayant perçu
eux-mêmes cette vérité, ils ne dirent pas qu'elle
se trouvait dans le Sutra du Lotus], tantot pas assez loin
[pour arriver à cette réalisation]. Quant à [des
personnages des époques ultérieures tels que] Cien, Fazang et Shubhakarasimha* étaient
capables de prétendre que l'est était l'ouest, et de faire
passer le ciel pour la terre.
[...] 2 Sous le règne de l'empereur Xuanzang, de la dynastie
Tang, Shubhakarasimha*, Vajrabodhi*,
et Amoghavajra* ont apporté les sutras Vairocana*, Kongocho* et Soshitsuji* d'Inde et les ont introduits en Chine. Les enseignements de ces trois
sutras sont très clairement énoncés. Si nous en
recherchons le principe essentiel, nous voyons qu'il consiste à
réunir les deux Véhicules et à les remplacer par
le Véhicule unique de l'état de bodhisattva, à
réfuter les Deux Véhicules pour révéler
le Véhicule unique de l'état de bodhisattva. Et la caractéristique
de cette école est la pratique des mudra et des mantra dharani*.
[...] 2 Shubhakarasimha* comprit sans doute que s'il exposait, tels quels, les enseignements
énoncés dans ces sutras, il serait ridiculisé par
les adeptes des écoles Kegon et Hosso et deviendrait la risée
de l'école Tendai. Mais,
comme il avait pris la peine de les apporter d'Inde, il aurait sans
doute trouvé regrettable de ne pas les enseigner. A cette
époque, il y avait, dans l'école Tiantai, un Maître de méditation du nom de Yixing, un homme sans
droiture. Shubhakarasimha* alla le trouver et lui demanda des explications sur les principes bouddhiques
enseignés en Chine. L'acarya Yixing, se trompant sur ses véritables
motifs, non seulement révéla à Shubhakarasimha* les principes de base des écoles Sanron, Hosso et Kegon,
mais lui expliqua aussi ceux de l'école Tiantai.
[...] 2 Le Bouddha déclara qu'aucun
sutra enseigné par la suite ne pourrait supplanter le Sutra
du Lotus. Dans le passage du chapitre chapitre Hosshi* (X) où le Sutra du Lotus est comparé à d'autres
sutras exposés à la même époque, la supériorité
du Sutra du Lotus est aussi établie. Yixing demanda donc à Shubhakarasimha* dans quelle catégorie il fallait placer le Sutra Vairocana* : dans celle
des sutras enseignés avant le Sutra du Lotus, à
la même époque ou après ? Shubhakarasimha* eut alors une idée extrêmement rusée. "Le Sutra Vairocana*, expliqua-t-il
à Yixing, commence par
un chapitre appelé Jushin. De même que le Sutra
Muryogi réfute tous les sutras enseignés pendant
les quarante et quelques années précédentes, ce
chapitre Jushin rend périmés tous les autres sutras. Les
chapitres qui suivent, du chapitre Nyumandara jusqu'à la fin
du Sutra Vairocana*, ont été
présentés en Chine comme deux versions distinctes, le Sutra du Lotus et
le Sutra Vairocana*, mais en
réalité, en Inde, ils constituaient un sutra unique.
[...] 2 L'acarya Yixing écrivit tout cela
fidèlement, comme Shubhakarasimha* le lui avait dicté. L'enseignement
théorique* du Sutra du Lotus fut adressé à Shariputra et l'enseignement essentiel*,
à Maitreya. Dans les
360 provinces de Chine, personne ne découvrit ce subterfuge.
Au début, il y eut quelques polémiques sur les mérites
relatifs des écoles Tiantai et Shingon. Mais Shubhakarasimha* était une personne qui inspirait un grand respect et
les moines de l'école Tiantai avaient moins de poids que lui. De plus, à cette époque,
il n'y avait pas de moine aussi sage que l'avait été le
Grand-maître* Zhiyi*.
Ainsi, de jour en jour, l'école Tiantai perdit du terrain et la domination du Shingon ne fut plus contestée.
[...] 2 Mais il
comprit que, s'il se contentait de l'affirmer, comme le faisaient les
maîtres de l'école Kegon, personne ne le croirait. C'est
pourquoi il modifia à sa manière le raisonnement du Kegon (note) en disant : "Je propage en réalité
la véritable doctrine contenue dans le Sutra Vairocana*, dans le Bodaishin Ron du bodhisattva Nagarjuna et dans l'enseignement
du maître du Shingon Shubhakarasimha*",
consolidant ainsi sa position à grand renfort de mensonges absurdes.
Mais, malgré cela, les moines de l'école Tendai n'ont pas su fermement le contredire.
[...] 2 De retour
au Japon, Ennin* fit construire le Soji-in, au Mont Hiei,
dans la région Todo, une
grande salle de pratique, à l'ouest du Shikan-in, dans laquelle
il fit enchâsser comme objet de culte une image du bouddha Vairocana* du Monde de diamant. Devant cette
image, en s'inspirant des commentaires de Shubhakarasimha* sur le Sutra Vairocana*, il écrivit
sept volumes de commentaire sur le sutra Sutra Kongocho*, et sept volumes de commentaires sur le Soshitsuji*,
soit au total quatorze volumes.
[...] 2 Ces deux enseignements sont donc
aussi différents que le ciel de la terre ou que les nuages de
la boue. De plus, Ennin* soutient qu'il ne s'agit pas là de son point de vue personnel
mais que c'est la thèse centrale avancée par l'éminent Shubhakarasimha* dans ses commentaires sur le Sutra Vairocana*.
[...] 2 Si les
prédictions du Bouddha doivent se vérifier, il semblerait
alors que ce seront les moines des dix ou des huit écoles bouddhiques
qui réduiront en cendres le Mont Sumeru du bouddhisme. Dans le coeur des moines des écoles du Hinayana, Kusha, Jojitsu et Ritsu s'allumera la flamme de
la jalousie à l'encontre des moines du Mahayana.
Et des moines tels que Shubhakarasimha*,
de l'école Shingon, San-jie,
de l'école Zen et Shandao de l'école Jodo sont des
moines parasites nés dans ce corps de lion qu'est l'enseignement
du Bouddha.
[...] 2 Ceux qui croient dans le Sutra Vairocana*, de l'école Kegon, sont les bodhisattvas Kongosatta, Nagarjuna, Nagabodhi,
le roi Satavahana, les Savant-maître* Shubhakarasimha* (Shan-wu-wei), Vajrabodhi* et Amoghavajra*,
les empereurs Xuanzong et Taizong,
le moine Huiguo et
les Grands-maîtres Kukai* et Ennin*.
Et ceux qui révèrent le Sutra
du Nirvana sont le bodhisattva Kasho
Doji, les cinquante-deux sortes
d'êtres, le Savant-maître* Dharmakshema, Fa-yun du temple Guangzhe-si et les
dix moines éminents (note) des trois écoles de la Chine
du Sud et des sept écoles de la Chine du Nord, ont eux aussi
suivi d'autres sutras que le Sutra du Lotus.
[...] 2 Cela correspond
tout à fait à la situation à laquelle je suis aujourd'hui
confronté. N'être qu'une personne ordinaire et dire, comme
le fait Nichiren, que les Grands-maîtres Kukai*, Ennin*, Shubhakarasimha*, Vajrabodhi*, Amoghavajra* et leurs semblables sont les Grands
ennemis du Sutra du Lotus, et affirmer que, si le Sutra est véridique, ils sont sans aucun doute tombés dans l'enfer avici, est un acte extrêmement
difficile. Il serait plus facile de pénétrer sans vêtements
dans des flammes furieuses, de saisir d'une main le Mont Sumeru et de le lancer dans les airs ou de traverser l'océan avec un
grand rocher sur le dos que de faire ce que j'ai fait.
Le choix en
fonction du temps (Minobu, 10 juin 1275
; adressé à Yui)
Le Maître
du tripitaka Shubhakarasimha* se rendit d'Inde en Chine sous le règne de l'empereur des Tang, Xuan-Zong. Il régnait
alors une grande sécheresse et Shubhakarasimha* reçut l'ordre de conduire des prières pour la pluie. Il
réussit à provoquer une forte pluie et, par conséquent,
tout le monde, de l'empereur aux gens du peuple, se réjouit grandement.
Peu après cependant, un grand vent commença à souffler,
causant des ravages dans tout le pays, et l'enthousiasme fut de courte
durée.
[...] Quand Shubhakarasimha*, Vajrabodhi* et Amoghavajra* prièrent pour la pluie, elle tomba, mais accompagnée de
vents violents. Vous devriez vous interroger sur la raison de ce phénomène.
On est parvenu parfois à faire tomber la pluie même en
faisant appel à des enseignements non bouddhiques, y compris
le taoïsme, qui ne méritent
même pas d'être réfutés ici. Par conséquent,
en pratiquant des enseignements bouddhiques, même s'il ne s'agit
encore que de ceux du Hinayana,
comment pourrait-on ne pas faire tomber la pluie ?
[...] Quant au fait que
le Grand-maître* Kukai* ne sut pas faire tomber la pluie même au bout de vingt et un jours
de prières, tout en s'appropriant indûment le mérite
de la pluie tombée grâce aux prières de l'empereur,
cela montre que [ce Grand-maître* ] était encore plus
gravement dans l'erreur que Shubhakarasimha* et les autres.
[...] L'effondrement de la Chine, tout comme l'inévitable
chute de ses habitants dans les mauvaises voies, résultent également
des erreurs de Shubhakarasimha*, Vajrabodhi* et Amoghavajra*.
La prière pour
la pluie des trois maîtres du Tripitaka (Minobu,
22 juin 1275 au nyudo Nishiyama)
J'ai étudié
de manière approfondie les sutras Vairocana*, Kongocho*, Soshitsuji* et autres sur lesquels s'appuie l'école Shingon,
mais je n'ai rien trouvé dans ces écrits qui justifie l'affirmation
qu'ils sont supérieurs au Sutra du Lotus. Cette affirmation
ne fait que reprendre la conception erronée défendue par Shubhakarasimha*, Vajrabodhi*, Amoghavajra*, Kukai*, Ennin*, Enchin et d'autres. Maintenant,
plus que jamais, je comprends que la Véritable intention des bouddhas
Shakyamuni et Vairocana* était
de placer le Sutra du Lotus au-dessus de tous les autres sutras.
Quand Kukai*,
fondateur de l'école Shingon au Japon, ainsi que Ennin* et Enchin, se rendirent en Chine
[sous la dynastie Tang], Huiguo et Faxian leur léguèrent
les principes erronés d'abord défendus par Shubhakarasimha*, Vajrabodhi* et Amoghavajra*.
La Guérison
des Maladies Karmiques (Minobu,
3 novembre 1275, à Ota Jomyo)
Le moine Shubhakarasimha* fut pendant un certain temps roi d'Udyana en Inde. Il renonça à son trône, devint moine,
et au cours de sa pratique bouddhique visita plus de cinquante régions
de l'Inde, jusqu'à maîtriser tous les enseignements
ésotériques et exotériques du bouddhisme. Plus tard il s'en alla en Chine, et devint le précepteur
de l'empereur Xuan-Zong. Tous
les moines du Shingon, tant
en Chine qu'au Japon, sont depuis devenus ses disciples. En dépit
d'une vie si noble, il mourut subitement, tourmenté par Yama,
le roi des enfers, sans que personne ne sache pourquoi. Nichiren
considère que cela se produisit parce que Shubhakarasimha* était à l'origine un pratiquant du Sutra du Lotus ; mais quand il lut le Sutra Vairocana* il déclara
que ce dernier lui était supérieur.
[...] Puis les moines Jizang et Seng-quan incitèrent habilement les croyants du Sutra du Lotus à retomber dans les sutras Hannya*. Xuan-zang et Cien les conduisirent vers le Sutra
Jimmitsu*,
tandis que Shubhakarasimha*, Vajrabodhi*, Amoghavajra*, Kukai*, Ennin* et Enchin les abusèrent
en leur faisant suivre le Sutra Vairocana*. Bodhidharma et Huiko les firent s'égarer
dans l'enseignement du Zen, tandis
que Shandao et Honen les incitèrent à croire au Sutra
Kammuryoju. Dans chaque cas, le Démon
du sixième Ciel avait pris possession de ces éminents
bouddhistes, afin de tromper les croyants.
Lettre aux Frères (Minobu, 16 décembre 1275 aux
frères Ikegami)
Sous le
règne du quarante-quatrième souverain, l'impératrice
Gensho, un religieux
venu d'Inde [Shubhakarasimha*] introduisit le Sutra Vairocana* ; et, à l'époque du quarante-cinquième souverain,
l'empereur Shomu, le moine Ganjin,
venu de Chine, introduisit l'école Ritsu au Japon. Il apportait aussi avec lui des exemplaires du Hokke
Gengi, du Hokke Mongu*,
du Maka Shikan, du
Jomyo Sho, et d'autres ouvrages de l'enseignement de Zhiyi*.
Mais il ne propagea pas l'enseignement des écoles Shingon et Hokke.
[...] Des hommes
comme Dushun et Fa-zang ont lu le Sutra du Lotus en se fondant sur le Sutra
Kegon* et le Jujubibasha Ron. Shubhakarasimha*, Vajrabodhi* et Amoghavajra* ont lu le Sutra du Lotus en prenant le Sutra Vairocana* pour
base.
Lettre à
Myomitsu Shonin (Minobu,
le 5ème jour du 3ème mois intercalaire 1276 à Myomitsu)
Cependant,
quelque deux cents ans ou plus après l'époque de Zhiyi* Shubhakarasimha*, Vajrabodhi* et Amoghavajra* ont fondé l'école que l'on appelle Shingon en s'appuyant sur le Sutra Vairocana*. Et
bien que ce principe n'apparaisse nulle part dans le Sutra Vairocana*, ils
volèrent le principe d'ichinen
sanzen dans le Sutra du Lotus, et les commentaires
qu'en avait fait Zhiyi*,
pour en faire le coeur de l'école Shingon.
De plus ils prétendirent que ce principe était originaire
d'Inde, et ainsi ils abusèrent les lettrés de Chine et
du Japon des époques ultérieures. Ignorant la vérité
en la matière, tous acceptent et croient les affirmations de
l'école Shingon.
Cela dure maintenant depuis plus de cinq cents ans.
La consécration
d'une statue du bouddha (Minobu, le 15
juillet 1276 à Shijo Kingo)
Il y a des hommes tels
que Dushun, Zhiyan, Fa-zang et Cheng-guan de l'école Kegon ; Xuanzang, Cien, Zhizhou et Enchin de l'école Hosso; Xinghuang [Falang] et Jizang de l'école Sanron ; Shubhakarasimha*, Vajrabodhi*, Amoghavajra*, Kukai*, Ennin* et Enchin de l'école Shingon ; Bodhidharma, Huiko et Huineng de l'école Zen ; et Daochuo, Shandao, Huiguan et Genku [Honen] de l'école Jodo. En s'appuyant sur les sutras
et les traités de son école respective, chacun de ces
maîtres proclame : "Notre école a compris les
multiples sutras, notre école a saisi le sens le plus profond
des enseignements du Bouddha."
[...] Pourtant, des hommes réputés
pour leur sagesse, considérés comme de Grands-maîtres,
et des lettrés éminents tels que Cheng-guan,
de l'école Kegon, ou Shubhakarasimha*, Vajrabodhi*, Amoghavajra*, Kukai*, Ennin* et Enchin, de l'école Shingon,
proclament que les sutras Kegon* et Vairocana* sont
supérieurs au Sutra du Lotus. Il ne m'appartient pas
d'être juge en ce domaine mais, à la lumière des
principes les plus élevés du bouddhisme, de tels hommes
ne semblent-ils pas les ennemis jurés du Bouddha ? Ils sont
plus malfaisants encore que Devadatta et Kokalika.
[...] Puis, sous le règne
de l'empereur Xuan-Zong, le Savant-maître* Shubhakarasimha* voyagea jusqu'en Inde et rapporta les sutras Vairocana* et Soshitsuji*.
Plus tard, le Savant-maître* Vajrabodhi* introduisit le Sutra Kongocho*.
[...] Après la mort de Shubhakarasimha* et de Vajrabodhi*, Amoghavajra* fit un voyage en Inde et rapporta en Chine un traité appelé Bodaishin Ron, et
l'école Shingon exerça
une influence encore plus grande.
[...] Venons-en maintenant à
l'école Shingon. Elle
fut introduite [en Chine] par Shubhakarasimha* sous le règne du 44e souverain, l'impératrice Gensho.
Il amena le Sutra Vairocana au Japon mais retourna en Chine sans le propager. Gembo rapporta de Chine le Dainichikyo
Gishaku (Commentaire
sur la signification du Sutra Vairocana) en quatorze volumes et le précepteur Tokusei, du Todai-ji,
fit de même.
[...] Le Grand-maître* Saicho*,
cependant, réalisa qu'il s'agissait là d'une erreur de
la part de Shubhakarasimha*,
et comprit que le Sutra Vairocana* était
inférieur au Sutra du Lotus. C'est pourquoi il renonça
à établir une huitième école fondée
sur les enseignements shingon et préféra les incorporer aux enseignements de la septième
école du Japon, l'école Hokke,
après leur avoir retiré le nom de Shingon-shu.
[...] Après la mort de Shubhakarasimha* et de Vajrabodhi, le Savant-maître* [de l'école Shingon] Amoghavajra* se rendit en Inde où il rencontra le bodhisattva Nagabodhi.
Nagabodhi lui apprit qu'il n'existait pas en Inde de commentaires ou
de traités énonçant clairement la volonté
du Bouddha, mais qu'il se trouvait en Chine un traité, oeuvre
d'un nommé Zhiyi*,
qui permettait à tous de distinguer clairement les enseignements
corrects de ceux qui ne l'étaient pas, et de saisir la différence
entre doctrines complètes et incomplètes.
[...] A son arrivée,
il [Kukai] fit la connaissance du moine Huiguo,
dont le maître appartenait à la troisième génération
de la lignée Shingon,
commencée par Shubhakarasimha* et Vajrabodhi. De Huiguo,
il reçut la transmission des deux
mandala du Shingon. Il rentra
au Japon le vingt-deuxième jour du dixième mois de la
deuxième année de l'ère de Daido (807).
[...] Cette position était totalement en accord avec l'opinion exprimée
par Shubhakarasimha*, Vajrabodhi* et Amoghavajra* dans leurs commentaires du Sutra Vairocana* Vajrabodhi* et Amoghavajra* souscrivirent également aux opinions de Shubhakarasimha* telles qu'elles sont exprimées dans ce traité." (note) Est-ce parce
qu'un doute persistait encore dans l'esprit d'Ennin*,
ou parce que, n'ayant plus de doutes lui-même, il souhaitait éliminer
ceux des autres ?
[...] De plus,
il compara le patriarche Amoghavajra* et les autres au peuple ignorant de l'Etat de Lu. S'il avait réellement
approuvé les enseignements Shingon formulés par Shubhakarasimha*, Vajrabodhi* et Amoghavajra*,
pourquoi les aurait-il ainsi comparés au peuple de Lu ? Et si les enseignements Shingon,
originaires de l'Inde, étaient équivalents ou supérieurs
à ceux de l'école Tendai,
pourquoi l'éminent moine en Inde aurait-il posé à Amoghavajra* des questions sur Zhiyi* et affirmé que le Dharma correct avait disparu d'Inde ?
[...] Ils suivirent ses instructions concernant
la pratique et les rituels de leur école, mais ils ne purent
jamais accepter ses théories [concernant les mérites relatifs
des différents sutras]. Ils leur substituèrent les principes
de Shubhakarasimha*, Vajrabodhi*, Amoghavajra*, Ennin* et Enchin. Ce sont les enseignements
de Ennin* et Enchin qui affirment que les
écoles Shingon et Tendai sont équivalentes du point de vue théorique, et tout le
monde l'a admis.
[...] Cheng-guan de l'école Kegon, et Shubhakarasimha* de l'école Shingon, ont
déclaré tous deux que le Sutra du Lotus et le Sutra Vairocana* révélaient
le même principe. Si l'on condamne Jizang pour cette affirmation, il est bien difficile que Shubhakarasimha* échappe à la même condamnation. Shubhakarasimha*,
dans sa jeunesse, fut le roi d'un pays du centre de l'Inde. Il renonça
au trône et parcourut d'autres pays où il rencontra deux
hommes, Shusho et Shodai, qui lui enseignèrent le Sutra du
Lotus (note).
[...] Ultérieurement,
lorsqu'il mourut bel et bien, ses disciples se rassemblèrent
autour de son lit de mort, et vantèrent la beauté de ses
derniers moments, mais en fait, il était tombé dans la
grande citadelle de l'enfer avici.
Vous vous demandez peut-être comment je peux le savoir ? Je répondrai que, dans sa biographie, on lit : "Ceux qui
observèrent les restes de Shubhakarasimha* virent son cadavre se racornir, sa peau noircir et ses os saillir."(réf.) Les disciples de Shubhakarasimha* ne comprirent peut-être pas que cela indiquait qu'il était
tombé, après sa mort, dans le monde de l'enfer, mais s'imaginèrent
qu'il avait eu la mort que méritaient ses vertus. Pourtant, l'auteur
de sa biographie dénonce bien les erreurs de Shubhakarasimha* en observant que son corps avait rétréci et sa peau noirci
en laissant apparaître ses os. D'après les paroles
d'or du Bouddha lui-même, avoir une peau qui noircit après
la mort est une caractéristique dénotant qu'une personne
tombera en enfer. Pour quelle raison Shubhakarasimha* fut-il ainsi condamné à l'enfer ?
du
Lotus (note).
[...] Le fait que, en Inde, en
Chine, au Japon et dans d'autres régions du monde, le Shingon ait été transmis, et que de nombreux adeptes prient en
agitant des clochettes, n'est-il pas le fruit des vertus de cet homme ? Ceux qui se préoccupent de leur destin après la mort devraient
bien réfléchir aux raisons pour lesquelles Shubhakarasimha* tomba en enfer.
[...] Il y eut aussi Vajrabodhi*,
fils d'un souverain du sud de l'Inde. Il introduisit le Sutra Kongocho* en Chine, et ses mérites étaient comparables
à ceux de Shubhakarasimha*.
Lui et Shubhakarasimha* furent en quelque sorte à la fois maître et disciple l'un
pour l'autre.
[...] Amoghavajra* accompagna Vajrabodhi* en Chine. Mais ces événements ayant peut-être suscité
chez lui quelques doutes, il retourna en Inde après la mort de Shubhakarasimha* et de Vajrabodhi* afin d'étudier à nouveau le Shingon,
cette fois, sous la direction de Nagabodhi.
Plus tard, il se convertit aux enseignements de l'école Tiantai. Mais, s'il adhéra à ces enseignements dans son coeur,
il n'en manifesta rien en apparence.
[...] Ainsi, les enseignements erronés de Shubhakarasimha*,
de Vajrabodhi* et d'Amoghavajra* ont été transmis sans la moindre altération. Vraiment,
quelle étrange coïncidence !
Traité
sur la dette de reconnaissance (Minobu,
le 21 juillet 1276, à Joken-bo et Gijo-bo)
Qui plus est, le moine shingon Kakuban, dans son ouvrage le Shariko-shiki, déclare que le Bouddha Shakyamuni, qui
exposa la doctrine suprême du Sutra du Lotus, n'était
pas digne de porter les sandales d'un moine shingon. Hoin, du temple d'Amida, est
disciple des moines qui professèrent ces hérésies.
Si un tel moine l'emportait sur moi, les rois-dragons,
en exauçant sa prière, deviendraient les ennemis du Sutra
du Lotus et seraient punis par Bonten, Taishaku et les quatre grands Rois du Ciel. Cela cache sûrement
quelque chose.""Et
quoi donc ? " ont demandé mes disciples avec un sourire
ironique. J'ai répondu : " Shubhakarasimha* et Amoghavajra* (note) parvinrent tous deux par leurs prières à faire tomber
la pluie, mais, d'après les chroniques, elle fut aussi suivie
de grands vents. Quand Kukai* pria pour la pluie, elle ne tomba qu'au bout de trois semaines ; en l'occurrence,
on pourrait dire que cela n'avait rien de mystique, que ses prières
n'y étaient pour rien. Il était normal qu'il pleuve, dans
une région où il est rare de connaître vingt et
un jours consécutifs sans pluie. Par contre, ce qui est véritablement
probant, c'est de voir que les prières pour la pluie de Zhiyi* et de Senkan furent immédiatement
exaucées. C'est pourquoi je persiste à dire que quelque
chose se produira également dans le cas de Hoin."
[...] Je répondrai en disant : "Si ce
n'est pas Nichiren, qui d'autre désignerez-vous comme le Pratiquant
du Sutra du Lotus ? Honen,
qui a encouragé le peuple à abandonner ce Sutra ? Kukai*,
qui a accusé Shakyamuni d'être encore dans l'obscurité ? Shubhakarasimha* ou Ennin*,
qui ont tous deux professé que le Sutra
Vairocana* et le Sutra
du Lotus sont égaux en théorie, mais que le Sutra
Vairocana* est supérieur
du point de vue de la pratique ? Les appelleriez-vous des Pratiquants
du Sutra du Lotus ?
Sur le comportement
du Bouddha (Minobu,
1276, à Konichi-ama)
C'est probablement
ce qui est arrivé à deux hommes éminents d'un passé
relativement récent, les grands maîtres Ennin* et Enchin de l'école Tendai.
Ils se sont opposés aux enseignements de Zhiyi* et de Saicho*,
qui étaient pourtant leurs bons amis bouddhiques, et leur ont
préféré de mauvais
amis comme Shubhakarasimha* et Amoghavajra*.
Et de nombreux maîtres de notre époque se sont laissés
tromper par l'introduction de l'ouvrage de Genshin* Ojo yoshu (L'Essentiel pour renaître dans la Terre pure), qui les a conduits à perdre le véritable
esprit de recherche. Ils se sont détournés du Sutra
du Lotus pour aller vers les enseignements
provisoires liés au culte d'Amida.
[...] Mais d'où
vient que des maîtres de l'école Tendai rejettent ce principe qui établit que "plus un enseignement
est élevé, plus faible est le niveau [des personnes qu'il
peut sauver] et lui préfèrent les interprétations
du supérieur des moines Genshin* ? Vous pourrez étudier plus tard les doctrines de Shubhakarasimha*, Vajrabodhi* et Amoghavajra*,
de Ennin* et de Enchin. Mais cette question-là
est de la plus grande importance, il n'y en a pas de plus essentielle
au monde. Ceux qui ont l'esprit de recherche devraient écouter
ce que je dis. Après quoi, ils pourront rejeter les principes
qui leur sembleront erronés.
[...] Non seulement ils dépassent le plus haut niveau des quatre
saveurs ou des trois enseignements,
et l'étape à laquelle on pouvait parvenir par la pratique
de l'enseignement parfait* exposé dans les sutras
antérieurs au Sutra du Lotus, mais ils surpassent
des millions et des milliards de fois les fondateurs du Shingon et des diverses autres écoles du bouddhisme - Shubhakarasimha*, Zhiyan, Cien, Jizang, Daoxuan, Bodhidharma et Shandao.
Les
Quatre Etapes de la foi (Minobu ; 10 avril 1277 ( ? )
à Toki Jonin)
Pour ce qui est du Sutra Vairocana*, Shubhakarasimha*, Amoghavajra* et Vajrabodhi* ont déclaré que, sur le plan des principes, le Sutra Vairocana* et le Sutra du Lotus étaient
identiques, mais que, par rapport aux mudra et aux mantra dharani*,
le Sutra du Lotus est inférieur. Par contre, les moines
chinois Liangxu, Guanxiu et Weijuan ont déclaré
que le Sutra Vairocana* ne pouvait
pas soutenir la comparaison avec le Sutra
Kegon*,
le Sutra du Lotus ou le Sutra
du Nirvana, mais n'était qu'un sutra entrant dans la catégorie Hodo.
[...] Nichiren,
après réflexion, voudrait dire ceci : le Sutra Vairocana* fait
partie des traductions les plus récentes (note) et fut transmis en
Chine par le Savant-maître* Shubhakarasimha* d'Inde, sous le règne de l'empereur Xuanzong de la dynastie des Tang,
dans la quatrième année de l'ère Kai-yuan (716).
Le Sutra du Lotus est l'une des traductions les plus anciennes,
transmises en Chine par le Savant-maître* Kumarajiva, à l'époque
des Jin postérieurs
(384-417). Un intervalle de plus de trois cents ans sépare ces
deux traductions.
[...] Il n'a
pas été établi de manière certaine si le
terme école Shingon fut
utilisé en Inde ou non. Il se pourrait simplement que, parce
qu'un certain nombre de sutras sont appelés sutras Shingon, Shubhakarasimha* et d'autres aient donné le nom d'"école" aux
enseignements basés sur ces sutras quand ils les introduisirent
en Chine. C'est un point qu'il faut garder en mémoire.
[...] En particulier,
il faudrait noter que, quand Shubhakarasimha* entreprit d'évaluer les mérites relatifs du Sutra
du Lotus et du Sutra Vairocana*, il
avança cette interprétation que tous deux sont "équivalents
d'un point de vue théorique, mais que le dernier est supérieur
en termes de pratique." Par cela, il voulait dire que, bien que
le principe d'ichinen
sanzen soit le même
dans le Sutra du Lotus et dans le Sutra Vairocana*, le Sutra du Lotus ne mentionne ni mudra ni mantra dharani*,
et que, par conséquent, du point de vue des pratiques qu'il enseigne,
il est inférieur au Sutra Vairocana*. Puisque
l'on n'y trouvait pas concrètement l'énoncé des
formules pour la pratique, on ne pouvait pas dire qu'il représentait
les enseignements ésotériques à la fois du point
de vue de la théorie et de la pratique. De nos jours, au Japon,
nombreux sont ceux qui, parmi les gens du peuple aussi bien que parmi
les maîtres des diverses écoles, partagent cette opinion
de Shubhakarasimha*,
y compris les maîtres de l'école Tendai,
qui devraient pourtant être les derniers à le faire.
[...] J'ai éprouvé
la plus grande méfiance à l'égard du raisonnement
qui sous-tend l'argumentation de Shubhakarasimha*.
Ce Savant-maître* Shubhakarasimha* déclare que le Sutra du Lotus et le Sutra Vairocana* sont
égaux en principe, mais que ce dernier est supérieur du
point de vue de la pratique. Il prend le principe d'ichinen
sanzen, que le Grand-maître* Zhiyi* fut le premier à formuler, et prétend le trouver dans
le Sutra Vairocana*, et,
à partir de là, déclare arbitrairement que les
deux sutras sont identiques.
[...] Or ce principe
d'ichinen sanzen, pour la
première fois défini par le Grand-maître* Zhiyi*,
est le père et la mère des bouddhas. Pourtant, à
peu près cent ans plus tard, Shubhakarasimha* vola ce principe, et affirma dans ses écrits que le Sutra Vairocana* et le Sutra du Lotus étaient égaux du point de vue
théorique et qu'ils avaient en commun un principe, celui d'ichinen
sanzen. Une personne
dotée de sagesse ou d'intelligence devrait-elle prêter
foi à une déclaration de ce genre ?
[...] Shubhakarasimha* prétend plus loin que le Sutra Vairocana* est
supérieur du point de vue de la pratique parce que, dans le Sutra
du Lotus, ne sont mentionnés ni mudra ni mantra dharani*.
Dans ce cas, compare-t-il les mérites du Sutra du Lotus et du Sutra Vairocana* dans
leurs textes en sanskrit ? Ou parle-t-il des mérites relatifs
de leurs traductions en chinois ?
[...] Parce qu'il commit cette erreur, Shubhakarasimha* fut puni par Yama, le roi des enfers.
Par la suite, il s'en repentit, révéra le Grand-maître* Zhiyi* et eut foi dans le Sutra du Lotus ; et, de cette manière,
il évita le royaume du mal.
[...] Même
ceux qui déclareraient [comme Shubhakarasimha*]
que le Sutra du Lotus et le Sutra Vairocana* sont
équivalents sur le plan théorique ne pourraient échapper
à la punition du roi Yama.
Lettre à
Shomitsu-bo (Minobu,
1277 à Shomitsu-bo)
Je vous ai déjà
écrit sur le Zen, le Nembutsu et le Ritsu. Mais [parmi les nombreuses
branches du bouddhisme] Shingon est précisément l'école qui a conduit la Chine
à sa perte et qui causera la ruine de ce pays [le Japon]. Non
seulement les six moines - Shubhakarasimha*, Vajrabodhi* et Amoghavajra* [en Chine], Kukai*, Ennin* et Enchin [au Japon] - se sont
trompés sur la supériorité relative entre les trois
sutras Dainichi et le Sutra du Lotus, mais les trois premiers
ont fabriqué de faux objets de vénération (note) représentant les deux Mondes,
en faisant croire aux gens que ces mandala avaient leur origine en Inde.
Lettre à Misawa (Minobu,
le 23 février 1278 à Misawa)
Ainsi, aucun sutra, même
enseigné par le Bouddha Shakyamuni lui-même, ne pourrait
plus contredire le Sutra du Lotus, puisque tous les autres
bouddhas ensemble avaient témoigné de sa véracité.
Voilà pourquoi les sutras qui suivent, comme le Sutra
Fugen et le Sutra
du Nirvana font l'éloge du Sutra du Lotus et
ne le critiquent jamais. Pourtant,
des moines comme Shubhakarasimha* de l'école Shingon et
les maîtres du Zen ont trahi
cette règle et dénigré le Sutra du Lotus.
La nation japonaise tout entière s'est convertie à leurs
enseignements, s'égarant dans des voies erronées de la
même manière qu'elle s'était laissé tromper
par Masakado et Sadato.
L'enseignement pour
l'époque des Derniers Jours du Dharma (Minobu,
le 1er avril 1278, à Nanjo Tokimitu)
Six cents ans après que le bouddhisme
fut introduit en Chine, sous le règne de l’empereur Genso,
trois Maîtres, Shubhakarasimha*, Vajrabodhi* et Amoghavajra*,
vinrent d’Inde et fondèrent l’école Shingon.
En conséquence, les écoles Kegon et Hokke devinrent extrêmement
impopulaires. Depuis les empereurs jusqu’au peuple en général,
chacun avait l’impression que l’enseignement Shingon et le Sutra du Lotus étaient aussi différents que
la lumière et l’obscurité.
Le moine Shubhakarasimha* introduisit le Sutra Vairocana* sous
le règne de l'impératrice Gensho [681<715-723]. Cependant,
sa diffusion échoua.
Questions
- réponses concernant l’objet de vénération (Minobu,
septembre 1278 à
Joken-bo)
Peut-être Ennin* et Enchin se sont-ils laissé
tromper par les commentaires de Shubhakarasimha*, Vajrabodhi* et Amoghavajra* ? Tous deux semblent avoir été des personnes respectables
et sages, mais ils avaient tendance à mépriser le proche
pour honorer le lointain. Ils ont été ensorcelés
par le fait que trois sutras du
Shingon contiennent des mudra et des mantra dharani*,
et ont totalement perdu de vue la voie primordiale de l'atteinte de
la bodhéité sans changer d'apparence.
[...] Question - Puis-je vous demander à quelle preuve vous faites allusion ? Réponse
- Le fait que la langue
de Kumarajiva n'ait pas brûlé.
Vous devriez vous renseigner à ce sujet plus en détail. Question - Ennin* et Enchin ignoraient-ils donc
cela ?Réponse
- Ces deux hommes
croyaient en l'enseignement de maîtres
du tripitaka comme Shubhakarasimha*.
C'est probablement pourquoi ils rejetèrent l'enseignement correct
du Grand-maître* Saicho*.
D'autres comme eux ont déjà suivi la personne et se détournant
du Dharma.
Le principe de l'atteinte
de la bodhéité sans changer d'apparence (Minobu,
en 1280? , à Myoichinyo)
Par la suite,
sous le règne de l'empereur Xuanzong,
les trois maîtres du Tripitaka Shubhakarasimha*, Vajrabodhi* et Amoghavajra* vinrent d'Inde en Chine, apportant avec eux les sutras Vairocana*, Kongocho* et Soshitsuji*.
Par leur personnalité aussi bien que par leurs théories,
ces trois hommes étaient très loin de soutenir la comparaison
avec les maîtres bouddhistes qui les avaient précédé
en Chine. De plus, parce qu'ils introduisaient la pratique de mudra et de mantra dharani* jusqu'alors inconnus, on pensa que le véritable bouddhisme était
resté ignoré en Chine avant leur arrivée. Ces trois
maîtres déclarèrent que l'école Tiantai était supérieure aux écoles Kegon, Hosso et Sanron,
mais que ses principes étaient incomparablement moins élevés
que ceux des sutras du Shingon.
[...] C'est pourquoi
bien qu'ils aient avancé quantité d' arguments habiles, Shubhakarasimha*, Xuanzang, Kukai*, Ennin*, Enchin et les autres ne purent
trouver le moindre passage prouvant la supériorité du Sutra Vairocana* sur
le Sutra du Lotus. Toute leur argumentation repose seulement
sur la présence ou non, dans un sutra, des mudra et des mantra dharani*.
Plutôt que de développer leurs théories en cent
volumes, de faire d'incessants aller et retours entre la Chine et le
Japon, de fomenter d'innombrables intrigues et d'appuyer leur opinion
sur l'autorité de décrets impériaux, ils auraient
mieux fait de produire un passage clair, une preuve littérale
irréfutable, tirée des sutras eux-mêmes. Qui aurait
pu alors douter de leurs affirmations ?
Le corps et
l'esprit des simples mortels (Minobu,
à un disciple)