L’ouverture
des yeux des images sculptées ou peintes
(La Consécration des images [du Bouddha] sculptées ou peintes) (Ouvrir les yeux des représentations sculptées ou peintes [du Bouddha] Lettres
et traités de Nichiren Daishonin. ACEP - vol. 4, p. 31; SG* p.85. |
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L’Éveillé est doté de trente-deux traits distinctifs. Tous relèvent du plan de la forme. Les trente et un signes, dont les mille cercles tracés sous ses plantes des pieds, (signe situé au plus bas), jusqu’à l’excroissance au sommet de son crâne (signe situé au plus haut), tous sont des formes visibles et impénétrables que l’on peut dessiner ou sculpter. Seul le signe de sa voix, dont le son parvient au Ciel de Brahma, est une forme invisible et non impénétrable. On ne peut, dès lors, ni la dessiner ni la sculpter comme les autres. Après l’extinction de l’Éveillé, il en a été fait des images sculptées ou peintes. Elles ne possèdent que trente et un signes, car celui de la voix dont le son parvient au Ciel de Brahma leur fait défaut. Pour cette raison, elles ne sont pas le Bouddha. Elles ne possèdent pas de spiritualité. La véritable entièreté du Bouddha est aussi différente de ses représentations sculptées ou peintes que le ciel l'est de la terre ou les nuages de la boue. Comment l'Epilogue du Sutra du Nirvana peut-il, dès lors, prétendre que les mérites inhérents au corps vivant de Bouddha égalent ceux des images sculptées ou peintes après son extinction ? Et de fait, le Sutra du Collier de bodhisattva déclare sans ambages que les images sculptées ou peintes sont inférieures au Bouddha vivant. Si l’on place un sutra devant un bouddha en bois ou peint, cette représentation est alors dotée des trente-deux traits. Toutefois, même avec ces trente-deux traits, si elle est dénuée de spiritualité elle n’est nullement égale au Bouddha, car certains hommes et des créatures célestes peuvent posséder eux aussi les trente-deux traits. Si l’on pose le Sutra des cinq préceptes [Sutra Gokai] (note) devant une sculpture ou une image aux trente et un traits, ce Bouddha devient dès lors égal Roi-qui-fait-tourner-la-Roue-du-Dharma. Si l’on pose le Discours sur les dix actes de bien (Juzen ron), il devient alors égal à Taishaku. Si l’on pose un Discours sur l’émancipation du monde des désirs (Shutsu-yoku ron), il devient l’égal à Daibonten. Cependant, il ne devient nullement Bouddha. Si, devant les images en bois ou peintes, on pose les sutras Agama*, elles deviennent égales aux auditeurs-shravakas. Si l’on pose les enseignements communs hannya (tsukyo) exposés lors de différents assemblées des périodes Hodo et Hannya, ces images deviennent égales aux pratyekabuddhas. Si on place des enseignements spécifiques (bekkyo) et parfaits (enkyo) prêchés pendant les périodes Kegon, Hodo et Hannya, elles deviennent alors égales aux bodhisattvas. Elles ne deviennent cependant nullement Bouddha, elles non plus. Les mudra et les mantra des bouddhas Buddhalocana et Mahavairocana, enseignés dans les sutras de Guirlande de fleurs (Kegon), de la Couronne de Diamant (Kongocho*) et de L'accomplissement merveilleux (Soshitsuji*) sont inutiles. Car même si le nom de ces Vénérés est "Œil du bouddha" et "Grand Soleil", ils ne sont ni l’œil du Bouddha, ni un grand soleil. Par exemple, même un bouddha, comme celui de Guirlande de fleurs (Kegon*), n’est pas le Bouddha de l'enseignement parfait*. Il ne faut donc pas se fier au seul nom. Toutefois, si l’on pose le Sutra du Lotus devant la représentation du Bouddha aux trente et un signes, alors, immanquablement, celle-ci devient le Bouddha à l’enseignement pur et parfait (hokke no en). C’est pourquoi, le Sutra Fugen (Smantabhadrasutra), en parlant du bouddha du Sutra du Lotus, dit : "Les Trois Corps du Bouddha proviennent de doctrines hodo". Il est à noter qu'ici le terme hodo (doctrines diverses) ne se réfère pas aux la période Hodo mais aux doctrines diverses du Sutra du Lotus. Le Sutra Fugen dit encore : “Ce Sutra du Mahayana est l’œil de tous les bouddhas. C’est par lui que tous les Éveillés obtiennent les cinq sortes de vision". Les idéogrammes du Sutra du Lotus expriment, sous une forme visible et tangible, la voix du Bouddha dont le son parvient au Ciel de Brahma (forme elle-même invisible et intangible). Ainsi ces idéogrammes restituent la voix brahmique du Bouddha, éteinte jusque-là, et qui, ainsi reconstituée, procure aux êtres des bienfaits. Les hommes utilisent leur voix de deux façons. Pour dire aux autres ce qu’eux-mêmes ne croient pas dans le dessein de les duper. C’est ce que l’on nomme "la parole selon ce que les autres veulent entendre" (zuitai). Mais on peut également exprimer par la voix ce que l’on pense véritablement (zuiji). La pensée représente l'aspect spirituel et la parole, l'aspect physique. Le spirituel se manifeste par le matériel et on peut connaître le cœur de l’autre en écoutant sa voix. C'est le principe de l'aspect extérieur reflétant l'aspect intérieur. L'esprit et la matière son non-duels par essence mais se manifestent de deux façons différentes. Ainsi l'aspect spirituel du Bouddha se manifeste à travers les idéogrammes du Sutra du Lotus. Les mots écrits sont une face différente de la vie du Bouddha. Aussi, ceux qui lisent le Sutra du Lotus ne doivent pas penser qu’ils ont sous les yeux uniquement des graphismes, car ces idéogrammes sont l'esprit même du Bouddha. Pour cette raison, Zhiyi*, dans son commentaire [Hokke gengi] dit : "Lorsque, accédant à la prière réitérée de ses auditeurs, le Bouddha prêcha, il exposa l'essence même de sa doctrine. L'essence de la doctrine est le coeur du Bouddha et le coeur du Bouddha est la Sagesse de l'Éveillé. La Sagesse de l'Éveillé est incommensurablement profonde. C'est pourquoi il avait récusé trois fois les quatre demandes. "Ce fut donc pour ses auditeurs un moment difficile à comprendre. En comparaison, les autres sutras, eux, étaient faciles". Dans ce commentaire, Zhiyi* utilise l’expression "cœur du Bouddha" pour montrer que bien que possédant un aspect physique, le Sutra incarne le "dharma de l'esprit", la spiritualité du Bouddha. Puisque le Sutra du Lotus est la manifestation de l'aspect spirituel du Bouddha, lorsqu'on introduit cette spiritualité-là dans une représentation peinte possédant trente et un aspects, alors elle devient égale au Bouddha. C'est ce qu'on entend par "atteinte de bodhéité des végétaux" (somoku jobutsu). C’est aussi pour cette raison que Zhiyi* disait : "Toute chose possédant une couleur ou une odeur manifeste la Voie du milieu" [Maka Shikan]. Et Zhanlan* ajoute : "Même si tous admettent que les choses possédant une couleur ou une odeur sont des manifestations de la Voie du milieu, ils sont néanmoins choqués et émettent des doutes lorsque, pour la première fois, ils entendent dire que les êtres non-sensitifs possèdent la nature de bouddha." Cheng-guan de l'école Kegon s'appropria le principe d'ichinen sanzen de Zhiyi* et prétendit qu'il était implicite dans le Sutra Kegon* tout comme dans le Sutra du Lotus, mais que le Sutra Kegon* était un enseignement soudain (tonkyo) destiné à ceux qui y étaient déjà prédisposés par un enseignement antérieur, alors que le Sutra du Lotus était un enseignement graduel (zenkyo), car il fut enseigné plus tard ; il affirma que le Sutra Kegon* était le tronc et le Sutra du Lotus des branches et des feuilles [Kegongyo]. Cheng Guan était bouffi d'un orgueil incommensurable, persuadé que lui seul avait compris le véritable enseignement. En réalité il ignorait tout de l'atteinte de la bodhéité par les plantes qui est au coeur de la doctrine d'ichinen sanzen ; ce qui lui a valu les sarcasmes de Zhanlan*. Les savants-maîtres* du Tendai d’aujourd’hui pensent également être les seuls à avoir maîtrisé la doctrine d'ichinen sanzen. Mais ils considèrent que le Sutra du Lotus est égal au Sutra Kegon* ou au Sutra Vairocana*. Lorsqu’ils développent leurs théories, ils ne vont pas au-delà de la vision de Cheng Guan. Ils sont comme Shubhakarasimha* et Amoghavajra*. En conséquence, si la cérémonie de l’ouverture des yeux d’une image sculptée ou peinte est dirigée par un maître shingon, cette image ne peut pas devenir le véritable Bouddha, mais un bouddha provisoire. En fait, elle ne deviendra même pas un bouddha provisoire. Son aspect ressemblera à celui d’un bouddha provisoire, mais son cœur sera celui du végétal, son origine. Pire, elle ne sera pas non plus le végétal d’origine, elle sera un démon, un esprit malfaisant, parce que les doctrines erronées du maître shingon, exprimées à travers les mudra et les mantra dharani*, deviennent le cœur de l’image sculptée ou peinte. C'est, par exemple, comme la pensée qui transforme certains hommes en pierre. C’est ce qui arriva à Uluka et à Kapila. Tant qu’un homme qui a pénétré l'esprit du Sutra du Lotus ne procède pas à la cérémonie d'ouverture des yeux d’une image sculptée ou peinte, cette image sera comme une maison sans maître visitée par un voleur ou comme un esprit maléfique pénétrant le corps d’une personne au moment de sa mort. Or, de nos jours, l’ouverture des yeux des bouddhas du Japon est effectuée par le rite shingon. Aussi, les esprits maléfiques y pénètrent et s’approprient la vie des êtres. Les esprits maléfiques sont appelés "ceux qui dérobent la vie". Les démons y pénètrent, privant les êtres des bienfaits bouddhiques. Les démons sont appelés "ceux qui dérobent les bienfaits bouddhiques". Or, c’est parce que les hommes vénèrent des esprits maléfiques que la nation sera détruite dans la vie présente. Parce qu’ils respectent des démons, ils tomberont dans l'enfer avici dans la vie suivante. Lorsque l'esprit d'un homme quitte le corps après la mort, un esprit maléfique peut s'en emparer et détruire sa descendance. C'est ce que l'on entend en parlant des esprits faméliques* qui se dévorent eux-mêmes. A l'inverse, si une personne avisée loue le Sutra du Lotus et en recouvre le défunt, alors, bien que sa dépouille demeure, son esprit devient le Corps du Dharma*. Cela est conforme au principe de shojin tokunin (obtention de l’acceptation patiente dès cette vie) Un sage éveillé à la doctrine parfaite contenue dans les enseignements des périodes Kegon, Hodo et Hannya, peut amener le corps d’un défunt à shojin tokunin. C’est ce qu’indique le Sutra du Nirvana : "bien que son corps soit celui d’un homme, son esprit est identique à celui du bouddha". Cunda offre un exemple concret de la compréhension dès ce corps de la non-disparition et de la non-naissance de tous les phénomènes. Si un sage éveillé au Sutra du Lotus effectue la cérémonie d'offrande aux reliques d’un défunt, celui-ci devient le Corps du Dharma*. C’est ce que l’on appelle "dès ce corps" (shojin). Le sage fait revenir dans les reliques son aspect spirituel disparu et transforme cet esprit en cœur du bouddha. C’est ce que l’on appelle jobutsu (devenir bouddha). Les mots "dès ce corps" (shojin) se rapportent à l'élément "nom et forme" (myoshiki, nama rupa), "jobutsu (devenir bouddha) se rapporte à l'élément "esprit". La forme et l’esprit du défunt, transformés, deviennent sagesse mystique et objet mystique de la sagesse. Autrement dit, c'est l'atteinte de la bodhéité dès ce corps" (sokushin jobutsu). Pour cette raison, dans le Sutra du Lotus, il est dit : "pour les multiples dharma ainsi est leur aspect (nyoze so), ainsi est leur nature (nyoze sho), ainsi est leur entité (nyoze tai) [chapitre II] Et il est encore dit :
Les deux premiers versets de cette stance expriment shojin tokunin, la réalisation de la non-naissance et de la non-mort de tous les phénomènes, les deux versets suivants décrivent sokushin jobutsu, atteinte de la bodhéité dès ce corps. L'exemple de la bodhéité dès ce corps est celui de la fille du Roi-dragon. L'exemple de l’acceptation patiente dès cette existence est celui de Cunda. Arrière
plan et annotations
: En anglais : Opening the Eyes of Wooden or Painted Images |
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