Le savant maître Shan-wu-wei

(Shubhakarasimha)

(Le Maître des Trois Corbeilles Shanwuwei)

Lettres et traités de Nichiren Daishonin. ACEP - vol. 4, p. 63; SG* p.168.
Gosho

Kamakura (Matsubagayatsu), 1270 à Joken-bo et Gijo-bo

Le Sutra du Lotus est le coeur, l'essentiel des enseignements sacrés exposés par Shakyamuni de son vivant, et la base des quatre-vingt mille corbeilles. Le bouddhisme comprend divers sutras, exotériques et ésotériques, tels que les sutras Vairocana*, Kegon*, Hannya* et Jimmitsu* qui ont été propagés en Chine, en Inde, dans le palais des Rois-dragons et dans les cieux. De plus, il y a les enseignements exposés par tous les bouddhas des dix directions, aussi nombreux que les grains de sable du Gange. Même si l'on utilisait toute l'eau de l'océan pour en faire de l'encre, même si l'on changeait en pinceaux pour écrire toutes les plantes et tous les arbres d'un système de mondes majeur il serait impossible de transcrire tous les sutras. Mais si l'on examine et étudie leur contenu, il apparaît clairement que, de tous les sutras, c'est le Sutra du Lotus le plus élevé.

Néanmoins, parmi les diverses écoles en Inde et parmi ceux qui se sont intéressés au bouddhisme au Japon, de nombreux maîtres et fondateurs de doctrine n'ont pas su comprendre les véritables intentions du Bouddha. Certains ont dit que le Sutra Vairocana* était supérieur au Sutra du Lotus. D'autres ont dit que le Sutra du Lotus était non seulement inférieur au Sutra Vairocana*, mais même inférieur au Sutra Kegon*, ou que le Sutra du Lotus était inférieur aux Sutra du Nirvana, Hannya* et Jimmitsu*. D'autres encore ont affirmé que chaque sutra ayant ses caractéristiques propres est tantôt supérieur, tantot inférieur sur certains points. Il y eut des maîtres pour soutenir que la valeur d'un sutra se mesure au fait qu'il correspond ou non aux capacités des gens. Les sutras correspondant aux capacités des gens à une époque donnée sont supérieurs, tandis que ceux qui n'y correspondent pas sont inférieurs (note). Certains ont encore avancé que, si une personne avait la capacité d'atteindre l'Éveil en croyant au principe "les phénomènes ont une existence réelle"*, il fallait réfuter le principe "les phénomènes sont sans substance"* et affirmer la supériorité de l'enseignement fondé sur le principe que les phénomènes existent réellement (note). Selon eux, il faudrait agir ainsi dans tous les autres cas.

Parce que personne, parmi ceux qui vécurent à ces époques, n'a réfuté ces principes erronés, les souverains et dirigeants des divers États, dans leur ignorance, ont commencé à leur prêter foi. Ils ont fait don de rizières et de champs à ceux qui les propageaient, tant et si bien que le nombre de leurs adeptes n'a cessé d'augmenter. Ainsi, le temps passant et ces croyances étant admises depuis déjà longtemps, les gens ont acquis la ferme conviction qu'il s'agissait là de croyances correctes et personne n'a même plus songé à les mettre en doute.

Mais, ensuite, nous sommes entrés dans l'époque des Derniers jours du Dharma. C'est à ce moment-là qu'est apparu un homme plus sage que les maîtres ou les fondateurs de doctrine en qui on avait eu confiance jusqu'alors. Il a commencé à mettre en doute les principes enseignés par ces maîtres et à les réfuter point par point, soulignant qu'ils s'écartaient des sutras sur lesquels s'appuyaient leurs écoles, ou clarifiant, à la seule lumière des divers sutras, le fait que, en exposant leurs enseignements, ils n'avaient su distinguer ni l'ordre dans lequel le Bouddha les avait exposés de son vivant, ni leur degré relatif de profondeur ou de superficialité. Ainsi attaqués, les tenants de ces doctrines ont été incapables de protéger les enseignements erronés de leurs écoles, et n'ont su que répondre. Certains, dans leur doute, ont déclaré que les fondateurs de leur doctrine et les maîtres qu'ils suivaient avaient dû connaître les preuves littérales, dans les sutras ou les traités, qui fondaient leurs principes, mais qu'eux-mêmes, ne possédant pas la même sagesse, ne pouvaient pas donner les bonnes réponses. D'autres, également dans le doute, dirent que leurs maîtres avaient été de grands sages des temps anciens, mais qu'ils n'étaient eux-mêmes que des ignorants de l'époque des Derniers jours du Dharma. Ainsi, ils ont convaincu des personnes vertueuses ou de position élevée de s'allier avec eux, et [s'opposant à celui qui met en doute leurs croyances] ils n'éprouvent que haine et jalousie [à l'égard du Pratiquant du Sutra du Lotus].

Pour ma part, j'ai rejeté tout attachement ou idée préconçue en faveur de l'opinion des autres aussi bien que de la mienne propre, et j'ai mis de côté les interprétations des fondateurs de doctrine et des maîtres. Mais, en m'appuyant exclusivement sur les passages de sutra eux-mêmes, j'en suis venu à comprendre que, parmi tous les sutras, le Sutra du Lotus mérite d'occuper la première place. Si certains affirment que d'autres sutras sont supérieurs au Sutra du Lotus, c'est nécessairement pour l'une des raisons suivantes : d'abord, ces personnes ont peut-être été abusées par des passages, dans d'autres sutras, qui ressemblent au Sutra du Lotus. Ou elles ont été trompées par de faux passages de sutra, inventés et ajoutés aux sutra à des dates ultérieures comme s'il s'agissait des paroles du Bouddha. Ceux qui n'avaient pas la sagesse de distinguer le vrai du faux ont donc cru que ces paroles avaient été réellement prononcées par le Bouddha. A commencer par Hui-neng et son Sutra Dan, ou Shandao et son sutra Kannen homon, il y a eu de nombreux faux maîtres, en Inde, en Chine et au Japon, qui ont fabriqué leurs propres sutras. De plus, beaucoup ont inventé ce qu'ils prétendent être des passages de sutra, ou ont ajouté leurs propres interprétations à des passages de sutra.

Malheureusement, les ignorants pensent que ces rajouts sont des passages de sutra authentiques. Ils sont comparables à des aveugles qui, si on leur disait qu'une étoile est plus brillante que le soleil et que la lune, accepteraient la chose comme un fait. Quand quelqu'un dit : "Le fondateur de ma doctrine était un sage vertueux des temps anciens tandis que Nichiren n'est qu'un ignorant de l'époque des Derniers jours du Dharma", les insensés auront tendance à le croire.

Ce n'est pas du tout la première fois que s'élèvent des doutes de ce genre. A l'époque des dynasties Chen et Shui, apparut un simple moine du nom de Zhiyi*, qui devint par la suite le maître des empereurs des deux dynasties et reçut le titre honorifique de Grand-maître* Sage Tiantai dashi. Bien avant d'avoir obtenu ces honneurs, il réfuta, non seulement les théories de divers moines lettrés et maîtres ayant vécu pendant plus de cinq cents ans auparavant en Chine, mais aussi la doctrine de maîtres apparus pendant mille ans en Inde. Cela eut pour effet de faire s'élever contre lui une nuée de sages du sud et du nord [de la Chine] et de faire briller les personnes de mérite, à l'est et à l'ouest, comme une constellation. Les critiques se mirent à pleuvoir sur lui, et ses principes furent malmenés comme par une tempête. Mais, finalement, Zhiyi* parvint à réfuter les préjugés et les principes erronés des lettrés et des maîtres, et à établir l'enseignement correct de l'école Tendai.

De même, au Japon, sous le règne de l'empereur Kammu, apparut un simple moine du nom de Saicho*, qui reçut par la suite le titre honorifique de Grand-maître* Saicho. Il réfuta les principes des écoles établies depuis deux cents ans, depuis [l'introduction du bouddhisme sous] le règne de l'empereur Kimmei. Au début, il suscita beaucoup de colère, mais par la suite, tous finirent par devenir ses disciples.

Ceux qui critiquaient Zhiyi* et Saicho disaient : "Les fondateurs de notre école appartenaient aux Quatre rangs de saints, étaient des sages vertueux des temps anciens alors que vous n'êtes qu'un simple mortel ignorant de la fin de l'époque du Dharma formel." La question, toutefois, n'est pas de savoir si une personne vit à l'époque du Dharma correct, du Dharma formel ou des Derniers jours du Dharma, mais si elle s'appuie ou non sur le texte du Sutra véridique. Une fois de plus, la question n'est pas de savoir quelle est la personne qui enseigne mais si l'enseignement est oui ou non vérifiable.

Les brahmanistes ont critiqué le Bouddha en disant : "Vous n'êtes qu'un ignorant vivant à la fin du kalpa de formation et au début du kalpa de continuité, alors que les fondateurs de nos doctrines furent des sages des temps anciens, les deux divinités brahmaniques [Shiva et Vishnu] et les trois ascètes." Néanmoins, pour finir, les 95 écoles non bouddhiques furent réfutées. En étudiant les huit écoles du bouddhisme, moi, Nichiren, j'ai découvert ceci : les écoles Hosso, Kegon et Sanron, s'appuyant sur des sutras de l'enseignement provisoire, prétendent qu'ils sont identiques au Sutra de l'enseignement véridique, ou même que ce Sutra de l'enseignement véridique est inférieur aux sutra des enseignements provisoires. Ces erreurs flagrantes ont leur origine chez les maîtres et les fondateurs de leurs doctrines. Les écoles Kusha et Jojitsu sont des cas à part (note) et l'école Ritsu représente le niveau le plus bas de l'enseignement du Hinayana.

Les Maîtres de doctrine* surpassent les simples maîtres et les sutras du Mahayana définitif* est supérieur aux sutras du Mahayana provisoire*. Par conséquent le Sutra Vairocana* de l'école Shingon ne peut pas égaler le Sutra Kegon*, et moins encore le Sutra du Nirvana et le Sutra du Lotus. Pourtant, lorsque le Savant-maître* Shubhakarasimha* évalua les qualités relatives des sutras Kegon*, Lotus, Vairocana*, etc., il avança une interprétation erronée en disant que, d'un point de vue théorique, tous ces sutras sont de même valeur, mais que, d'un point de vue pratique, le Sutra Vairocana* est supérieur aux autres. Depuis lors, les tenants de cette école n'ont cessé de prétendre avec arrogance que le Sutra du Lotus ne soutient pas la comparaison avec le Sutra Kegon*, et moins encore avec les sutras de l'école Shingon ou que, parce qu'il ne contient ni mudra ni mantra dharani* , le Sutra du Lotus n'est même pas comparable au Sutra Vairocana*. Ou ils soulignent le fait que de nombreux maîtres et patriarches de l'école Tendai ont reconnu la supériorité de l'école Shingon, et que c'est une opinion généralement admise que l'école Shingon est supérieure aux autres.

Parce que c'est une erreur commise par beaucoup de gens, j'ai étudié cette question très en détail. J'ai exprimé ce que je pense à cet égard dans d'autres écrits (note) dont j'aimerais que vous preniez connaissance. Et j'espère que ceux qui recherchent la Voie se serviront du temps qu'ils ont en cette vie pour étudier et transmettre la vérité aux autres.

Il ne faut pas se laisser influencer par le fait que ceux qui adhèrent à de telles croyances sont nombreux. La vérité d'un principe n'a rien à voir avec le fait qu'il soit ancien ou récent. La question est seulement de savoir s'il est conforme au texte des sutras et à la logique.

Les nombreuses erreurs de l'école Jodo sont imputables à Tanluan, Daochuo et Shandao, qui entraînèrent quantité de personnes dans des croyances erronées. Au Japon, Honen adhéra à leur enseignement et non seulement exhorta chacun à croire dans le Nembutsu, mais s'efforça de faire disparaître toutes les autres écoles bouddhiques de l'empire. Parce que les trois mille moines du Mont Hiei, ainsi que ceux des temples Kofuku-ji, Todai-ji et d'autres temples de Nara - en fait, tous ceux des huit écoles bouddhiques - tentèrent de mettre un terme à cela, les empereurs, l'un après l'autre, promulguèrent des édits, et le shogunat décréta des interdictions pour tenter d'arrêter la propagation de cet enseignement, mais en vain. Au contraire, ce mouvement se répandit de plus en plus, au point que l'empereur, l'empereur retiré, et le peuple dans son ensemble finirent par s'y convertir.

Moi, Nichiren, suis le fils d'une famille de chandala, né sur le littoral de Kataumi, dans le village Tojo, de la province d'Awa, et je n'ai ni pouvoir ni vertus exceptionnelles. J'ai pensé : "Comment pourrais-je arrêter la propagation du Nembutsu alors même que les réfutations des temples de Nara et du Mont Hiei et les puissantes interdictions des empereurs n'y sont pas parvenues  ? Mais, en utilisant les sutras comme un clair miroir et en conservant comme outil de divination les principes de Zhiyi* et de Saicho*, j'ai réfuté ces enseignements pendant ces dix-sept dernières années, depuis la cinquième année de l'ère Kencho (1253) (note) jusqu'à maintenant, la septième année de l'ère Bun'ei (1270). Et il semble désormais évident que la propagation du Nembutsu au Japon a presque entièrement cessé. Même si, par la bouche, certains n'ont pas cessé de psalmodier le Nembutsu, je crois que, dans leur coeur, ils en sont venus à penser que ce n'est pas la Voie qui leur permettra de se libérer du cycle des souffrances de la vie et de la mort.

Il en va de même pour l'école Zen [qui commet de graves erreurs de doctrine]. L'observation d'un seul fait permet d'en déduire dix mille autres. Je peux dissiper les erreurs du Shingon et de toutes les autres écoles sans la moindre difficulté. La sagesse des moines éminents et des maîtres du Shingon, à notre époque, est inférieure à celle d'une vache ou d'un cheval, la lumière qu'ils répandent est plus faible que celle d'une luciole. Attendre d'eux quoi que ce soit est aussi inutile que de placer un arc et une flèche dans les mains d'un cadavre, ou de poser des questions à un dormeur. Ils forment des mudra avec les mains et récitent des mantra dharani* avec la bouche, mais, dans leur coeur, ils ne comprennent rien aux principes bouddhiques. En vérité, leur arrogance est haute comme une montagne, et leur avidité plus profonde que la mer. Et toutes leurs conceptions erronées découlent de leur mauvaise évaluation des mérites relatifs des sutras et des traités, et du fait qu'aucun d'eux n'a jamais corrigé les erreurs des maîtres fondateurs de leurs écoles.

Des personnes sages devraient naturellement étudier la totalité des quatre-vingt mille corbeilles et maîtriser les douze catégories de sutras. Mais les ignorants qui vivent de nos jours, à l'époque des Derniers jours du Dharma où règnent le mal et la confusion, devraient rejeter les fausses distinctions qu'établissent les adeptes du Nembutsu entre Voie difficile à pratiquer et Voie facile à pratiquer et devraient réciter exclusivement le Titre du Sutra du Lotus, Namu Myoho Renge Kyo. Lorsque le soleil se lève dans le ciel à l'est, le ciel tout entier du Jambudvipa au sud s'illumine, tant est puissante la lumière qui émane du soleil, alors que la faible lueur émanant d'une luciole serait bien incapable d'éclairer l'ensemble d'un pays. Celui qui porte dans sa manche le joyau exauçant tous les voeux peut faire pleuvoir toutes sortes de bienfaits, mais des débris de tuiles ou de simples cailloux n'ont pas le pouvoir de faire pleuvoir quelque trésor que ce soit. Comparés au daimoku du Sutra du Lotus, le Nembutsu et les autres pratiques sont comme des tuiles ou des cailloux par rapport au joyau exauçant tous les voeux, ou comme la lueur d'une luciole comparée à la lumière du soleil.
Comment pourrions-nous, avec notre faible vision de personnes ordinaires, à la seule lueur d'une luciole, distinguer la vraie couleur des choses  ? C'est un fait que les sutras du Hinayana et les enseignements provisoires du Nembutsu et du Shingon ne permettent pas à de simples mortels d'exaucer leur voeu de bodhéité.

Notre maître, le Bouddha Shakyamuni, exposa de son vivant quatre-vingt mille enseignements sacrés. Il fut le premier bouddha à apparaître en ce monde Saha qui est le nôtre, dans lequel il n'y avait jusqu'alors jamais eu de bouddha, et il ouvrit les yeux de tous les êtres humains. Tous les autres bouddhas de l'Est et de l'Ouest, et les bodhisattvas de toutes les terres des dix directions reçurent l'enseignement de ce bouddha.

Avant sa venue, le monde était comparable à ce qu'il était avant l'apparition des trois Augustes et cinq Empereurs, les êtres humains ne reconnaissaient pas leur père et étaient comparables à des animaux. A l'époque antérieure au règne du roi Yao, les êtres humains ignoraient tout des tâches qui doivent être accomplies au fil des quatre saisons, ils étaient aussi ignorants que des vaches ou des chevaux.

Avant l'apparition du Bouddha Shakyamuni, il n'y avait pas d'ordre de moines ou de nonnes  ; il n'y avait d'autres catégories que celles des hommes et des femmes. De nos jours, il y a des moines et des nonnes qui, parce qu'ils pratiquent le Shingon, font du bouddha Vairocana* leur objet fondamental de vénération et relèguent à une position inférieure le Bouddha Shakyamuni. D'autres, parce qu'ils croient aux vertus du Nembutsu, adressent leurs prières exclusivement au bouddha Amida, en négligeant totalement le Bouddha Shakyamuni. Ils ne sont pourtant tous moines et nonnes que grâce au Bouddha Shakyamuni, mais ils agissent ainsi en raison des erreurs commises par les fondateurs de leurs diverses écoles.

Il y a trois raisons pour lesquelles le Bouddha Shakyamuni, plutôt que n'importe quel autre bouddha, a établi un lien avec tous les êtres humains de ce monde Saha. Tout d'abord, il est l'Honoré du monde, le souverain de tous les êtres humains de ce monde Saha. Le bouddha Amida n'est pas le monarque de ce pays, alors que le Bouddha Shakyamuni, lui, est tout à fait comparable au souverain du pays dans lequel nous vivons. Il faut avant tout respecter le roi de son propre pays, et ensuite seulement, celui des autres pays. La déesse du soleil, Tensho Daijin*, et le grand bodhisattva Hachiman sont les souverains originels de notre pays, des manifestations provisoires du Bouddha Shakyamuni qui apparurent sous la forme de divinités locales. Celui qui s'opposerait à ces divinités ne pourrait jamais être le souverain du Japon. Ainsi, la déesse du soleil Tensho Daijin* est vénérée sous la forme du miroir que l'on appelle Naishidokoro et des messagers sont envoyés par la famille impériale au bodhisattva Hachiman pour lui faire un rapport et pour recueillir ses oracles. Le Bouddha Shakyamuni, l'Honoré du monde, est notre auguste souverain. C'est lui que nous devons considérer comme l'objet suprême de vénération [honzon].

La deuxième raison est que le Bouddha Shakyamuni est le père et la mère de tous les êtres humains de ce monde Saha. Il convient de respecter d'abord ses propres père et mère, et ensuite seulement de manifester un respect semblable aux parents des autres. [Dans les temps anciens, en Chine, ] nous avons l'exemple de (Zhou Wu wang, qui fit sculpter, à l'image de son propre père, une statue en bois qu'il plaça sur un char et désigna comme le général qui conduirait ses troupes à la bataille. En agissant ainsi, il s'acquit la protection du Ciel et remporta la victoire contre Shang Zhou wang.

Le roi Yu-Shun, se désolant du fait que son père était devenu aveugle, versa des larmes. Mais lorsqu'il toucha de ses mains mouillées de larmes les yeux de son père, celui-ci recouvra la vue. Le Bouddha Shakyamuni se comporte de la même manière à notre égard, nous ouvrant les yeux pour nous éveiller à la sagesse du bouddha que nous, simples mortels, possédons tous de manière inhérente. Jamais aucun autre bouddha ne nous a ainsi ouvert les yeux.

La troisième raison est que ce Bouddha Shakyamuni est le maître originel de tous les êtres humains de ce monde Saha. Il est né en Inde centrale, en tant que fils du roi Shuddhodana, au cours du neuvième kalpa de décroissance dans l'actuel kalpa de sagesse, à une époque où la longévité moyenne de l'homme était de cent ans. Il quitta sa famille à l'âge de dix-neuf ans, atteignit l'Éveil à l'âge de trente ans, et passa les plus de cinquante ans qu'il lui restait à vivre à exposer les enseignements sacrés. Il mourut à l'âge de quatre-vingts ans, léguant ses reliques (note) comme moyen de salut pour tous les êtres humains aux époques du Dharma correct, du Dharma formel et des Derniers jours du Dharma. Les bouddhas Amida, Yakushi*, Vairocana et les autres sont les bouddhas d'autres terres ; ils ne sont pas l'Honoré de notre monde Saha.

Ce monde Saha est le plus bas de tous les mondes des dix directions. Par rapport à tous ces mondes sa position est comparable à celle d'une prison dans un pays. Tous ceux qui, dans tous les mondes des dix directions, ont commis l'une ou l'autre des dix mauvaises actions, des cinq forfaits, qui ont commis la lourde offense de s'opposer au Dharma correct ou d'autres crimes graves et qui ont été chassés de ces mondes par les divers bouddhas, ont été rassemblés ici, sur cette terre Saha, par le Bouddha Shakyamuni. Ces gens, ayant expié leurs crimes après être tombés dans les trois mauvaises voies et dans l'enfer avici, ont pu renaître dans les mondes des hommes et le monde du Ciel. Mais, parce que certains vestiges de leurs crimes demeurent, ils sont facilement enclins à dénigrer le Dharma correct et à parler avec mépris de personnes de sagesse, commettant ainsi de nouvelles offenses au Dharma. Par exemple Shariputra, bien qu'il soit parvenu à l'étape d'arhat, se laissait parfois emporter par la colère. Pilindavasta, bien que s'étant libéré des illusions de la pensée et du désir, faisait encore preuve d'arrogance, et Nanda, bien que s'étant libéré des désirs sexuels, continuait à rechercher le contact des femmes. Même ces disciples du Bouddha dans l'état d'auditeurs-shravakas, ayant éliminé les désirs, en conservaient des vestiges. Pourrait-il en être autrement lorsqu'il s'agit de simples mortels  ? Pourtant, le Bouddha Shakyamuni fit sa venue dans notre monde Saha paré du titre de Nonin [le Persévérant]. On l'appelle ainsi parce qu'il ne réprimande pas les simples mortels pour leurs offenses au Dharma, mais fait preuve de patience à leur égard.

Telles sont les qualités mystiques que possède le Bouddha Shakyamuni qui font défaut aux autres bouddhas.

Le bouddha Amida et les divers autres bouddhas ont fait le voeu de bienveillance. Pour cette raison et peut-être avec une certaine honte (note) ils ont fait leur apparition en ce monde Saha, le bouddha Amida proclamant ses quarante-huit voeux et le bouddha Yakushi*, ses douze grands voeux. Avalokitesvara (Kanzeon), ainsi que d'autres bodhisattvas venus d'autres terres ont fait de même.

Lorsque l'on considère les bouddhas du point de vue de l'éternelle équivalence de leur Éveil, il n'y a pas la moindre discrimination à faire entre eux. Mais, si l'on tient compte des différences évidentes de leurs enseignements, il devient nécessaire de comprendre que chaque bouddha a son domaine propre dans les mondes des dix directions, et de distinguer entre les bouddhas avec qui on a déjà eu un lien et ceux avec qui on n'en a jamais eu aucun.

Chacun des seize princes, fils du bouddha Daitsuchisho, prit résidence dans l'une des terres des dix directions et, là, chacun d'eux conduisit au salut ses propres disciples. Le Bouddha Shakyamuni, l'un d'eux, correspond à notre monde. Nous aussi, simples mortels, sommes nés dans ce monde Saha. Par conséquent, en aucun cas, nous ne devons nous écarter de l'enseignement du Bouddha Shakyamuni. Mais personne ne comprend cela. Ceux qui étudient pourraient pourtant lire, dans le Sutra du Lotus : "Je [Shakyamuni] suis le seul à pouvoir sauver les simples mortels"(réf.) et comprendre qu'ils ne devraient pas s'éloigner de la main bienveillante du Bouddha Shakyamuni.

C'est pourquoi tous les simples mortels dans ce monde qui veulent échapper aux souffrances de la vie et de la mort et souhaitent adresser des prières à un objet de vénération devraient d'abord faire sculpter en bois ou peindre des images de Shakyamuni et s'en servir comme objet de vénération. Ensuite, s'ils ont encore assez d'énergie pour cela, ils peuvent faire représenter Amida et les autres bouddhas.

Mais quand les gens qui vivent de nos jours en ce monde, ne pratiquant pas les Voies sacrées, veulent sculpter ou peindre des images du Bouddha, ils préfèrent d'autres bouddhas que Shakyamuni. Cela ne correspond ni aux voeux de ces autres bouddhas à qui un culte sera rendu ni aux intentions du Bouddha Shakyamuni lui-même. De plus, cela enfreint même les règles de bienséance du monde profane.

Le grand roi Udayana, lorsqu'il fit sculpter l'image du Bouddha dans du bois de santal rouge n'en voulut aucune autre que celle du Bouddha Shakyamuni. Et la peinture offerte au roi Sento représentait également le Bouddha Shakyamuni. Mais les gens de nos jours s'appuient sur divers sutras du Mahayana, et, parce qu'ils considèrent que le sutra particulier sur lequel ils s'appuient est supérieur aux autres, en viennent à placer le Vénéré Bouddha Shakyamuni dans une position subalterne.

Ainsi, les maîtres du Shingon pensent que le Sutra Vairocana* est supérieur à tous les autres sutras, et c'est pourquoi ils considèrent le bouddha Vairocana* décrit dans ce sutra comme le bouddha suprême, comme celui avec qui ils ont un lien particulier. Les croyants du Nembutsu, qui ont foi dans le Sutra Kammuryoju, considèrent le bouddha Amida comme celui qui a un lien particulier avec ce monde Saha.

Parce que les gens de notre époque, en particulier, ont pris les principes erronés de Shandao et de Honen pour l'enseignement correct, et les trois sutras de la Terre pure comme guide, sur dix temples qu'ils font construire, huit ou neuf ont comme objet de vénération des statues du bouddha Amida. Et le lieu de culte attaché à la résidence de dizaines, de centaines, de milliers de croyants laïques aussi bien que de moines est consacré au bouddha Amida. De plus, parmi les milliers ou dizaines de milliers d'images sculptées ou peintes du Bouddha que l'on trouve dans les demeures de nos jours, la plupart représentent le bouddha Amida.

Pourtant, les personnes qui prétendent au titre de sages à notre époque, même lorsqu'elles voient ce phénomène se produire, ne le considèrent pas comme une calamité. Au contraire, elles sont parfaitement d'accord avec cette manière d'agir et n'ont pour la décrire que louanges et félicitations. Paradoxalement, ce sont peut-être des personnes totalement mauvaises, qui n'ont pas la moindre compréhension de la loi de causalité et ne vénèrent aucun bouddha quel qu'il soit, qui semblent libres de toute erreur en ce qui concerne le bouddhisme.

Le Bhagavat, notre père et notre mère, doté de la triple vertu de Souverain, Maître et Parent, est celui qui nous a encouragés, nous qui avons été repoussés par tous les autres bouddhas, en nous disant : "Moi seul ai le pouvoir de vous sauver." La dette de reconnaissance que nous avons à son égard est plus profonde que l'océan, plus lourde que la terre, plus vaste que le ciel. Même si nous nous arrachions les deux yeux pour les lui offrir, et même si les yeux ainsi présentés en offrande au Bouddha étaient plus nombreux que les étoiles dans le ciel... même si nous nous arrachions la peau, et même si nos peaux, ainsi étalées côte à côte par dizaines et par centaines de milliers, étaient assez nombreuses pour couvrir le ciel comme un plafond... même si, en guise d'eau, nous lui donnions nos larmes et même si nous lui offrions des fleurs pendant cent milliards kalpas... même si nous offrions au Bouddha notre chair et notre sang pendant un nombre incalculable de kalpa... même si nos corps empilés s'élevaient aussi haut qu'une montagne et même si nous avions répandu plus de sang qu'il n'y a d'eau dans l'océan, nous ne nous serions pas acquittés, si peu que ce soit, de la reconnaissance que nous devons à ce bouddha  !

Mais les lettrés de notre époque s'accrochent à des conceptions erronées. Ils auront beau être des sages ayant maîtrisé l'enseignement des quatre-vingt mille corbeilles et connaissant par coeur les douze catégories de sutras, et observer strictement les préceptes du Hinayana et du Mahayana, s'ils tournent le dos à ce principe, il faut savoir qu'ils ne pourront éviter de tomber dans les mauvaises voies.

Prenons un exemple. Le Savant-maître* Shubhakarasimha* fut le fondateur de l'école Shingon en Chine. Il était le fils du roi Busshu monarque du royaume d'Udyana. Le Vénéré Bouddha Shakyamuni quitta le palais de son père à l'âge de dix-neuf ans pour entrer dans la vie religieuse. Mais ce Savant-maître* Shubhakarasimha* renonça au trône à l'âge de treize ans, après quoi il voyagea à travers plus de soixante-dix royaumes de l'Inde, parcourant à pieds quatre-vingt-dix mille ri, et étudiant les multiples sutras et commentaires des diverses écoles. Dans un royaume du Nord de l'Inde, il se tint au pied du stupa élevé par le roi Konzoku (note), contempla le ciel et formula des prières, après quoi le mandala du Monde de la Matrice* lui apparut suspendu dans les Airs avec, assis au centre, le bouddha Vairocana*.

Par bienveillance, Shubhakarasimha* décida de propager la connaissance de cet enseignement dans des contrées lointaines et se rendit en Chine où il exposa cet enseignement caché à l'empereur Xuan-Zong. En période de grande sécheresse, il fit des prières pour faire tomber la pluie et au bout de trois jours la pluie tomba du ciel. Ce Savant-maître* pouvait reconnaître sans la moindre hésitation les graines (note) représentant plus de mille deux cents Honorés, leurs nobles caractéristiques et leurs samaya. De nos jours, tous les adeptes de l'école Shingon rattachés au To-ji et à tous les temples Shingon du Japon sans aucune exception se considèrent comme les disciples du Savant-maître* Shubhakarasimha*.

Mais un jour, subitement, le Savant-maître* mourut. Et de nombreux gardiens de l'enfer apparurent, le ligotèrent avec sept chaînes de fer et le conduisirent au palais du roi. N'est-ce pas là une grande source d'étonnement  ? Quel crime avait-il bien pu commettre pour recevoir une telle punition  ? Peut-être dans la vie qu'il venait de vivre avait-il commis certaines des dix mauvaises actions, mais il ne s'était certainement rendu coupable d'aucune des cinq forfaits. Et en réfléchissant à ses existences passées, pour être né fils de roi, prince héritier d'un grand royaume, il devait avoir strictement observé les dix préceptes de bien et loyalement servi cinq cents bouddhas. Quelle faute, alors, pouvait-il avoir commise ?

De plus, à l'âge de treize ans, il avait volontairement abandonné sa position de roi et était entré dans la vie religieuse. Personne dans le monde entier n'avait plus grand désir de parvenir à l'Éveil. Une telle vertu aurait dû effacer toutes les fautes, mineures ou graves, commises dans ses vies, présente ou passées. Il avait étudié et maîtrisé tous les sutras et tous les traités des diverses écoles répandues en Inde à son époque. Cela n'aurait-il pas dû le laver de tous les crimes qu'il aurait pu commettre ?

Il faut ajouter à tout cela que les enseignements ésotériques du Shingon sont différents des autres enseignements bouddhiques. Ils affirment que si l'on a formé avec les mains ne serait-ce qu'un seul mudra, si l'on a prononcé de sa bouche ne serait-ce qu'un seul mantra dharani*, même les crimes les plus graves accumulés dans les trois phases de la vie seront expiés. Ils ajoutent qu'il suffit de poser les yeux sur un mandala ésotérique pour que toutes les fautes et entraves karmiques accumulées pendant d'innombrables koti de kalpa s'effacent immédiatement. Cela aurait dû être d'autant plus vrai dans le cas de ce Savant-maître*, qui avait mémorisé tous les mudra et les mantra dharani* des plus de mille deux cents Honorés, qui avait compris aussi clairement que si elle avait été reflétée dans un miroir la pratique de la contemplation qui permet d'atteindre la bodhéité sans changer d'apparence, et qui, pendant la cérémonie d'onction dans le Monde du Diamant* et dans le Monde de la Matrice*, s'était métamorphosé en roi illuminé Vairocana ou en bouddha Vairocana* lui-même  ! Pourquoi une personne de ce genre devait-elle se présenter devant Emma, le roi des enfers, et subir une punition ?

Moi, Nichiren, parmi les deux voies du bouddhisme, exotérique et ésotérique, j'étais résolu à adhérer à l'enseignement suprême, celui qui nous permet de nous libérer le plus facilement du cycle des souffrances de la vie et de la mort. Par conséquent, j'ai étudié dans ses grandes lignes l'enseignement secret du Shingon et je me suis interrogé sur ce destin de Shubhakarasimha*. Mais personne ne m'a jamais donné de réponse satisfaisante à la question que je posais plus haut. Si lui-même ne parvint pas à échapper aux mauvaises voies, comment, à notre époque, un seul des moines du Shingon ou des laïcs qui n'ont pas fait plus d'un mudra ou récité plus d'un mantra dharani*, pourrait-il espérer ne pas y tomber ?

J'ai longuement étudié la question et j'ai conclu que Shubhakarasimha* avait été conduit devant Emma, roi des enfers, pour deux fautes qu'il avait commises. Tout d'abord, le Sutra Vairocana* est non seulement inférieur au Sutra du Lotus mais il n'est même pas du niveau du Sutra du Nirvana et des sutras Kegon* et Hannya*. Pourtant, Shubhakarasimha* prétendit qu'il était supérieur au Sutra du Lotus, commettant ainsi la faute de dénigrer le Dharma.

Deuxièmement, bien que le bouddha Vairocana* soit une émanation du Bouddha Shakyamuni, Shubhakarasimha* s'est forgé la croyance erronée que le bouddha Vairocana* est supérieur au Bouddha Shakyamuni. Le crime que représentent ces formes d'opposition au Dharma est si grave qu'une personne qui s'en est rendue coupable ne pourra jamais éviter de sombrer dans les mauvaises voies, même si elle accomplissait les pratiques des plus de mille deux cents Honorés pendant d'innombrables kalpas.

Shubhakarasimha* a commis ces erreurs, à la rétribution desquelles il est très difficile d'échapper, par conséquent, bien qu'il ait pratiqué les mudra et les mantra dharani* particuliers des divers Honorés, cela n'eut pas le moindre résultat. Mais lorsqu'il récita un passage du chapitre Hiyu* (III)  du deuxième volume du Sutra du Lotus "Maintenant, ce monde des trois plans tout entier est mon domaine. Tous les êtres humains qui l'habitent sont mes enfants. Pourtant, ce monde est en proie à une multitude de souffrances dont moi seul peux le délivrer", il s'est libéré des chaînes de fer qui le maintenaient prisonnier. (note)

En dépit de cela, les maîtres du Shingon qui vécurent après Shubhakarasimha* maintinrent tous que le Sutra Vairocana* est non seulement supérieur au divers autres sutras mais aussi au Sutra du Lotus. D'autres prétendirent même que le Sutra du Lotus est inférieur au Sutra Kegon*. Bien qu'il s'agisse là de conceptions divergentes, elles constituent toutes la même grave opposition au Dharma.

Le Savant-maître Shubhakarasimha* professait que le Sutra du Lotus et le Sutra Vairocana* étaient deux sutras méritant un égal respect, prétendant qu'ils étaient identiques d'un point de vue doctrinal mais que, parce que le Sutra du Lotus ne mentionnait ni les mudra ni les mantra dharani*, il était inférieur au Sutra Vairocana*. C'était une théorie erronée. Les maîtres du Shingon qui lui succédèrent allèrent encore plus loin, déclarant que, même du point de vue doctrinal, le Sutra du Lotus est inférieur pour ne rien dire de l'infériorité due à l'absence des mudra et des mantra dharani*. La gravité de leur opposition au Dharma n'en est que plus lourde. Ils ne pourront sans doute pas retarder encore longtemps la punition infligée par le roi Emma et les souffrances de l'enfer. En fait, ils ne font que se précipiter directement dans les flammes de l'enfer avici.

A l'origine, le profond principe d'ichinen sanzen (une pensée - 3000 mondes) n'était mentionné nulle part dans le Sutra Vairocana*. Cette notion ne se trouvait que dans le Sutra du Lotus. Mais Shubhakarasimha*, ayant lu le Sutra du Lotus, entreprit de voler ce profond principe formulé par le Grand-maître* Zhiyi* et l'incorpora dans sa propre interprétation du Sutra Vairocana*. Il affirma ensuite que les mudra et les mantra dharani* du Sutra Vairocana* qui furent à l'origine exposés seulement pour servir d'ornement au Sutra du Lotus, sont précisément les éléments qui fondent la supériorité du Sutra Vairocana* sur le Sutra du Lotus. Shubhakarasimha* développa une théorie fausse lorsqu'il prétendit que les deux sutra sont identiques d'un point de vue doctrinal, et son affirmation que les mudra et les mantra dharani* sont des éléments qui rendent le Sutra Vairocana* supérieur au Sutra du Lotus est également erronée. C'est aussi illusoire, par exemple, que l'erreur d'un serf qui croirait que ses six organes des sens sont des trésors qui lui appartiennent en propre, alors qu'en fait, ils sont à la disposition de son seigneur. Et cette erreur entraîne toutes sortes d'actions indésirables. Nous devrions garder cette comparaison à l'esprit, si nous voulons comprendre tous les sutras, parce que les théories exposées dans les sutras inférieurs ne sont là en réalité que pour servir d'ornement au Sutra du Lotus qui contient l'enseignement véritablement supérieur.

Moi, Nichiren, j'ai vécu au temple Seicho-ji sur le Mont Kiyosumi, dans le village Tojo de la province d'Awa. Dans mon enfance, j'ai adressé au bodhisattva Kokuzo la prière de devenir la personne la plus sage du Japon. Le bodhisattva Kokuzo s'est changé sous mes yeux en un vénérable moine qui m'a confié un joyau de sagesse aussi étincelant que l'étoile du matin. Sans doute est-ce pourquoi maintenant je comprends, pour l'essentiel, les enseignements des huit écoles ainsi que ceux du Zen et du Nembutsu.

Pendant seize ou dix-sept ans, de la cinquième année de l'ère Kencho (1253) environ, jusqu'à présent, la septième année de l'ère Bun'ei, j'ai maintes fois réfuté les principes des écoles Zen et Nembutsu. Par conséquent les maîtres de ces deux écoles se sont agités comme un essaim de guêpes et se sont massés comme des nuages alors qu'il suffit, en réalité, d'un mot ou deux pour réfuter leur argumentation.

Même les maîtres des écoles Tendai et Shingon, perdant de vue les principes sur lesquels se fondent leur propre école, établissant quels enseignements doivent être adoptés ou rejetés, en sont venus à professer des opinions semblables à celles d'autres écoles comme le Zen ou le Nembutsu. Parce que les croyants laïques de leurs communautés prêtent foi à des enseignements erronés, ils ont eux-mêmes pensé qu'il était préférable de soutenir ces écoles et leurs principes falsifiés, en déclarant que les enseignements des écoles Tendai et Shingon sont les mêmes que ceux des écoles Nembutsu et Zen. De cette manière, ils se joignent aux autres dans leurs efforts pour me contredire. Mais même si leurs intrigues semblent avoir pour but de réfuter Nichiren, en réalité, ce sont les enseignements de leurs propres écoles, Tendai et Shingon, qu'ils détruisent. C'est une conduite véritablement honteuse que la leur !

On dit que même une tortue s'acquitte de sa dette de reconnaissance (note). A plus forte raison, des êtres humains ne devraient-ils pas faire de même  ? En ce qui me concerne, pour m'acquitter de ma dette envers mon ancien maître Dozen-bo, j'ai voulu propager les enseignements du Bouddha au Mont Kiyosumi et conduire mon maître Dozen-bo à l'Éveil. Mais c'est un homme de peu de sagesse, plutôt ignorant, et de plus, qui pratique le Nembutsu. Il me paraissait peu probable qu'il puisse échapper aux trois mauvaises voies. En outre, il ne tient aucun compte des conseils de Nichiren.

Néanmoins, le quatorzième jour du onzième mois de la première de l'ère Bun'ei (1264), j'ai eu une entrevue avec lui, au monastère de Saijo à Hanabusa (note). Il m'a dit alors : "Je n'ai ni sagesse ni espoir de promotion. Je suis un vieil homme, qui ne revendique aucun moine célèbre du Nembutsu pour maître. C'est simplement parce que cette pratique à notre époque est devenue partout si répandue que je me contente de réciter Namu Amida Butsu. De plus, sans l'avoir véritablement décidé, j'ai eu l'occasion de faire sculpter cinq statues du bouddha Amida. Peut-être cela est-il dû à un karma formé par le passé. Tomberai-je en enfer en raison de ces fautes  ? "

A ce moment-là, je n'avais pas la moindre intention de débattre avec lui. Mais, en raison de l'incident avec Tojo Saemon nyudo Renchi, je n'avais pas revu mon maître depuis plus de dix ans. C'était comme si nous étions devenus étrangers l'un à l'autre et même hostiles. J'ai pensé qu'il serait plus poli et courtois de raisonner calmement avec lui, de lui parler avec douceur. Mais d'un autre côté, dans le domaine de la vie et de la mort, personne ne peut prévoir de manière certaine qui mourra jeune ou vieux. Il m'est apparu que je n'aurais peut-être plus jamais l'occasion de le revoir. J'avais déja averti son aîné, Dogi-bo Gisho, (note) qu'il tomberait dans l'enfer avici s'il ne changeait pas d'attitude, et apparemment, il était mort dans de très mauvaises conditions. Pensant que Dozen-bo pourrait connaître le même sort, j'ai ressenti pour lui une grande pitié et j'ai donc décidé de lui parler en termes vigoureux.

Je lui ai dit que, pour avoir fait sculpter cinq statues du bouddha Amida, il s'était condamné lui-même à tomber cinq fois dans l'enfer avici. Et cela, lui ai-je expliqué, parce qu'il est dit dans le Sutra du Lotus, dans lequel le Bouddha s'engage désormais à "rejeter sincèrement les enseignements provisoires"(réf.) que le Bouddha Shakyamuni est notre père et le bouddha Amida, notre oncle. Faire exécuter cinq statues de l'oncle et leur faire des offrandes sans en avoir fait sculpter une seule à l'image de son propre père, n'est-ce pas là manquer à la piété filiale  ? Même les chasseurs de la montagne et les pêcheurs incapables de distinguer l'est de l'ouest et qui n'accomplissent pas le plus petit acte de piété sont coupables de crimes moins graves !

Ceux qui de nos jours recherchent la Voie espèrent sans aucun doute une meilleure existence dans leur vie prochaine. Pourtant, ils rejettent le Sutra du Lotus et le Bouddha Shakyamuni, sans manquer un seul instant de révérer le bouddha Amida et d'invoquer son nom. Est-ce la bonne façon d'agir  ? Ils donnent peut-être l'apparence de personnes de bien, mais je vois mal comment on pourrait nier qu'ils abandonnent leur propre parent pour s'allier à d'autres qui leur sont moins proches. Par contre, une personne entièrement mauvaise qui ne s'est jamais engagée dans la pratique du bouddhisme ne peut pas être accusée de la faute d'abandonner le Bouddha Shakyamuni. Peut-être, si les circonstances s'y prêtent, parviendra-t-elle un jour à croire en l'enseignement du Bouddha.

Quant à ceux qui ont foi dans l'enseignement erroné de Shandao, de Honen et des lettrés bouddhistes de notre époque, considérant le bouddha Amida comme leur objet de culte et se consacrant exclusivement à l'invocation de son nom, il ne me semble pas que, même au terme de nombreuses vies, au cours d'innombrables kalpas, ils puissent corriger leurs conceptions erronées et se convertir à l'enseignement du Bouddha Shakyamuni et du Sutra du Lotus. Ainsi, le Sutra du Nirvana, enseigné par Shakyamuni aux derniers instants de sa vie dans le bosquet de shala, prédit l'apparition de personnes effrayantes qui commettront des fautes plus graves que les dix mauvaises actions ou les cinq forfaits, ceux que l'on appelle des icchantika qui s'opposent au Dharma. Nous y lisons aussi que ces personnes ne se trouveront nulle part ailleurs que parmi les sages qui observent les deux cent cinquante préceptes, ceux qui revêtent la triple robe du moine bouddhiste et portent le bol à aumônes.

J'ai expliqué cela en détail à Dozen-bo mais il n'a pas eu l'air de bien comprendre ce que je lui disais. Et les personnes qui se trouvaient près de lui ne semblaient pas moins perplexes. J'ai entendu dire que, par la suite, Dozen-bo s'est converti à l'enseignement du Sutra du Lotus. J'en déduis qu'il a fini par abandonner ses conceptions erronées pour devenir une personne dont la croyance est juste et cette pensée me remplit de joie. Quand j'ai appris, de plus, qu'il avait fait enchâsser une statue du Bouddha Shakyamuni, mon émotion fut indescriptible. Au moment de notre entrevue, on aurait pu penser que j'étais trop sévère. Mais je n'ai fait que lui expliquer les choses telles que les enseigne le Sutra du Lotus, et c'est sans aucun doute pourquoi il a ainsi modifié sa conduite. Comme le dit le proverbe, "les bons conseils écorchent souvent les oreilles, tout comme un bon médicament laisse souvent un goût amer dans la bouche".

Désormais, moi, Nichiren, je me suis acquitté de ma dette de reconnaissance à l'égard de mon maître et je suis certain que les bouddhas et les divinités bouddhiques approuveront ce que j'ai fait. J'aimerais que vous transmettiez tout ce que je viens de dire à Dozen-bo.
Même si l'on emploie des mots sévères, si nos paroles aident la personne à qui elles s'adressent, en réalité on peut les considérer comme des paroles justes et douces. Inversement, même si l'on emploie des mots doux, si nos paroles nuisent aux personnes à qui elles s'adressent, ce sont en réalité des paroles mensongères et brutales.

Les doctrines enseignées par les maîtres de notre époque sont considérées par la plupart des gens comme des paroles douces et véridiques, mais, en réalité, elles sont brutales et mensongères. Si j'affirme cela, c'est parce qu'elles contredisent le Sutra du Lotus, qui concrétise les véritables intentions du Bouddha.

Lorsque que je dis que les pratiquants du Nembutsu tomberont dans l'enfer avici et que les écoles Zen et Shingon professent des enseignements erronés, mes paroles peuvent sembler brutales, mais en réalité elles sont justes et douces. Je pourrais en donner pour preuve le fait que c'est grâce au discours sévère que je lui ai tenu que Dozen-bo s'est converti à la croyance du Sutra du Lotus, et qu'il a fait enchâsser une statue du Bouddha Shakyamuni. Il en va de même pour de très nombreuses autres personnes au Japon. Il y a environ dix ans, presque tout le monde récitait le Nembutsu. Mais maintenant, sur dix personnes, on constate qu'une ou deux ont commencé à réciter Namu Myoho Renge Kyo et que deux ou trois le récitent en même temps que le Nembutsu. Même parmi ceux qui récitent exclusivement le Nembutsu, certains ont commencé à éprouver des doutes, à croire dans leur coeur au Sutra du Lotus et à peindre ou sculpter des représentations du Bouddha Shakyamuni. Tout cela s'est également produit parce que j'ai parlé de manière sévère.

C'est comme si l'on voyait pousser des santals, arbres dont le bois est parfumé, au beau milieu d'une forêt d'eranda, arbres à l'odeur fétide, comme si l'on assistait à l'éclosion de lotus sortant d'une eau boueuse. Ainsi, lorsque je dis que les pratiquants du Nembutsu tomberont dans l'enfer avici, les "sages" de notre époque, en fait tout aussi dépourvus de discernement que des vaches ou des chevaux, peuvent bien essayer de dénigrer l'enseignement de Nichiren. Mais, en vérité, ils sont comparables à des chiens squelettiques aboyant sur le passage du lion, roi des animaux, ou à des singes stupides se moquant du dieu Taishaku.
La septième année de l'ère Bun'ei (1270).

Nichiren.

ARRIERE-PLAN - En 1264, Nichiren se rendit dans son village natal, dans la province d'Awa. Son père était déjà mort (en 1258) et sa mère était à l'époque gravement malade. Ses prières pour la guérison de sa mère ayant été couronnées de succès, il établit temporairement sa résidence dans un temple appelé Renge-ji. En apprenant que Nichiren se trouvait à Awa, Kudo Yoshikata et d'autres disciples de la région manifestèrent un grand désir de le voir et lui demandèrent avec insistance de se rendre au manoir de Yoshikata. Nichiren se mit en route le 11 novembre 1264, accompagné de messagers venus du temple Renge-ji pour lui indiquer la route. Son groupe et lui arrivaient au lieu dit Komatsubara lorsqu'ils tombèrent dans une embuscade tendue par Tojo Kagenobu, l'intendant du village Tojo, croyant dévot du Nembutsu, et par ses hommes. Nichiren fut blessé au front d'un coup de sabre et il eut le poignet gauche cassé. Deux de ses disciples, Kyonin-bo et Kudo Yoshikata, furent tués.
Nichiren rentra alors au temple Renge-ji où son maître, désormais âgé, Dozen-bo, vint lui rendre visite après avoir été informé de cette agression. Ce fut probablement une rencontre poignante au cours de laquelle Nichiren essaya de convaincre Dozen-bo de l'erreur qu'il faisait en adhérant à l'enseignement du Nembutsu.
En 1270, Nichiren écrivit cette lettre de Matsubagayatsu (Kamakura) à Joken-bo et Gijo-bo, moines qui avaient été ses aînés au temple Seicho-ji, à Awa. On ne connaît pas très précisément les raisons qui le poussèrent à l'écrire, mais il est possible qu'il le fit poussé par la joie d'apprendre, comme il le mentionne à la fin de sa lettre, que Dozen-bo avait adopté la croyance du Sutra du Lotus et fait enchâsser une statue du Bouddha Shakyamuni. Les remarques de Nichiren nous permettent de supposer que Dozen-bo, sans avoir entièrement renié son ancienne croyance dans les vertus du Nembutsu, se mit à vénérer le Bouddha Shakyamuni et à avoir foi dans le Sutra du Lotus en 1270, après sa rencontre avec Nichiren Daishonin.
Dozen-bo était le supérieur du Shobutsu-bo, un bâtiment situé dans l'enceinte du temple Seicho-ji où Nichiren était entré comme novice encore enfant. Seicho-ji avait été à l'origine un temple appartenant à l'école Tendai mais il était tombé sous l'influence, d'abord de l'école Shingon, puis de l'école Jodo (de la Terre pure). A l'époque de Kamakura (1185-1333), les pratiques de ces trois écoles y étaient toutes enseignées. En 1233, Nichiren Daishonin entra dans ce temple et étudia le bouddhisme sous la direction de Dozen-bo. C'est là que, pour la première fois, il révéla la pratique essentielle du bouddhisme du Lotus, le 28 avril 1253. Cela rendit furieux le seigneur Kagenobu qui ordonna l'arrestation de Nichiren Daishonin. Dozen-bo, avec l'aide de Joken-bo et de Gijo-bo, couvrit discrètement la fuite de Nichiren Daishonin qui parvint à s'échapper. (Commentaire ACEP)

En anglais : The Learned Doctor Shan-wu-wei ou The Tripitaka Master Shan-wu-wei

- http : //www.sgilibrary.org/view.php?page=166&m=1&q=The%20Tripitaka%20Master%20Shan-wu-wei
- commentaires : http : //nichiren.info/gosho/bk_LearnedShanwuwei.htm

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