Les divers sutras exposés avant le Sutra du Lotus traitent du corps et de l'esprit des simples mortels. Ils furent exposés pour être accessibles aux personnes ordinaires, en fonction de leurs capacités ; et même s'il s'agit bien d'enseignements du Bouddha, ils n'énoncent rien que ne puisse concevoir l'esprit de personnes ordinaires. Aussi les appelle-t-on sutra zuitai. Cela pourrait se comparer à des parents qui, bien que n'aimant pas particulièrement l'alcool eux-mêmes, ont un fils très cher qui apprécie beaucoup le saké. Par amour pour leur fils et pour gagner son affection, ils l'invitent à boire avec eux un peu de saké, en faisant semblant de le savourer. Le fils, dans son ignorance, en conclut que son père et sa mère aiment véritablement le goût du saké. Le Sutra Trapusha traite des mondes-états des hommes et du Ciel. Les sutras Agama* décrivent les personnes des deux véhicules. Le Sutra Kegon* décrit les bodhisattvas. Les sutras Hodo* et Hannya* ressemblent soit aux sutras Agama* et Trapusha, soit au Sutra Kegon*. (voir les huit enseignements). Les simples mortels de l'époque des Derniers jours du Dharma s'imaginent que ce qu'ils lisent dans ces divers sutras correspond à l'esprit du Bouddha. Mais ce n'est finalement qu'un reflet de leur propre esprit. Et parce que, pour n'avoir pas encore été cultivées, les capacités de leur propre esprit sont restreintes, cela ne peut leur procurer que peu de bienfaits. Le Sutra du Lotus, par contre, est ce que l'on appelle un sutra zuiji, dans lequel le Bouddha transmet directement son propre esprit. Parce que l'esprit du Bouddha est sans limite, même ceux qui ne comprennent pas les principes qu'il expose peuvent obtenir des bienfaits inestimables en récitant ce Sutra. Comme le liseron serpentaire poussant au milieu du chanvre ou comme un serpent pénétrant dans un tube rigide, ceux qui entrent en contact avec des personnes droites, même s'ils n'ont pas de mérite particulier, se redressent en pensée, en actes et en paroles. Le Sutra du Lotus exerce une influence similaire. Même une personne qui n'est en rien extraordinaire, si elle a foi en ce Sutra, sera considérée par le Bouddha comme une personne de bonté. La forme que prend l'enseignement du Sutra du Lotus se modifie cependant en fonction des capacités des gens, du temps, du pays, et des personnes qui le propagent. Or même des bodhisattvas parvenus à l'étape de togaku semblent ignorer ce fait. Comment alors de simples mortels de l'époque des Derniers jours du Dharma pourraient-ils le comprendre ! De manière générale, il existe trois sortes de messagers. Les premiers sont d'une extrême intelligence ; les deuxièmes, ni particulièrement intelligents ni particulièrement ignorants ; les troisièmes, ignorants mais totalement dignes de confiance. Parmi ces trois sortes de messagers, les premiers ne commettront aucune erreur en transmettant le message du Bouddha. Les messagers de la deuxième catégorie, dotés d'une certaine intelligence qui reste cependant inférieure à celle des premiers, ajouteront au message de leur seigneur des paroles de leur cru. Cela fait d'eux la pire sorte de messager possible. Ceux de la troisième sorte, étant d'une ignorance extrême, ne se permettront pas d'introduire des propos personnels et, en raison de leur grande honnêteté, transmettront le message de leur seigneur sans le trahir. Ils font donc, en réalité, de meilleurs messagers que ceux de la deuxième catégorie, et sont même parfois plus fidèles que ceux de la première. Les Quatre rangs de saints de l'Inde peuvent être comparés à la première sorte de messagers (note) ; les maîtres de Chine, à la deuxième, et les personnes ignorantes mais honnêtes parmi les simples mortels vivant à l'époque des Derniers jours du Dharma, peuvent être comparées à la troisième. Je laisserai pour l'instant de côté l'époque où le Bouddha était encore en vie. On appelle les mille ans qui suivirent, à dater du jour de sa mort, l'époque du Dharma correct. Ces mille ans de l'époque du Dharma correct se divisent en deux périodes. Au cours des premiers cinq cents ans, les sutras du Hinayana furent propagés. Ceux qui les enseignèrent furent Mahakashyapa, Ananda et quelques autres. Dans la deuxième période de cinq cents ans, Ashvaghosha, Nagarjuna, Asanga, Vasubandhu et d'autres propagèrent les sutras du Mahayana provisoire*. Certains de ces maîtres, dans leurs écrits, firent allusion à des aspects partiels du Sutra du Lotus, et d'autres ne le mentionnèrent jamais. Parmi les maîtres apparus après les mille ans de l'époque du Dharma correct, certains donnèrent des interprétations ressemblant à l'enseignement du Bouddha lui-même, mais sur de nombreux points ils tombèrent dans l'erreur. Parmi ceux [apparus à l'époque du Dharma correct] qui n'étaient pas dans l'erreur mais dont l'enseignement restait incomplet, se trouvent Mahakashyapa, Ananda, Ashvaghosha, Nagarjuna, Asanga et Vasubandhu. Pendant les mille ans de l'époque du Dharma formel, le bouddhisme fut introduit en Chine. Mais dès le début, la controverse avec les confucéens ne laissa pas le temps de débattre, au sein même du bouddhisme, des différences entre Mahayana et Hinayana, et entre enseignements provisoires et définitifs. Les enseignements bouddhiques se répandirent de plus en plus largement et, au fur et à mesure que l'une après l'autre, de nouvelles doctrines, arrivaient d'Inde, certaines personnes jusqu'alors respectées pour leur sagesse se révélèrent ignorantes à la lumière des sutras et traités introduits par la suite. D'autres que l'on avait considéré précédemment comme des ignorants parurent désormais des sages. Finalement, le bouddhisme se divisa en dix écoles distinctes, et mille ou dix mille principes furent énoncés. Les ignorants ne savaient plus auxquels adhérer et ceux que l'on prenait pour des sages renforçaient toujours plus leurs interprétations personnelles. Il y eut toutefois un point sur lequel tout le monde s'accordai : parmi tous les enseignements exposés par le Bouddha de son vivant, le Sutra Kegon* était le plus élevé, le Sutra du Nirvana venait en deuxième, et le Sutra du Lotus en troisième. Nul, du souverain aux personnes des plus basses conditions, ne contestait cette opinion car c'était aussi celle du Maître du Dharma Fayun, du Maître du Dharma Zhizang et des autres maîtres des dix écoles, tous considérés comme de grands sages. Ensuite, à l'époque du Dharma formel, sous les dynasties Chen et Shui, apparut un novice du nom de Zhiyi* qui fut appelé plus tard le Grand-maître* du Tiantai. Il formula de nombreux enseignements mais le point le plus important, en définitive, fut qu'il établit un ordre de supériorité relative entre le Sutra du Lotus, le Sutra du Nirvana et le Sutra Kegon*. Ce moine, Zhiyi*, déclara que les maîtres bouddhistes inversaient totalement l'ordre de priorité. Le souverain de la dynastie Chen, pour clarifier ce point, convoqua un groupe de plus de cent personnes parmi lesquelles les maîtres les plus éminents des dix écoles de la Chine du Nord et du Sud : l'administrateur des moines Huiheng, le supérieur des moines Huiguang, Hua-rong, le Maître du Dharma Fasui et d'autres, pour débattre avec le Grand-maître* Zhiyi*. Le grand maitre Zhiyi* déclara : "Dans le Sutra du Lotus même, on lit que "parmi tous les sutras, celui-ci tient la place la plus élevée."(réf.) Le Bouddha Shakyamuni dit aussi : "Parmi tous les sutras que j'ai enseigné, que j'enseigne et que j'enseignerai, le Sutra du Lotus est le plus difficile à croire et le plus difficile à comprendre."(réf.) Il est clairement indiqué dans le Sutra Muryogi que les sutras déjà enseignés par le Bouddha désignent le Sutra Makahannya, le principe kegon du vide de l'océan (note) et d'autres. A propos des sutras qu'il enseignerait à l'avenir, on lit dans le Sutra du Nirvana : "Du Sutra Hannya Haramitsu découle le grand Sutra du Nirvana." Ces passages scripturaux démontrent la supériorité du Sutra du Lotus sur le Sutra Kegon* et le Sutra du Nirvana ; tout cela est d'une clarté aveuglante, il est impossible de ne pas le comprendre." C'est en ces termes qu'il démontra leur erreur à ces moines. Certains, ne sachant que dire, se turent ; d'autres se mirent à déverser sur lui des insultes, ou changèrent de couleur. Mais l'empereur de la dynastie Chen se leva de son siège et s'inclina trois fois, et les cent officiels à son service joignirent les mains en signe de révérence. Les maîtres des autres écoles, incapables de prouver la justesse de leur point de vue, furent contraints d'admettre leur défaite. Il fut donc établi que parmi les enseignements exposés par le Bouddha de son vivant, le Sutra du Lotus était bien le plus important. Ensuite, au cours des cinq cents dernières années de l'époque du Dharma formel les nouvelles traductions des sutras et des traités apparurent sucessivement. Dans la 3e année de l'ère Chenguan [629] sous le règne de l'empereur Taizong, un moine du nom de Xuanzang se rendit en Inde. Pendant dix-sept ans, il étudia en détail les divers enseignements bouddhiques des cinq régions et revint en Chine dans la 19e année de la même ère [645], introduisant le Sutra Jimmitsu*, le Yuga Ron, le Yuishiki Ron, et d'autres enseignements, tels que le principe du Rien-que-conscience de l'école Hosso. Xuanzang déclara : "Il existe de nombreuses écoles en Inde, mais celle-ci est la plus élevée." L'empereur Tai-zong, l'un des souverains les plus sages que la Chine ait jamais connus, prit alors Xuanzang pour maître. Essentiellement, cette école enseigne que pour certaines personnes les trois véhicules ne sont qu'un moyen provisoire et le Véhicule unique représente l'enseignement véritable et définitif, tandis que pour d'autres le Véhicule unique est un moyen provisoire et les trois véhicules constituent l'enseignement véritable et définitif (note). Cette école enseigne aussi que les cinq natures sont totalement distinctes les unes des autres et que certains êtres sont naturellement prédestinés à certains états de vie ou sont dépourvus par nature de la graine de la bodhéité et ne pourront jamais atteindre l'Éveil. De tels principes étaient aussi différents de ceux de l'école de Zhiyi* que le feu de l'eau. Mais à cette époque-là, les Grands-maîtres Zhiyi* et Guanding* n'étaient plus de ce monde et leurs successeurs n'étaient pas de taille à réfuter les principes erronés. L'école Tendai semblait donc déjà vaincue. Plus tard, sous le règne de l'impératrice Zetian, l'école Kegon fut fondée en Chine. On abandonna la traduction du Sutra Kegon* en soixante volumes (note), que le Grand-maître* Zhiyi* avait critiquée, et désormais l'école s'appuya sur une nouvelle traduction du Sutra Kegon en 80 volumes, introduite par le Maître du tripitaka Jih-chao. Cette école enseigne principalement que le Sutra Kegon est "la racine", l'enseignement fondamental du Bouddha tandis que le Sutra du Lotus en est "les branches", l'enseignement secondaire. L'impératrice Zetian s'était faite nonne et elle avait une certaine connaissance des écrits bouddhiques aussi bien que non bouddhiques. Avec arrogance, elle rabaissa l'école de Zhiyi*. Ainsi, par les écoles Hosso aussi bien que Kegon, le Sutra du Lotus fut donc doublement dissimulé. Par la suite, sous le règne de l'empereur Xuanzong, les trois maîtres du Tripitaka Shubhakarasimha*, Vajrabodhi* et Amoghavajra* vinrent d'Inde en Chine, apportant avec eux les sutras Vairocana*, Kongocho* et Soshitsuji*. Par leur personnalité aussi bien que par leurs théories, ces trois hommes étaient très loin de soutenir la comparaison avec les maîtres bouddhistes qui les avaient précédé en Chine. De plus, parce qu'ils introduisaient la pratique de mudra et de mantra dharani* jusqu'alors inconnus, on pensa que le véritable bouddhisme était resté ignoré en Chine avant leur arrivée. Ces trois maîtres déclarèrent que l'école Tiantai était supérieure aux écoles Kegon, Hosso et Sanron, mais que ses principes étaient incomparablement moins élevés que ceux des sutras du Shingon. Par la suite, le Grand-maître* Zhanlan* réfuta les principes introduits par les écoles Hosso, Kegon et Shingon, ce que n'avait évidemment pas pu faire le Grand-maître* Zhiyi. Mais ces réfutations ne furent pas prononcées au cours de débats publics, comme ce fut le cas avec le Grand-maître* Zhiyi*. Ainsi, le Sutra du Lotus devint comparable à une pièce de tissu de soie précieuse portée par une nuit obscure, tandis que les mudra et les mantra dharani*, dont il n'est nulle part question dans le Sutra du Lotus, s'étalaient, bien visibles aux yeux de tous. C'est pourquoi chacun s'accorda à reconnaître la supériorité de l'école Shingon. A l'époque du Dharma formel, le bouddhisme fut introduit au Japon, dans la sixième année du règne de l'empereur Kimmei [544]. Pendant plus de deux cents ans, du règne de l'empereur Kimmei au règne de l'empereur Kammu, l'enseignement des six écoles - Sanron, Jojitsu, Hosso, Kusha, Kegon et Ritsu - se répandit. La doctrine du Shingon fut introduite sous le règne du quarante-quatrième souverain, l'impératrice Gensho, et celle de l'école Tendai sous le règne du quarantième-cinquième souverain, l'empereur Shomu. Mais aucun de ces enseignements ne fut propagé à l'époque. Sous le règne de l'empereur Kammu vécut un Maître du Dharma, Saicho*, qui devint par la suite le Grand-maître* Dengyo. Avant de se rendre en Chine, il étudia en profondeur les doctrines des six écoles. De plus, pendant quinze ans, retiré dans la montagne [le Mont Hiei], il compara les doctrines des écoles Tendai et Shingon. Par conséquent, avant même son départ pour la Chine, en s'appuyant sur l'enseignement du Tendai, il parvint à réfuter celui des six premières écoles ; si bien que, reconnaissant leur défaite, les supérieurs des sept temples principaux de Nara devinrent ses disciples. Ainsi, les principes de ces six écoles furent invalidés. Par la suite, dans la 23e année de l'ère Enryaku [804], Saicho* partit en Chine, et il revint au Japon dans la 24e année de la même ère [805]. Il propagea alors au Japon les enseignements du Tendai et du Shingon. Mais s'il semble bien qu'il ait discerné dans son coeur la supériorité des uns par rapport aux autres, il ne s'est pas exprimé publiquement à ce sujet. C'est à la même époque que vécut Kukai*, connu parla suite sous le nom de Grand-maître* Kobo. Il se rendit lui aussi en Chine, dans la 23e année de l'ère Enryaku [804], et revint au Japon dans la 3e année de l'ère Daido [808] (note). Il étudia exclusivement la doctrine Shingon et la propagea au Japon. Selon lui, le Sutra du Lotus ne pouvait même pas être comparé au Sutra Kegon*, et encore moins aux enseignements du Shingon. Le Grand-maître* Saicho* eut un disciple du nom d'Ennin*, plus tard connu sous le nom de Grand-maître* Jikaku Daishi. Ce dernier se rendit en Chine dans la 5e année de l'ère Jowa [838] et revint au Japon dans la 14e année de la même ère [847]. Pendant cette décennie, il étudia à la fois les doctrines du Shingon et du Tendai. Au Japon, il avait étudié en profondeur les doctrines Tendai et Shingon sous la direction des Grands-maîtres Saicho*, Gishin* et Encho*. De plus, durant les dix années de son séjour en Chine, il étudia le Shingon sous la direction de huit maîtres éminents et le Tendai sous la direction de Zongjui, Zhi-yuan et d'autres. De retour au Japon, il déclara que les écoles Tendai et Shingon correspondaient toutes deux à la saveur du ghee, et que les sutras de ces deux écoles étaient également profonds et ésotériques. Cette déclaration fut officialisée par un édit impérial. Après lui, il y eut Enchin*, connu plus tard sous le nom de Grand-maître* Chisho Daishi. Avant de se rendre en Chine, il avait été disciple de l'éminent moine Gishin*. Au Japon, il avait étudié les enseignements du Tendai et du Shingon sous la direction de Gishin*, Encho*, Ennin* et d'autres. De plus, il partit pour la Chine dans la 3e année de l'ère Ninka [853], et en revint dans la 1ère année de l'ère Jogan [859]. Au cours des sept années qu'il passa en Chine, il fit une étude approfondie des deux enseignements du Tendai et du Shingon sous la direction d'hommes tels que Faxian et Liang-xu. Il déclara que les mérites relatifs des écoles Tendai et Shingon lui apparaissaient aussi clairement que dans un miroir mais que, parce que ce point susciterait probablement des polémiques à l'avenir, il désirait résoudre définitivement la question. A son avis, les deux écoles, Tendai et Shingon étaient comparables aux deux yeux d'une personne ou aux deux ailes d'un oiseau. Ceux qui donneraient des interprétations différentes trahiraient l'enseignement du fondateur de la doctrine, le Grand-maître* Saicho*, et n'auraient plus le droit de résider sur le Mont Hiei. Un nouveau décret impérial fit largement connaître cette position d'Enchin* à travers tout le pays. Ainsi parmi les nombreux sages que comptent la Chine et le Japon, il n'y en eut pas un seul pour réfuter cette interprétation. Si elle était juste, ceux qui fondent sur elle leur pratique devraient immanquablement atteindre la bodhéité, et les souverains qui la respectent devraient amener paix et sécurité dans le monde. J'ai pensé que si j'osais exprimer ma conviction personnelle, non seulement personne n'en tiendrait compte mais cela me mettrait en danger. Et que mes disciples et bienfaiteurs laïces, ayant entendu mon point de vue, seraient également inquiétés. En fait, tout s'est passé exactement comme je l'avais prévu. Mais je persiste à croire que ces interprétations avancées par Ennin*, Enchin* et d'autres ne correspondent absolument pas au voeu du Bouddha. Lorsqu'on lit les huit volumes et vingt-huit chapitres du Sutra du Lotus, il apparaît que si un autre sutra lui était supérieur, le Sutra du Lotus ne serait plus qu'un rassemblement de bouddha venus des dix directions pour amonceler mensonge sur mensonge. Mais en réalité, lorsque nous étudions attentivement les sutras Kegon*, Nirvana, Hannya*, Vairocana* et Jimmitsu*, nous ne trouvons nulle part le moindre passage contredisant cette claire affirmation du Sutra du Lotus : "parmi tous les sutras, celui-ci est de tous le plus élevé". C'est pourquoi bien qu'ils aient avancé quantité d' arguments habiles, Shubhakarasimha*, Xuanzang, Kukai*, Ennin*, Enchin* et les autres ne purent trouver le moindre passage prouvant la supériorité du Sutra Vairocana* sur le Sutra du Lotus. Toute leur argumentation repose seulement sur la présence ou non, dans un sutra, des mudra et des mantra dharani*. Plutôt que de développer leurs théories en cent volumes, de faire d'incessants aller et retours entre la Chine et le Japon, de fomenter d'innombrables intrigues et d'appuyer leur opinion sur l'autorité de décrets impériaux, ils auraient mieux fait de produire un passage clair, une preuve littérale irréfutable, tirée des sutras eux-mêmes. Qui aurait pu alors douter de leurs affirmations ? Les gouttes de rosée s'accumulent pour former un cours d'eau, et l'accumulation des cours d'eau forme le grand océan. L'amoncellement des grains de poussière finit par créer une montagne, et des montagnes accumulées forment le Mont Sumeru. De même, une accumulation de petits problèmes conduit à des problèmes graves. A plus forte raison lorsqu'il s'agit de cette question, la plus sérieuse de toutes ! Pour écrire leurs commentaires, ils auraient dû chercher preuve théorique et preuve littérale dans l'enseignement de ces deux écoles ; et le décret impérial aurait dû appuyer son autorité sur une étude approfondie des deux doctrines et sur des preuves écrites indiscutables. Le Bouddha lui-même ne pourrait pas désavouer les paroles qu'il a prononcées "parmi tous les sutras que j'ai enseignés, que j'enseigne et que j'enseignerai... le Sutra du Lotus est le plus élevé"(réf.). Comment des maîtres bouddhistes, des moines ou des gouvernants pourraient-ils le faire ? Cette déclaration, Bonten, Taishaku, les divinités Nitten, Gatten et les quatre Rois du Ciel l'ont entendue et l'ont enregistrée dans leurs palais respectifs. Tant que les gens ignoraient encore tout de cette déclaration concernant le passé, le présent et l'avenir, les interprétations erronées des maîtres que j'ai mentionnés pouvaient se répandre sans entraîner de rétribution négative particulière. Mais lorsqu'une personne décidée cite ce passage et le fait largement connaître avec courage et sans le déformer, les conséquences deviennent graves. Cette personne a été méprisée, calomniée, frappée, exilée, on a attenté à sa vie. Bonten, Taishaku, les divinités Nitten, Gatten et les quatre Rois du Ciel ont alors réagi avec colère pour défendre ce Pratiquant. Voilà pourquoi le Ciel envoie des punitions inattendues, le peuple risque de disparaître et le pays d'être détruit. Le Pratiquant du Sutra du Lotus est peut être de condition modeste, mais les divinités célestes qui le protègent sont d'une force terrifiante. Si un démon ashura tente de dévorer le soleil ou la lune, il a la tête brisée en sept morceaux. Si un chien aboie sur le passage d'un lion, ses entrailles iront pourrir au soleil. Je vois le même phénomène se produire actuellement au Japon. Ceux qui, par leurs dons, soutiennent le Pratiquant du Sutra du Lotus recevront les mêmes bienfaits qu'ils auraient obtenu en faisant des offrandes au Sutra lui-même. Le Grand-maître* Saicho* écrivit dans un commentaire : "Ceux qui feront son éloge accumuleront une bonne fortune aussi haute que le Mont Sumeru, et ceux qui le calomnieront tomberont dans l'enfer avici." (note) Celui qui fit don d'un humble plat de millet au pratyekabuddha devint le Tathagata Clarté-universelle (note). Celui qui offrit un pâté d'argile au Bouddha devint le roi de tout le continent de Jambudvipa (note). On aura beau multiplier les actions méritoires, si elles bénéficient à des imposteurs, elles ne pourront qu'aggraver le mal et ne produiront aucun bien. En revanche, même une personne ignorante du Dharma bouddhique et ne possédant que peu de choses, obtiendra un grand bienfait si elle fait un don à ceux qui défendent la vérité. C'est encore plus vrai de personnes qui font avec sincérité des offrandes au véritable Dharma ! De plus,
nous vivons aujourd'hui une époque de chaos où les personnes
ordinaires n'ont guère de pouvoir. Pourtant, malgré le
peu de temps que vous laissent vos fonctions, avec sincérité
et de tout votre coeur, vous m'avez envoyé des pousses de bambou
moso en offrande au Sutra du Lotus, ici, dans les montagnes.
Sans nul doute, vous avez semé d'excellentes graines dans le
champ de votre bonne fortune.
Lorsque j'y pense, mes larmes ne cessent de couler. ARRIERE-PLAN
- Le début et la fin de ce gosho ont été perdus,
on ignore donc sa date de rédaction ainsi que son destinataire.
La partie de cette lettre qui demeure semble indiquer qu'elle fut envoyée
par Nichiren Daishonin du Mont Minobu à l'un de ses fidèles
disciples. En anglais : The Bodies and Minds of Ordinary Beings |
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