Traité
pour ouvrir les yeux
(Sur l'ouverture des yeux) Lettres
et traités de Nichiren Daishonin. ACEP - vol.2. p. 77; SG* p.220. |
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Première partie Il y a trois catégories de personnes qu'hommes et femmes doivent tous respecter. Ce sont le souverain, le maître et le parent. Il y a trois types de doctrines qu'il faut étudier. Ce sont le confucianisme, le brahmanisme et le bouddhisme. (note) Premièrement : Le confucianisme décrit les Trois Augustes [Fu Xi, Shennong, et Huangdi], les Cinq empereurs [Shao-Hao, Zhuang-Xin, Di-Kao, Tang-Yao et Yu-Shun], et les Trois souverains fondateurs [Yu, de la dynastie Xia, Tang de la dynastie Shang (Yin) et Zhou Wen], qu'il appelle les Honorés du Ciel. Ces hommes sont dépeints comme la tête et les yeux du gouvernement et les piliers et les poutres du peuple (note). Avant l'époque des Trois Augustes, les êtres humains vivaient comme des animaux et ne reconnaissaient même pas leur propre père. Mais à partir de l'époque des Cinq Empereurs, ils apprirent à reconnaître leur père et leur mère et à obéir aux règles de la piété filiale. Ainsi, Yu Shun*, le dernier des Cinq Empereurs, servit son père avec respect, bien que ce dernier fut borné et entêté. De même, le Duc de Pei, une fois devenu le premier empereur de la dynastie Han*, continua à respecter profondément son père*, le sire vénérable. Le roi Zhou Wu, fit graver sur bois un portrait de son père (note), le gouverneur des Marches de l'Ouest, et Ding Lan fit sculpter une statue de sa mère*. Tous sont des modèles de piété filiale. Le haut dignitaire Bi Gan, voyant la dynastie Yin (Shang) en passe de s'effondrer, fit de sévères remontrances à l'empereur*, et fut pour cela décapité. Hong Yen, découvrant que son seigneur, le Duc Yi, avait été tué, s'ouvrit le ventre pour y cacher le foie du duc et mourut. Ces hommes sont des modèles de loyauté. Yin Shou fut le maître de l'empereur Yao, Wu Zheng celui de l'empereur Shun, Taigong fut le maître du roi Zhou Wen, et Lao Zi celui de Confucius. Ces maîtres sont appelés les "Quatre sages". Même les Honorés du Ciel inclinent la tête devant eux en signe de respect, et tous les hommes joignent les mains en signe de vénération. Ces sages ont laissé derrière eux des écrits qui couvrent plus de trois mille volumes, au nombre desquels les Trois Recueils et Cinq Canons et Trois Histoires des trois dynasties. Mais tous ces écrits ne vont pas au-delà de l'explication des Trois Mystères. Le premier des trois Mystères est l'Etre. C'est le principe enseigné par le Duc de Zhou et quelques autres. Le deuxième mystère est le non-être, exposé par Lao-Zi. Le troisième est la double qualité de 1'être et du non-être, mystère énoncé par Zhuang-Zi (note). On appelle mystère ce qui reste obscur. Certains affirment que, si l'on s'interroge sur ce qui existait avant l'apparition de nos ancêtres, on découvre que la vie est née d'une force primordiale appelée tai-chi, tandis que d'autres déclarent que la gloire et l'obscurité, la joie et la peine, le vrai et le faux, le gain et la perte, sont inhérent à la Nature (note). Il s'agit là de théories habilement articulées, mais qui ne permettent pas d'accéder à la connaissance du passé ou de l'avenir. Elles restent dans les ténèbres et on a raison de mystère. Ces théories n'expliquent que le présent. Pour le présent, les confucianistes affirment que, dans ce monde, il faut suivre les principes de bienveillance et de droiture (note) pour assurer ainsi sa propre sécurité aussi bien que la paix et l'ordre dans l'Etat. Selon eux, ceux qui s'écartent de ces principes verront la disparition de leur famille et la ruine de leur maison. Ces sages étaient des hommes d'une vertu insigne, cependant ne pas comprendre le passé c'est être comme l'ignorant* qui ne voit pas son dos ; ne pas regarder l'avenir c'est être comme l'aveugle qui ne voit pas devant lui. Selon ces sages si une personne, de son vivant, maintient l'ordre dans sa famille, satisfait aux exigences de la piété filiale, et pratique avec constance les cinq vertus, alors, elle sera respectée de ses contemporains et son nom sera connu dans tout le pays. S'il y avait un souverain sage sur le trône, il inviterait une telle personne à devenir son ministre ou son conseiller, voire même lui céderait la place. Le Ciel même viendrait le protéger. Ce fut le cas de ceux qu'on appela les cinq Aînés, qui se rassemblèrent pour soutenir le roi Zhou Wu, ou les vingt-huit constellations du Ciel qui devinrent les vingt-huit généraux de l'empereur Guang Wudi de la dynastie Han postérieurs. Mais puisque de telles personnes ne savent rien du passé ou de l'avenir, elles ne peuvent aider leurs parents, leur souverain ou leur maître dans leurs vies prochaines, et de ce fait, ils ne peuvent s'acquitter de leur dette de reconnaissance. De telles personnes ne sont pas véritablement sages ou vertueuses. C'est pourquoi Confucius déclara qu'il n'y avait pas d'hommes vertueux ou de sages dans son pays, mais que sur la terre de l'Ouest il y avait une personne appelée le Bouddha qui était un [véritable] sage. Cela indique que les enseignements non bouddhiques* doivent être considérés comme la première étape vers la doctrine bouddhique. Les confucianistes enseignèrent tout d'abord les principes de bienséance* et de musique (note) de sorte que, quand les écrits bouddhiques furent introduits en Chine, les concepts de préceptes, méditation et sagesse-prajna (note) furent plus aisément compris. Ils décrivirent des modèles idéaux de souverain et de ministre afin d'établir clairement la distinction entre supérieur et subordonné ; ils enseignèrent un idéal de gratitude envers les parents pour faire comprendre l'importance de la piété filiale ; ils définirent un modèle de maître pour faire comprendre l'intérêt de suivre [un maître]. Le Grand-maître* Zhanlan* écrivit : "La propagation du bouddhisme s'appuie véritablement sur cela. C'est parce que la bienséance et la musique se sont d'abord propagées que la Voie véritable s'est ensuite ouverte". (réf.) Zhiyi* déclara : "Dans le Sutra Konkomyo*, il est indiqué que "tous les bons enseignements qui existent en ce monde découlent de ce Sutra. Avoir une profonde connaissance de ce monde est en soi le bouddhisme."(réf.) On lit dans le Maka Shikan : "Moi, le Bouddha, j'ai envoyé Trois sages* pour instruire le peuple de Chine." Dans le Guketsu, commentaire de Zhanlan* sur le Maka Shikan, on lit : "Le Sutra Shojohogyo établit que le bodhisattva Gakko* apparut là-bas sous le nom de Yan-Hui, le bodhisattva Kojo* y apparut sous la forme de Confucius, et le bodhisattva Kasho sous celle de Lao-Zi. Puisque le sutra se place du point de vue de l'Inde, il désigne la Chine par les mots "là-bas". Deuxièmement. Nous avons les enseignements non bouddhiques de l'Inde. Dans le brahmanisme, nous trouvons deux dieux : Shiva* qui a trois yeux et huit bras, et Vishnu. On les considère comme le père aimant et la mère bienveillante de tous les êtres vivants et on leur donne également le titre d'Honoré du Ciel et de souverain. De plus, trois personnages, Kapila, Uluka et Rishabha, sont appelés les trois ascètes. Ces ascètes vivaient environ huit cents ans avant l'époque du Bouddha. Les enseignements qu'ils exposèrent, les quatre Veda, comprennent soixante-mille ouvrages. Ultérieurement, à l'époque du Bouddha, il y eut les six maîtres non bouddhistes qui étudièrent et transmirent ces divers écrits non bouddhiques et furent les conseillers des rois des cinq régions de l'Inde. Leurs enseignements se divisèrent en quatre-vingt-quinze ou quatre-vingt-seize branches différentes, formant quantité d'écoles. L'étendard de leur orgueil s'élevait plus haut que le faîte des cieux*, et leurs dogmes étaient plus rigides que le métal ou la pierre. Mais par leur habilité et la profondeur de leur compréhension, ils étaient incomparablement supérieurs aux confucianistes. Ils étaient capables de voir dans le passé, de percevoir deux, trois, ou même sept existences antérieures, de savoir ce qui s'était passé quatre-vingt mille kalpas plus tôt, aussi bien que ce qui se passerait quatre-vingt mille kalpas plus tard. Le principe fondamental de la doctrine de certaines de ces écoles était tantôt que les causes produisent des effets, tantôt qu'elles n'en produisent pas, ou encore que les causes produisent parfois des effets et parfois n'en produisent pas (note). Telles étaient les doctrines de base de ces écoles de pensée non bouddhiques. Les fervents adeptes des enseignements non bouddhiques observent les cinq préceptes et les dix préceptes du bien, pratiquent une forme élémentaire de méditation et, s'élevant à travers les mondes de la forme et du sans forme, s'imaginent avoir atteint le nirvana lorsqu'ils parviennent au plus haut niveau du monde des trois plans. Mais bien qu'ils aient grimpé ainsi, petit à petit, comme des chenilles, ils retombent du niveau le plus haut et se retrouvent au contraire dans les trois mauvaises voies. Pas un seul ne parvient à se maintenir au niveau du Ciel*, malgré leur conviction qu'une fois ce stade atteint, il est impossible de régresser. Chacun d'eux adhère aux doctrines enseignées par son maître, et les pratique exclusivement. Ainsi, certains se baignent trois fois par jour dans le Gange, même par le froid des jours d'hiver, tandis que d'autres s'arrachent les cheveux, meurtrissent leur corps en se jetant contre des rochers, s'exposent au feu et se brûlent les membres, ou errent entièrement nus. Il y a aussi ceux qui croient pouvoir acquérir de la bonne fortune en sacrifiant de nombreux chevaux ou en brûlant herbes et arbres, ou encore en s'inclinant devant des arbre sacrés. Des enseignements aussi aberrants sont si nombreux qu'on ne peut les compter. Leurs adeptes accordent autant de respect et d'honneur aux maîtres qui les exposent que les diverses divinités en accordent au dieu Indra ou les ministres de la cour au souverain de l'empire. Mais pas un seul de ceux qui adhèrent à ces quatre-vingt-quinze sortes d'enseignements plus ou moins élevés ne peut échapper au cycle de la naissance et de la mort. Ceux qui suivent les meilleurs maîtres tomberont, après deux ou trois renaissances, dans les états de vie les plus bas*, tandis que ceux qui suivent les plus mauvais maîtres y tomberont dès leur vie suivante. Et pourtant, la conclusion finale de ces enseignements non bouddhiques constitue un moyen important d'accéder au bouddhisme. Certains ont affirmé : "Dans mille et quelques années, le Bouddha apparaîtra dans le monde", tandis que d'autres ont prédit : "D'ici cent ans, le Bouddha apparaîtra dans le monde." Le Sutra du Nirvana stipule : "Tous les écrits ou enseignements, quelle que soit leur source, sont tous des enseignements du Bouddha. Il n'y pas d'enseignements non bouddhiques." Et il est écrit dans le Sutra du Lotus (réf.) : "Ils [les disciples du Bouddha] manifesteront les trois poisons et sembleront attachés à des philosophies erronées. Mes disciples utilisant les expédients salvifiques* sauvent les hommes." Troisièmement En troisième lieu, nous arrivons au bouddhisme. Il faut savoir que l'Éveillé, le Bouddha, est un Grand-maître* (note) pour tous les êtres vivants, un Grand oeil, un Grand pont, un Grand timonier, un Grand champ de bonne fortune (note). Les quatre sages* et les trois ascètes* des écrits et enseignements confucianistes et brahmaniques sont considérés comme des sages, mais en fait ils ne sont que de simples mortels qui n'ont pas encore dissipé les trois illusions*. Ils passent pour des sages, mais ils ne sont en fait que des enfants incapables de comprendre les principes de cause et d'effet. Avec leurs enseignements pour vaisseau, comment pourrait-on traverser le grand océan de la naissance et de la mort ? Avec leurs enseignements pour pont, comment pourrait-on passer au dessus du labyrinthe des six états de vie inférieurs ? Mais le Bouddha, notre Grand-maître, a même dépassé les plus hauts états de renaissance, à plus forte raison le cycle inférieur de la naissance et de la mort (note). Il est capable d'extirper la racine même de l'obscurité fondamentale*, et donc aussi les illusions superficielles qui se logent dans les ramifications (note) de la pensée et du désir*. Ce bouddha, depuis son Éveil à l'âge de trente ans et jusqu'à son entrée dans le parinirvana à quatre-vingts ans, exposa ses enseignements sacrés pendant cinquante ans. Chacun de ses mots, chacune de ses phrases sont des paroles de vérité ; pas un seul mot, pas un seul vers ne sont entachés d'erreur. [Nous avons déjà constaté que] les paroles des hommes sages et vertueux conservées dans les écrits du confucianisme et du brahmanisme sont exemptes d'erreurs et ont été transcrites avec fidélité. Plus véridiques encore sont les paroles du Bouddha qui n'a jamais prononcé un seul mensonge depuis d'innombrables kalpas. Si on les compare aux écrits et enseignements non bouddhiques, toutes les doctrines qu'il exposa pendant cinquante ans représentent le Mahayana, les paroles véridiques d'une personne parvenue à l'humanité suprême. Tout ce qu'il a enseigné, depuis l'aube de son Éveil jusqu'au crépuscule de son nirvana, est pure vérité. Les doctrines exposées par le Bouddha pendant cinquante ans sont au nombre de quatre-vingt mille. On les divise en diverses catégories : Hinayana, Mahayana, sutras provisoires et définitifs, enseignements exotériques et ésotériques, enseignements abruptes et progressifs, vérités et stratagèmes, visions correctes et erronées. Mais parmi celles-ci, le Sutra du Lotus représente les enseignements authentiques du Bouddha Shakyamuni, les paroles véridiques des bouddhas des dix directions, du passé, du présent et de l'avenir. Les sutras, aussi nombreux que les grains de sable du Gange*, prêchés par le Bouddha pendant les quarante et quelques premières années de son enseignement, appartiennent à une époque où [comme l'a dit le Bouddha lui-même] il n'avait "pas encore révélé la vérité."(réf.) Les huit années pendant lesquelles il enseigna le Sutra du Lotus correspondent à la phrase :
Ainsi, le bouddha Taho* surgit de la terre pour certifier :
et les bouddhas qui sont les émanations du Bouddha Originel se rassemblèrent et tirèrent la langue jusqu'au Séjour de Brahma pour marquer leur assentiment. Ces mots sont parfaitement clairs, parfaitement compréhensibles, plus brillants que le soleil par une belle journée ou que la pleine lune à minuit. Admirez-les, croyez en eux, et s'ils sont loin de vos yeux, révérez les toujours dans votre coeur ! II Le Sutra du Lotus contient deux principes importants (note), dont les écoles Kusha, Jojitsu, Ritsu, Hosso et Sanron ne connaissent rien, pas même le nom. Par contre, les écoles Kegon et Shingon se sont sournoisement emparées de ces principes pour en faire le coeur de leurs propres enseignements. Le principe d'ichinen sanzen ne se trouve que dans l'enseignement essentiel* du Sutra du Lotus, caché dans les profondeurs du chapitre Juryo* (XVI). Les bodhisattvas Nagarjuna et Vasubandhu en avaient connaissance mais ne le révélèrent pas. Seul le Grand-maître Zhiyi l'adopta et le conserva sans cesse à l'esprit. Le principe d'ichinen sanzen découle de l'implication réciproque des dix mondes-états. Mais les écoles Hosso et Sanron ne parlent que de huit états, (note) ignorant qu'il y en a dix et à plus forte raison ignorant le principe de leur implication réciproque. Les enseignements des écoles Kusha, Jojitsu et Ritsu s'appuient sur les sutras Agama*. Ils ne prennent en compte que les six mondes-états, les six conditions de vie les plus basses, ignorant tout des quatre autres mondes-états. Ils affirment qu'il n'y a qu'un seul bouddha dans les dix directions et ne dévoilent pas qu'il existe un bouddha pour chaque direction. Ils ne font évidemment pas la moindre allusion au principe selon lequel "tous les êtres sensitifs possèdent l'état de bouddha."(réf.) Ils refusent d'admettre que même une seule personne puisse posséder l'état de bouddha. Malgré cela, on entend parfois des adeptes des écoles Ritsu et Jojitsu déclarer qu'il y a des bouddhas dans chacune des dix directions ou que tous les êtres possèdent l'état de bouddha. La raison en est que, quelque temps après la disparition du Bouddha, les tenants de ces écoles se sont appropriés ces principes du bouddhisme mahayana et les ont incorporés dans les enseignements de leur propre école. De même, avant l'apparition du bouddhisme, les adeptes du brahmanisme n'étaient pas si précis dans leurs propres théories. Mais par la suite, en écoutant et en observant le bouddhisme, ils prirent conscience des défauts de leurs propres doctrines. Ils conçurent alors l'idée ingénieuse d'utiliser les enseignements bouddhiques pour les incorporer aux principes de leur propre école, ce qui leur valut de tomber encore plus profondément dans l'erreur. Ce sont là des exemples d'enseignements "appropriés"* ou "dévoyés"*. (note). La même chose se produisit en Chine. Avant l'introduction du bouddhisme, le confucianisme et le taoïsme étaient flous et puérils. Mais sous la dynastie des Han postérieurs, le bouddhisme fut introduit en Chine et lança un défi aux doctrines du pays. Avec le temps, le bouddhisme se répandit et certains moines bouddhistes choisirent de revenir aux croyances autochtones ou furent contraints de retourner à la vie profane parce qu'ils avaient enfreint les préceptes. Par leur intermédiaire, les principes bouddhiques furent usurpés par les écoles confucianiste et taoïste. On lit dans le cinquième volume du Maka Shikan : "De nos jours, nombreux sont les moines démoniaques qui rompent leur voeu pour retourner à la vie laïque. Craignant d'être punis pour leurs actes, ils adhèrent aux principes des taoïstes. Dans l'espoir d'acquérir gloire et profit, ils vantent exagérément les mérites de Lao-Zi et de Zhuang-Zi, s'appropriant les concepts bouddhiques pour les intégrer aux écrits taoïstes. Ils dénaturent ce qui est noble pour l'incorporer à ce qui est vulgaire, ils détruisent ce qui est élevé et le ramènent vers ce qui est bas, s'efforçant de mettre les deux au même niveau." Dans le Guketsu, Zhanlan* commente ce passage ainsi : "Tout en étant moines, ils détruisent les enseignements du bouddhisme. Certains renoncent à leur voeu pour retourner à la vie laïque comme le fit Wei Yuansong. Puis, en tant que laïcs, ils s'emploient à détruire les enseignements du bouddhisme. Les hommes de cette sorte volent et s'approprient les enseignements corrects du bouddhisme qu'ils utilisent pour compléter et cautionner les écrits erronés. Les termes "ramener vers le bas ce qui est élevé" signifient que, en adoptant le point de vue des taoïstes, ils prétendent que le coeur du taoïsme équivaut à l'essentiel du bouddhisme et mettent sur le même plan vérité et mensonge, sans le moindre argument pour le prouver. Ayant été autrefois bouddhistes, ils volent ce qui est correct et l'utilisent pour cautionner ce qui est erroné. Ils rabaissent les doctrines élevées des douze catégories et des quatre-vingt mille écrits du canon bouddhique et, les introduisant de force dans le contexte inférieur des deux chapitres et cinq mille mots de Lao-Zi, ils les utilisent pour interpréter les mots bas et erronés de ce texte. C'est ce que signifie "détruire ce qui est élevé et le ramener vers ce qui est bas". Il faut bien méditer ces commentaires car ils correspondent parfaitement aux phénomènes que nous venons de décrire. Le même processus se produisit au sein du même du bouddhisme. Introduit en Chine durant l'ère Yung-ping [58-75] sous la dynastie des Han postérieurs, le bouddhisme remplaça peu à peu, comme doctrine officielle du pays, les enseignements confucianistes et taoïstes. Mais des schismes se créèrent au sein de la doctrine orthodoxe, aboutissant à ce que l'on appela les trois écoles du Sud et les sept écoles du Nord, qui poussèrent ici et là comme des orchidées ou des chrysanthèmes. Sous les dynasties Chen et Shui, cependant, le Grand-maître* Zhiyi* triompha de ces diverses écoles pour rendre au bouddhisme son but originel, celui de sauver tous les êtres vivants. III Par la suite, les écoles bouddhiques Hosso et Shingon sont venues d'Inde, et l'école Kegon fit aussi son apparition. Parmi ces écoles, l'école Hosso s'érigea en ennemie jurée de l'école Tiantai parce que leurs deux doctrines sont aussi incompatibles que le feu et l'eau (note). Lorsque plus tard Xuanzang et Cien, fondateurs de l'école Hosso en Chine, étudièrent en détail les oeuvres de Zhiyi*, ils découvrirent que les conceptions de leur propre école étaient erronées. Sans la rejeter ouvertement, il semble bien qu'ils se soient convertis aux enseignements de Zhiyi. Dès l'origine, les écoles Kegon et Shingon furent toutes deux des écoles provisoires basées sur des sutras provisoires. Mais Shubhakarasimha* et Vajrabodhi*, qui introduisirent les enseignements ésotériques en Chine, s'approprièrent le principe d'ichinen sanzen de Zhiyi*, pour en faire le coeur des enseignements de leur école, tout en y ajoutant la pratique de mudra et de mantra dharani* et prétendirent que leurs enseignements surpassaient ceux de Zhiyi. De sorte que ceux qui étudiaient le bouddhisme, ignorant les faits réels, en vinrent à croire que le principe d'ichinen sanzen se trouvait déjà dans le Sutra Vairocana* tel qu'il était parvenu d'Inde. De même, à l'époque de Cheng-guan, patriarche de l'école Kegon, le principe d'ichinen sanzen de Zhiyi fut subrepticement incorporé et utilisé pour interpréter le passage du Sutra Kegon* qui dit : "L'esprit est semblable à un peintre habile." Les gens ignorent ces faits. Pour en venir à notre propre pays, le Japon, les enseignements du Kegon et des autres écoles comprises dans les six écoles de Nara furent introduits avant le Tendai et le Shingon. Les écoles Kegon, Sanron, Hosso et les autres écoles de Nara polémiquaient et débattaient entre elles, aussi antinomiques que l'eau et le feu. Quand le Grand-maître* Saicho* apparut au Japon, il ne se contenta pas d'exposer les erreurs des six écoles de Nara mais établit clairement que l'école Shingon avait volé les principes du Sutra du Lotus exposés par Zhiyi* pour en faire l'essentiel de sa propre doctrine. Le Grand-maître Saicho exhorta les maîtres des autres écoles à renoncer à leurs conceptions et interprétations arbitraires pour n'examiner les choses qu'à la seule lumière des écrits eux-mêmes. En conséquence, il parvint à vaincre en débat huit moines éminents des six écoles de Nara, puis douze moines, puis quatorze, puis plus de trois cents, parmi lesquels Kukai* (note). Il n'y eut bientôt plus une seule personne dans tout le Japon qui ne reconnut pas la supériorité de l'école Tendai, et les grands temples de Nara, le temple du Shingon To-ji à Kyoto, et d'autres temples de toutes les provinces furent rattachés au temple principal de l'école Tendai au Mont Hiei. Le Grand-maître Saicho établit aussi, clairement, que les fondateurs des diverses autres écoles bouddhiques en Chine, grâce à leur respect de la doctrine du Grand-maître Zhiyi, ne commirent pas l'erreur de s'opposer aux véritables enseignements du bouddhisme. Par la suite, cependant, les conditions du monde se détériorèrent et la sagesse des hommes devint de plus en plus superficielle. Ils n'étudiaient ni ne comprenaient plus les principes profonds de l'école Tendai, et les autres écoles s'attachèrent de plus en plus étroitement à leurs idées préconçues. Finalement, les six écoles de Nara et l'école Shingon se retournèrent contre l'école Tendai et l'attaquèrent. Cette dernière, s'affaiblissant toujours plus, se retrouva en position d'infériorité. Pour aggraver la situation, de nouvelles écoles insensées telles que le Zen et le Jodo apparurent et s'attaquèrent elles aussi à l'école Tendai, un nombre croissant d'adeptes laïques* se convertissant à leurs doctrines erronées. Au bout du compte, même les moines considérés comme les maîtres les plus éminents de l'école Tendai s'avouèrent vaincus et prêtèrent leur soutien aux écoles erronées. Non seulement l'école Tendai, mais aussi l'école Shingon et les six écoles de Nara furent contraintes de céder leurs terres et leurs domaines aux nouvelles écoles erronées, et le Dharma correct ne fut plus propagée. Il en résulta que la déesse Tensho Daijin*, le dieu Hachiman, Sanno, divinité protectrice du Mont Hiei, et les autres divinités bienveillantes qui protègent le pays, ne pouvant plus désormais goûter la saveur du Dharma correct, abandonnèrent le pays. Des esprits maléfiques apparurent pour prendre leur place, et il devint évident que le pays était condamné. IV En dépit de mes faibles capacités, j'aimerais donner ici mon opinion : il existe de nombreuses différences entre les enseignements exposés par le Bouddha Shakyamuni pendant environ quarante ans et le Sutra du Lotus qu'il enseigna ensuite pendant huit ans. Mais comme l'ont remarqué plusieurs érudits de notre époque, et c'est aussi mon avis, deux de ces différences sont majeures : le Sutra du Lotus enseigne qu'il est possible aux personnes des deux véhicules d'atteindre la bodhéité (note) et que le Bouddha Shakyamuni atteignit en réalité l'Éveil dans un passé atemporel. En étudiant le Sutra du Lotus, on y lit diverses prédictions : Shariputra deviendra l'Ainsi-Venu "Fleur lumineuse"*; Mahakashyapa, l'Ainsi-Venu "Lumière éclatante"*; Subhuti, l'Ainsi-Venu "Forme merveilleuse"*; Katyayana, l'Ainsi-Venu "Lumière d'or de Jambunada"*; Maudgalyayana, le bouddha "Parfum de bois de santal de Tamalapattra"*; Purna, l'Ainsi-Venu "Dharma brillant"*; Ananda, le bouddha "Roi sage et tout-puissant des mers et des montagnes"*; Rahula, l'Ainsi-Venu "Qui foule les fleurs des sept trésors"*; les cinq cents et sept cents arhats, les Ainsi-Venus "Lumière universelle"* (réf.) ; les deux mille disciples qui ont encore à apprendre ou qui ont tout appris, les Ainsi-Venus Forme précieuse* ; et les nonnes Mahaprajapati et Yashodhara deviendront les Ainsi-Venus "Vision qui comble de joie tous les êtres sensitifs"* et "Forme resplendissant de dix millions de lumières"*. (réf.) Par conséquent, le Sutra du Lotus nous indique que ces personnes sont dignes de grands honneurs. Mais quand nous examinons les enseignements antérieurs au Sutra du Lotus, notre déconvenue est très grande. Le Bouddha Shakyamuni, Honoré du monde*, est un homme dont la parole est véridique. C'est pourquoi on l'appelle Sage Parfait* et Maître des dieux et des hommes*. Dans les écrits non bouddhiques d'Inde et de Chine, il y a aussi des personnes que l'on appelle Hommes de vertu, sages, divinités ou maîtres ascètes, parce que leurs paroles sont véridiques. Mais parce que l'Honoré du monde les surpasse tous, on le dit parvenu à l'humanité suprême. En exposant le Sutra du Lotus, le Bouddha déclara :
Il dit aussi : et aussi
Le bouddha Taho confirma la véracité des propos du Bouddha, et les émanations du Bouddha tirèrent la langue en signe d'assentiment. Qui, alors, pourrait encore douter que Shariputra devienne à l'avenir l'Ainsi-Venu "Fleur lumineuse", Mahakashyapa, l'Ainsi-Venu "Lumière éclatante", ou que les autres prédictions du Bouddha s'accomplissent ? Pourtant, tous les sutras antérieurs au Sutra du Lotus sont eux aussi d'authentiques déclarations du Bouddha. On lit dans le Sutra Kegon* : "Il n'y a que deux lieux au monde où l'arbre de Yakushi* grand roi-médecin, qui symbolise la sagesse du Bouddha, ne pourra ni pousser ni apporter de bienfaits : le vide immense (note), puits profond où tombent les personnes des deux véhicules, ou les eaux agitées par les désirs et les conceptions erronées dans lesquelles se noient les icchantika* détruisant en elles-mêmes les racines de la bonté." Le sens de ce passage est celui-ci : on trouve dans les Montagnes neigeuses un arbre géant aux racines innombrables. On l'appelle l'arbre de Yakushi* et il est le plus noble de tous les arbres qui poussent sur le continent de Jambudvipa. Il est haut de 168 000 yojana. La floraison et la fructification de tous les autres arbres dépendent des racines, des branches, des fleurs et des fruits de cet arbre-là. Cet arbre est donc une métaphore qui illustre la nature de bouddha* , et les divers autres arbres et plantes figurent tous les êtres sensitifs du monde. Mais ce grand arbre ne poussera ni dans un puits enflammé, ni dans un tourbillon d'eau. Le puits enflammé est une comparaison utilisée pour désigner l'état d'esprit des personnes des deux véhicules, et le tourbillon d'eau (note) illustre la condition de vie des icchantika*. Le texte dit que ces deux catégories d'êtres n'atteindront jamais la bodhéité. On peut lire dans le Sutra Daijuku :
Les plus de trois mille volumes des écrits non bouddhiques en Chine enseignent deux principes, la piété filiale et la loyauté envers le souverain. Mais la loyauté n'est rien d'autre que la piété filiale étendue aux personnes extérieures à la famille. On pourrait qualifier la piété filiale d'élevée. Même si le ciel est haut, il n'est pas plus élevé que l'idéal de piété filiale. On pourrait qualifier la piété filiale de profonde. Même si la terre est profonde, elle n'est pas plus profonde que la piété filiale. Les hommes sages et vertueux sont issus de familles où règne la piété filiale. Par conséquent, comment ceux qui étudient le bouddhisme pourraient-ils ne pas comprendre leurs obligations et ne pas s'acquitter de leurs dettes de reconnaissance* ? Les disciples du Bouddha doivent absolument comprendre les quatre types d'obligations et savoir comment s'en acquitter. De plus, Shariputra, Mahakashyapa et les autres disciples, personnes des deux véhicules, observaient scrupuleusement les deux cent cinquante préceptes et les trois mille règles de conduite (note), pratiquaient les trois sortes de méditation*, appliquaient les enseignements des sutras agama*, et s'étaient libérés des illusions de la pensée et du désir dans le monde des trois plans. Par conséquent, ils auraient dû être exemplaires dans la compréhension de leurs obligations et l'acquittement de leurs dettes de reconnaissance. Et pourtant le Bouddha déclara qu'ils ne comprenaient pas leurs devoirs. Il dit cela parce que, quand un homme quitte ses parents et son foyer pour devenir moine, il devrait toujours conserver pour but le salut de son père et de sa mère. Mais c'étaient des personnes des deux véhicules et même lorsqu'ils pensaient avoir atteint le nirvana pour eux-mêmes, ils ne faisaient rien pour le bien des autres. Même s'ils avaient commis quelques bonnes actions à l'égard des autres, ils étaient eux-mêmes engagés sur une voie qui ne pourrait jamais les mener à la bodhéité, si bien qu'ils n'apporteraient jamais le salut à leurs parents. Ainsi, contre toute attente, ils devenaient des hommes ne comprenant pas leurs obligations. Il est écrit dans le Sutra Vimalakirti :
Dans le même sutra, on lit aussi :
Ce Sutra Vimalakirti implique que les trois poisons, avidité, arrogance et ignorance, sont les graines de la bodhéité et que les cinq forfaits le sont également. Même si les fleurs de lotus devaient pousser sur les hauts plateaux, jamais les personnes des deux véhicules n'atteindraient la bodhéité. Le texte dit que, si l'on compare les aspects positifs de ces deux mondes-états avec les aspects négatifs de l'illusion ordinaire, on découvre que même les mauvais côtés de l'illusion ordinaire peuvent mener à la bodhéité, alors que les bons côtés des deux véhicules ne permettront jamais d'atteindre un tel résultat. Les divers sutras du Hinayana condamnent le mal et font l'éloge du bien. Mais le Sutra Vimalakirti condamne les vertus des personnes des deux véhicules et fait l'éloge des défauts d'un simple mortel. On pourrait presque croire qu'il ne s'agit plus d'un écrit bouddhique mais des enseignements d'une école erronée*. En fait, ce sutra veut clairement indiquer qu'il est impossible aux personnes des deux véhicules de devenir bouddha. On peut lire dans le Sutra Hodo Darani :
Ce passage signifie que, de même qu'un arbre desséché ne produit plus de fleurs, qu'un torrent de montagne ne reflue jamais vers sa source, qu'un rocher brisé ne peut se reformer, et qu'une graine brûlée ne peut germer, les personnes des deux véhicules ne peuvent jamais atteindre la bodhéité. Dans leur cas, les graines de la bodhéité ont été brûlées. On lit dans le Sutra Daibon hannya :
Ce passage indique que le Bouddha (note) n'est pas satisfait des personnes des sutras de la période Hannya (note) parce qu'elles n'ont pas le désir de devenir bouddha mais qu'il se réjouit lorsque ceux qui sont dans le monde-état du Ciel conçoivent réellement ce désir. Il est dit dans le Sutra Shuryogon* :
Il est dit dans le Sutra Vimalakirti :
Ce passage indique que les personnes dans les mondes-états des hommes et du Ciel qui soutiennent des moines tels que Mahakashyapa et Shariputra tomberont invariablement dans les trois mauvaises voies. Ces saints étaient considérés, immédiatement après le Bouddha, comme les yeux des mondes des dieux et des hommes et les maîtres de tous les êtres. Il devait être extrêmement surprenant d'entendre le Bouddha critiquer, comme il le fit à maintes reprises devant de grandes assemblées de dieux et des hommes, ces saints du Hinayana. Essayait-il vraiment de porter la mort à ses propres disciples ? De plus, il utilisa quantité d'images différentes pour condamner les personnes des deux véhicules, les comparant au lait d'ânesse, de qualité inférieure au lait de vache (note), à des vases d'argile comparés à des vases d'or (note), ou à la lueur d'une luciole comparée à la lumière du soleil (note). Il ne se borna pas à dire, sur ce sujet, un ou deux mots, pendant un jour ou deux, un mois ou deux, une année ou deux, dans un ou deux sutras, mais, pendant une période de plus de quarante ans, dans d'innombrables sutras, devant de grandes assemblées et des foules innombrables ; il condamna les personnes des deux véhicules sans la moindre réserve. Or on sait, les hommes savent, le ciel et la terre savent que le Vénéré du monde n'a pas menti. Ce n'est pas seulement une ou deux personnes mais un milliard de personnes qui l'apprirent et l'entendirent. Devas, dragons, ashuras, tous les êtres dans les mondes des trois plans l'apprirent. Aussi bien que les auditeurs-shravakas, les pratyekabuddhas, les grands bodhisattvas, venus des mondes des dix directions, des mondes de la forme et du sans forme, des six Ciels du monde du désir, des quatre continents et des cinq régions de l'Inde. Tous entendirent le Bouddha condamner les hommes des deux véhicules. Puis, chacun de ces êtres retourna dans sa terre originelle, expliquant aux habitants, l'un après l'autre, les enseignements du Bouddha du monde Saha, afin qu'il n'y ait plus un seul être dans les mondes innombrables des dix directions qui ne comprenne que les hommes tels que Mahakashyapa et Shariputra n'atteindraient jamais la bodhéité et qu'il ne fallait ni leur faire des offrandes ni les soutenir. Et pourtant, dans le Sutra du Lotus qu'il exposa durant les huit dernières années de sa vie, le Bouddha revint soudain sur sa position antérieure et enseigna au contraire que les personnes des deux véhicules peuvent en réalité atteindre la bodhéité. Pouvait-on s'attendre à ce que les personnes dans les mondes-états des hommes et du Ciel qui l'écoutaient le croient ? Ne rejetteraient-elles pas plutôt de tels propos, en commençant même à douter de tous les sutras prêchés dans les périodes antérieures ? Elles se demanderaient si tous les enseignements exposés par le Bouddha, cinquante années durant, n'étaient pas, en fait, des principes vides et erronés. Indéniablement, un passage du Sutra Muryogi dit :
On pourrait se demander si ce n'est pas le démon qui prit la forme du Bouddha pour enseigner, pendant les huit dernières années de sa vie, ce Sutra, [le Sutra du Lotus]. Mais, dans ce sutra le Bouddha décrit très précisément comment ses disciples dans les mondes-états d'auditeurs-shravakas et de pratyekabuddhas atteindront la bodhéité. Il révèle à quelle époque et dans quel pays ils apparaîtront, le nom qu'ils porteront, et les disciples qu'ils instruiront. Il devient donc évident qu'il y a contradiction dans les propos du Bouddha. C'est ce que certains veulent dire lorsqu'ils affirment que ses déclarations sont incohérentes. Voilà pourquoi les brahmanistes se moquent du Bouddha et le traitent de grand menteur. Mais, au moment même où les humains et les non-humains, présents à la Grande assemblée, s'étonnaient d'une telle contradiction, le bouddha Taho*, qui réside à l'est, dans le monde du Trésor de la pureté*, apparut dans une tour* décorée des sept sortes de joyaux mesurant cinq cents yojana de haut et deux cent cinquante de large. Les dieux et les hommes présents à la Grande assemblée accusaient le Bouddha de se contredire lui-même, et le Bouddha avait beau leur répondre d'une manière ou d'une autre, il était très embarrassé, incapable de dissiper leurs doutes, quand, devant lui, la Tour aux Trésors surgit de la terre et s'éleva dans le Ciel. Ce fut un apparition comparable à celle de la pleine lune se levant par une nuit obscure, au-dessus des montagnes de l'Est. La Tour aux Trésors s'éleva dans le Ciel, ne touchant ni la terre ni le faîte des cieux, mais resta suspendue au milieu des airs, et, venue de l'intérieur de la tour, une voix pure et sonore se fit entendre, portant témoignage.
Dans un autre passage du Sutra du Lotus il est dit :
Dans un autre chapitre, on lit :
Par le passé, quand le Bouddha prêcha pour la première fois (note) après avoir atteint l'Éveil, les bouddhas des dix directions apparurent pour le conseiller et l'encourager, et envoyèrent vers lui divers grands bodhisattvas. Quand il prêcha les sutras hannya*, il couvrit un système de mondes majeur avec sa longue langue, et mille bouddhas apparurent dans les dix directions. Quand il prêcha le Sutra Konkomyo*, les quatre bouddhas* apparurent dans les quatre directions, et quand il prêcha le Sutra Amida*, les bouddhas des six directions recouvrirent de leurs langues un système de mondes majeur. Et quand il prêcha le Sutra Daijuku*, les bouddhas et bodhisattvas des dix directions de rassemblèrent dans la grande Cour intérieure*, à la frontière qui sépare les mondes de la forme et du désir. Mais quand nous comparons ces prodiges à ceux qui accompagnèrent le Sutra du Lotus, ils sont comme un caillou jaune comparé à de l'or, un nuage blanc comparé à un sommet neigeux, de la glace à un miroir d'argent, ou la couleur noire comparée à la couleur bleue ; une personne dont la vision est bonne peut les distinguer les uns des autres mais ceux qui voient trouble, qui louchent, qui sont borgnes, ou dont la vision est déformée commettent ces confusions. Le Sutra Kegon* ayant été enseigné en premier (note), aucune parole antérieure du Bouddha ne vient le contredire, et par conséquent, il ne suscita aucune mise en cause. A quel propos de grands doutes s'élèvent-ils? Dans le cas des sutras Daijuku*, Hannya*, Konkomyo* et Amida*, pour corriger les personnes des deux véhicules attachées à l'Hinayana et pour donner aux bodhisattvas et aux simples mortels le désir d'y parvenir, le Bouddha décrivit les Terres pures* des dix directions. On peut noter des contradictions partielles entre les sutras hinayana et mahayana (note) : tantôt apparurent des bouddhas des dix directions, tantôt ce furent de grands bodhisattvas qui vinrent vers Shakyamuni en provenance des dix directions ; ou bien il est dit que tel sutra a été exposé dans tous les mondes des dix directions ; ou encore que divers bouddhas des dix directions se rassemblèrent [pour l'écouter.] Tantôt il est dit que le Bouddha Shakyamuni recouvrit avec sa langue un système de mondes majeur*, parfois que ce furent les divers bouddhas qui tirèrent la langue. Toutes ces affirmations ont pour but de réfuter l'idée, exposée dans les sutras du Hinayana, qu'il n'y a qu'un seul Bouddha pour tous les mondes des dix directions. Mais le Sutra du Lotus est si différent des sutras précédents du Mahayana que et les shravakas comme Shariputra, les grands bodhisattvas, les hommes et les dieux en entendant le Bouddha l'enseigner, en vinrent à penser : "Ne serait-ce pas un démon qui aurait pris la forme du Bouddha ? "(réf.) Et pourtant, les hommes à la vue troublée des écoles Kegon, Hosso, Sanron, Shingon et Nembutsu semblent tous penser que leurs propres doctrines sont parfaitement identiques au Sutra du Lotus. C'est véritablement une vision déficiente ! Quand le Bouddha était encore en ce monde, il y eut certes des personnes qui, rejetant les sutras qu'il avait enseignés durant quarante et quelques premières années, adhérèrent au Sutra du Lotus. Mais après sa mort, il fut difficile en ouvrant et lisant ce Sutra, d'en accepter les enseignements. Tout d'abord, les sutras qui l'avaient précédé faisaient entendre un concert de paroles alors que le Sutra du Lotus ne faisait entendre qu'une voix unique. Les sutras antérieurs étaient nombreux, le Sutra du Lotus était seul. Les sutras antérieurs furent enseignés pendant de nombreuses années, mais le Sutra du Lotus ne fut enseigné que pendant huit ans. Le Bouddha fut traité de grand menteur et il est normal qu'on ait du mal à le croire. En faisant un grand effort pour croire à l'incroyable, on peut éventuellement croire aux sutras antérieurs, mais non au Sutra du Lotus. De nos jours, nombreux sont ceux qui semblent croire dans le Sutra du Lotus, mais en fait cette croyance est superficielle, le coeur n'y est pas. C'est seulement quand on leur assure que le Sutra du Lotus est identique au Sutra Vairocana*, au Sutra Kegon* ou au Sutra Amida* , que les gens se réjouissent et se convertissent à la foi. Si quelqu'un leur dit que le Sutra du Lotus est totalement différent de tous les autres sutras, ils ne l'écouteront pas, ou même s'ils l'écoutent, ils ne croiront pas que cette personne dit réellement la vérité. Moi, Nichiren, je dis ceci : le bouddhisme a été introduit au Japon depuis maintenant plus de sept cents ans (note). Pendant cette période, seul le Grand-maître* Saicho* a vraiment compris le Sutra du Lotus, mais personne ne veut tenir compte de ce fait. Cela correspond parfaitement à ce que dit le Sutra du Lotus :
Les enseignements que j'expose sont en parfait accord avec le Sutra lui-même. Comme le dit le Sutra du Nirvana* , exposé dans le but d'enseigner la manière de propager le Sutra du Lotus :
Que doit-on penser de cela? Diriez-vous vraiment que le peuple du Japon n'occupe pas plus d'espace que des grains de poussière sur un ongle ? Diriez-vous que moi, Nichiren, j'occupe toute la terre dans les dix directions ? Réfléchissez bien à cela. Sous le règne d'un roi sage, la justice prévaudra, mais quand règne un roi insensé, l'injustice triomphera. Il est important de comprendre que, de la même manière, c'est quand un sage se trouve dans le monde que le Sutra du Lotus se révèle. En comparant les sutras antérieurs aux seuls enseignements théoriques* du Sutra du Lotus on pourrait croire que ces sutras lui sont supérieurs. Mais cela reviendrait à admettre que les personnes des deux véhicules, comme Shariputra, ne pourraient jamais atteindre la bodhéité. Comme ce serait déplorable ! N. B. Sur les sutras antérieurs voir la classification dans : Ce qu'en dit Nichiren. V J'en viens maintenant au second point important du Sutra du Lotus (note). Le Bouddha Shakyamuni naquit dans le kalpa de continuité* , dans le neuvième kalpa mineur*, à une époque où la durée de la vie humaine, diminuant graduellement, était encore de cent ans. Il était le petit fils du roi Shimhahanu et le fils héritier du roi Shuddhodana. Enfant, on l'appelait Siddhartha, l'Accompli. A l'âge de dix-neuf ans, il quitta sa famille* et à trente ans, il réalisa la bodhéité. Sur le lieu de son Éveil*, il commença par exposer le Sutra Kegon apparaissant comme le bouddha Vairocana* dans son Monde du Trésor du Lotus (note). Il exposa les dix mystères*, les six formes*, et l'interdépendence de tous les phénomènes (note), le Dharma mystique*. A ce moment-là, les bouddhas des dix directions apparurent devant lui, et tous les bodhisattvas se rassemblèrent autour d'eux comme une nuée. Etant donné le lieu, les capacités de ses auditeurs-shravakas, la présence des bouddhas et le fait qu'il s'agissait de son premier sermon, quelle raison le Bouddha aurait-il pu avoir de dissimuler ou de garder pour lui le Dharma suprême ? C'est pourquoi le Sutra Kegon* dit : "C'est dans la plénitude de sa souveraineté qu'il exposa un sutra parfait..." L'ouvrage, composé de soixante volumes, est véritablement parfait, dans chacun de ses caractères et chacune de ses lignes. On peut le comparer au joyau qui exauce tous les voeux qui, à lui seul, a autant de valeur qu'une quantité innombrable de joyaux. Car ce seul joyau peut faire pleuvoir dix mille joyaux aussi précieux que dix mille trésors. De même, un seul mot du Sutra Kegon est aussi riche de sens que dix mille mots. Le passage qui proclame l'identité entre "l'esprit, le Bouddha et les simples mortels" (note), représente non seulement le coeur des enseignements Kegon, mais aussi celui des enseignements Hosso (note), Sanron, Shingon et Tendai. Comment un sutra aussi remarquable pourrait-il cacher la plus petite vérité à ceux qui l'écoutent ? Pourtant, nous voyons que ce sutra déclare que les personnes des deux véhicules et celles qui sont d'une incroyance incorrigible ne peuvent atteindre la bodhéité. C'est là l'imperfection dans le joyau. De plus, à trois reprises, il est dit dans ce sutra que le Bouddha Shakyamuni atteignit l'Éveil pour la première fois en Inde. Cela dissimule donc le fait que, comme il est dit dans le chapitre Juryo* (XVI) du Sutra du Lotus, le Bouddha Shakyamuni atteignit en réalité l'Éveil dans le passé atemporel. Par conséquent, le Sutra Kegon est en fait un joyau ébréché, une lune voilée par des nuages, un soleil au moment d'une éclipse. Comme c'est difficile à comprendre ! Les sutras Agama*, Hodo*, Hannya* et Vairocana*, enseignements du Bouddha, sont des oeuvres splendides, et pourtant ils sont loin d'être comparables au Sutra Kegon*. Comment des principes encore cachés même dans le Sutra Kegon* pourraient-ils être révélés dans ces sutras ? Ainsi le Sutra Zo-Agon (note) dit que le Bouddha Shakyamuni "atteignit l'Éveil pour la première fois en Inde."(note) On lit dans le Sutra Daijuku* : "L'Ainsi-Venu réalisa l'Éveil et seize ans après..."(note) Et dans le Sutra Vimalakirti il est dit que pour la première fois, le Bouddha s'assit sous l'arbre et par sa détermination triompha du démon. De même, dans le Sutra Vairocana, le Bouddha décrit son Éveil en disant : "Il y a quelques années, lorsque je m'assis sur le lieu de méditation", et le Sutra Ninno* situe cet événement "vingt-neuf ans plus tôt". Il n'est pas étonnant de lire cela dans tous ces sutras (note) . Mais ce qu'il est surprenant de lire aussi bien que d'entendre, c'est que le Sutra Muryogi (note) tienne le même langage car dans le Sutra Muryogi, le Bouddha refute le concept, énoncé dans le Sutra Kegon, selon lequel le monde phénoménal n'est qu'une création de l'esprit (note). Il réfute aussi le concept, présent dans le Sutra Daijuku, de la méditation du reflet sur l'océan (note), et le concept, développé dans le Sutra Hannya* de la non-distinction entre tous les êtres (note). L'étonnement vient de ce que Shakyamuni déclare :
ou que le Sutra Muryogi considère les pratiques enseignées dans les sutras antérieurs comme "les pratiques de bodhisattvas dites de kotis de kalpas"(note). Dans ce sutra, il est dit : "j'ai pu réaliser l'Éveil parfait et complet sans supérieur*, au bout de six ans, m'étant assis bien droit sur le trône de la sagesse sous l'arbre bodhi", utilisant ainsi le même langage que le Sutra Kegon dans lequel on lit que le Bouddha Shakyamuni "atteignit l'Éveil pour la première fois en Inde". Cela peut paraître étrange mais, puisque le Sutra Muryogi est le prologue du Sutra du Lotus, le corps du sujet* n'est sans doute pas encore révélé. (note) En étudiant attentivement le Sutra du Lotus, nous voyons que, dans les passages où le Bouddha présente le remplacement des trois véhicules par un seul* il précise que : "seul un bouddha avec un autre bouddha peut élucider parfaitement l'aspect réel des dharmas."(note) La vérité sera révélée après plus de quarante ans d'enseignements préparatoires. Et il dit plus loin :
De plus, le bouddha Taho approuve les huit chapitres (note) de l'enseignement théorique*, en déclarant :
Nous pourrions donc penser qu'il n'y a rien en eux de caché ou de secret. Toutefois, le Bouddha ne révèle pas le fait qu'il a atteint l'Éveil d'innombrables kalpas auparavant, car il dit "quand je me suis assis sur le lieu de la méditation, j'ai contemplé l'arbre et j'ai déambulé... "(réf.) C'est certainement le plus déconcertant. Dans le chapitre Yujutsu* (XV), une multitude de bodhisattvas, encore jamais vus durant les quarante et quelques années* d'enseignement du Bouddha, apparaît soudain, et le Bouddha déclare :
Surpris par cette déclaration, le bodhisattva Maitreya demande :
Afin de dissiper cette perplexité, le Bouddha enseigna alors le chapitre Juryo* (XVI). Se référant tout d'abord à la version des événements présentée dans les sutras antérieurs et dans l'enseignement théorique* du Sutra du Lotus, il dit :
il ajoute :
Les enseignements provisoires tels que les sutras Kegon*, Hannya* et Vairocana*, non seulement cachent le fait que les personnes des deux véhicules peuvent atteindre la bodhéité, mais ne révèlent pas non plus que le Bouddha atteignit l'Éveil d'innombrables kalpas auparavant. Ces sutras commettent deux erreurs. D'abord, parce qu'ils enseignent que les dix mondes-états sont distincts les unes des autres, ils sont incapables d'aller plus loin que les enseignements provisoires et de révéler le principe d'ichinen sanzen tel qu'il est exposé dans les enseignements théoriques* du Sutra du Lotus. Ensuite, parce qu'ils enseignent que le Bouddha Shakyamuni atteignit l'Éveil pour la première fois dans ce monde et n'élucident pas sa véritable identité, ils ne révèlent pas le fait, établi dans l'enseignement essentiel*, que le Bouddha atteignit l'Éveil dans un passé atemporel. Ces deux grands principes forment l'ossature des enseignements exposés par le Bouddha de son vivant, le coeur et la moelle de tous les sutras. Le chapitre Hoben* (II), qui fait partie de l'enseignement théorique*, expose le principe d'ichinen sanzen, établissant que les personnes des deux véhicules peuvent atteindre la bodhéité. Il échappe ainsi à l'une des deux erreurs commises dans les sutras antérieurs. Mais il ne parvient cependant pas à révéler que le Bouddha atteignit l'Éveil dans un passé sans commencement. Ainsi, le principe concret d'ichinen sanzen reste vague et l'atteinte de la bodhéité par les personnes des deux véhicules n'est pas bien définie (note). De tels enseignements sont comme le reflet de la lune sur l'eau ou comme des herbes sans racines flottant sur les vagues. Quand on arrive aux chapitres du Sutra du Lotus qui exposent l'enseignement essentiel*, la croyance que Shakyamuni atteignit l'Éveil pour la première fois en ce monde est détruite, et les effets des quatre enseignements* le sont aussi (note). Quand les effets des quatre enseignements sont réduits à néant, les causes (note) le sont aussi. Ainsi, l'enchaînement des causes et des effets dans les dix modalités d'expression de la vie, tels que le décrivent les premiers sutras et l'enseignement théorique* du Sutra du Lotus, est annulé, et les liens de cause et d'effet dans les dix mondes-états, tels que les définit l'enseignement essentiel*, sont révélés. C'est le principe de la cause fondamentale* et de l'effet fondamental* (note). Il implique que les neuf autres états sont tous présents dans la bodhéité depuis le temps sans commencement, et que la bodhéité est inhérente aux neuf autres états depuis le temps sans commencement. Voilà la révélation concrète de l'inclusion mutuelle des dix états, des cent mondes et des mille modalités ; voilà en quoi consiste concrètement ichinen sanzen. De ce point de vue, nous comprenons que le bouddha Vairocana* décrit dans le Sura Kegon*, le Bouddha Shakyamuni décrit dans les sutras Agama*, et les bouddhas venus de toutes les directions de l'univers décrits dans les sutras Hodo* et Hannya* ainsi que dans les sutras Konkomyo*, Amida et Vairocana ne sont que des reflets du Bouddha du chapitre Juryo* (XVI), semblables aux reflets de la lune flottant à la surface de vasques emplies d'eau, grandes et petites. Les maîtres des diverses écoles bouddhiques, égarés par la doctrine de leur propre école et ignorant les enseignements du chapitre Juryo* du Sutra du Lotus, confondent le reflet dans l'eau avec la lune elle-même, certains entrant dans l'eau pour essayer de la saisir avec leurs mains, tandis que d'autres s'efforcent de l'amarrer avec une corde et l'immobiliser. Comme le dit Zhiyi, "ils ignorent tout de la lune dans le ciel, et ne regardent que la lune dans l'étang."(réf.) Nichiren a cette remarque à faire. Même l'atteinte de la bodhéité par les deux vehicules (nijo jobutsu) ne suffit pas à empêcher l'attraction que les sutras antérieurs exercent sur les hommes. Même l'atteinte de la bodhéité dans un passé sans commencement (kuon jitsujo) ne peut lutter contre ce penchant. En effet, quand on compare le Sutra du Lotus et les sutras antérieurs, les premiers dominent ; de plus, les quatorze premiers chapitres du Sutra du Lotus - ou enseignement théorique*- vont dans le sens des sutras antérieurs. Et même les chapitres du Sutra du Lotus qui constituent l'enseignement essentiel*, à l'exception des chapitres Yujutsu* (XV) et Juryo* (XVI), s'appuient tous sur l'idée que le Bouddha Shakyamuni atteignit l'Éveil pour la première fois en ce monde. Les quarante volumes du Sutra du Nirvana, enseignement donné par le Bouddha à la fin de sa vie dans le bosquet de shala, ainsi que les autres sutras du Mahayana à l'exception du Sutra du Lotus, ne font pas la moindre allusion au fait que le Bouddha atteignit l'Éveil dans un passé sans commencement. Ils définissent le Corps du Dharma du Bouddha* (hosshin), comme étant sans commencement ni fin, mais ne révèlent pas toute la vérité sur les deux autres corps, Corps de Sagesse* (hojin) et Corps Manifesté* (ojin), qui pourtant ne sont pas des entités distinctes du Corps du Dharma*. Il peut être difficile de rejeter le vaste ensemble des écrits du Mahayana provisoire*, le Sutra du Nirvana et la plus grande partie des chapitres du Sutra du Lotus traitant des enseignements théorique* et essentiel*, pour n'avoir foi que dans les deux chapitres Yujutsu* (XV) et Juryo* (XVI). Examinons les origines de l'école Hosso. Neuf cents ans après la mort de Shakyamuni en Inde, apparut un Grand-maître de la doctrine*, appelé Asanga. La nuit, il se rendait au Ciel Tushita* pour y rencontrer le bodhisattva Maitreya et apprendre de sa bouche les enseignements exposés par le Bouddha de son vivant. Le jour, il travaillait à la propagation de la doctrine Hosso, dans le royaume d'Ayodhya. Plusieurs Maîtres de la doctrine* furent ses disciples dont Vasubandhu, son frère cadet, Dharmapala, Nanda et Shilabhadra. Le grand roi Shiladitya*, se convertit à ses enseignements, et par la suite, tous les habitants des cinq régions de l'Inde renoncèrent à leurs conceptions erronées pour suivre la doctrine Hosso. Le moine chinois, Maître du tripitaka Xuanzang voyagea jusqu'en Inde, passant dix-sept années à visiter au moins cent trente royaumes indiens. Il rejeta tous les autres enseignements du bouddhisme mais rapporta en Chine la doctrine de l'école Hosso qu'il exposa à un sage souverain, l'empereur Taizong de la dynastie Tang. Xuanzang eut parmi ses disciples des hommes tels que Shen-tai, Jiaxiang, Puguang et Kui-ji. Il enseigna dans le grand temple Cien-si de Changan et répandit ses enseignements dans plus de trois cent soixante provinces de Chine. Sous le règne de l'empereur Kotoku, trente-septième souverain du Japon, les moines Doji et Dosho se rendirent en Chine pour étudier cette doctrine qu'ils prêchèrent à leur retour au temple Yamashina. Ainsi, l'école Hosso devint l'école dominante du bouddhisme dans les trois pays*. Cette école affirme :
Par ailleurs, les écoles Kegon et Shingon sont d'un niveau incomparablement plus élevé que les écoles Hosso et Sanron. Elles affirment que : Les concepts de nijo jobutsu* et celui de kuon jitsujo* ne sont pas limités au seul Sutra du Lotus mais sont également présents dans les sutras Kegon* et Vairocana*. Les patriarches du Kegon, Dushun, Zhiyan, Fa-zang et Cheng-guan ainsi que les maîtres du Shingon, Shubhakarasimha*, Vajrabodhi* et Amoghavajra* étaient supérieurs à Zhiyi* ou Saicho*. De plus, les enseignements de Shubhakarasimha* descendent en droite ligne du bouddha Mahavairochana. Comment des hommes de cette sorte, qui sont des manifestations du Bouddha, pourraient s'être trompés. Le Sutra Kegon dit : "Certains perçoivent qu'un nombre incalculable de kalpa s'est écoulé depuis que le Bouddha Shakyamuni atteignit l'Éveil " et le Sutra Vairocana* dit : "Je [Vairocana] suis la source et le commencement de toutes choses." Pourquoi certains prétendent que seul le chapitre Juryo* (XVI) du Sutra du Lotus énonce le principe de l'Éveil du Bouddha dans un passé illimité ? Ils se comportent comme des grenouilles au fond d'un puits qui n'ont jamais vu le grand océan, et sont semblables à des montagnards ignorants qui n'ont jamais vu la capitale : "Vous ne voyez que le chapitre Juryo* (XVI) sans rien connaître des sutras Kegon*, Vairocana* et autres. Pensez-vous qu'à part Zhiyi*, Zhanlan* et Saicho*, les habitants d'Inde et de Chine, de Silla et de Paekche, croient, que ces deux principes ne se trouvent que dans le Sutra du Lotus ? " Si l'on dit que les sutras des huit dernières années et ceux des quarante premières sont en désaccord et qu'entre les sutras de la première période et les sutras de la dernière il faut choisir ces dernier, il ne faut pas oublier l'attraction exercée par les sutras de la première période. Du vivant
du Bouddha, il y avait encore de bonnes raisons de choisir le Sutra
du Lotus. Mais dans les périodes suivant sa mort, les Maîtres
de la doctrine* et les Grands-maîtres ont le plus souvent privilégié les sutras de la première période. Le Sutra du Lotus étant difficile à croire et le monde arrivant aux Derniers jours du Dharma,
où les hommes sages et vertueux sont de plus en plus
rares, les hommes dans l'erreur sont devenus de plus en plus nombreux.
Il est facile de faire des erreurs, même dans le domaine superficiel
des affaires mondaines, n'est-il pas encore plus facile de se tromper
lorsqu'il s'agit des profonds enseignements bouddhiques qui mènent
à l'Éveil ?
Vatsiputriya* et l'ascète Vaipulya étaient brillants et perspicaces, mais ils confondirent pourtant les sutras du Hinayana et du Mahayana. Vimalamitra* et Mato* étaient très intelligents de nature, mais ils ne purent distinguer correctement les enseignements provisoires (gonkyo) des enseignements définitifs (jikkyo). Or cela se passa pendant la période de mille ans que l'on appelle l'époque du Dharma correct, peu de temps après la mort du Bouddha, et dans le même pays que lui. Les chances d'erreur ne sont-elles pas bien plus grandes encore en Chine et au Japon, pays fort éloignés de l'Inde où l'on parle des langues différentes, et alors que les hommes sont devenus plus lents à comprendre les enseignements du Bouddha, que la durée de la vie est plus réduite et que l'avidité, l'arrogance et l'ignorance ont doublé ? Dans le Sutra du Nirvana, le Bouddha prédit :
Dans le Sutra Hometsujin, on trouve ce passage :
D'ici cinq cents ou mille ans, il sera difficile de trouver même une seule personne qui croie dans le Dharma correct. Ceux qui tomberont dans les mauvaises voies parce qu'ils auront commis des crimes occuperont aussi peu d'espace que les grains de poussière qui tiennent sur un ongle, mais ceux qui tomberont dans ces mêmes voies pour s'être opposés au Dharma bouddhique seront assez nombreux pour peupler les dix directions. Les moines tomberont plus nombreux dans les mauvaises voies que les laïcs et les nonnes plus que les femmes laïques.
Moi, Nichiren, voici ce que je crois. Plus de deux cents ans se sont déjà écoulés depuis que le monde est entré dans la période des Derniers jours du Dharma. Je suis né dans un pays éloigné, homme du commun, d'une humble condition (note). Au cours de mes existances passées dans les six voies inférieures, je suis peut-être né grand roi parmi les hommes et les dieux, sous lequel le peuple pliait comme les branches des arbustes sous un grand vent, mais je ne suis pas devenu bouddha. A d'autres périodes j'ai étudié les sutras du Hinayana et du Mahayana, en commençant comme un pratiquant ordinaire* ou un pratiquant avancé* et en m'élevant graduellement jusqu'au stade de bodhisattva-mahasattva. Pendant un kalpa, deux kalpas, d'innombrables kalpas, je me suis consacré aux pratiques de bodhisattva et suis presque arrivé jusqu'à l'étape de non-régression*. Et pourtant, j'ai été tiré vers le bas par de mauvais facteurs puissammant développés et je ne suis pas devenu bouddha. Je ne sais pas si j'ai appartenu au troisième groupe (note) de ceux qui entendirent l'enseignement des fils du bouddha Daitsu sans pouvoir atteindre la bodhéité même lorsque l'un des fils renaquit sous la forme du Bouddha Shakyamuni, ou si j'ai abandonné l'enseignement entendu longtemps avant le bouddha Daitsu, à l'époque de gohyaku jintengo*, ce qui m'a amené à renaître sous ma forme actuelle. En pratiquant les enseignements du Sutra du Lotus, il est possible de surmonter toutes sortes de difficultés occasionnées par les mauvais facteurs de la vie dans le monde, ou par les persécutions des autorités, des non bouddhistes, ou des adeptes des sutras du Hinayana. Mais, certains peuvent aussi rencontrer des moines comme Daochuo, Shandao ou Honen qui semblent avoir maîtrisé les sutras du Mahayana provisoire (gondaijo) et définitif (jitsudaijo) mais qui sont en réalité possédés par les démons. De tels hommes exaltent le Sutra du Lotus, mais en fait, ils sous-estiment la capacité des hommes à le comprendre, en prétendant que "ses principes sont si profonds que rares sont ceux qui peuvent les comprendre."(réf.) Ils égarent les autres en disant : "Jamais une seule personne n'a atteint la bodhéité grâce à ce Sutra."(réf.) ou "Pas une personne sur mille ne peut atteindre l'Éveil par ses enseignements."(réf.) Ainsi, pendant d'innombrables vies, les hommes ont été trompés, plus souvent qu'il n'y a de grains de sable dans le Gange, jusqu'à abandonner leur foi dans le Sutra du Lotus pour tomber dans les enseignements du Mahayana provisoire*, puis abandonner ces derniers pour tomber dans les enseignements du Hinayana, et finalement abandonner même ceux-là pour tomber dans les enseignements et écrits non bouddhiques. Je comprends bien comment, en définitive, les hommes en sont venus à tomber dans les mauvaises voies. Moi, Nichiren, suis la seule personne au Japon à comprendre cela. Mais dès que je prononce ne serait-ce qu'un mot à ce sujet, mes parents, mes frères et mes maîtres sont persécutés par les hommes du pouvoir. Si je ne dis rien, j'ai le sentiment de manquer de bienveillance. Si j'examine les deux solutions à la lumière des sutras du Lotus et du Nirvana, je sais qu'en me taisant je peux échapper à la souffrance en cette vie, mais dans ma vie prochaine, je tomberai immanquablement dans l'enfer avici. Si je parle, je sais que je devrais affronter les trois obstacles et les quatre démons. Mais dans cette alternative, il faut sûrement choisir de parler. Si, toutefois, face aux persécutions du gouvernement, ma détermination venait à faiblir, je ne pourrais pas accomplir ma mission. En ce cas, il vaudrait peut-être mieux renoncer dès le début. J'hésitais ainsi quand je me suis rappelé les enseignements du chapitre Hoto* (XI) sur les six actions difficiles et les neufs actes aisés. Il y est dit qu'il serait relativement facile à des personnes telles que moi, de forces infimes, de soulever le Mont Sumeru et de le lancer à travers l'univers ; à des personnes comme moi dénuées de pouvoirs occultes de traverser les flammes avec sur le dos un fagot d'herbe sèche sans être consumées par le feu qui anéantit tout à la fin d'un kalpa de déclin, et à des personnes comme moi, dépourvues de sagesse, de lire et de mémoriser autant de sutras qu'il y a de grains de sable dans le Gange. Mais il y est dit aussi que de tels actes sont aisés, comparés à la grande difficulté de croire, ne serait-ce qu'en une phrase ou un vers du Sutra du Lotus, dans la période des Derniers jours du Dharma. Alors j'ai fait le voeu de développer dorénavant en moi un esprit d'éveil* intense et de ne pas revenir en arrière. VII Cela fait déjà plus de vingt ans que j'ai commencé à enseigner cette doctrine et mes difficulté croissent jour après jour, mois après mois, année après année. Les malheurs et les troubles mineurs sont trop nombreux pour être même comptés, mais les persécutions majeures sont au nombre de quatre (note). Parmi ces quatre, deux ont été le fait du gouvernement. La plus récente a failli me coûter la vie. De plus, mes disciples et mes bienfaiteurs et même des personnes qui n'avaient qu'occasionnellement écouté mes enseignements ont été frappés de lourdes peines comme s'ils étaient coupables de trahison. On lit dans le chapitre Hosshi* (X) du Sutra du Lotus :
Dans le chapitre Hiyu* (III) il est dit :
Et dans le chapitre Anrakugyo* (XIV) :
Le chapitre Kanji* (XIII) stipule :
Il est également dit dans le chapitre chapitre Kanji* (XIII) :
et dans le Fukyo (XX) :
Dans le Sutra du Nirvana, il est dit :
Zhiyi* déclara :
Zhanlan* commenta en disant :
Les maîtres des Trois écoles bouddhiques du Sud et des Sept écoles du Nord, en Chine, de même que les innombrables autres érudits de Chine, considéraient tous Zhiyi* avec ressentiment et animosité. Ainsi, Tokuichi dit :
Le moine Zhidu* écrit dans son ouvrage Dong-chun :
Le Grand-maître Saicho* écrivit dans son Kenkai Ron (note) :
Dans le Hokke Shuku, le Grand-maître* Saicho* dit aussi : Ces paroles sont bien l'exprassion de la vérité. Quand une mère traite son enfant par le moxa brûlant, son fils la regarde comme une ennemie ; une personne gravement malade à qui l'on donne un bon médicament ne manquera pas de se plaindre de son goût amer. Il en était déjà ainsi pour le Sutra du Lotus du vivant de Shakyamuni. A plus forte raison, cette opposition sera encore plus virulente après sa mort, aux époques du Dharma formel et des Derniers jours du Dharma, et dans un pays éloigné*. Comme des montagnes s'empilant sur des montagnes, comme des vagues venant gonfler d'autres vagues, les persécutions s'ajoutent aux persécutions et les critiques renforcent les critiques. A l'époque du Dharma formel, seul le Grand-maître Zhiyi* comprit et exposa le sens du Sutra du Lotus et des autres sutras. Cela lui valut d'être haï par les autres maîtres bouddhistes de Chine du Nord aussi bien que du Sud, mais les deux souverains sages*, assistèrent en personne à un débat au cours duquel il établit le bien-fondé de ses vues. Ainsi, à l'époque, il vainquit tous ses opposants. A la fin de l'époque du Dharma formel, seul le Grand-maître Saicho* sut faire comprendre le Sutra du Lotus et les autres sutras en accord avec les enseignements du Bouddha. Les moines des Sept grands temples de Nara se soulevèrent contre lui et protestèrent mais deux souverains sages, l'empereur Kammu et l'empereur Saga, lui donnèrent raison et les choses n'allèrent pas plus loin. Cela fait maintenant plus de deux siècles que nous sommes entrés dans l'époque des Derniers jours du Dharma et, comme pour rappeler le passage "à plus forte raison alors après son passage en parinirvana", les luttes se succèdent, l'injustice prévaut. Et, preuve que nous vivons bien dans une époque de chaos et de confusion, sans me permettre de m'exprimer dans un débat public, on m'envoie en exil, et ma vie même se trouve menacée. Ma capacité à comprendre le Sutra du Lotus est infime, comparée à celle de Zhiyi* et de Saicho*. Mais par ma persévérance face aux persécutions et par la profondeur de mon désir d'aider les autres, je crois que je les dépasse. Je pense mériter la protection du Ciel mais je n'en vois pour l'instant aucun indice. Au contraire, on ne cesse de m'infliger des peines de plus en plus lourdes. A cause de cela je me pose la question : est-ce moi qui, après tout, ne suis pas un pratiquant du Sutra du Lotus ? ou bien, est-ce parce que les innombrables divinités bienveillantes du Ciel sont parties en abandonnant ce pays ? Mais ensuite, je me souviens des vingt lignes versifiées du chapitre Kanji* (XIII) du cinquième volume du Sutra du Lotus (note). Si moi, Nichiren, n'étais pas né dans ce pays, alors le Bouddha serait un grand menteur et quatre-vingt myriades de millions de nayuta de bodhisattvas auraient été coupables des mêmes crimes que Devadatta : avoir menti et égaré les autres. Le chapitre Kanji* (XIII) dit :
Regardez autour de vous dans le monde d'aujourd'hui y a-t-il d'autres moines que Nichiren qui soient méprisés et calomniés à cause du Sutra du Lotus ou que l'on attaque à coups d'épées et de bâtons ? Sans Nichiren, la prophétie faite dans ce vers du Sutra ne serait que mensonge. Ce chapitre continue :
S'il n'y avait pas les maîtres des écoles Nembutsu, Zen et Ritsu de notre époque, le Bouddha Shakyamuni, qui formula ces prophéties dans le Sutra, aurait été un grand menteur. Ce chapitre dit aussi :
Si les moines d'aujourd'hui ne m'avaient pas calomnié auprès des autorités et ne m'avaient pas condamné au bannissement, ce passage du Sutra n'aurait pas été vérifié. "Encore et encore nous serons bannis", est-il écrit dans le Sutra. Mais si Nichiren n'avait pas été banni maintes et maintes fois pour la cause du Sutra du Lotus, qu'auraient pu signifier les mots "encore et encore" ? Si Zhiyi* et Saicho* eux-mêmes n'ont pas concrétisé cette prédiction d'être bannis "encore et encore", comment les autres l'auraient-ils pu ? Mais parce que je suis né au début des Derniers jours du Dharma, "l'époque effrayante et mauvaise" décrite dans le Sutra, je suis le seul à avoir vérifié ces mots [dans ma propre vie]. Parmi les autres exemples [de prédictions réalisées], on trouve dans le Sutra Fuhozo ces paroles de l'Honoré du monde : "Cent ans après mon trépas apparaîtra le grand souverain Ashoka." (note) Dans le Sutra Maya, il est dit : "Six cents ans après mon trépas apparaîtra, dans le Sud de l'Inde, le bodhisattva Nagarjuna." Et dans le Sutra Daihi : "Soixante ans après mon trépas, Madhyantika s'établira dans le Palais des nagas."* Toutes ces prédictions se sont révélées exactes. D'ailleurs, dans le cas contraire, qui aurait eu foi dans les sutras bouddhiques ? Mais aussi bien dans le Sho-Hokekyo* que dans le Myoho-Renge-Kyo* le Bouddha a très précisement décrit le moment pour la propagation de ce Sutra comme étant "une époque effrayante et mauvaise","l'époque du Dharma dégénéré", "l'époque où le Dharma correct disparaîtra" et "la dernière des cinq périodes de cinq cents ans". Si, à une telle époque, les trois grands ennemis annoncés dans le Sutra du Lotus n'apparaissaient pas, qui pourrait avoir foi dans les paroles du Bouddha ? S'il n'y avait pas Nichiren, quel Pratiquant du Sutra du Lotus* pourrait aider les prophéties du Bouddha à se réaliser ? Les trois écols du Sud, les Sept écoles du Nord*, ainsi que les sept grands temples*, furent les ennemis du Sutra du Lotus à l'époque du Dharma formel. Par conséquent, comment les moines du Zen, du Ritsu et du Nembutsu à notre époque pourraient-ils être différents ? Puisque les mots du Sutra s'appliquent à ma personne, plus les autorités gouvernementales se déchaînent contre moi, plus grande est ma joie. Par exemple, certains bodhisattvas du Hinayana, ne s'étant pas encore libérés des illusions, choisissent volontairement de naître dans de mauvaises conditions. Pour y parvenir, ils accumulent un karma qui n'est pas désirable. Ainsi, s'ils voient leur mère et leur père tomber dans l'enfer et souffrir horriblement, ils créeront délibérément le karma qui leur permettra de tomber aussi en enfer et de souffrir avec eux. Partager la souffrance des autres est à leurs yeux une joie. C'est le cas pour moi. Même si maintenant je dois affronter des épreuves à la limite du supportable, je me réjouis en pensant que, grâce à elles, à l'avenir, j'éviterai les mauvaises voies. VIII A mon sujet, les gens se demandent, et je me le demande moi-même, pourquoi les divinités ne viennent pas à mon secours. Les divinités bienveillantes et protectrices de tous les Ciels en ont fait le serment en présence du Bouddha. Même si le pratiquant du Sutra du Lotus* se présentait sous la forme d'un singe plutôt que sous forme humaine, s'il faisait savoir qu'il était pratiquant du Sutra du Lotus, je suis certain que les divinités se précipiteraient à son aide pour honorer la promesse faite au Bouddha. Leur indifférence signifie-t-elle qu'en réalité je ne suis pas le pratiquant du Sutra du Lotus ? C'est la question centrale de ce traité et c'est la plus grande préoccupation de ma vie. Je ne cesserai de la poser ici ; en suscitant le doute, je m'efforcerai ensuite de le dissiper par mes réponses. Le prince Ji-zha s'était juré de donner au seigneur de Xu la précieuse épée royale qu'il portait. Aussi [lorsqu'il découvrit par la suite que le seigneur de Xu était mort], il plaça l'épée sur sa tombe (note). Après avoir bu de l'eau dans une rivière, Wang Shou prit soin d'y jeter une pièce d'or (note). Hong Yen s'ouvrit le ventre pour y cacher le foie de son seigneur. Il s'agissait-là d'hommes d'une vertu exemplaire, qui voulaient s'acquitter de leurs dettes de reconnaissance. Combien plus devraient être reconnaissants les grands sages comme Shariputra et Mahakashyapa, eux qui avaient observé scrupuleusement les deux cent cinquante préceptes et les trois mille règles de conduite (note); ils avaient éliminé les illusions de la pensée et du désir et s'étaient détachés du monde des trois plans. entrainant à laur suite Bonten et Taishaku, yeux du monde des dieux et des hommes. Cependant, après avoir été rejetés pendant les quarante et quelques années* comme des êtres honnis et considérés comme "à jamais incapables d'atteindre la bodhéité", ils ont goûté ce bon remède de l'immortalité, le Sutra du Lotus, et même s'ils n'ont pas encore manifesté les Huit époques de l'existence d'un bouddha, ils reçurent la prédiction de la bodhéité, comme des graines brûlées qui parviendraient à germer, comme un rocher pulvérisé qui se reconstituerait, ou comme des arbres morts se mettant à donner fleurs et fruits. Pourquoi, alors, ne font-ils rien pour remplir leur obligation à l'égard du Sutra du Lotus ? S'ils ne s'acquittent pas de leur dette de gratitude ils se montreront inférieurs aux hommes de vertu exemplaire dont j'ai parlé plus haut et se ravaleront au rang d'animaux sans aucun sens de la reconnaissance. La tortue sauvée par Mao-Bao ne manqua pas de lui rendre service en échange d'une faveur passée (note). Par gratitude envers l'homme qui lui avait sauvé la vie, le grand poisson de l'étang de Kun-ming lui fit cadeau d'un joyau étincelant au milieu de la nuit (note). Si même de telles créatures ont su s'acquitter de leurs obligations, comment de grands sages ne le pourraient-ils pas ? Ananda était le second fils du roi Dronodana et Rahula le petit-fils du roi Shuddhodana. Tous deux étaient issus de familles nobles mais, parce qu'ils étaient parvenus au stade d'arhat, il leur était impossible de parvenir à l'Éveil. Pourtant, au cours des huit années où devant la Grande assemblée du Pic du Vautour, le Sutra du Lotus fut enseigné, il fut révélé qu'Ananda deviendrait le bouddha Roi des Souverains Pouvoirs - Sagesse de Monts et d'Océan* et que Rahula deviendrait le bouddha Foulant les Fleurs des Sept Matières Précieuses*(réf.). Malgré la sagesse de ces hommes et le haut rang de leurs familles, sans cette révélation du Sutra du Lotus, qui leur aurait rendu hommage ? Les empereurs Jie, de la dynastie Xia, et Shang Zhou de la dynastie Yin (Shang) possédaient une armée de dix mille chars et régnaient sur toutes les populations de leurs royaumes. Mais parce qu'ils gouvernaient de façon despotique et provoquèrent la chute de leurs dynasties, on cite Jie et Shang Zhou comme des exemples de malfaisance. Même un mendiant ou un lépreux se sentirait gravement insulté si on le comparait à Jie ou Shang Zhou. Sans le Sutra du Lotus, qui aurait jamais entendu parler des mille deux cents auditeurs-shravakas (note) et de leurs innombrables pareils, et qui aurait écouté leur voix ? Et les mille auditeurs-shravakas auraient eu beau rassembler tous les sutras personne ne les aurait lu (note). Comment aurait-on pu exécuter des tableaux et des statues les représentant et les vénérer comme des objets de culte ? C'est grâce au Sutra du Lotus que ces arhats sont révérés. Sans ce Sutra, ces auditeurs-shravakas seraient comme poissons sans eau, singes sans arbre, nourrisson privé du sein, ou un peuple sans dirigeant. Pourquoi, alors abandonnent-ils le pratiquant du Sutra du Lotus ? Dans les sutras antérieurs au Sutra du Lotus, ces auditeurs-shravakas sont décrits comme dotés de l'oeil divin et de l'oeil de la sagesse, en plus de leurs yeux physiques. Dans le Sutra du Lotus, il est dit qu'ils sont aussi dotés de l'oeil du Dharma et de l'oeil du Bouddha. Leur vue peut pénétrer tous les dix mondes-états dans les dix directions. Comment, alors, pourraient-ils ne pas voir le pratiquant du Sutra du Lotus, présent ici dans le monde Saha ? Même si j'étais un homme mauvais, ayant prononcé un ou deux propos médisants à leur égard, ou même si j'avais maudit et injurié les auditeurs-shravakas pendant un an ou deux, un kalpa ou deux, ou un nombre incalculable de kalpa, et même si j'avais été jusqu'à les menacer de coups d'épées et de bâtons, aussi longtemps que je conserve ma foi dans le Sutra du Lotus et me comporte comme son Pratiquant, elles ne devraient jamais m'abandonner. Un enfant peut insulter son père et sa mère, mais ses parents ne le rejetteront pas pour autant. On dit de certains petits de la chouette qu'ils mangent leur mère, mais pourtant leur mère ne les abandonne pas. On dit que le hakei tue son père, mais le père ne fait rien pour l'en empêcher. Si même des animaux se comportent ainsi, comment de grands sages pourraient-ils abandonner le Pratiquant du Sutra du Lotus ? Au chapitre qui traite de la croyance et la compréhension (réf.), dans le Sutra du Lotus, les Quatre Grands auditeurs-shravakas du Bouddha ont proclamé :
Dans les divers sutras enseignés dans la première période de la vie du Bouddha, qui ont été comparés aux quatre saveurs inférieures, à maintes reprises on lit que les disciples shomon ont été sévèrement critiqués et ridiculisés devant la Grande assemblée des êtres humains et célestes. Ainsi nous dit-on que les larmes et les lamentations de Mahakashyapa s'entendirent dans tout l'univers, (note) que Subhuti fut si abasourdi qu'il manqua de s'enfuir en abandonnant le bol (note) qu'il avait dans les mains, que Shariputra recracha ce qu'il était en train de manger (note), et que Purna fut réprimandé comme quelqu'un qui déposerait des immondices dans un vase précieux (note). Quand le Bouddha se trouvait au Parc aux Daims, il fit l'éloge des sutras Agama* et prescrivit aux hommes d'observer les deux cent cinquante préceptes, félicitant chaleureusement ceux qui agissaient ainsi ; mais, par la suite, il revint dessus et se mit à les condamner. C'était une de ces contradictions qu'il est difficile de passer sous silence. Ainsi, par exemple, le Bouddha injuria son disciple Devadatta en lui disant :"Tu n'es qu'un fou qui lèche le crachat des autres !" (note) Ce fut pour Devadatta comme si une flèche empoisonnée l'avait touché au coeur, et, furieux, il s'écria :
Si nous réfléchissons à cela, nous notons que les disciples shravaka (shomon), étaient originellement issus de familles brahmanes ou étaient les maîtres de diverses écoles non bouddhiques. Ils avaient converti des rois à leurs enseignements et étaient hautement respectés par leurs adeptes. Certains étaient issus de familles nobles ou possédant de grandes fortunes. Mais ils avaient renoncé à leur position élevée dans la société, abaissé l'étendard de leur orgueil et quitté leurs vêtements laïcs pour revêtir la modeste robe de couleur de boue d'un bhiksu. Ils avaient troqué leurs émouchoirs blancs, leurs arcs et leurs flèches contre un seul bol, choisissant ainsi l'apparence de gens de basse condition ou de mendiants pour suivre le Bouddha. Aucun toit ne les protégeait du vent et de la pluie, et ils n'avaient, pour se nourrir et se vêtir, que le minimum pour rester en vie. De plus, tous les habitants des cinq régions de l'Inde et des quatre mers étaient disciples ou bienfaiteurs des religions non bouddhiques, de sorte que le Bouddha lui-même fut contraint d'endurer Neuf grandes épreuves. Ainsi, Devadatta lança sur lui un gros rocher, le roi Ajatashatru lâcha sur lui un éléphant sauvage, et le roi Agnidatta ne lui donna, pendant quatre-vingt-dix jours, que de l'orge destinée aux chevaux (note). Dans une ville brahmane, on lui fit l'offrande d'une bouillie fermentée (note), et une femme brahmane du nom de Chinchamanavika, dissimula un récipient sous sa robe (note). Il est bien évident que les disciples du Bouddha, eux aussi, furent souvent contraints d'endurer des épreuves. Ainsi, de nombreux disciples de Shakyamuni furent tués par le roi Virudhaka, et des proches du Bouddha furent en très grand nombre piétinés à mort par des éléphants sauvages. La nonne Utpalavarna fut assassinée par Devadatta, un disciple, Kalodayin, fut tué et enseveli dans du crottin de cheval, et un autre, Maudgalyayana, fut tué par un brahmane du nom de Chikujo. De plus, les six maîtres non bouddhistes s'allièrent pour calomnier le Bouddha auprès du roi Ajatashatru et du roi Prasenajit en disant :
A ces persécutions, que ressentaient douloureusement les disciples shravakas, même quand ils arrivaient à les supporter, s'ajoutèrent des peines qui leur furent causées par le Bouddha lui-même qui commença à les critiquer. Devant de grandes assemblées d'êtres humains et célestes, il leur fit parfois entendre de sévères reprimandes, et alors, ne sachant plus quelle conduite adopter, ils se sentaient de plus en plus perdus. La première de ces grandes épreuves est celle décrite dans le Sutra Vimalakirti, lorsque le Bouddha s'adressa aux disciples shravakas en ces termes :
Ces mots furent prononcés dans les jardins d'Ambapali, dans la ville de Vaishali. Là, Bonten, Taishaku, les divinités Nitten, Gatten, les quatre Rois du Ciel et les diverses divinités du monde des trois plans, ainsi que les dieux de la terre, les dieux-dragons, et d'autres êtres aussi nombreux que les grains de sable du Gange, s'étaient réunis en une Grande assemblée. Le Bouddha déclara :
Après avoir entendu cela, comment les êtres humains et célestes auraient-ils pu continuer à faire des offrandes aux shravakas ? On dirait que le Bouddha voulait, par ces mots, délibérément infliger la mort aux deux véhicules. Les personnes au coeur sensible trouvèrent trop sevères les paroles du Bouddha. Aussi ces shravakas parvenaient à obtenir un peu d'offrandes, si modestes soient-elles, juste assez pour rester en vie. Lorsque j'y réfléchis, il m'apparaît que, si le Bouddha était mort après avoir prêché les divers sutras exposés pendant les quarante et quelques années*, sans pouvoir enseigner le Sutra du Lotus au cours de ses huit dernières années, qui aurait continué à faire des offrandes à ces shravakas ? Maintenant, ils seraient sans doute dans le monde des esprits faméliques*. Mais, après plus de quarante ans passés à enseigner divers sutras, ce fut comme si l'éclatant soleil du printemps était apparu pour faire fondre la glace épaisse, ou comme si un grand vent s'était levé pour chasser la rosée d'innombrables brins d'herbe. Par une seule remarque, en un instant, le Bouddha annula ses déclarations antérieures en disant : "Je n'ai pas encore révélé la vérité."(réf.) Comme un grand vent dispersant les nuages sombres, comme la pleine lune illuminant l'immensité de la voûte céleste, ou comme le soleil brillant dans le ciel bleu, il proclama :
Avec autant d'éclat que le soleil ou de clarté que la lune, le Sutra du Lotus révéla que Shariputra deviendrait l'Ainsi-Venu "Fleur lumineuse"* et Mahakashyapa, l'Ainsi-Venu "Lumière éclatante"*. Après la mort du Bouddha, grâce au Sutra du Lotus, comparable à un phénix parmi tous les écrits, à un miroir, ou à la carapace de tortue (note), ces shravakas furent considérés comme des bouddhas par les bienfaiteurs du bouddhisme humains et célestes. Si une eau est pure, la lune ne peut manquer de s'y refléter. Si le vent souffle, comment l'herbe et les arbres pourraient-ils ne pas s'incliner ? Et s'il existe des pratiquants du Sutra du Lotus, ces shravakas devraient sans faillir aller à leur rencontre, même s'il leur fallait pour cela traverser un grand feu ou sous une grêle de pierres. Même s'il est dans une méditation profonde, Mahakashyapa (note) ne fera-t-il rien ? J'ai du mal à comprendre. Ne sommes-nous pas dans "la cinquième période de cinq cents ans ?" La prédiction concernant "la vaste propagation"* "kosen-rufu" serait-elle un mensonge ? Nichiren n'est-il pas un pratiquant du Sutra du Lotus ? Serait-il possible que ces shravakas protègent les grands menteurs qui rabaissent le Sutra du Lotus en disant qu'il n'est qu'un simple écrit et revendiquent ce qu'ils appellent une "transmission spéciale" (note)? Protègent-ils ceux qui écrivent "Rejetez ! Refermez ! Ignorez ! Abandonnez ! " (note) exhortant à ne plus enseigner le Sutra du Lotus et à jeter ses textes, ceux qui provoquent la ruine des temples [où le Sutra du Lotus est enseigné] ? Ces shravakas et les divinités du Ciel ont juré devant le Bouddha de protéger les pratiquants du Sutra du Lotus, mais rébutés par la cruauté des grandes persécutions de cette époque impure, y ont-ils renoncé ? Le soleil et la lune sont toujours à leur place dans le ciel. Le Mont Sumeru ne s'est pas effondré. La mer est toujours soumise au rythme des marées et les quatre saisons se succèdent dans leur ordre normal. Que se passe-t-il donc ? Est-ce que rien ne protégera les pratiquant du Sutra du Lotus ? Je doute de plus en plus. IX Dans les sutras antérieurs au Sutra du Lotus, il est prédit que, dans le futur, divers bodhisattvas-mahasattvas, les êtres humains et célestes parviendront à l'Éveil. Mais ceci n'a pas de réalité plus certaine que celle de la lune que l'on voit dans l'eau et que l'on veut saisir, ou celle de l'ombre que l'on prend pour le corps qui la projette, alors qu'on a perçu seulement l'apparence. La bienveillance du Bouddha y semble profonde mais en réalité elle ne l'est pas. Lorsque Shakyamuni réalisa l'Éveil, il ne prêcha pas tout de suite. Le bodhisattva Dharmaprajna*, le bodhisattva Gunakara*, le bodhisattva Vajraketu*, le bodhisattva Vajragarbha*, et les autres bodhisattvas-mahasattvas au nombre de plus de soixante, vinrent des Terres de bouddha des dix directions. Là, répondant aux sollicitations des bodhisattvas tels que Bhadramukha* et Vimukicandra*, ils exposèrent les principes des dix étapes de la sécurité*, des dix étapes de la pratique*, des dix étapes de la dévotion* , des dix étapes de développement*. Ces principes énoncés par les grands bodhisattvas ne leur avait pas été enseignés par le Bouddha Shakyamuni. Il en était de même pour le Dharma exposé par les divinités du Ciel de Brahma et d'autres divinités des mondes des dix directions. Ces grands bodhisattvas, divinités, dragons et autres qui participèrent à l'Assemblée décrite dans le Sutra Kegon* étaient des êtres qui avaient atteint le stade de l'Éveil fushigi (note) avant l'apparition de Shakyamuni. Peut-être étaient-ils des disciples de Shakyamuni quand le Bouddha pratiquait les austérités de bodhisattva dans ses vies précédentes, ou peut-être avaient-ils déjà été les disciples de bouddhas précédents dans les mondes des dix directions. En tout cas, ils n'étaient absolument pas des disciples du Shakyamuni qui atteignit l'Éveil à l'âge de trente ans en Inde. Ce fut seulement lorsque le Bouddha exposa les quatre sortes d'enseignements* dans les sutras Agama*, Hodo * et Hannya* qu'il acquit des disciples. Et même si ces enseignements étaient énoncés par le Bouddha lui-même, ils n'étaient pas de sa création. Pourquoi ? Parce que les enseignements spécifique* et parfait*, les deux formes d'enseignements les plus élevés, tels qu'ils sont exposés dans les sutras Hodo* et Hannya*, n'apportent rien de nouveau par rapport aux enseignements spécifique et parfait du Sutra Kegon*. Les enseignements spécifique et parfait du Sutra Kegon* ne sont pas les enseignements spécifique et parfait du Bouddha Shakyamuni. Ce sont les enseignements spécifique et parfait du bodhisattva Dharmaprajna* et des autres bodhisattvas mentionnés plus haut. Ces grands bodhisattvas passent, aux yeux de beaucoup, pour les disciples du Bouddha Shakyamuni, mais on peut aussi les considérer comme ses maîtres. Shakyamuni écouta l'enseignement de ces bodhisattvas, et, après avoir ainsi développé sa sagesse, entreprit d'exposer les enseignements spécifique et parfait des sutras Hodo* et Hannya*. Mais ceux-ci ne diffèrent en aucune façon des enseignements spécifique et parfait du Sutra Kegon*. Ainsi, ces soixante bodhisattvas-mahasattvas furent les maîtres de Shakyamuni. Ils sont mentionnés dans le Sutra Kegon* où on les appelle zenchishiki [bons amis bouddhistes]. Zenchishiki est le nom donné à une personne qui n'est ni notre maître, ni notre disciple. Les deux types d'enseignements tripitaka (zokyo) et commun (tsugyo) sont des branches des enseignements spécifique (bekkyo) et parfait (engyo). Celui qui comprend les enseignements spécifique (bekkyo) et parfait (engyo) comprendra nécessairement aussi les enseignements tripitaka (zokyo) et commun (tsugyo). Un maître est celui qui enseigne à ses disciples ce qu'ils ignoraient jusqu'alors. Par exemple, avant l'apparition du Bouddha, les êtres humains et célestes ainsi que les adeptes des religions non bouddhiques étaient tous des disciples des deux divinités [Shiva et Vishnu] et des trois ascètes*. Même quand leurs doctrines se scindèrent jusqu'à former quatre-vingt-quinze écoles différentes, ils restèrent tous fidèles aux conceptions des trois ascètes. Shakyamuni étudia aussi ces doctrines et fut pendant un certain temps disciple des maîtres non bouddhistes. Mais, après avoir consacré douze ans à diverses pratiques ascétiques et non ascétiques, il en vint à comprendre les principes de la souffrance, de la vacuité, de l'impermanence et du non-soi. Dès lors, il cessa d'être un disciple des maîtres non bouddhistes et déclara qu'il avait acquis sa sagesse sans aucun maître. C'est pourquoi les êtres humains et célestes en vinrent à le considérer comme un Grand-maître et guide*. Il est évident que pendant les quarante et quelques premières années* où il exposa sa doctrine, durant la période dite des quatre saveurs, le Bouddha Shakyamuni était un disciple de Dharmaprajna* et des autres grands bodhisattvas. Il fut aussi le neuvième disciple du bodhisattva Manjushri (note). C'est la raison pour laquelle il déclare à plusieurs reprises dans les sutras antérieurs :
A l'âge de soixante-douze ans, le Bouddha Shakyamuni exposa le Sutra Muryogi* au Pic du Vautour dans le royaume du Magadha. Se référant alors à tous les sutras enseignés précédemment pendant plus de quarante ans et à tous les enseignements qui en découlent, il déclara :
Immédiatement, les grands bodhisattvas et les divers êtres humains et célestes se rassemblèrent en suppliant le Bouddha de révéler la vérité. En fait, dans le Sutra Muryogi*, il est fait allusion à un principe qui semble vrai, mais qui n'est pas explicité. C'est comme le moment où la lune va se lever. Elle est encore cachée derrière les collines à l'est, et bien que sa lumière commence à éclairer les collines vers l'ouest, les hommes ne peuvent pas la voir. Dans le chapitre Hoben* (II) du Sutra du Lotus, quand le Bouddha enseigna pour la première fois qu'il fallait remplacer* les trois véhicules par le Véhicule unique, il exprima de manière concise le concept d'ichinen sanzen, révélant ainsi ce qu'il avait vraiment à l'esprit. Mais parce que c'était la première fois, il fut à peine compris. Ce fut comme la première note du chant du rossignol, à peine audible pour une personne assoupie, ou comme l'apparition de la lune dans la brume, au sommet d'une montagne. Stupéfaits, Shariputra et les autres firent appel aux divinités, aux dragons et aux grands bodhisattvas, en les suppliant de les instruire.
Ce passage indique qu'ils souhaitaient écouter une doctrine encore jamais entendue au cours des quarante et quelques années précédentes, et différente des quatre saveurs inférieures et des trois premiers enseignements. La phrase "ils désirent entendre la Voie en sa totalité." évoque ce passage du Sutra du Nirvana : "Sad (note) signifie "qui contient tout parfaitement." Il est dit dans le Daijo Shiron Gengi Ki : "Sad signifie six. En Inde, le chiffre six désigne ce qui inclut tout (note)." Dans son commentaire sur le Sutra du Lotus, Jizang écrit : "Sad signifie "qui contient tout parfaitement." Dans le huitième volume de son Hokke Gengi, Zhiyi* note : "Sad est un mot sanskrit que l'on traduit par myo, merveilleux, parfait." Au coeur de son Daichido Ron* en mille fascicules (note), le bodhisattva Nagarjuna écrit : "Sad signifie six." Nagarjuna fut le treizième successeur* du Bouddha. Diverses écoles, parmi lesquelles Shingon et Kegon, le considèrent comme leur fondateur, un grand sage parvenu à la cinquante et unième étape de la pratique de bodhisattva dont la véritable identité était celle de l'Ainsi-Venu Houn Jizaio* . Le titre du Sutra du Lotus en chinois se dit Miao fa lian hua jing [Myohorengekyo en japonais]. En Inde, on appelle le Saddharma pundarika sutra. Voici un mantra, exprimant le coeur du Sutra du Lotus, composé par Shubhakarasimha* :
Ce mantra, qui résume l'essentiel du Sutra du Lotus, fut trouvé dans la tour de fer en Inde du Sud (note). Dans ce mantra, les mots satsuri daruma signifient "Dharma correct". Satsu est l'équivalent de sho [correct] ou bien myo [merveilleux] Par conséquent, Shohokke [Sutra de la Fleur du Lotus du Dharma correct] est synonyme de Myohokke [Sutra de la Fleur du Lotus du Dharma Merveilleux]. Et quand les deux syllabes Na-mu précèdent le titre Myoho Renge Kyo, nous obtenons Namu Myoho Renge Kyo [Je me consacre au Sutra de la Fleur du Lotus du Dharma Merveilleux]. Myo a le même sens que gusoku [qui inclut tout parfaitement]. "Six" se réfère aux six paramitas menant à la perfection. Demander à entendre l'enseignement "qui inclut tout parfaitement", c'est vouloir acquérir la parfaite maîtrise des six paramitas de bodhisattva. Dans le mot gusoku, gu [qui inclut] se réfère à l'inclusion mutuelle des dix mondes-états, tandis que soku [tout, parfaitement] indique que, puisqu'il y a implication réciproque des dix mondes-états, chacun des dix mondes-états contient tous les autres, autrement dit "inclut tout parfaitement". Le Sutra du Lotus est un seul ouvrage comportant huit volumes, vingt-huit chapitres et 69 384 caractères. Chacun de ses caractères en particulier a la qualité de myo [mystique], ce qui en fait l'équivalent d'un bouddha doté des trente-deux traits distinctifs et des quatre-vingts caractéristiques physiques. Chacun des dix mondes-états manifeste son propre état de bouddha. Comme l'écrit Zhanlan* : "Si même l'état de bouddha est présent dans chacun des dix mondes-états, à plus forte raison, tous les autres états sont naturellement présents aussi."(réf.) Selon le chapitre Hoben* (II), le Bouddha répondit à Shariputra qu'il souhaitait ouvrir à tous les êtres la porte de la sagesse de bouddha. "Tous les êtres" comprend les hommes des deux véhicules comme Shariputra, les icchantika aussi bien que les personnes dans les neuf mondes-états, en accord avec le voeu de tous les bouddhas de sauver "tous les êtres innombrables." Comme le dit le Bouddha dans le chapitre Hoben* (II) :
Le Grand-maître* Saicho* commente : "Depuis les temps anciens, nous avons souvent entendu les Vénérés du Monde" indique qu'ils avaient entendu exposer les grands principes du Sutra Kegon* et d'autres sutras antérieurs au Sutra du Lotus. "Jamais encore nous n'avons entendu un tel Dharma supérieur, profond et sublime" indique qu'ils n'avaient jamais entendu le principe du Véhicule unique et suprême contenu dans le Sutra du Lotus."(réf.) C'est-à-dire qu'ils comprirent qu'aucun des sutras du Mahayana antérieur - tels que les sutras Kegon*, Hodo*, Hannya*, Jimmitsu* et Sutra Vairocana* - aussi nombreux que les grains de sable du Gange, n'avaient jamais clarifié le grand principe d'ichinen sanzen, qui est le coeur de tous les enseignements donnés par le Bouddha de son vivant, ou l'os et la moelle de ces enseignements, ni les principes de l'atteinte de la bodhéité par les personnes des deux véhicules, et de l'Éveil du Bouddha dans le passé atemporel. Suite (deuxième partie) Références des notes : En Français : - Kaimoku-Sho traduction bilingue japonais/anglais par Kyotsu Hori. Nichiren Shu Overseas Propagation Promotion Association. Tokyo. 1987. |
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