Sutra du Lotus*
妙法蓮華經
Chapitre XIV
Pratiques paisibles (note)
(安樂行品, Anrakugyo hon, Anyuexing pin)

 

{§1} A ce moment*, le prince du Dharma (kumara) Manjushri*, le bodhisattva-mahasattva, s'adressa au Bouddha: "Vénéré du Monde*, il est fort difficile de trouver des bodhisattvas tels que ceux-ci ; par respect et obéissance envers l'Éveillé, ils ont prononcé un grand voeu : dans les mauvais âges qui suivront, ils préserveront, liront et exposeront le Sutra du Lotus du Dharma. Vénéré du monde, comment les bodhisattvas-mahasattvas, seront-ils capables, dans les mauvais âges à venir, d'exposer ce sutra? "

{§2}L'Éveillé déclara à Manjushri* :

Si les bodhisattvas-mahasattvas, désirent exposer ce Sutra dans les mauvais âges à venir, ils devront s'en tenir fermement à quatre façons d'être. (note)

{§3} En premier lieu, en s'en tenant fermement à la sphère des pratiques de bodhisattva et à sa sphère d'affinités personnelles, ils seront capables d'exposer ce Sutra aux êtres. Qu'appelle-t-on, Manjushri*, la sphère des pratiques du bodhisattva-mahasattva? Si un bodhisattva-mahasattva demeure en la terre de la patience, doux et conciliant, que son coeur ne connaît ni la colère ni l'envie ; si en outre sa pratique ne se fait pas selon la substantialité, mais s'il contemple les phénomènes selon leur aspect réel (shoho jisso), sans plus s'agiter ni discriminer, c'est ce qui constitue la pratique du bodhisattva-mahasattva.

{§4}En quoi consiste la sphère d'affinités personnelles (note) d'un bodhisattva-mahasattva ? Un bodhisattva-mahasattva ne recherche pas les rois, princes, ministres, hauts mandarins, il n'est pas entouré d'hétérodoxes*, de brahmachari*, de nirgrantha* et autres, pas plus que de ceux qui composent de la littérature pour les profanes (note) ou chantent les louanges des traités hétérodoxes, ni des lokayatins* ou des anti-lokayatins. (note)

{§5} Il ne recherchera pas non plus les bateleurs pernicieux, les pugilistes, les lutteurs, de même que les danseurs et autres, les divers artistes de l'illusion. Pas plus qu'il ne s'entourera des hors-castes ni ceux qui élèvent porcs, moutons, volaille ou chiens, qui s'adonnent à la chasse, à la pêche ou aux activités illicites. Si de telles gens viennent à lui, il leur exposera le Dharma, sans chercher à en tirer avantage. (note)

{§6} Il n'est pas davantage proche de ceux qui recherchent l'état d'auditeur-shravaka*, les bhiksus*, les bhiksunis*, les upasakas*, les upasikas*, et il ne les interroge pas sur eux et ne les accompagne pas dans leur maisons, leurs promenades ou dans une salle de conférence. S'ils viennent à lui, il leur prêchera le Dharma conformément à leurs dispositions, sans chercher à en tirer avantage.

{§7} En outre, Manjushri*, un bodhisattva-mahasattva ne devra prêcher le Dharma aux femmes qui prennent une apparence pour engendrer des idées de désir, et il ne se délectera pas de leur vue. S'il entre chez autrui, il ne conversera pas avec les fillettes, les vierges ou les veuves. Il n'approchera pas non plus les pandaka (note) pour devenir leur intime.

{§8} Il n'entrera pas tout seul chez autrui. Si, en raison des circonstances, il lui est nécessaire d'y entrer, il ne fera que parler de tout coeur du Bouddha. S'il prêche le Dharma à une femme, il ne sourira pas en montrant les dents (note) et ne découvrira pas sa poitrine. Même pour servir le Dharma, il ne deviendra pas son intime ; à plus forte raison, pour d'autres raisons. Il ne prendra pas plaisir à entretenir disciples, shramanera* et moinillons, pas plus qu'il ne se délectera d'être leur maître. Il aimera toujours s'asseoir en méditation-dhyana, résider dans un lieu désert et s'exercer à contenir sa pensée. Voilà, Manjushri*, en quoi consiste la première sphère de proximités.

{§9} Ensuite, un bodhisattva-mahasattva contemplera la vacuité de tous les phénomènes, selon leur ainsité, leur aspect réel (jisso shinnyo). Il verra qu'ils ne se déplacent vers l'avant ni vers l'arrière, qu'ils ne tournent ni ne s'inversent mais sont semblables à l'espace sans existence propre. Ils sont inexprimables par les mots et les discours. Ils ne naissent pas, ne surgissent pas, ne disparaissent pas. Leurs nom* et forme* n'ont aucune substance par eux-mêmes ; ils sont sans poids, sans limite, sans obstacle, sans obstruction. Ils n'existent que par les causes latentes* et les causes externes* et leur naissance est produite par l'obscurité fondamentale. C'est de cette manière qu'un bodhisattva-mahasattva considère constamment tous les dharmas et en quoi réside la seconde sphère de ses proximités.

{§10} Alors le Vénéré du monde*, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :

S'il est un bodhisattva,
dans les mauvais âges ultérieurs,
qui, d'un coeur impavide,
veuille exposer ce Sutra,
il devra s'engager dans la sphère des pratiques
et dans la sphère des proximités :
se tenir à l'écart des rois
et des fils de roi,
des ministres et des hauts mandarins,
des saltimbanques pernicieux
comme des hors-castes,
des hétérodoxes et brahmacharis*.
{§11} Il ne fréquentera pas plus
les outrecuidants,
les érudits du Tripitaka
avidement attachés au Hinayana,
les bhiksus* transgresseurs des commandements,
qui n'ont d'arhat que le nom.
{§12} De même, les bhiksunis*
aimant rire et se divertir,
les upasikaS*
profondément attachées aux cinq désirs,
recherchant l'apparence de la bodhéité,
qu'il n'en fréquente aucune !
{§13} Si de telles gens
viennent, avec de bonnes intentions,
auprès du bodhisattva
pour entendre la Voie de bouddha,
alors le bodhisattva,
d'un coeur serein
sans en chercher avantage,
leur prêchera le Dharma.
{§14} Des veuves et des vierges,
ainsi que des émasculés,
il ne deviendra intime !
{§15} Il ne se lie pas non plus d'amitié
avec les bouchers et les équarrisseurs,
les chasseurs et les pêcheurs,
ceux qui tuent des êtres vivants,
pour en tirer quelque jouissance.
{§16} Ceux qui font commerce de la beauté des femmes
et gens de cet acabit,
qu'il n'en fréquente aucun !
{§17} Les lutteurs dangereux,
les divers bateleurs et baladins,
les femmes lascives,
qu'il se garde bien de les fréquenter  !
{§18} Qu'il n'aille pas, seul dans une pièce isolée,
prêcher le Dharma à une femme.
{§19} Quand il lui exposera le Dharma,
il ne devra pas rire ou badiner.
{§20} Pour entrer dans un village mendier la nourriture,
il prendra avec lui un autre bhiksu*;
s'il n'y a pas de bhiksu,
il invoquera de tout coeur le Bouddha.
{§21} Voilà en quoi consiste
la sphère des pratiques et la sphère des proximités.
{§22} Grâce à cette double activité,
il pourra prêcher en toute commodité.
{§23} En outre il ne pratiquera pas
les méthodes en tant que supérieure, moyenne, inférieure,
ni sur les phénomènes en tant que conditionnés ou inconditionnés,
réels ou irréels,
pas plus qu'il ne fera de distinction
entre homme et femme;
il ne tiendra pas compte des entités,
n'en prendra pas connaissance, ne les percevra pas;
voilà en quoi consiste
la sphère des pratiques de bodhisattva.
{§24} L'ensemble des phénomènes
est non-substantiel, dépourvu d'existence,
dépourvu de stabilité perdurable,
{§25} Ils ne connaissent ni production ni destruction;
voilà en quoi consiste, pour les sages,
la sphère des proximités.
{§26} C'est à cause des notions erronées que l'on distingue
les entités en existantes et inexistantes,
en réelles et irréelles,
en produites et non produites.
{§27} Dans un endroit désert,
il s'exercera à contenir sa pensée,
demeurant ferme et immuable
à l'instar du Mont Sumeru.
{§28} Il considérera l'ensemble des entités
en tant qu'inexistantes en leur totalité,
tout comme l'espace,
dépourvues de substance,
ne se produisant ni n'émergeant,
sans mouvement ni régression,
demeurant constamment en un unique aspect;
voilà en quoi consiste la sphère des proximités.
{§29} Si un bhiksu*,
après mon parinirvana,
s'engage dans la sphère des pratiques
ainsi que dans la sphère des proximités,
lorsqu'il exposera ce Sutra,
il n'aura nul fléchissement.
{§30} Le bodhisattva, au moment opportun,
entrera dans une pièce tranquille
et, en correctes commémoration et vigilance,
considérera les entités conformément à leur sens.
{§31} Emergeant de son samadhi*,
il ira vers les rois,
les princes, les ministres, le peuple,
les brahmanes,
et leur dévoilera, exposera,
prêchera ce Sutra:
sa pensée sera sereine
et ne connaîtra nul fléchissement.
{§32} Manjushri*,
voilà en quoi consiste, pour un bodhisattva,
la ferme demeure dans la première méthode
afin de pouvoir, dans un âge ultérieur,
prêcher le Sutra du Lotus du Dharma.

{§33} Et encore, Manjushri*, qui voudra, après le parinirvana de l'Ainsi-Venu, dans la période de la fin du Dharma, prêcher ce Sutra, devra s'en tenir à la pratique paisible. Soit qu'il l'expose oralement, soit qu'il lise le texte, il ne se complaira pas à dénoncer les fautes des hommes ou des sutras, ni à traiter à la légère les autres Maîtres du Dharma ; il ne dissertera pas sur les qualités et les défauts, les points forts ou faibles d'autrui. En ce qui concerne les auditeurs-shravakas*, il ne mentionnera pas leur nom pour parler de leurs erreurs et défauts, pas plus qu'il ne mentionnera leur nom pour faire l'éloge de leurs vertus. Il ne concevra pas non plus de pensée de rancoeur. Parce qu'il se sera bien exercé à une telle pensée de tolérance, ceux qui l'écouteront n'iront pas contre ses intentions. S'il y a des objections, il n'y répondra pas par des enseignements du Hinayana, mais les résoudra uniquement par le Mahayana afin de permettre l'obtention de la sagesse portant sur tous les dharma.

{§34} Alors le Vénéré du monde*, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :

Constamment le bodhisattva se plaira
à prêcher sereinement le Dharma :
sur un terrain pur
il installera son siège,
il enduira son corps d'huile
se lavera de toute saleté,
mettra des habits neufs et propres:
purifié à l'intérieur comme à l'extérieur,
il prendra commodément place sur le siège du Dharma
et prêchera selon les questions qu'on lui posera.
{§35} S'il se trouve des bhiksus*
ainsi que des bhiksunis*,
des upasakas*
ainsi que des upasikas*,
des rois et des princes,
des ministres, seigneurs, hommes du commun,
il prêchera pour eux avec subtilité
et d'un visage conciliant.
{§36} S'il y a des objections,
il y répondra selon leur sens.
{§37} Par comparaisons et paraboles,
il développera les distinctions
et grâce à ces moyens appropriés*,
il permettra à tous de progresser.
{§38} Augmentant graduellement ses bienfaits,
il les fera entrer dans la Voie de bouddha.
{§39} Il éliminera la paresse mentale
et les sentiments d'inertie,
supprimera les affres passionnelles
et, d'un coeur compatissant, prêchera le Dharma.
{§40} Jour et nuit, constamment, il prêchera
la doctrine de l'insurpassable Dharma.
{§41} Par des comparaisons
et d'innombrables paraboles,
il la révélera aux êtres
et les mettra tous en liesse.
{§42} Vêtements, literie,
boissons, mets, remèdes,
au milieu de tout cela,
il ne cherchera pas à en tirer avantage;
mais fixant de tout coeur son attention
sur les raisons de prêcher le Dharma,
il souhaitera réaliser la Voie de bouddha
et le permettre également aux êtres.
{§43} Voilà ce que seront ses grands profits (kudoku)
et les offrandes de la pratique paisible.
{§44} Après mon parinirvana,
s'il se trouve un moine
capable d'exposer ce
Sutra du Lotus du Dharma merveilleux,
son coeur sera sans jalousie ni courroux,
libre des obstacles passionnels,
sans non plus affres ni tourments.
{§45} Il ne sera humilié par personne.
{§46} Pour lui, nulle peur
de l'assaut des sabres ou bâtons;
pour lui, il n'y a pas d'exil,
car il demeure sereinement dans la patience.
{§47} Ainsi le sage
exerce-t-il bien sa pensée
et peut s'en tenir à la pratique paisible,
comme je viens de l'exposer.
{§48}Les mérites d'un tel homme,
dût-on pendant des millions de myriades de kalpa
les énumérer et les comparer,
on ne saurait les exposer jusqu'au bout.

{§49} Et encore, Manjushri*, qu'un bodhisattva-mahasattva dans les âges de la fin, lorsque le Dharma sera sur le point de disparaître, reçoit et garde*, lise* et récite* ce Sutra, c'est que son coeur ne renfermera ni jalousie ni flagornerie. Il n'ira pas mépriser ou insulter les apprentis dans la Voie de bouddha, ni rechercher leurs mérites ou leurs défauts. Si des bhiksus* ou des bhiksunis*, des upasakas* et upasikas* sont en quête de l'état d'auditeur-shravaka*, en quête de l'état de pratyekabuddha*, en quête de la voie du bodhisattva, en aucun cas il ne les tourmentera, ni ne les fera douter en leur tenant des propos de ce genre: "Vous êtes fort loin de la Voie et ne pourrez finalement jamais obtenir la parfaite prajna. Pourquoi cela? C'est que vous êtes des gens dissipés, paresseux dans la Voie."

{§50} De même, il ne devra pas se livrer à des discussions oiseuses sur les dharmas ni en débattre, mais il concevra, à l'égard de l'ensemble des êtres, un grand sentiment de compassion; à l'égard des Ainsi-Venus, l'affection due à un père bienveillant; à l'égard des bodhisattvas, les sentiments dus à de grands maîtres. À l'égard des grands bodhisattva des dix directions, il aura constamment un profond esprit de respect et de révérence. Il prêchera le Dharma en pleine équanimité à l'ensemble des êtres. Parce qu'il se conformera au Dharma, il n'y rajoutera ni n'en retranchera, et même à ceux qui aiment profondément le Dharma, il ne le leur prêchera pas en excès.

{§51} Manjushri*, le bodhisattva-mahasattva qui, dans les âges de la fin, lorsque le Dharma sera sur le point de disparaître, aura mené à son accomplissement la troisième pratique paisible, ne pourra, quand il prêchera le Dharma, être troublé. Il gagnera de bons compagnons d'étude avec qui lire et réciter ce Sutra, et aura également de grandes foules pour venir l'écouter. L'ayant écouté, elles pourront le garder; l'ayant gardé, elles pourront le réciter; l'ayant récité, elles pourront l'exposer; l'ayant exposé, elles pourront le copier, ou bien le faire copier et faire offrande aux volumes, leur rendre hommage, les vénérer et en faire l'éloge.

{§52} Alors le Vénéré du Monde*, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :

Qui veut exposer ce Sutra,
devra renoncer à jalousie, courroux, orgueil,
à toute pensée de flagornerie et de duperie.
{§53} Il s'exercera constamment à la pratique simple et droite,
il ne méprisera pas autrui,
ne tiendra pas non plus d'oiseuses discussions sur les dharma
ne mènera pas autrui au doute et au regret
en disant: "Tu n'obtiendras jamais l'état de bouddha";
{§54} Ce fils de bouddha prêchera le Dharma
avec une douceur et une patience constantes.
{§55} Compatissant pour tous,
il ne concevra nulle pensée de paresse.
{§56} Envers les grands bodhisattvas des dix directions,
qui pratiquent la Voie par compassion pour les êtres,
il devra concevoir une pensée de respect:
"Ceux-ci sont mes grands maîtres."
{§57} Pour les bouddhas Vénérés du monde,
il concevra les sentiments dus à un père supérieurement honoré.
{§58}Il brisera l'esprit d'orgueil
et prêchera sans obstacle le Dharma.
{§59}Telle est la troisième méthode
que le sage devra observer;
unifiant son esprit sur la pratique paisible,
il sera respecté d'innombrables multitudes.

{§60} Et encore, Manjushri*, le bodhisattva-mahasattva, qui, dans les âges de la fin, lorsque le Dharma sera sur le point de disparaître, préservera ce Sutra du Lotus du Dharma, devra concevoir un grand esprit de compassion à l'égard de ceux qui restent dans leur famille* comme de ceux qui l'auront quittée* ; il se fera cette réflexion: de telles gens vivent une grande perte; alors que l'Ainsi-Venu, par ses moyens appropriés*, prêche le Dharma selon les dispositions de chacun, ils ne l'entendent pas, ne la connaissent pas, ne la perçoivent pas, n'interrogent pas à son propos, ne la croient pas, ne la comprennent pas. Même si ces gens ne posent pas de questions sur ce Sutra, ne le croient pas, ne le comprennent pas, lorsque j'aurai obtenu l'Éveil complet et parfait sans supérieur*, en quelque terre que ce soit, grâce à la force de mes pouvoirs mystiques et à la force de ma sagesse, je les attirerai et les ferai demeurer dans cet enseignement.

{§61} Manjushri*, le bodhisattva-mahasattva, qui aura, après le parinirvana de l'Ainsi-Venu, mené à son accomplissement cette quatrième méthode, ne connaîtra pas l'échec lorsqu'il exposera cet enseignement. Il recevra constamment l'offrande, l'hommage, la vénération, la louange des bhiksus* et des bhiksunis*, des upasakas* et upasikas*, des rois, des princes, des ministres, du peuple, des brahmanes, des maîtres de maison et d'autres encore. Les devas* de l'espace seront en permanence à sa suite afin d'écouter le Dharma; qu'il réside dans un village ou une ville, dans un lieu désert ou dans une forêt, si quelqu'un vient à lui dans le désir de soumettre questions et objections, toujours les devas, pour l'amour du Dharma, lui feront escorte, et il pourra remplir de liesse tous ceux qui l'écouteront. Pourquoi cela? C'est que ce Sutra est protégé par les pouvoirs mystiques de tous les bouddhas du passé, du futur et du présent.

{§62}  Manjushri*, en d'innombrables royaumes, on ne peut pas même entendre le titre de ce Sutra du Lotus du Dharma; à plus forte raison, pour ce qui est de le voir, de le recevoir, de le garder, de le lire ou de le réciter.

{§63} Manjushri*, il en est comme par exemple d'un saint roi qui fait tourner la roue du Dharma, de grande puissance, qui désire soumettre les royaumes à son autorité : les rois mandalins* n'obéissent pas à son ordre; le roi Chakravartin lève alors toutes sortes d'armées et s'en va les combattre. Le roi considère ses armées: il se réjouit grandement de ceux qui ont montré de la bravoure au combat et les récompense selon leurs mérites, soit par des dons de champs et de domaines, de villages ou de villes, soit par des dons de vêtements ou de parures corporelles, soit par des dons de diverses sortes de matières rares et précieuses d'or, d'argent, de béryl, de nacre, d'agate*, de corail* et d'ambre*, ou avec des éléphants, des chevaux, des chars, des esclaves, des populations. Mais seul le joyau limpide qui est dans son ushinsha, il ne le leur donnera point. Pourquoi cela? Ce n'est que sur le chef d'un roi que se trouve ce joyau unique ; s'il le donnait, toute sa suite en serait à coup sûr grandement étonnée et intriguée. (note)

{§64} Manjushri*, il en va de même pour l'Ainsi-Venu : il a gagné, grâce à la force de sa concentration (samadhi) et de sa prajna, un royaume du Dharma et règne sur les trois mondes. Or les rois-mara démoniaques ne consentent pas à se soumettre; les sages et les saints, qui sont les généraux de l'Ainsi-Venu, engagent le combat contre eux. De ceux qui ont bien mérité, il est fort content en son coeur : au milieu des quatre congrégations, il leur prêche les sutras et leur met le coeur en allégresse; il leur fait don de concentrations (dhyana), de délivrance, de racines et de forces sans infections, de la richesse des diverses méthodes. En outre, il leur fait don de la cité du nirvana et leur dit qu'ils obtiendront de passer en nirvana ; il guide ainsi leurs pensées à tous vers une grande allégresse, et cependant, il ne leur prêche pas ce Sutra du Lotus du Dharma.

{§65} Manjushri*, de même que le roi Chakravartin, voyant parmi ses armées ceux qui sont de grand mérite, se réjouit en son coeur et que de ce joyau inconcevable, posé de longue date dans son ushnisha, qu'il ne donne pas inconsidérément, il fait à présent don, ainsi en est-il pour l'Ainsi-Venu. Il est le grand roi du Dharma dans les trois mondes, il enseigne et convertit par son Dharma l'ensemble des êtres. Voyant l'armée des sages et des saints combattre contre les démons-mara des cinq agrégats, contre les démons-mara des passions, contre les démons-mara de la mort* et s'y distinguer par de grands mérites, détruire les trois poisons, sortir des trois mondes-états*, briser les filets de Mara, l'Ainsi-Venu à ce moment se réjouit grandement lui aussi: ce Sutra du Lotus du Dharma, capable de faire accéder l'ensemble des êtres à l'omniscience, qui a de nombreux ennemis dans l'ensemble des mondes, qui est difficilement croyable, qu'il n'avait jamais exposé auparavant, il le leur prêche à présent.

{§66} Manjushri*, ce Sutra du Lotus du Dharma est la prédication suprême des Ainsi-Venus; c'est la plus profonde des diverses prédications et il est donc donné en dernier lieu, comme ce souverain puissant qui a longtemps gardé son joyau limpide et en fait don à présent. Manjushri, ce Sutra du Lotus du Dharma est le réceptacle des secrets des bouddhas Ainsi-Venus, le plus haut des sutras; au cours de la longue nuit des siècles, ils l'ont sauvegardé sans l'exposer inconsidérément. Aujourd'hui enfin il vous est dévoilé.

{§67} Alors le Vénéré du monde*, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :

Qui pratique constamment la patience,
qui est plein de compassion pour tous,
peut exposer
le Sutra admiré des bouddhas.
{§68} Dans les âges de la fin,
celui qui gardera ce Sutra,
pour ceux qui restent dans la famille ou qui ont quitté la famille,
comme pour ceux qui ne sont pas bodhisattva,
devra concevoir de la compassion :
{§69} «Ceux-là n'entendent pas
ou ne croient pas ce Sutra,
grande est leur perte;
si j'obtiens la Voie de bouddha,
grâce aux moyens appropriés*,
je prêcherai pour eux ce Dharma
et ferai en sorte qu'ils y demeurent.»
{§70} De même que, par exemple, un puissant
roi qui fait tourner la roue du Dharma,
quand ses armées se sont distinguées au combat,
les récompense de présents :
éléphants, chevaux, chars,
parures corporelles,
et encore champs et domaines,
villages et villes,
ou bien leur donne des vêtements,
toutes sortes de rares joyaux,
esclaves et richesses,
faisant ces dons avec joie.
{§71} S'il se trouve un combattant
capable d'exploits difficiles,
le roi défait de sa coiffure
le joyau limpide et le lui donne.
{§72}Il en va de même du Bouddha,
le roi des enseignements,
qui possède la grande puissance de la patience,
qui possède le trésor abondant de la sagesse,
par sa grande compassion,
il convertit le monde, conformément au Dharma.
{§73} Voyant tous les hommes
subir les affres des passions,
aspirer à la délivrance
et livrer combat aux démons,
à l'intention de ces êtres,
il prêche divers sutra;
usant de grands moyens appropriés*,
{§74} Dès qu'il constate que les êtres
en ont bien acquis la force,
en dernier lieu il leur expose
ce Lotus du Dharma,
de même que le roi Balachakravartin* défait de sa coiffure
le joyau limpide pour en faire don.
{§75} Ce Sutra est vénérable
au-dessus de la multitude des sutra,
je l'ai toujours sauvegardé
et ne le révèle pas inconsidérément.
{§76} C'est à présent le bon moment
pour vous le prêcher.
{§77} Après mon parinirvana,
ceux qui seront en quête de la Voie de bouddha
et désireront pouvoir, dans la sérénité,
exposer ce Sutra
devront acquérir personnellement
ces quatre méthodes telles qu'elles sont.
{§78} Celui qui lira ce Sutra
n'aura plus jamais affres ni chagrin,
et ne connaîtra plus les maladies;
{§79} Il aura le teint clair et frais;
il ne naîtra point misérable,
sans volonté ou d'apparence repoussante.
{§80} Les êtres voudront le rencontrer
avec la ferveur due à des sages ou des saints.
{§81} Les enfants des devas*
seront à son service.
{§82} Sabres et bâtons ne pourront rien contre lui,
le poison sera incapable de lui porter atteinte.
{§83} Si des gens l'insultent,
leur bouche se fermera aussitôt.
{§84} Il sera sans crainte dans ses pérégrinations,
à l'instar du roi des lions.
{§85} Sa sagesse resplendira dans le monde
à l'instar de l'éclat du soleil.
{§86} Dans ses rêves,
il ne verra que des choses sublimes;
il aura la vision d'Ainsi-Venus
assis sur le trône de lion,
prêchant le Dharma, entourés
d'une multitude de bhiksus*;
il verra encore nagas* et divinités terrestres,
asuras* et autres,
nombreux comme les sables du Gange,
les paumes jointes en révérence,
et il se verra lui-même
en train de leur prêcher le Dharma.
{§87} Il verra encore les bouddhas,
avec leurs marques corporelles et leur couleur d'or,
émettre une lumière incommensurable
illuminant toutes choses
et, de leur voix brahmique,
exposer les enseignements.
{§88} Aux quatre congrégations l'Éveillé
exposera l'insurpassable Dharma
et il se verra lui-même parmi elles,
louant, les paumes jointes, l'Éveillé,
écoutant en liesse le Dharma
et lui faisant offrande.
{§89} Il maîtrisera les mantra-dharani
et attestera la sagesse sans régression.
{§90} L'Éveillé saura que sa pensée
est profondément entrée dans la Voie de bouddha
et lui conférera la prédiction
de la réalisation de l'Éveil complet et parfait sans supérieur*:
{§91} "Fils de foi sincère*,
dans un âge à venir,
tu obtiendras la sagesse incommensurable,
la grande Voie de bouddha;
ton royaume sera orné et pur,
vaste au-delà de toute comparaison,
et les quatre congrégations seront là également
pour écouter, les paumes jointes, le Dharma."
{§92} Il se verra encore lui-même
résidant dans les montagnes et les forêts
et s'exerçant aux bonnes méthodes,
attestant les aspects réels,
entré profondément en samadhi*
et ayant la vision des bouddhas des dix directions.
{§93} Les bouddhas au corps de couleur d'or,
parés des marques de cent mérites,
l'audition du Dharma, sa prédication à autrui,
tels seront les bons rêves qu'il aura constamment.
{§94} Il rêvera encore qu'il devient roi,
qu'il renonce à son palais et à sa suite,
ainsi qu'aux cinq désirs les plus subtils,
qu'il se rend sur le lieu de la Voie,
que, sous l'arbre bodhi,
il prend place sur le siège de lion,
qu'il recherche la Voie pendant plus de sept jours,
obtient la sagesse des bouddhas
et, ayant réalisé la Voie insurpassable,
se lève et met en branle la roue du Dharma,
la prêchant aux quatre congrégations
durant des dizaines de millions de myriades de kalpas;
{§95} qu'il prêche le Dharma merveilleux sans infection,
qu'il sauve des êtres innombrables,
qu'il entrera finalement dans le nirvana,
de même qu'une fumée s'épuise, qu'une lampe s'éteint.
{§96} Si, dans les mauvais âges ultérieurs,
quelqu'un expose ce Dharma suprême,
celui-là obtiendra de grands bénéfices*,
des mérites comme on vient de le dire.

En savoir plus : Commentaire de Nikkyo Niwano

Ce qu'en dit Nichiren ; Citations dans les goshos

SUITE (chapitre XV)

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