Ryuei Michael McCormick Chapitre XI - Les Trois grands Dharmas cachés |
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Dans le premier chapitre, nous avons présenté succinctement les Trois grands Dharmas cachés, Éveil fondamental et pratique du Sutra du Lotus selon Nichiren. Maintenant que nous avons parcouru les bases du Hinayana et du Mahayana, revenons-y plus en profondeur. Une bonne compréhension de ces Dharma cachés nous permettra de comprendre et de mettre en pratique le véritable esprit de tous les enseignements du Bouddha. Ces principes unifient tous les enseignements et révèlent la véritable portée du Sutra du Lotus d'une manière simple et accessible à tous. Le dernier chapitre présentait l'enseignement tiantai d'ichinen sanzen, les trois
mille mondes-états en un seul instant-pensée. Nichiren,
et la tradition Tiantai dans laquelle
celui-ci a été éduqué, enseignent qu'ichinen sanzen est le summum de la scolastique bouddhique. Cette théorie
avait été élaborée en tant que description
du véritable aspect de la réalité
(shoho jisso) que nous pouvons intégrer
en nous-mêmes grâce à la méditation, lorsqu'elle
pénètre la véritable essence de notre esprit et
de notre cœur. Bien sûr, personne ne peut apaiser sa faim
par la simple lecture du menu ; aussi, le véritable propos d'ichinen sanzen était-il de motiver les gens à pratiquer
la méditation shamatha vipashyana
ou shikan (arrêt et examen-introspection du
cœur). Le but de cette pratique était la réalisation
d'ichinen sanzen en soi et pour soi. Malheureusement,
très peu de gens ont la capacité, la vocation, la discipline,
ou la liberté, de pratiquer correctement la méditation
de l'arrêt et examen-introspection du cœur. Au fil des ans, ichinen sanzen était devenu une simple théorie, sans aucun
impact réel sur la vie. Et cela concernait aussi bien les gens
ordinaires de l'époque de Nichiren, qui avaient besoin d'une
méthode de délivrance simple et claire, que la majorité
des moines, incapables de saisir sa véritable portée.
La conviction de Nichiren était que la clef de l'Éveil
à ichinen sanzen devait être
mise à la disposition de tous : moines, laïcs, hommes, femmes,
lettrés et illettrés, bons ou mauvais. C'est pour partager
la bodhéité d'ichinen sanzen sous une forme accessible et pratique que Nichiren a enseigné
les Trois grands Dharmas cachés : - le Gohonzon, l'objet essentiel
de concentration et de vénération ; - le Daimoku, le grand
Titre du Sutra du Lotus ; Voici ce qu'écrit Nichiren au sujet des Trois grands Dharmas cachés, dans l'un de ses Ecrits Majeurs, le Ho'on sho (Traité sur la dette de reconnaissance) (réf.) :
Selon Nichiren, ces trois principes pouvaient permettre à tout le monde de réaliser la vérité d'ichinen sanzen en soi et d’obtenir le plein Éveil. C'est en cela que Nichiren pensait avoir dépassé la version scolastique et ésotérique du bouddhisme Tiantai et qu'il a élaboré une forme d'enseignement et de pratique non seulement accessible, mais suffisamment efficace pour que tous arrivent à réaliser le Dharma Merveilleux. Dans l'une de ses lettres, Nichiren écrit :
Honzon : L'objet de concentration
et de dévotion Comme Nichiren l'indique dans le Ho'on sho, le premier grand Dharma caché est le honzon ou l'objet essentiel de concentration et de dévotion. C'est la vie du Bouddha Atemporel Shakyamuni, qui renferme tout ce qui existe. Avant d'expliquer ce qu'est le Bouddha Atemporel, posons-nous la question sur la nécessité de posséder un honzon. Pourquoi un bouddhisme, qui se fonde sur le développement de l'Éveil et non sur la vénération d'un être transcendant ou d'une divinité, doit-il posséder un objet de concentration et de dévotion ? De nos jours, si vous entrez dans un quelconque temple ou salle de pratique bouddhiste, vous trouverez toujours un objet enchâssé en tant que centre de dévotion. D'habitude, c'est une statue de bouddha ou de bodhisattva ou un mandala représentant de nombreux bouddhas et bodhisattvas. Bien que l'Éveil soit au-delà de toute représentation, l'esprit d'un homme ordinaire (bompu) ne peut pas maintenir longtemps un état conceptuel de claire réceptivité. Il saute constamment d'une idée à l'autre à la recherche de quelque chose d'intéressant ou d'agréable. Rappelons-nous l'image du singe qui saute de branche en branche à la recherche de quelque chose à se mettre sous la dent. L'objet de concentration dévotionnelle est le moyen par lequel les bouddhistes expriment ou personnifient la bodhéité, but de leur pratique. En créant et utilisant de telles images, on donne à l'esprit un objet sur lequel se concentrer, et en même temps quelque chose qui peut motiver, inspirer et même lancer un défi. Le honzon sert également à rappeler que le Dharma bouddhique n'est pas une collection de principes abstraits et de théories. C'est, au contraire, une réalité vivante qui nous mène à l'Éveil, par le biais d'un vaste réseau d'interrelations qui affectent le fonctionnement insondable de notre esprit et de notre coeur. Le honzon ne doit pas être adoré comme une idole. C'est l'expression vivante de la bodhéité, présentée de façon à nous y engager intimement et chaleureusement avec notre être entier. Il est également important de garder à l'esprit qu'aucune des statues ou des mandalas utilisés comme objets de concentration dévotionnelle, ne possèdent une once de pouvoir magique. Répétons que ce ne sont ni des idoles ni des fétiches qu'il faudrait traiter avec des égards superstitieux. Ce sont des expressions de la réalité d'ichinen sanzen qui transcendent la dualité entre animé et non-animé. Ils ont donc le pouvoir potentiel de représenter la bodhéité, tout comme n'importe quel autre objet ou personne. Mais comme ils ont été particulièrement destinés à représenter la vie du Bouddha, ils doivent être traités avec respect, bien qu'ils ne soient pas des idoles. Ces sortes de statues ou de mandala sont considérés comme des honzon seulement après la cérémonie "d'ouverture des yeux". Cette "ouverture des yeux" est accomplie par une personne qui a été formée à la signification et la procédure correcte de la cérémonie. Dans la plupart des écoles nichireniennes, cette personne est un prêtre ordonné qui a consacré sa vie à l'enseignement et à la pratique du Dharma. Lors de cette cérémonie, l'objet en question est reconnu comme destiné dorénavant à être le symbole vivant de la concentration dévotionnelle et cesse d'être une simple statue en bois ou un dessin-mandala. En d'autres termes, par la pratique et la concrétisation du Dharma qu'un intervenant bouddhiste, consacré et correctement qualifié, effectue en leur nom, ces objets "ouvrent les yeux", révélant leur bodhéité. A partir de ce moment, ils représentent la présence vivante du Bouddha Atemporel Shakyamuni et servent de catalyseurs dans la réalisation de notre propre bodhéité. L'important est de savoir que ces objets sont seulement l'expression d'un objet de concentration dévotionnelle, le véritable objet de concentration dévotionnel étant le Bouddha Atemporel. Alors que les statues et les mandalas peuvent nous servir d'adjuvants, ils n'ont aucun pouvoir sur nous. Nous ne tombons pas sous leur dépendance, quoi qu'ils représentent et quel que soit l'état de vie qu'ils expriment. Ce qui compte finalement, c'est notre propre pratique et notre réalisation. Le véritable honzon se trouve dans les profondeurs de nos vies. A ce sujet, Nichiren a constamment mis en garde ses disciples de ne jamais chercher le honzon en dehors d'eux-mêmes. Il pourrait alors sembler étrange que Nichiren insiste si fortement sur le fait que le seul véritable honzon est le Bouddha Atemporel du chapitre XVI du Sutra du Lotus. On l'a même accusé parfois de faire de Shakyamuni une sorte de divinité monothéiste, ou même un sauveur transcendant. C'est une mésinterprétation malheureuse, car en fait, Nichiren restaurait la découverte la plus profonde du bouddhisme mahayana, et tout particulièrement l'enseignement des Trois Corps du Bouddha. Dans le chapitre V, nous avons analysé
les trois aspects de la bodhéité qui sont métaphoriquement
représentés par trois sortes de bouddhas. En résumé
ce sont : Bien que chaque bouddha possède ces Trois Corps, les enseignements mahayana antérieurs au Sutra du Lotus les représentaient comme des bouddhas différents. Même dans le Sutra du Lotus, dans les chapitres précédant XVIe, Shakyamuni n'est rien de plus qu'un bouddha historique dont la naissance, l'Éveil et la mort imminente se passent en Inde septentrionale, dans le cadre d'une longévité humaine normale. Or dans le chapitre XVI, Shakyamuni fait une démonstration claire de l'unité des Trois Corps - historique, idéal et universel - aspects atemporels de la bodhéité. C'est pourquoi le Bouddha du chapitre XVI est différent du Bouddha "simplement historique" des enseignements pré-lotusiens, car s'y ajoute le titre d'Atemporel. Si ichinen sanzen est la théorie de l'interpénétration de l'universel (3000 Mondes) et de l'individuel (un seul instant-pensée), le Bouddha Atemporel Shakyamuni est la réalisation concrète de cette théorie. Ce n'est pas un sauveur monothéiste transcendant, mais la preuve vivante que le Dharma Merveilleux est la véritable nature de nos vies et non pas un froide abstraction ou un idéal impossible à atteindre. C'est dans ce sens que Nichiren insiste sur le fait que seul le Bouddha Atemporel peut être un honzon, un objet de concentration dévotionnelle. Afin d'étayer cela, examinons le Sutra du Lotus et particulièrement les passages qui révèlent l'identité de Shakyamuni en tant que Bouddha Atemporel. Le sutra commence en mettant en scène le Bouddha Shakyamuni vers la fin de sa vie. Il se trouve sur le Mont Grdhrakuta (Pic du Vautour) à Rajagriha, entouré d'une innombrable multitude de moines, nonnes, laïcs hommes et femmes, bodhisattvas, dieux, démons, dragons et autres êtres surnaturels. Après avoir passé quarante ans à former graduellement ses disciples à une compréhension plus complète et plus profonde du Dharma, le Bouddha accomplit quelques prodiges spectaculaires et commence enfin à exposer le Dharma Merveilleux de la Fleur de lotus. Il enseigne à l'Assemblée que malgré l'apparente différence de buts et de méthodes dont il a usé avec différentes gens, à différents moments, il a en réalité enseigné tout le temps un seul Véhicule. On l'appelle "Véhicule unique", car les divers enseignements dispensés aux auditeurs-shravakas, pratyekabuddhas et bodhisattvas n'avaient qu'un seul objectif, l'atteinte de la bodhéité. L'apparente différence de buts et de méthodes n'était qu'un "moyen approprié" dont le Bouddha se servit pour mener les hommes à découvrir leur propre nature de bouddha. De plus, le Bouddha enseigne que tous les êtres sans exception sont capables d'atteindre la bodhéité. La nature de bouddha est la véritable nature de tous les êtres. Il n'y a pas de barrières de race, de classe, de genre, d'ethnie, de religion, d'orientation sexuelle, ni même de qualités morales. La nature de bouddha est présente à tout moment et attend la fructification. Le Véhicule unique enseigne que tous sont capables d'atteindre la bodhéité, alors que les enseignements antérieurs qui séparaient différents "véhicules" n'étaient que des moyens appopriés* pour arriver à l'Unique. Après le sermon sur l'universalité du Véhicule unique apparaît un grand stupa (un reliquaire en forme de tour) décoré de joyaux. Cette Tour jaillit des profondeurs de la Terre et, de l'intérieur de la Tour, le bouddha Taho (Prabhutaratna, Maints-Trésors) atteste de la vérité de l'enseignement de Shakyamuni en disant : "Excellent, excellent, tout ce que le Bouddha enseigne est vrai." L'Assemblée est étonnée et demande à Shakyamuni la signification de ce phénomène. Shakyamuni explique alors que l'Ainsi-Venu Taho est un bouddha d'un passé lointain qui a fait le vœu d'apparaître partout où serait enseigné le Sutra du Lotus. L'Assemblée demande à Shakyamuni d'ouvrir cette Tour aux Trésors afin de voir le bouddha Taho. Avant d'accéder à leur demande, Shakyamuni transforme ce monde en Terre pure de la Lumière Sereine. Après quoi, il fait venir auprès de lui, dans cette Terre pure, tous les bouddhas idéaux, depuis tout l'univers, et révèle qu'en réalité ils sont tous ses émanations. Puis il ouvre la Tour aux Trésors, et Taho lui fait une place pour qu'il puisse s'asseoir auprès de lui. La Tour aux Trésors s'élève dans les Airs et Shakyamuni use de ses pouvoirs transcendantaux pour que toute l'Assemblée puisse, elle aussi, s'élever dans les Airs et se joindre à eux. Toute cette scène fantastique porte le nom de "Cérémonie dans les Airs". Elle représente la nature du Dharma Merveilleux en dehors de l'espace et du temps. L'émergence de la Tour des profondeurs de la Terre, c'est l'émergence de la bodhéité des profondeurs de la nature de bouddha dans la vie au jour le jour des hommes ordinaires. La transformation du monde est un rappel imagé que ce monde-ci est la véritable Terre pure où se concrétise l'Éveil. Le rappel des bouddhas-émanations depuis les Terres pures révèle que ces bouddhas idéaux sont des personnifications de la vie intérieure et des qualités éveillées du Bouddha historique Shakyamuni. L'image de Taho et de Shakyamuni, assis côte à côte, symbolise l'unité du véritable aspect de la vie (Taho) et de la sagesse de la personne qui s'éveille à cette vérité (Shakyamuni). La Cérémonie dans les Airs continue alors que Shakyamuni appelle une vaste multitude de bodhisattvas qui surgissent de terre. Il révèle alors que ce sont là ses disciples fondamentaux depuis un passé illimité. Cela étonne l'Assemblée qui ne peut pas comprendre comment Shakyamuni a pu former autant de disciples en si peu de temps, lui-même n'ayant atteint l'Éveil que depuis quelques dizaines d'années. En réponse à cette question, Shakyamuni révèle qu'en réalité il a atteint l'Éveil dans un Passé sans commencement. Il ajoute que, d'un point de vue temporel, il va bientôt mourir, mais qu'en réalité il va continuer à instruire et guider les autres jusqu'à un avenir sans fin. La vie d'un bouddha ne peut pas être analysée en termes de commencement ou de fin parce que la véritable nature de la vie n'a ni commencement ni fin. Cela est en adéquation avec la Triple vérité de la non-substantialité, de la temporalité et de la médianeté. La vie de Bouddha n'a ni naissance ni mort, car elle est partie intégrante, dépourvue d'un soi, du dynamisme interrelationnel. Toutefois, en tant que relié dynamiquement à toutes les choses, l'Éveil du Bouddha révèle, en termes de ce monde, les concepts de naissance et de mort, de difficultés et d'Éveil. Du point de vue de la Voie moyenne, la vie éveillée du Bouddha ne peut être définie ni en tant que transcendance ni en tant que vie de simple mortel (bompu), bien qu'elle en possède les deux aspects. Il faut ajouter que l'enseignement de la "Cérémonie dans les Airs" n'est pas une simple représentation mythologique des propriétés de la bodhéité hors du temps et de l'espace, mais un symbole vivant du fonctionnement de la pure conscience (amala) à l'intérieur de nos vies. C'est, en quelque sorte, la dimension transpersonnelle de notre vie au-delà de l'espace-temps. Le chapitre XVI du Sutra du Lotus nous enseigne par-dessus tout que la nature de la vie du Bouddha est simplement la vraie nature de toute vie, y compris la nôtre. Cela signifie que la vie du Bouddha et toutes ses qualités d'Éveillé sont présentes ici et maintenant, comme elles l'étaient il y a 2500 ans en Inde, lors de l'exposé du Sutra du Lotus. C'est pourquoi nous ne devrions jamais ressentir quelque obligation de dévouement, en vertu de principes abstraits ou bien en personnifiant la vie du Bouddha, privilégiant certains de ses aspects. En se basant sur sa compréhension de la Cérémonie dans les Airs, Nichiren a enseigné que nous pouvons chercher un refuge dans le Bouddha Shakyamuni atemporel qui est l'unité des aspects historique, idéal et universel. Cette unité s'est pleinement réalisée et manifestée en Shakyamuni, mais elle est aussi notre potentiel à nous. Le Bouddha Atemporel peut donc être pris comme objet de dévotion si nous cherchons à réaliser pour nous-mêmes la vraie nature de l'Éveil, celle du Bouddha ainsi que la nôtre. Pour représenter cet Éveil, Nichiren a inscrit la Cérémonie dans les Airs en calligraphie chinoise, sous la forme d'un mandala. Comme nous l'avons déjà dit, le mandala n'est pas une icône ou quelque pouvoir extérieur que nous pouvons prier pour une intercession. Le Grand mandala-Gohonzon exprime et participe à la concentration de la dévotion et permet de rencontrer plus facilement le Bouddha éternel en nous, pour recevoir le Dharma directement de lui. Bien sûr, Nichiren n'a pas utilisé comme d'autres des statues ou des images pour représenter l'objet de dévotion ; dans une grande majorité de temples de la Nichiren Shu, le honzon est représenté par les statues de Shakyamuni et de Taho entourant une Tour au Trésor sur laquelle est inscrit Namu Myoho Renge Kyo D'autres représentations du honzon peuvent être la statue de Shakyamuni et des quatre grands bodhisattvas conduisant les bodhisattvas Surgis-de-Terre, ou encore seulement la statue de Shakyamuni et, bien sûr, l'inscription de Namu Myoho Renge Kyo, ou même une disposition spécifique de statues représentant tous les êtres qui figurent sur le honzon calligraphié. Ce dernier est le mandala le plus répandu parmi ceux enchâssés dans des foyers individuels. Peu importe la forme qu'il prend, l'usage d'un ou de plusieurs objets pour la concentration dévotionnelle est d'aider à fixer l'attention et à communiquer réellement avec le Bouddha Atemporel. Le passage suivant du Traité de Nichiren, Kanjin no honzon sho (Le véritable objet de vénération) (réf.), décrit ainsi le honzon :
Kaidan - l'Estrade des préceptes Le deuxième des Trois grands Dharmas cachés que mentionne Nichiren est le kaidan ou précepte de l'estrade. Dans le premier chapitre, nous avons présenté le kaidan en tant qu'espace où l'on prend refuge dans les Trois trésors et où l’on accepte les préceptes propres à un religieux, une religieuse, ou un laïc, homme ou femme. Ici nous analyserons cette notion de trois points de vue différents : celui du Hinayana, celui du Mahayana provisoire et celui du Mahayana définitif du Sutra du Lotus. Le Bouddha a commencé par enseigner le Dharma aux premiers membres du Sangha. Il a exposé la nature de son Éveil en termes des quatre nobles vérités et a proposé une pratique en enseignant la Voie moyenne qui renvoyait à l'Octuple noble chemin. Cependant, il n'a pas formulé quelque instruction que ce soit concernant le Sangha. Il faisait confiance au sens éthique et moral de ses premiers disciples. De plus, la société dans laquelle il vivait avait déjà élaboré un système moral et éthique sur la base des Védas. Cependant, le Sangha grandissait à la faveur de nouveaux venus qui n'étaient pas toujours en mesure d'appliquer dans leur vie les normes de conduite que l'on était en droit d'attendre de la part de ceux qui avaient abandonné leur foyer pour rechercher la bodhéité. Il fallait préserver l'harmonie et la dignité de la communauté religieuse malgré son accroissement numérique. Le Bouddha a dû également s'assurer que les relations entre les chefs de famille et ceux qui avaient quitté leur foyer restaient cordiales et fondées sur l'entraide. Finalement, les disciples chefs de famille ont eux-mêmes souvent réclamé des instructions pour trouver des solutions éthiques ou morales. Pour répondre à ces nouveaux besoins, le Bouddha a exposé plusieurs séries de différents préceptes pour ses disciples moines et laïcs. Comme le propos du Bouddha était de partager son Éveil, les préceptes décrivent une manière de vivre pour ceux qui cherchent sincèrement à vivre une vie conforme aux enseignements bouddhiques. Vers la fin de la vie de Shakyamuni, ses disciples lui ont demandé qui le remplacerait après son parinirvana, et le Bouddha leur répondit que leur maître sera l'enseignement et la discipline qu'il leur a enseignée. A l'époque de Nichiren, il était admis qu'il existait différentes séries de préceptes en fonction des individus. Pour les laïcs, il y avait cinq préceptes : ne pas tuer, ne pas voler, ne pas commettre d'inconduite sexuelle, ne pas mentir, ne pas user d'intoxicants. Ces cinq préceptes sont le minimum d'exigences éthiques pour ceux qui veulent mener une vie sociale altruiste et responsable, et être dignes d'une renaissance dans le Monde-état humain. Pour ceux qui aspirent au monde-état céleste après leur mort, le Bouddha a enseigné les dix préceptes de bien : les quatre premiers préceptes précédents et six autres : s'abstenir de bavardage irresponsable, faire du tort aux autres par des paroles, semer la dissension, céder à l'avidité, céder à la colère*, s'obstiner dans des croyances erronées. En arrière-plan de ces interdictions se trouve le présupposé que pour parvenir au monde-état céleste, il est indispensable d'avoir un coeur plein d'amour et un esprit pur dépassant la morale ordinaire. Elles traduisaient en fait les motivations et les conceptions de ceux qui les acceptaient. Il faut également noter que les dix préceptes de bien dérivent des quatre premières séquences de l'Octuple noble chemin : vue juste, pensée juste, parole juste, action juste. Ceux qui sont entrés dans le Sangha monastique doivent garder 250 préceptes pour les hommes et 348 pour les femmes (selon la tradition qui a été observée au Japon). Ces préceptes ne relèvent pas seulement de principes moraux qui sous-tendaient ceux des préceptes laïcs, mais décrivent toute l'étiquette de comportement entre disciples religieux : procédures pour régler des conflits ; règles spécifiques régissant la nourriture, les vêtements, les médicaments, les abris ; ordonnances pour se prémunir des tentations. Il faut se rappeler que ces centaines de préceptes n'étaient pas donnés en une seule fois, mais résultaient de diverses directives du Bouddha qui répondait aux situations qu'il avait à résoudre. En fait, vers la fin de sa vie, le Bouddha a même suggéré que le Sangha pourrait changer les préceptes mineurs si cela semblait approprié. Les dix préceptes pour les novices pourraient servir à représenter l'esprit des centaines de préceptes pour les religieux ordonnés : ne pas tuer, ne pas voler, ne pas commettre d'inconduite sexuelle, ne pas mentir, ne pas user d'intoxicants, ne pas faire usage de parfums ni porter de parures, ne pas regarder de divertissements séculiers, ne pas utiliser des fauteuils et des lits luxueux, ne pas manger à des heures inappropriées, ne pas posséder d'argent ni d'objets de valeur. En suivant ces préceptes, les disciples religieux peuvent vivre avec simplicité et dignité en harmonie avec les autres. A mesure que se développait la tradition mahayana, les préceptes monastiques en sont venus à être considérés comme représentant l'orientation hinayana, en ce qu'ils s'appliquaient uniquement aux religieux et n'apportaient pas les valeurs ou les idéaux du bodhisattva. Afin d'y remédier apparut une nouvelle série de préceptes destinée aux religieux et aux laïcs et consignée dans le Sutra du Filet de Brahma. Là, furent donnés cinquante-huit préceptes de bodhisattva, dont dix considérés comme fondamentaux. Ce sont les dix interdictions majeures : ne pas tuer, ne pas voler, ne pas s'adonner à la luxure, ne pas mentir, ne pas user d'intoxicants ou y inciter, ne pas s'adonner au bavardage irresponsable, ne pas se vanter ou dénigrer les autres, ne pas garder pour soi les offrandes ou des biens matériels ou encore le Dharma, ne pas céder à la colère*, ne pas médire des Trois trésors. Ces préceptes décrivent la volonté des bodhisattvas d'aller au-delà de la simple abstention du mal, mais de faire activement le bien et de dispenser le Dharma au profit de tous. Au Japon, au milieu du VIIIe siècle, il y avait, pour recevoir les préceptes monastiques, trois estrades approuvées par le gouvernement. Pour entrer dans un Sangha monastique, il fallait se rendre à l'une de ces trois estrades officielles afin de prendre refuge dans les Trois trésors et d'accepter les préceptes monastiques. Cependant, Saicho (767-822), le fondateur de l'école Tendai au Japon, pensait que cela n'avait pas de sens pour des bouddhistes mahayana de recevoir des préceptes hinayanas. Selon lui, les bouddhistes mahayana devaient recevoir les préceptes du Sutra du Filet de Brahma qui exprimait le véritable esprit mahayana. Saicho subit l'opposition du clergé conservateur des vieilles écoles japonaises qui tenaient à garder le contrôle sur l'ordination des moines bouddhistes, mais ses efforts ont finalement abouti, quoique après sa mort, en 822. Cette année-là le gouvernement a finalement promulgué l'autorisation de créer une estrade d'ordination mahayana au Mont Hiei, au temple principal de l'école Tendai de Saicho. Après sa construction en 827, les préceptes mahayana devinrent la norme pour les bouddhistes japonais. Pour refléter sa nouvelle compréhension du Bouddha et de la pratique bouddhique, Nichiren pensait que le temps était venu d'établir une nouvelle estrade de préceptes. Il estimait qu'il n'était pas pertinent pour des personnes ordinaires de son temps de chercher l'Éveil par la simple observance d'un code de conduite. Les gens n'étaient plus capables de vivre selon ces diverses prescriptions et ces différentes séries de préceptes ; ceux qui l'avaient malgré tout tenté en étaient venus à comprendre que la morale et l'éthique seules ne rapprochaient nullement de la bodhéité. Bien sûr, il y avait aussi des hypocrites qui adhéraient à la lettre à ces préceptes tout en violant l'esprit bouddhique. Afin d'y remédier, Nichiren a enseigné que le véritable esprit de ces différentes séries de préceptes était contenu dans le Sutra du Lotus. C'est pourquoi la chose la plus importante était de faire tous ses efforts pour garder dans son cœur le Sutra du Lotus, afin de dépasser ses erreurs et d'atteindre la bodhéité. C'est cela la pleine réalisation de tous les préceptes. Le Manuel du Bouddhisme de Nichiren (réf.) l'explique de la façon suivante :
Enseignement, pratique et preuve, un gosho de la tradition nichirenienne, parle du "précepte fondamental" - garder le Sutra du Lotus - comme d'un "précepte du Calice de diamant". Le passage suivant du Sutra du Filet de Brahma est peut-être à l'origine de cette appellation : "Ce précepte du Calice de diamant est la source de tous les bouddhas, la source de tous les bodhisattvas et la graine de la nature de bouddha."(réf.) Nichiren a réalisé que le Dharma Merveilleux de l'Enseignement de la Fleur de lotus, Myohorengekyo, est l'Éveil du Bouddha Atemporel Shakyamuni et donc la graine de la bodhéité ; par conséquent, Myohorengekyo est lui-même le précepte du Calice de diamant. Lorsque nous récitons Namu Myoho Renge Kyo, nous gardons en même temps le précepte du Calice de diamant qui englobe tous les autres préceptes. Enseignement, pratique et preuve continue en ces termes : Laissez-leur
un instant, [puis dites-leur] que les cinq caractères de Myohorengekyo, coeur de l'enseignement essentiel du Sutra du Lotus, incluent tous les bienfaits obtenus, grâce à
leurs pratiques bénéfiques et leurs actions méritoires,
par tous les bouddhas passés, présents et à venir.
Comment se pourrait-il que ces cinq caractères ne contiennent
pas les bienfaits que l'on peut obtenir en observant tous les préceptes
? Celui qui a adhéré à ce Précepte merveilleux
même s'il le voulait, ne parviendrait pas à le détruire.
C'est pourquoi on l'appelle le précepte du Calice de diamant. Tous les bouddhas du passé, du présent
et de l'avenir ont observé ce précepte. Tous les Corps du Dharma* (hoshin), Corps de Sagesse* (hosshin)
et Corps de Manifestation* (ojin) deviennent
des bouddhas sans commencement ni fin. A ce propos, le Grand-maître
Zhiyi écrivit : "[Le Bouddha]
l'a mis secrètement dans tous ses enseignements et ne l'a pas
révélé." Aujourd'hui, ceux qui vivent dans
la période de la fin du Dharma et se consacrent à la pratique de Myohorengekyo telle qu'elle est enseignée dans le sutra,
qu'ils soient sages ou ignorants, maîtres de maison ou moines
errants, de la plus haute ou de la plus basse condition, pourquoi n'obtiendraient-ils
pas la bodhéité ?[Le chapitre
21 du Sutra du Lotus dit : ] En se fondant sur cette interprétation des préceptes, le bouddhisme de Nichiren enseigne que les estrades des préceptes hinayanas et mahayanas sont désormais obsolètes : le temps est maintenant celui du précepte du Calice de diamant qui englobe les autres préceptes. La pratique du bouddhisme de Nichiren atteste que la morale et l'éthique ne sont pas une adhésion inconséquente et rigide à quelque code de conduite. Au contraire, une vie morale se fonde directement sur la sagesse et la compassion de la bodhéité. Il n'y a nul besoin de se rendre à un endroit spécialement désigné pour recevoir le précepte du Calice de diamant. Tout lieu où Namu Myoho Renge Kyo est pratiqué devient l'estrade de préceptes où nous pouvons consacrer notre vie au Dharma Merveilleux et atteindre la bodhéité. C'est la place où nous recevons le Dharma Merveilleux de l'Enseignement de la Fleur de lotus directement du Bouddha Atemporel Shakyamuni, comme les bodhisattvas Surgis-de-Terre l'ont reçu lors de la Cérémonie dans les Airs. Un autre gosho, écrit à l'ermitage du Mont Minobu et attribué à Nichiren, exprime cela de la manière suivante : Je me trouve ici en pleine montagne, loin de toute habitation. Il n'y a pas le moindre village à l'horizon. Mais, bien que je vive dans une masure abandonnée, au plus profond de ma chair de simple mortel (bompu), je conserve le Dharma secret et ultime, hérité du Bouddha Shakyamuni au Pic de l'Aigle. Mon coeur est là où tous les bouddhas entrent en samadhi*; ma langue, là où ils font tourner la Roue du Dharma, là où ils naissent en ce monde ; et ma bouche, là où ils atteignent l'Éveil. Puisque cette montagne abrite le merveilleux Pratiquant du Sutra du Lotus, comment pourrait-elle être moins sacrée que la Terre pure du Pic de l'Aigle ? Parce que le Dharma est suprême, la personne est digne de respect ; parce que la personne est digne de respect, la Terre est sacrée. On lit dans le chapitre Pouvoirs supranaturels des Ainsi-venus : "Que ce soit dans un bosquet, sous un arbre ou dans un monastère [...] les bouddhas entrent dans le parinirvana." Ceux qui visitent cet endroit peuvent instantanément expier les fautes commises depuis le passé sans commencement. Les troubles (bonno, klesha) se transforment en sagesse (prajna), le karma en Corps du Dharma*, et les souffrances (dukkha) en délivrance (gedatsu, vimukti). Voir le gosho La personne et le Dharma (réf.) Daimoku : Le grand Titre Le troisième des Trois grands Dharmas cachés est Daimoku, la récitation de Namu Myoho Renge Kyo. Myohorengekyo, le Dharma Merveilleux, Sutra de la Fleur de Lotus, n'est pas un simple texte ou un enseignement conceptuel. Il représente le véritable aspect de la réalité (shoho jisso). En tant qu'œuvre scripturale, le Sutra du Lotus n'est pas Myohorengekyo, c'est seulement un sutra qui expose Myohorengekyo. Or Myohorengekyoest l'adéquation complète entre la vie du Bouddha Shakyamuni et le Dharma Merveilleux, et également le point de rencontre entre l'Éveil du Bouddha et notre propre nature de bouddha. En récitant le Titre, nous sollicitons et faisons surgir dans notre esprit l'enseignement profond du Dharma Merveilleux du Sutra du Lotus. Nous récitons le Titre parce que la nature de bouddha en nous est en résonance avec le contenu du Sutra et avec sa signification. En retour, daimoku agit en tant que catalyseur qui provoque notre Éveil. Dans le Kanjin honzon sho, Nichiren écrit ce qui suit : L'essentiel de ces citations est que les pratiques
de Shakyamuni et les vertus qu'il obtint grâce à la voie
des bodhisattvas qui mène à la bodhéité
et au fait des sermons pour sauver tous les êtres par la bodhéité,
sont tous contenus dans les cinq caractères Myo Ho Ren Ge Kyo. Le bouddhisme de Nichiren enseigne que la récitation de Myohorengekyo ne doit pas devenir simplement une formule verbale. Celui qui pratique réellement Myohorengekyo doit, de tout son cœur et de tout son esprit, tendre à atteindre la bodhéité, afin de sauver tous les êtres sensitifs. L'extrait suivant du gosho de la tradition nichirenienne exprime cette idée :
Si Myohorengekyo exprime le véritable Éveil du Bouddha, l'adjonction de Namu exprime notre adhésion au Dharma Merveilleux et notre détermination à parvenir nous-mêmes à l'Éveil. Namu Myoho Renge Kyo est l'adéquation entre notre pratique pour atteindre la bodhéité et la bodhéité effective de Shakyamuni. Dans certaines formes du bouddhisme, l'Éveil est atteint par les efforts de l'individu. Dans d'autres formes, l'accent est mis sur le pouvoir salvifique du Bouddha. Mais en réalité, la bodhéité n'est pas quelque chose qui peut être gagné à la force du poignet, ni être accordé par un être transcendant. C'est quelque chose qui se dévoile dès que nous sommes en mesure de nous éveiller au processus de l'interdépendance non-substantielle, qui est le véritable aspect de la réalité. Comme nous l'avons vu précédemment, la vrai nature de la réalité est également appelée Bouddha Atemporel Shakyamuni. C'est pourquoi, entre l'effort individuel et le total abandon au pouvoir salvifique du Bouddha, le bouddhisme de Nichiren choisit la Voie moyenne qui consiste en la pratique de Namu Myoho Renge Kyo, la graine de l'Éveil. Cette graine peut éventuellement arriver à la fructification sous la forme de la compréhension que la vraie nature de notre vie n'est rien d'autre que le honzon ou le Bouddha Atemporel Shakyamuni. Le processus pour se défaire de notre égotisme et nous ouvrir à notre véritable aspect est le processus de mûrissement de notre foi dans le Sutra du Lotus. Quand notre pratique de Namu Myoho Renge Kyo s'approfondit, cela nous entraîne de plus en plus dans la voie de l'atteinte de la bodhéité et de l'accomplissement de tous les enseignements et pratiques bouddhiques. D'un autre point de vue, le développement de notre pratique est également le développement de notre relation avec le Bouddha Atemporel Shakyamuni. Ce processus est mis en scène dans le Sutra du Lotus par ce qu'on appelle "les Trois Assemblées en deux lieux". La première Assemblée se déroule, pendant les dix premiers chapitres, sur le Pic du Vautour. Ces chapitres révèlent le potentiel de tous les êtres d'atteindre la bodhéité et aussi la manière dont tous les enseignements du Bouddha sont dirigés vers ce but par le truchement du Véhicule unique. La deuxième Assemblée est la "Cérémonie dans les Airs", qui est décrite au cours des douze chapitres suivants. Le point essentiel de cette section est l'indicible vie du Bouddha Atemporel et la véritable atteinte de la bodhéité. La dernière Assemblée se passe à nouveau sur le Pic du Vautour et clôt le Sutra avec les six chapitres suivants. Dans cette dernière section, les bienfaits du Sutra du Lotus sont partagés avec les autres grâce à la compassion et aux agissements dépourvus d'ego des divers bodhisattvas. Ces trois scènes se reflètent dans notre pratique de daimoku à des moments différents et en diverses combinaisons. La première scène sur le Pic du Vautour parle de l'évolution de notre aspiration à devenir bouddha pour le bien de tous les êtres. Cette montée vers la bodhéité est connue sous le terme sanskrit de bodhicitta, l'esprit d'Éveil. Ce désir de bodhéité est décrit en détail dans le chapitre V qui parle de l'idéal bouddhique qui distingue le Mahayana du Hinayana. Pratiquer Namu Myoho Renge Kyo avec cette motivation peut être appelé daimoku de bodhicitta : c'est pratiquer avec une confiance totale dans le Sutra du Lotus qui stipule que nous pouvons devenir bouddha. Ce moment est celui d'une forte concentration, d'un grand effort sur soi et d'une aspiration à parvenir à l'Éveil. La Cérémonie dans les Airs symbolise la bodhéité épanouie en termes de Vie du Bouddha Shakyamuni, et la présence spirituelle du Bouddha Atemporel Shakyamuni qui œuvre dans nos vies par le biais du Sutra du Lotus. La réalisation de cette scène est connue sous le terme sanskrit de ashraya pravrtti (bascule aux fondements de la conscience), la plongée dans notre inconscient le plus profond, ou encore la révolution du cœur. Il en est question dans le chapitre VII où est décrit le passage de la conscience personnelle à la pure conscience. Notre pratique est alors celle du daimoku ashraya pravrtti. Nous en faisons l'expérience lorsque notre conscience de soi, qui inclut toutes les limitations et les illusions, s'estompe et qu'apparaissent la sagesse et la compassion du Bouddha Atemporel illuminant notre vie. Cette étape transcende nos vues et nos efforts limités. C'est, en fait, un bouleversement profond qui vient de l'intérieur. Dans le Sutra du Lotus, ce moment de rupture de la pensée s'appelle "instant fusion de pensée" et apporte beaucoup plus de bienfaits que la pratique de l'effort sur soi. La dernière Assemblée sur le Pic du Vautour décrit le partage avec les autres des bienfaits de notre pratique et l'aide apportée à tous les êtres sensitifs pour les éveiller au Dharma Merveilleux. Ceci est connu comme étant le parinamana ou transfert de bienfaits. C'est le don prodigué par les bodhisattvas et les bouddhas de leurs mérites pour le bien-être et l'Éveil des êtres. Réciter Namu Myoho Renge Kyo en étant reconnaissant à ceux qui ont rendu notre pratique possible et en se demandant comment nous pouvons les aider par notre pratique est le daimoku parinamna, le daimoku de transfert. Nous accomplissons le daimoku parinamana lorsque nous pratiquons non plus par obligation (que ce soit primaire ou un noble devoir moral), mais pour exprimer notre gratitude au Bouddha Atemporel Shakyamuni pour nous avoir transféré ses mérites. C'est aussi la Voie pour partager les mérites du Bouddha avec les autres en leur offrant la possibilité d'entendre et ou d'entrer en contact avec le Dharma Merveilleux. Dans le bouddhisme de Nichiren, notre pratique commence par nos propres efforts et aspirations limités. Ainsi, nous nous laissons transformer par la présence vivante du Bouddha Atemporel au fond de notre vie sous la forme de notre nature de bouddha. Grâce à cette transformation, notre pratique se déploie tout naturellement au profit des êtres sensitifs. Daimoku est la pratique qui nous transporte à travers ces étapes et, en même temps, il est lui-même la manifestation de ces étapes. Namu Myoho Renge Kyo est l'aspiration à la bodhéité, la bodhéité elle-même et le partage de cette bodhéité. Il y a un autre point important concernant daimoku : Namu Myoho Renge Kyo n'est pas seulement l'un des Trois grands Dharmas cachés, il est lui-même les trois ensemble. C'est le Dharma Merveilleux, l'aspect réel de tous les phénomènes ; la nature de la réalité ; le Bouddha AtemporelShakyamuni. Réciter daimoku, c'est demeurer en présence du Bouddha Atemporel le véritable honzon. C'est garder le précepte du Calice de Diamant, si bien que tout lieu où l'on récite Namu Myoho Renge Kyo est transformé immédiatement en kaidan. À n'importe quel moment et en n'importe quel lieu, lorsqu'on récite Namu Myoho Renge Kyo, les Trois grands Dharmas cachés sont présents. Après avoir examiné chacun des Trois grands Dharmas cachés, voyons leur relation avec ichinen sanzen. Rappelons qu'ichinen sanzen, expression théorique de la nature interdépendante de la réalité, enseigne que tous les états de la vie sont constamment présents dans tous les phénomènes et sont soumis à la loi de causalité. Par conséquent, l'état de bouddha est une possibilité toujours présente et qui demande des causes et des circonstances adéquates pour se faire effectivement ressentir. Les Trois grands Dharmas cachés fournissent justement ces causes et ces conditions. Ils sont les manifestations de la bodhéité et en même temps le moyen pour l'atteindre. C'est pourquoi Nichiren les considère comme une actualisation d'ichinen sanzen. Les Trois grands Dharmas cachés jettent également un certain éclairage sur les Trois trésors et le Triple enseignement. Les Trois trésors - le Bouddha, le Dharma et le Sangha, sont le refuge commun à tous les bouddhistes. Le Triple entraînement, pratiqué par tous les bouddhistes, consiste en préceptes, méditation, sagesse. Le honzon clarifie la nature du Bouddha et sert de support à la méditation. Le kaidan définit le Sangha comme étant la communauté de ceux qui mettent en pratique le véritable esprit des préceptes en confirmant le Dharma Merveilleux. Le daimoku est le vrai Véhicule unique du Sutra du Lotus, qui exprime la parfaite sagesse. Les Trois grands Dharmas cachés ne sont pas destinés à remplacer ou à modifier les traditionnels Trois trésors et le Triple entraînement, mais servent à clarifier et à approfondir leur profonde signification. Le bouddhisme de Nichiren est celui de Shakyamuni mais, à la différence d'autres écoles, il met en avant la pratique selon les intentions réelles du Bouddha telles que celui-ci les a exprimées dans le Sutra du Lotus et telles que les a mises en lumière Nichiren. Pour pratiquer le bouddhisme du Sutra du Lotus l'enseignement de Nichiren nous permet de nous éveiller à l'infinie sagesse de l'Éveil du Bouddha. En transformant les concepts en pratique et en fondant un bouddhisme accessible à tous sans changer leur propre nature, Nichiren a rendu la bodhéité accessible à tous, et non seulement accordée aux moines et aux ermites. Dans ce processus, nous ne devenons pas simplement meilleurs, nous améliorons notre société et le monde dans son ensemble. Comme le dit Nichiren dans le Rissho Ankoku Ron :
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Ceux qui souhaitent poursuivre leur découverte du bouddhisme de Nichiren peuvent consulter la série d’articles que Ryuei McCormick consacre au développement de ce courant : Histoire des Écoles du Lotus. |
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