C'est pourquoi
il est dit, dans le onzième volume du Hochu : "Dans notre école [Tiantai ],
nous reconnaissons la transmission par vingt-trois patriarches. Comment
pourrait-il y avoir la moindre erreur dans cette façon de voir ? Pour ce qui est de l'allégation qu'il y eut vingt-huit patriarches,
nous ne trouvons aucune traduction qui puisse appuyer cette opinion. Récemment,
les moines Zen ont même produit, afin de les distribuer à
leurs disciples, des pierres gravées et des gravures sur bois,
chacune comportant un vers tiré d'un texte sacré, représentant
les sept bouddha et les vingt-huit patriarches. Hélas ! Il
ne peut y avoir de faux plus grossiers !
Conversation
entre un sage et un ignorant (1265
? à un samouraï ? )
Par
la suite, les écoles bouddhiques Hosso et Shingon sont venues d'Inde,
et l'école Kegon fit aussi
son apparition. Parmi ces écoles, l'école Hosso s'érigea
en ennemie jurée de l'école
Tiantai parce que leurs deux doctrines sont aussi incompatibles
que le feu et l'eau (note). Lorsque plus tard Xuanzang et Cien, fondateurs de l'école
Hosso en Chine, étudièrent en détail les oeuvres
de Zhiyi*,
ils découvrirent que les conceptions de leur propre école
étaient erronées. Sans la rejeter ouvertement, il semble
bien qu'ils se soient convertis aux enseignements de Zhiyi.
[...] 2 Le moine
chinois de l'école Tiantai, Liang-xu, écrivit : "Les doctrines du Shingon,
du Zen, du Kegon,
du Sanron... peuvent au mieux former
une sorte d'introduction au Sutra du Lotus." Shubhakarasimha* fut puni par Yama parce que son interprétation
était erronée [lorsqu'il considérait le Sutra Vairocana* comme
supérieur au Sutra du Lotus]. Puis il changea d'opinion
et se convertit au Sutra du Lotus, ce qui lui permit d'échapper
à d'autres rétributions négatives.
[...] 2 Cheng-guan,
de l'école Kegon, écrivit
un commentaire sur le Sutra Kegon* dans lequel, comparant le Sutra
Kegon et le Sutra du Lotus, il déclara que le Sutra du Lotus ne semblait être qu'une doctrine intermédiaire.
Mais il écrivit ailleurs : "Je crois que les enseignements
de l'école Tiantai représentent
la vérité. Sur la doctrine et le principe, ils s'accordent
parfaitement avec ma propre école." Il semble bien, par conséquent,
qu'il regretta sa déclaration antérieure.
Traité pour
ouvrir les yeux (Sado,
février 1272 à Shijo Kingo)
Le Grand-maître* Saicho* apprit l’existence de l’école bouddhique Shingon en Chine. Il s’y rendit en 804 (la 23e année de la ère
Enryaku) pour étudier et transmettre quatre écoles bouddhiques.
Il étudia les écoles mahayana Tiantai, Zhenyan, Chan et Ly-zong.
Après quoi, il s’en retourna au Japon, pour n’y propager
que les doctrines mahayana Hokke et Ritsu, sans mentionner le Zen.
En effet, Saicho* ne reconnu pas l’indépendance de cette dernière école,
tout comme pour celle du Shingon,
se contentant de permettre aux moines des sept
grands temples de Nara d’accomplir le rite ésotérique
nommé "cérémonie
d'ondoiement". Ne connaissant pas la véritable intention
du Grand-maître*, le peuple supposa alors
qu’il n’avait approfondi que l’école de Tendai-Hokke,
en délaissant la doctrine de l’ésotérisme du Shingon.
[...] En 838 (5e année de l’ère de Jowa), lors du règne
du 54e souverain, l’empereur Nimmei, le Vénérable Ennin* se rendit en Chine pour une étude plus approfondie des enseignements
du Tiantai et du Shingon.
Il revint au Japon en 847 (14e année de Jowa). Au cours des ères
successives de Ninju et Saiko (851-857), alors que le 55e souverain, l’empereur
Montoku, était au pouvoir, Ennin* écrivit les commentaires du Sutra
Kongosho et du Sutra
Soshitsuji*, formant un total de 14 fascicules.
[...] Durant le
règne de l’empereur Montoku, le Vénérable Enchin (Grand-maître* Chisho) se rendit dans la
Chine des Tang. Après
y avoir suivi les deux écoles de bouddhisme du Tiantai et du Shingon, il revint au Japon
en 858 (2e année de l’ère de Tenet’an).
[...] Par la suite,
il se risqua à nouveau en Chine afin d’étudier avec
encore plus d’attention les enseignements du Tiantai et du Shingon. C’est le Grand-maître* Enchin qui fonda l’ésotérisme Tendai du temple Miidera tel que nous le
connaissons aujourd’hui.
Souverains de notre
pays (Minobu,
février, 1275)
L'empereur Tang Taizhong fut
un roi d'une grande sagesse dont le nom était connu dans le monde
entier et dont la vertu dépassait, disait-on, celle des Trois
Augustes et Cinq Empereurs de l'antiquité. Il régna
non seulement sur toute la Chine, mais étendit son influence
sur plus de mille huit cents royaumes étrangers depuis Gaochang [à l'ouest] jusqu'à Koguryo [à l'est]. Il
avait la réputation d'avoir maîtrisé les enseignements
bouddhiques comme non bouddhiques. Puisque ce moine, Xuanzang,
était celui qui avait converti ce roi sage, et parce qu'il bénéficiait
plus que quiconque de sa confiance et de ses faveurs, aucun des maîtres
de l'école Tiantai n'aurait
osé risquer sa tête en le contredisant. Si bien que les
principes véridiques du Sutra du Lotus furent négligés
et oubliés dans le pays entier.
[...] Sous les
règnes du fils héritier de Tang
Taizhong, l'empereur Tang Gaozhong, et de sa belle-mère,
l'impératrice Wu, vécut un moine du nom de Fa-zang.
Voyant l'école Tiantai attaquée par l'école Hosso,
il se fit le champion du Sutra
Kegon* que Zhiyi* avait précédemment réfuté et relégué
à une place inférieure, et déclara que, parmi les
enseignements exposés par Shakyamuni de son vivant, la première
place revenait au Sutra
Kegon*,
la deuxième, au Sutra du Lotus, et la troisième
au Sutra du Nirvana.
Sous le règne de Xuanzhong,
le quatrième successeur de Tang
Taizhong, dans la quatrième année de l'ère
Kai-yuan (716), le Savant-maître* Shubhakarasimha* arriva en Chine venant d'un pays de l'ouest, l'Inde, et dans la huitième
année de la même ère (720), les Savants-maîtres* Vajrabodhi* et Amoghavajra* vinrent eux aussi d'Inde en Chine. Ils apportèrent avec eux les
sutras Vairocana*, Kongocho* et Soshitsuji*,
et fondèrent l'école Shingon.
[...] 2 A cette
époque, il y avait, dans l'école Tiantai, un Maître de méditation du nom de Yixing, un homme sans
droiture. Shubhakarasimha* alla le trouver et lui demanda des explications sur les principes bouddhiques
enseignés en Chine. L'acarya Yixing, se trompant sur ses véritables
motifs, non seulement révéla à Shubhakarasimha* les principes de base des écoles Sanron, Hosso et Kegon,
mais lui expliqua aussi ceux de l'école Tiantai. Shubhakarasimha* comprit que l'enseignement du Tiantai était encore supérieur à la description qu'on lui
en avait faite en Inde et qu'il serait très difficile avec les
trois sutras qu'il avait apportés de le dépasser. Aussi,
afin de tromper Yixing, il lui
dit : "Mon bon moine, vous êtes l'un des hommes les plus
intelligents de Chine et l'école Tiantai possède un enseignement véritablement profond et mystique.
Mais l'école Shingon dont
j'ai apporté les sutras en Chine est supérieure à
l'école Tiantai sur un
point : elle utilise les mudra et les mantra dharani*."
[...] 2 "Quant
aux mudra et mantra
dharani*,
on les utilise pour embellir le principe spirituel défini par
les termes ichinen sanzen,
ils deviennent un l'enseignement
secret (zuitai, himitsu) harmonisant les trois
mystères. Et, parce qu'il inclut ce principe des trois
mystères, l'enseignement du Shingon se révèle supérieur à celui du Tiantai qui ne mentionne que le Mystère de la pensée. Le Shingon est comme un grand général portant casque et cuirasse,
un arc et des flèches et une grande épée au côté.
Alors que le Tiantai, avec seulement
le Mystère de la pensée [la théorie d'ichinen
sanzen], est comme un grand général sans aucune arme."
L'acarya Yixing écrivit tout cela
fidèlement, comme Shubhakarasimha* le lui avait dicté. L'enseignement
théorique* du Sutra du Lotus fut adressé à Shariputra et l'enseignement essentiel*,
à Maitreya. Dans les
360 provinces de Chine, personne ne découvrit ce subterfuge.
Au début, il y eut quelques polémiques sur les mérites
relatifs des écoles Tiantai et Shingon. Mais Shubhakarasimha* était une personne qui inspirait un grand respect et
les moines de l'école Tiantai avaient moins de poids que lui. De plus, à cette époque,
il n'y avait pas de moine aussi sage que l'avait été le
Grand-maître* Zhiyi*.
Ainsi, de jour en jour, l'école Tiantai perdit du terrain et la domination du Shingon ne fut plus contestée. L'acarya Yixing écrivit tout cela
fidèlement, comme Shubhakarasimha* le lui avait dicté. L'enseignement
théorique* du Sutra du Lotus fut adressé à Shariputra et l'enseignement essentiel*,
à Maitreya. Dans les
360 provinces de Chine, personne ne découvrit ce subterfuge.
Au début, il y eut quelques polémiques sur les mérites
relatifs des écoles Tiantai et Shingon. Mais Shubhakarasimha* était une personne qui inspirait un grand respect et
les moines de l'école Tiantai avaient moins de poids que lui. De plus, à cette époque,
il n'y avait pas de moine aussi sage que l'avait été le
Grand-maître* Zhiyi*.
Ainsi, de jour en jour, l'école Tiantai perdit du terrain et la domination du Shingon ne fut plus contestée. Avec le
passage des années, la racine frauduleuse de ces enseignements
erronés de l'école Shingon aurait pu rester bien cachée. Le Grand-maître* Saicho*,
après s'être rendu du Japon en Chine, en revint avec les
École Tiantai, mais aussi avec ceux de l'école Shingon.
[...] Le Grand-maître* Saicho* étudia les enseignements Tendai et Shingon pendant quinze ans au Japon, par lui-même. Il possédait
de manière innée des capacités de compréhension
merveilleuses, et, sans l'aide d'un maître, s'éveilla à
la vérité. Mais, pour dissiper les doutes des autres,
il se rendit en Chine où il reçut l'enseignement des écoles Tiantai et Shingon.
Les maîtres, en Chine, avaient à cet égard diverses
opinions mais, dans son coeur, Saicho* était certain que
l'enseignement du Sutra du Lotus était supérieur
au Shingon.
Le choix en
fonction du temps (Minobu, 10 juin 1275
; adressé à Yui)
L'empereur Kammu lui accorda une audience et fit publier un décret recommandant
aux étudiants des six écoles la pratique de shikan [la méditation
du Tiantai ] et de shingon [la récitation de mantra dharani* ésotériques], et incitant à les adopter dans les
Sept temples principaux [de Nara]
[...] Si seulement le Grand-maître* Saicho* avait encore été en vie, il aurait certainement réfuté
ces erreurs. Mais d'où vient que ses disciples Gishin*, Encho*, Ennin* et Enchin n'aient jamais remis
en question la doctrine de Kukai ? Ce fut là un grand malheur pour le monde ! Ennin* se rendit en Chine au cours de la cinquième année de l'ère
de Jowa (838) et y passa dix ans à étudier la doctrine
des écoles Tiantai et Shingon. Pour ce qui est des
mérites relatifs du Sutra du Lotus et du Sutra Vairocana*, Faxian, Yuanzheng et d'autres
encore, huit maîtres shingon au total, lui enseignèrent que le Sutra du Lotus et
le Sutra Vairocana* étaient
équivalents d'un point de vue théorique mais que le second
était supérieur du point de vue de la pratique. Il étudia
aussi sous la direction de Zhiyuan, Guanxiu et Wei-Juan,
de l'école Tiantai, et
de ceux-ci il apprit que le Sutra Vairocana* entrait
dans la catégorie des sutras Hodo* (inférieurs
au Sutra du Lotus).
[...] Le Grand-maître* Enchin fut, au Japon, [dans sa jeunesse] le disciple du moine Gishin*,
d'Encho*,
de l'administrateur Kojo* et d'Ennin*.
Il étudia ainsi toutes les doctrines, exotériques aussi
bien qu'ésotériques, enseignées à son époque
au Japon. Toutefois, peut-être parce qu'il avait encore des doutes
quant à la supériorité relative des écoles Tendai et Shingon,
il se rendit en Chine. Il y arriva dans la deuxième année
de l'ère Ninju (852), et y suivit l'enseignement des moines du Shingon Faxian et Yuanzheng. Leurs enseignements
s'accordaient dans l'ensemble avec l'opinion d'Ennin*,
c'est-à-dire que le Sutra Vairocana* et le Sutra du Lotus sont équivalents en théorie, mais
que le second est supérieur du point de vue de la pratique. Enchin étudia également sous la direction du moine Liangxu de l'école Tiantai, qui lui enseigna que, si l'on compare les mérites respectifs
des écoles Shingon et Tiantai, il apparaît que
le Sutra Vairocana* [de
l'école Shingon] est bien
inférieur au Sutra Kegon* et au Sutra du Lotus.
Après avoir passé sept ans en Chine, Enchin revint au Japon le dix-septième jour du cinquième mois
de la première année de l'ère Jogan (859) (note).
[Comme nous l'avons vu] Ennin* et Enchin furent tous deux les
disciples de Saicho* et de Gishin*.
De plus, ils se rendirent en Chine et y rencontrèrent des maîtres
éminents du Tiantai et
du Shingon. Mais peut-être
avaient-ils des doutes concernant les mérites relatifs de ces
deux écoles. Tantôt, ils déclaraient le Shingon supérieur, tantot le Sutra du Lotus ; parfois encore,
ils les disaient équivalents en théorie, bien que le Shingon soit supérieur en pratique. C'est alors qu'un édit proclama
que quiconque débattrait des mérites comparés de
ces deux écoles se rendrait coupable de désobéissance
aux ordres impériaux.
[...] Après avoir cité
ce passage du Sutra du Lotus, Saicho* note un passage du Hokke Gengi de Zhiyi*,
qui, interprétant ce même passage, en donne l'explication
suivante : "Il faut savoir que les sutras sur lesquels s'appuient
les autres écoles ne sont pas les plus élevés.
Par conséquent, ceux qui croient dans ces sutras ne sont pas
non plus les meilleurs. Mais, puisque l'école Tiantai croit dans le sutra le plus élevé, ceux
qui croient dans le Sutra du Lotus sont les premiers parmi
la multitude. Ce sont là les mots mêmes du Bouddha. Comment
pourrait-il s'agir là d'une simple glorification de soi-même ? "
[...] Ainsi, dans le Hokke
Shuku, Saicho* écrit : "Shakyamuni enseigna que "le superficiel est
facile [à saisir] mais le profond, difficile". Abandonner
le superficiel pour rechercher ce qui est profond [demande du courage],
c'est l'esprit de "rechercher le Bouddha". Le Grand-maître* Zhiyi*,
en suivant fidèlement le Bouddha Shakyamuni, a contribué
à la propagation de l'école Tiantai en Chine. [Nous, ] la famille du Mont Hiei,
en succédant à Zhiyi*,
contribuons à la propagation de l'école Hokke au Japon."
[...] Shubhakarasimha*,
dans sa jeunesse, fut le roi d'un pays du centre de l'Inde. Il renonça
au trône et parcourut d'autres pays où il rencontra deux
hommes, Shusho et Shodai, qui lui enseignèrent le Sutra du
Lotus (note).
Il fit construire cent mille stupa de pierre, et semblait être
un adepte de ce sutra. Mais par la suite, après avoir rencontré
le Sutra Vairocana*, il
a peut-être pensé que le Sutra du Lotus lui était
inférieur. Il n'insista pas sur ce point tout d'abord, mais seulement
par la suite, lorsqu'il s'installa en Chine et devint le maître
de l'empereur Xuan-Zong. Probablement
en rétribution de la jalousie dévorante qu'il éprouvait
à l'égard de l'école Tiantai, il mourut subitement et fut traîné, ligoté par sept
chaînes de fer, par deux gardiens de l'enfer, au tribunal du roi Yama [souverain des enfers]. Là,
on lui dit que sa vie n'était pas encore arrivée à
son terme, et il fut renvoyé dans le monde des vivants.
[...] Amoghavajra* accompagna Vajrabodhi* en Chine. Mais ces événements ayant peut-être suscité
chez lui quelques doutes, il retourna en Inde après la mort de Shubhakarasimha* et de Vajrabodhi* afin d'étudier à nouveau le Shingon,
cette fois, sous la direction de Nagabodhi.
Plus tard, il se convertit aux enseignements de l'école Tiantai. Mais, s'il adhéra à ces enseignements dans son coeur,
il n'en manifesta rien en apparence.
Traité
sur la dette de reconnaissance (Minobu,
le 21 juillet 1276, à Joken-bo et Gijo-bo)
Par la suite,
sous le règne de l'empereur Xuanzong,
les trois maîtres du Tripitaka Shubhakarasimha*, Vajrabodhi* et Amoghavajra* vinrent d'Inde en Chine, apportant avec eux les sutras Vairocana*, Kongocho* et Soshitsuji*.
Par leur personnalité aussi bien que par leurs théories,
ces trois hommes étaient très loin de soutenir la comparaison
avec les maîtres bouddhistes qui les avaient précédé
en Chine. De plus, parce qu'ils introduisaient la pratique de mudra et de mantra dharani* jusqu'alors inconnus, on pensa que le véritable bouddhisme était
resté ignoré en Chine avant leur arrivée. Ces trois
maîtres déclarèrent que l'école Tiantai était supérieure aux écoles Kegon, Hosso et Sanron,
mais que ses principes étaient incomparablement moins élevés
que ceux des sutras du Shingon.
Le corps et
l'esprit des simples mortels (Minobu,
à un disciple) |