Les bodhisattvas de la Terre dans le Sutra du Lotus
 

L'implication dans la société humaine

http://enlight.lib.ntu.edu.tw/FULLTEXT/JR-MAG/mag373907.pdf

 

Par Hiroshi Kanno *

Le problème

Cette étude porte sur les Bodhisattvas de la terre dans le Sutra du Lotus (note). Bien que le bouddhisme soit souvent considéré comme une religion pessimiste, l'idée d’un bouddhisme humaniste, défendue par le moine chinois Taixu * (1890-1947), a rénové l'image du bouddhisme en exhortant à ne pas donner la priorité au salut après la mort, mais à nous concentrer sur notre rôle dans la société où nous vivons et agissons quotidiennement. Bien que Taixu se soit plutôt investi dans un travail de commentaires, comme en témoigne la rédaction du Fahua yanjiang (Compte rendu des conférences sur le Sutra du Lotus), on note chez lui une relation directe entre sa conception du bouddhisme humaniste et le Sutra du Lotus.

On trouve également la valorisation de l'interaction de chacun avec la société dans le bouddhisme établi par Nichiren (1222-1282), qui se distingue des autres approches bouddhistes plus connues. Nichiren a valorisé le salut dans ce monde Saha tout en critiquant avec véhémence l'espoir de renaître dans la Terre Pure (Jodo) après la mort. Il semble indéniable que la pensée de Nichiren à ce sujet a été inspirée par les thèmes du Sutra du Lotus. (réf.) Nichiren se considérait comme le "pratiquant du Sutra du Lotus" et soulignait qu'il était le successeur de la pratique du bodhisattva Sans-Mépris (Fukyo). (réf.) On sait que dans ses dernières années, il s'identifiait au bodhisattva Jogyo, l'un des Bodhisattvas de la terre (note). L'approche de Nichiren consistant à valoriser la vie dans la société de tous les jours est profondément liée à la conscience qu'il avait, dès sa jeunesse, d'être un pratiquant du Lotus, et il semble que cela n'ait pas eu de relation directe avec son identification aux Bodhisattvas de la terre. Mais il serait également possible de situer sa perception de lui-même en tant que Bodhisattva de la terre comme une extension de son statut de pratiquant du Lotus.

D'autre part, le fait que Josei Toda (1900-1958), le deuxième président de la Soka Gakkai, se soit réalisé comme Bodhisattva de la terre (note) a eu une profonde influence sur la pensée et la pratique de ceux qui se considèrent comme tels.

Bodhisattvas de la terre dans le Sutra du Lotus

Nous pouvons penser que la valorisation de l’appartenance à la société des nouvelles religions liées au Sutra du Lotus dans la société japonaise contemporaine - dont la Soka Gakkai - provient non seulement de la tendance générale à mettre l'accent sur les bienfaits dans cette vie, tendance qui se manifeste souvent dans les nouvelles religions, mais également des idées du Sutra du Lotus avec ses Bodhisattvas de la terre.

1. Développement du thème depuis le chapitre "Maitre du Dharma" au chapitre "Surgis de Terre".

On note une forte rupture thématique entre le IXème chapitre "Prédiction conférée aux apprentis et à ceux qui sont au-delà de l'étude" et le Xème chapitre "Maitre du Dharma". A la suite du chapitre I, "Introduction" (une préface à l'ensemble du Sutra du Lotus), le sujet principal depuis chapitre II "Moyens habiles", au  chapitre IX "Prédiction conférée aux apprentis et à ceux qui sont au-delà de l'étude", est le Véhicule Unique du Bouddha et les prophéties aux shravakas en fonction de ce Véhicule. Alors que la question de savoir qui gardera et propagera le Sutra du Lotus est propre aux chapitres allant de "Maitre du Dharma" à "Surgis de Terre". C’est dans ce cadre que j’aimerais présenter le développement de ce thème.

Le chapitre "Maitre du Dharma" précise que les adeptes du Sutra du Lotus après l'extinction de Shakyamuni, c'est-à-dire à une l'époque sans Bouddha, sont de puissants bodhisattvas qui ont réalisé l'Eveil dans une vie passée et sont nés en tant que bodhisattvas en fonction de leurs vœux de s'incarner dans le monde impur et maléfique Saha après la mort du Bouddha ; et cela en raison de leur grande compassion pour les êtres sensitifs. Le fait que ces bodhisattvas, qui naissent en fonction de leurs vœux, ne sont autres que les Bodhisattvas de la terre du chapitre "Surgis de Terre " sera discuté ci-dessous.

Le XI chapitre "Apparition de la Tour aux Trésors" décrit d’abord cette émergence, la purification du monde Saha et des mondes environnants par les trois transformations purificatrices des terres, 7 le rassemblement de tous les bouddhas qui sont les émanations de Shakyamuni des mondes des dix directions, et les deux bouddhas, Shakyamuni et Taho, assis côte à côte. Ensuite, les Bodhisattvas de la terre s'élèvent dans les Airs grâce aux pouvoirs supranormaux de Shakyamuni et le prêche qui s'ensuit se déroulent dans les Airs jusqu'au XXIIème chapitre "Passation". Ensuite, le Bouddha Shakyamuni annonce qu'il entrera dans l'extinction dans peu de temps et s'adresse à l'auditoire en demandant :

« Qui sur terre sera chargé de propager le Sutra du Lotus après ma mort ? »

Les versets de la fin de ce chapitre indiquent par des métaphores qu'il sera extrêmement difficile de maintenir le Sutra du Lotus après sa mort.

La plupart des érudits s’accordent  pour dire que le chapitre XII "Devadatta" n'a pas été inclus dans la traduction de Kumarajiva, mais a été incorporé au Sutra du Lotus plus tard. En tout cas, il est plus facile de comprendre le thème si le XIe chapitre "Apparition de la Tour aux Trésors" et le XIII chapitre "Exhortation à la sauvegarde" sont consécutifs.

Dans le XIIIe chapitre "Exhortation à la sauvegarde", le premier bodhisattva Bhaishajyaraja (Yakuo), le bodhisattva Mahapratibhana (Daigyosetsu) et d'autres bodhisattvas font le vœu de garder et propager le Sutra du Lotus après l'extinction de Shakyamuni. Ils ajoutent que parce que les êtres sensibles de l'âge corrompu (mappo) auront des capacités spirituelles très faibles et difficiles à cultiver, ils devront faire appel à une très grande patience. Ensuite, cinq cents arhats et huit mille shravakas, qui ont reçu une prédiction d'Eveil, font le vœu de propager le Sutra du Lotus. Cependant, ce sera sur d'autres terres que ce monde Saha, ce qui est en contradiction avec le vœu des Bodhisattvas de terre. Le Sutra n'en explique pas la raison, mais le contraste entre les vœux des shravakas et ceux des Bodhisattvas de la terre nous permet de déduire que c'est parce que les shravakas n'ont pas le pouvoir de grande patience dont font preuve les Bodhisattvas de la terre dans leurs vœux. Les shravakas ne peuvent pas transmettre le Sutra du Lotus aux êtres sensibles du monde Saha, dont les capacités spirituelles sont très faibles. Ensuite, des nonnes telles que Mahaprajapati et Yasodhara reçoivent les prédictions du Bouddha Shakyamuni et elles font également le vœu de propager le Sutra du Lotus dans des terres autres que ce monde Saha.

Dans les versets de la fin du chapitre, les bodhisattvas expriment leur décision de supporter toutes les persécutions du bouddhisme et de garder et propager le Sutra du Lotus.

Après l’acceptation des vœux des bodhisattvas de propager le Sutra du Lotus du chapitre "Exhortation à la sauvegarde", le XIV chapitre "Pratiques paisibles " expose les quatre types de pratiques aisées (celles de l'action corporelle, de la parole, de la pensée et des vœux) comme méthode de propagation dans l'âge corrompu après l'extinction de Shakyamuni. 8

Alors que le chapitre "Exhortation à la sauvegarde" prêche l'esprit de propagation du Sutra malgré les persécutions, le chapitre "Pratiques paisibles" est un compromis, disant que le plus important est de concilier les êtres sensitifs et la société. Quant à la différence entre les deux chapitres, des exégètes chinois estiment que le chapitre "Exhortation à la sauvegarde" était destiné aux bodhisattvas de haut rang alors que le chapitre "Pratiques paisibles" visait les bodhisattvas débutants. Par exemple, dans le quatrième fascicule du Fahua wenju, Jizang dit :

« La fin du chapitre "Exhortation à la sauvegarde"  indique que si nous propageons le Sutra dans l'âge corrompu, nous serons méprisés et agressés et aurons beaucoup de souffrances. Si c'est le cas, les adeptes de pratiques ordinaires auront le sentiment de rétrograder et ne pourront pas propager le Sutra. C'est pourquoi il est clair que si nous demeurons confortablement dans les quatre pratiques * , nous pourrons toujours avoir du plaisir même dans l'âge corrompu. Ce chapitre est exposé afin de montrer des méthodes exemplaires de propagation du Sutra dans les Derniers jours du Dharma. »

Zhiyi et Guanding  déclarent dans la deuxième partie du huitième fascicule du Fahua wenju:

« Question : Ces shravakas sont devenus des mahasattvas, pourquoi ne peuvent-ils pas propager le Sutra dans ce monde Saha ?
Réponse : Parce que le Bouddha guide les bodhisattvas débutants, qui viennent juste de commencer et ne peuvent pas propager le Sutra en accomplissant des pratiques ardues. Alors le Bouddha  prêche le chapitre "Pratiques paisibles" »

Ils déclarent de même :  

« Si les bodhisattvas de la première des quatre réalisations 9 font naître l'intention d'Eveil et  veulent mener des pratiques dans l'enseignement parfait et être dans mappo pour propager le Sutra, ils seront gênés par l'âge corrompu et leurs pratiques ne seront pas efficaces, n’aboutiront pas au progrès des autres. Comme il est nécessaire de montrer des méthodes de propagation du Sutra et de clarifier les pratiques aisées pour le bien de ces personnes, le Bouddha prêche ce chapitre "Pratiques pacifiques"

La première interprétation possible est la suivante. Du point de vue historique de la compilation du Sutra du Lotus, le chapitre "Exhortation à la sauvegarde" peut être interprété comme un reflet des premières circonstances du processus de compilation du Sutra du Lotus. L'idée majeure est le ‘‘Véhicule unique du Bouddha’’, qui était à l'époque une idée innovante et révolutionnaire. D'après le contenu du chapitre "Exhortation à la sauvegarde", nous pouvons déduire que cette idée a suscité un accueil glacial de la part de l'entourage, et des critiques sévères. 10

Le chapitre "Exhortation à la sauvegarde" met l'accent sur la "patience" des défenseurs des Sutra du Lotus dans des circonstances difficiles. Le chapitre "Pratiques paisibles" est présumé avoir été compilé après le chapitre "Exhortation à la sauvegarde", au moment où ses compilateurs ont entrepris de se réconcilier avec la société et une partie de la communauté bouddhiste traditionnelle et conservatrice qui exerçait un pouvoir important.

La deuxième approche est de ne pas prêter attention aux différences dans les enseignements respectifs pour les bodhisattvas de haut rang et les bodhisattvas débutants, entre le chapitre "Exhortation à la sauvegarde" et le chapitre "Pratiques paisibles" mais d'essayer de regarder leur continuité. Une compréhension approfondie de la description du chapitre "Exhortation à la sauvegarde" n’indique nullement une propagation agressive, mais souligne plutôt la persécution que les idées du Lotus suscitent inévitablement et prêche la patience face à elle. Cette persécution est inévitablement provoquée par les thèmes du Sutra du Lotus, et est donc dans une certaine mesure inévitable. Néanmoins, afin de promouvoir des relations prudentes avec la société et la communauté bouddhiste établie, il est important d'éviter les frictions inutiles. On peut dire que le chapitre "Pratiques paisibles" explique les méthodes pour arriver à cela. À l'heure actuelle, je pense personnellement que cette dernière interprétation est la plus valable.

Ensuite, dans le chapitre "Surgis de terre", les personnes chargées de garder et de propager le Sutra du Lotus montrent pour la première fois leur vrai visage. D'innombrables bodhisattvas, plus nombreux que les sables de huit Gange, surgissent de terres autres que le monde Saha et jurent de propager le Sutra du Lotus. Shakyamuni décline leur offre, car il existe dans son propre monde - le monde Saha - d'autres bodhisattvas dont le nombre est égal à celui des sables des 60 000 Gange, et ce sont eux qui propageront le Sutra du Lotus. A ce moment, ces bodhisattvas, qui ont vécu dans l'espace sous le monde Saha, émergent de terre par une fissure du sol. Ce sont les Bodhisattvas de la terre. Le bodhisattva Maitreya au nom de l'auditoire, demande qui ils sont.

Shakyamuni répond qu'il s'agit de ses disciples à qui il a transmis son enseignement depuis qu'il est Bouddha. Maitreya, toujours perplexe quant à la façon dont Shakyamuni a pu enseigner à tant de brillants bodhisattvas dans la courte période (environ 40 ans) qui a suivi son accession à la bouddhéité, continue de supplier Shakyamuni de lever son doute (deuxième question). En réponse à cela, Shakyamuni révèle dans le chapitre suivant "Durée de vie de l'Ainsi Venu" que sa bouddhéité n'a pas été réalisée il y a une quarantaine d'années, mais dans un passé très lointain, illustré par le récit d'un « nombre incalculable de kalpas de particules de poussière du système mondial ». En résumé, le chapitre "Durée de vie" explique la notion d’"écarter le proche pour révéler le lointain", un principe fondamental du Sutra du Lotus, ainsi que la notion du "trois en un".

Dans la section suivante, j'aborderai la description des Bodhisattvas de la terre.

2. Les Bodhisattvas de la Terre dans le Sutra du Lotus

Le chapitre "Surgis de terre".

Pour commencer, en m'appuyant sur le chapitre "Surgis terre", où apparaissent les Bodhisattvas de la terre, je voudrais préciser quelques éléments qui en décrivent les caractéristiques.

Le nombre des Bodhisattvas de la terre

Pour ce qui est de leur nombre, le Sutra dit au début du chapitre "Surgis de terre" :

« Ce monde Saha qui est le mien recèle des bodhisattvas-mahasattvas en nombre égal aux sables de soixante mille Gange 11 ; chacun d'entre eux a une suite égale aux sables de soixante mille Gange. Tous ces gens seront capables, après mon passage en parinirvana, de garder, lire, réciter et amplement prêcher ce Sutra. »

Il y a sur terre un grand nombre de bodhisattvas et cette multitude est expliquée en détail dans la partie suivante comme suit :

« Ces bodhisattvas, se déployèrent des régions inférieures; chacun d'entre eux était à la tête, était le guide d'une grande multitude, menait une suite nombreuse comme les sables de soixante mille Gange. Et combien plus encore ceux qui menaient une suite nombreuse comme les sables de cinquante mille, de quarante mille, de trente mille, de vingt mille, de dix mille Gange. Et combien plus encore ceux qui étaient comme les sables d'un seul Gange, d'un demi-Gange, ou d'un quart, voire d'un dix millionième de myriadième de milliardième. Et combien plus encore ceux aux suites de dix millions de myriades de milliards. Et combien plus encore ceux aux suites de dix mille myriades. Et combien plus encore ceux de dix millions, d'un million, voire de dix mille. Et combien plus encore ceux de mille, de cent, voire de dix. Et combien plus encore ceux qui menaient cinq disciples, quatre, trois, deux ou un seul. Et combien plus encore ceux qui venaient seuls. Une telle quantité, nul nombre, nulle limite, nul décompte ou comparaison n'aurait pu en donner une idée. »

Selon cette description, chaque bodhisattva est accompagné d'une multitude d'adeptes et est appelé "le conducteur de sa propre grande assemblée". Quant au nombre d'adeptes, le bodhisattva qui a le plus d'adeptes est accompagné d'adeptes en nombre égal aux sables de soixante mille Gange, et celui qui a le moins d'adeptes n'est accompagné de personne. Le nombre de bodhisattvas qui ont le moins d'adeptes est plus grand. 12 En général, comme les adeptes sont ceux à qui les Bodhisattvas de la terre ont enseigné, plus il y a d'adeptes, plus les expériences de développement spirituel des êtres sensibles sont abondantes, et plus leur rang est élevé. Si nous acceptons ce présupposé, 13 le nombre de bodhisattvas de basse réalisation qui ont moins de disciples est, à l'inverse, plus important que celui des bodhisattvas de haut rang qui ont plus de disciples. 14

Lieu de résidence des Bodhisattvas de la terre avant leur émergence.

Au début du chapitre "Surgis de terre", Shakyamuni déclare à propos des Bodhisattvas de la terre :

« Ce monde Saha qui est le mien recèle des bodhisattvas-mahasattvas en nombre égal aux sables de soixante mille Gange. »

Il fait seulement référence au "monde Saha" comme leur lieu de résidence. Et en réponse à la prédication de Shakyamuni selon laquelle ces Bodhisattvas de la terre seraient chargés de propager le Sutra du Lotus après son extinction, « les terres du monde Saha tremblèrent toutes et se fendirent ; » et de leur sein surgirent les Bodhisattva de terre

Le sutra dit :

« Ces bodhisattvas demeuraient dans l'espace vide en-dessous de ce monde Saha. »

Le lieu de résidence des Bodhisattvas de la terre est donc considéré comme un espace vide sous le monde Saha. Selon la cosmologie bouddhiste, le monde est suspendu dans les Airs. La puissance du karma des êtres vivants, qui vont naître, fait d'abord poindre un petit souffle dans l'espace vide à partir de l'air fin et celui-ci tourne en forme de roue. Sur ce minuscule vent qui tourne, prennent forme l'eau qui tourne et ensuite un cercle d'or, et sur eux se forment la terre (cercle terrestre), les montagnes et les mers. Par conséquent, si cette terre se fend et que nous pénétrons en son cœur, nous atteignons l'espace vide. Il est donc raisonnable de supposer que les Bodhisattvas de la terre vivent dans cet espace vide. Pourquoi, n'habitent-ils pas en haut du monde mais sous la terre ? Parce que le sommet du mont Sumeru est considéré comme le lieu de résidence des êtres célestes. Comme les êtres célestes font partie des êtres sensitifs des six mondes-etats et qu'ils transmigrent, ils ont un statut inférieur à celui des bodhisattvas. De plus, il y a la scène où des bodhisattvas d'autres mondes viennent à la réunion du Dharma du Sutra du Lotus et là ils volent vers la réunion du Dharma depuis le Ciel. Par conséquent, "l'espace vide sous ce monde Saha" a une justification basée sur la cosmologie bouddhiste en tant que lieu approprié qui, de plus, remplit la condition selon laquelle Maitreya, comme il le déclare, n'a jamais vu ou entendu parler des Bodhisattvas de la terre.

J'ai essayé d'expliquer le lieu de résidence des Bodhisattvas de la terre en me basant sur la cosmologie bouddhiste. D'autre part, la première partie du neuvième fascicule du Fahua wenju donne une explication religieuse, en disant :

« La demeure des Bodhisattvas de la terre est le Pays de la Lumière Toujours Paisible »
‘‘Toujours’’ renvoie à la vertu d'éternité, ‘‘paisible’’ symbolise la vertu de bonheur ; ‘‘lumière’’ symbolise la vertu de pureté et ‘‘pays’’ le vrai soi. C'est la resserre secrète des quatre vertus et de leur lieu de résidence. Ils demeurent dans cette  resserre secrète dans la Voie du non-abandon.
Comme "l'espace vide sous ce monde" est le fond de la nature du Dharma et le stade ultime de la vérité profonde, le Sutra dit "sous". Le dessous n'appartient pas à l'ici, ni l'air n’appartient à l'ailleurs. Ni ici, ni là n'est autre que la voie du milieu. Ils habitent dans l'Air, ni en haut ni en bas.

En résumé, la demeure des Bodhisattvas de la terre - le Pays de la Lumière Toujours Paisible - avec les quatre vertus de l'éternité, du bonheur, du vrai soi et de la pureté - est exprimée en tant que la nature du Dharma, la Vérité Ultime et la Voie du milieu. Elle montre le stade élevé des Bodhisattvas de la terre.

Les caractéristiques physiques des Bodhisattvas de la terre - Les trente-deux caractéristiques.

Il est dit que les Bodhisattvas de la terre sont dotés des trente-deux signes distinctifs caractéristiques d'un mahasattva :

« Ces bodhisattvas avaient tous le corps couleur d'or, avec les trente-deux marques, brillant d'une lumière incommensurable. »

Les trente-deux marques sont des caractéristiques physiques dont sont dotés les bouddhas, les bodhisattvas et les rois-chakravartin. Comme il est certain que Shakyamuni est doté des trente-deux caractéristiques en tant que bouddha, la réponse à la deuxième question de Maitreya selon laquelle l’apparence des Bodhisattvas de la terre est plus vénérable que Shakyamuni, peut être liée à "un éclat incommensurable". La description selon laquelle les « bodhisattvas avaient tous le corps couleur d'or » est celle de la quatorzième caractéristique de "corps doré". La lumière d'une distance d'une brasse autour du corps du Bouddha est considérée comme la quinzième caractéristique de "lumière d'une distance d'une brasse rayonnant du corps." On peut dire que l’ "éclat incommensurable" des Bodhisattvas de la terre est supérieur à cette caractéristique ordinaire de la "lumière à une brasse de distance rayonnant du corps".

En outre, le fait que les corps des Bodhisattvas de la terre soient énormes pourrait être considéré comme leur caractéristique supérieure. Cependant, alors qu'il existe une explication concrète de la taille du Bodhisattva Gadgadasvara (Myoon, Son-Merveilleux), il n'existe rien de tel concernant les Bodhisattvas de la terre.

Les guides des Bodhisattvas de la terre - Quatre bodhisattvas

Il y a quatre bodhisattvas qui conduisent les Bodhisattvas de la terre, à savoir :

« Il y avait quatre dirigeants à la tête de cette multitude de bodhisattvas : le premier s'appelait Jogyo, le second Muhengyo, le troisième Jyogyo, le quatrième Anryugyo. Ces quatre bodhisattvas étaient, parmi la multitude, des maîtres et guides éminents. » 19

Cependant, aucune explication n'est donnée concernant ces quatre bodhisattvas. Nous ne pouvons que supposer les caractéristiques de leurs pratiques en nous basant sur leurs noms.

Les aptitudes religieuses et les pratiques passées des bodhisattvas Surgis-de-Terre

Le bodhisattva Maitreya déclare à propos des Bodhisattvas de la terre :

« Gigantesques de corps, aux grands pouvoirs mystiques,
d'une inconcevable sagesse,
fermes et résolus de volonté,
munis d'une grande force de patience,
ils délectent les êtres de leur vue. »

Cela indique que les Bodhisattvas de la terre sont excellents en termes de pouvoirs supranormaux, de sagesse et de pouvoir de persévérance. "La grande force de patience" pourrait être l'une des capacités indispensables pour propager le Sutra du Lotus aux êtres sensibles du monde Saha, qui sont faibles en capacités spirituelles, comme décrit ci-dessus. Quant à "fermes et résolus de volonté", il existe d'autres descriptions similaires, telles que "fermes dans le pouvoir de la volonté et de la concentration" et " ferme dans sa volonté, en aucun cas timide ou immature". De plus, ils sont décrits comme possédant des vertus d'autorité et de diligence.''

Cela étant, dans quelles pratiques s'étaient-ils engagés depuis l'Eveil de Shakyamuni dans le passé pour qu'ils puissent atteindre de telles capacités spirituelles ? Pour répondre à cette question, Shakyamuni déclare à la première question de Maitreya :

« Ces fils de foi sincère ne se complaisaient pas à des discussions abondantes parmi la foule; ils se plaisaient constamment dans les endroits tranquilles, où ils pratiquaient avec application et zèle sans jamais prendre de repos; ils ne recherchaient pas non plus la proximité des hommes ni des devas ; ils se délectaient constamment de la sagesse profonde, n'y connaissant pas d'obstacles et se plaisaient constamment au Dharma des bouddhas, recherchant de tout coeur, avec zèle, l'insurpassable sagesse. »

Ainsi donc les Bodhisattvas de la terre recherchent la sagesse avec diligence et leur caractéristique distinctive est de  ‘‘ne se complaire à des discussions abondantes parmi la foule. Leur plaisir est d'être constamment dans un endroit tranquille’’. Les versets qui correspondent à cette citation se poursuivent :

« Ce sont mes enfants,
qui habitent en ce monde,
y pratiquent constamment les dhutas.
Ils aspirent aux endroits tranquilles,
ont renoncé aux tumultes des grandes foules,
ne se complaisent dans de prêches verbeux;
De tels enfants
s'exercent au Dharma de la Voie qui est mien ;
car jour et nuit, toujours, avec zèle,
ils recherchent la Voie de bouddha.
Dans le monde Saha,
en l'espace du nadir ils demeurent;
fermes dans la force de leur détermination,
ils recherchent toujours la sagesse avec application,
ils exposent le Dharma merveilleux en sa diversité,
leur esprit est assuré.»

Le texte indique également :

« ils ne se plaisent pas à résider parmi les foules,
préférant être constamment en méditation,
dans leur quête de la Voie de bouddha,
ils demeurent dans l'espace au nadir

Si quelqu'un aime, résider ainsi et méditer dans un endroit calme on peut craindre qu'il ne puisse pas propager le Sutra. Cependant, comme Maitreya a dit qu'il n'avait jamais vu ou entendu parler des Bodhisattvas de la terre avant leur apparition dans le chapitre "Surgis de Terre", le Sutra explique qu'ils ont pratiqué sans être vus dans des endroits tranquilles, où il y a peu de gens. Comme leur mission est de propager le Sutra après l'extinction de Shakyamuni, la patience dont parle le chapitre "Exhortation à la sauvegarde", les quatre pratiques aisées du chapitre "Pratiques paisibles" et l'attitude mentale de "la demeure, la robe et le siège de l'Ainsi-Venu" du chapitre "Maitre du Dharma " sont nécessaires pour réaliser cette mission. Par conséquent, il semble que les pratiques spécifiques des Bodhisattvas de la terre et la propagation active du Sutra, qui sont exigées après l'extinction Shakyamuni, soient différentes.

En outre, le Sutra dit qu'ils ont planté de bonnes racines et se sont engagés dans des pratiques pures :

« Ils ont planté leurs racines de bien auprès d'innombrables et infinis bouddhas, ont mené à l'accomplissement la Voie de bodhisattva et se sont constamment exercés à la pratique pure (brahmique). »

Il est donc question de pratiques-dhuta ou pratiques pures. Sur la base de ces déclarations, nous pouvons comprendre que les Bodhisattvas de la terre sont décrits comme des moines renonçants ou des moines pleinement ordonnés.

Le Sutra déclare également :

« Il en va de même pour l'Éveillé: cela ne fait pas si longtemps en réalité qu'il a obtenu la Voie; or cela fait déjà d'innombrables dizaines de millions de myriades de kalpas que cette vaste multitude de bodhisattvas pratique avec application et zèle en vue de la Voie d'Éveil. Ils ont, avec maîtrise, pénétré d'innombrables centaines de millions de myriades de samadhis, en sont sortis, y ont demeuré; ils ont obtenu les grands pouvoirs mystiques, ils se sont longtemps exercés à la pratique brahmique; ils ont été capables de pratiquer progressivement les méthodes de bien, ils sont habiles dans les questions et les réponses; ce sont des joyaux parmi les hommes, que tous les mondes tiennent pour rarissimes. »

Il est question ici de la diligence, des samadhis, des pouvoirs supranormaux, des pratiques pures et de l'habileté dans la discussion.

Il est dit que les Bodhisattvas de la terre sont des êtres purs, qui ne sont pas souillés par les choses du monde, comme la fleur de lotus dans l'eau boueuse.

Ensuite le Sutra dit :

« Les bodhisattvas que voici,
à la ferme volonté, dépourvus de faiblesse,
depuis d'innombrables kalpas,
pratiquent la Voie de bodhisattvas ;
habiles dans les questions et réponses difficiles,
leur coeur est plein d'assurance,
leur esprit d'adhésion patiente est déterminé.
Dignes et majestueux,
ils sont loués par les bouddhas des dix directions ;
ils sont bien capables de prêcher en distinctions;»

Quant à la "non-rétrogression, la réponse à la deuxième question de Maitreya en parle également :

Le Sutra met en avant leur persévérance et à la capacité de prêcher habilement. Il  dit aussi que les Bodhisattvas de la terre récitent et comprennent de nombreux sutras. Les pratiques passées des Bodhisattvas de la terre, sont du même ordre que les six paramitas de la Voie de bodhisattva et n’ont rien de spécial. Cependant, comme ils ont accompli de telles pratiques pendant longtemps, on dit qu'ils ont atteint des capacités spirituelles supérieures, qui sont louées par les bouddhas des dix directions.

Les disciples du passé incommensurables

Nous avons vu que la réponse de Shakyamuni à la première question de Maitreya sur les Bodhisattvas de la terre est qu'ils sont ses disciples à qui il a enseigné depuis qu'il a atteint la bouddhéité :

« Ayant acquis, en ce monde Saha, l'Éveil complet et parfait sans supérieur, j'ai instruit ces bodhisattvas, je les ai guidés, j'ai soumis leur pensée pour faire naître en eux le désir de la Voie. »

Les versets correspondant à ce passage indiquent également :

« ces grands bodhisattvas,
depuis d'innombrables kalpas,
s'exercent à la sagesse de bouddha;
ils furent tous tant qu'ils sont convertis par moi,
qui leur ai fait déployer la grande pensée de la Voie. »

Le Sutra clarifie ainsi que les Bodhisattvas de la terre sont ceux que Shakyamuni a enseignés depuis un passé incommensurable. Le chapitre suivant  "Durée de la vie" expliquera ce point plus en détail.

Le stade des Bodhisattvas de la terre - Non-rétrogression

Les Bodhisattvas de la terre sont au stade de la non-régression et il est certain qu’ils deviendront des bouddhas :

« ils demeurent tous maintenant dans l'état de non-régression,
ils pourront tous tant qu'ils sont réaliser l'état de bouddha. »

Et ensuite :

« comment ces innombrables bodhisattvas,
en si peu de temps,
ont été enseignés et convertis, menés à déployer leur pensée
et à demeurer dans la terre de non-régression. »

Même si le Sutra du Lotus n'explique pas le stade des Bodhisattvas de la  terre celui-ci est appelé "non-rétrogression" ; il s'agirait d'un stade assez élevé.

Le vœu de propager le Sutra par les Bodhisattvas de la terre

Les Bodhisattvas de la terre, du chapitre "Surgis de terre", font le vœu de propager le Sutra après l'extinction de Shakyamuni, au début du chapitre "Pouvoirs supranaturels des Ainsi-venus", comme suit :

« A ce moment, les bodhisattvas-mahasattvas qui avaient surgi de Terre en nombre égal aux particules de mille mondes, joignirent tous unanimement les paumes devant l'Éveillé, regardèrent avec adoration le visage du Vénéré et s'adressèrent à lui : "Vénéré du monde, après le parinirvana du Bouddha, nous exposerons amplement ce Sutra, dans les royaumes où résident les corps d'émanation du Vénéré du monde et où ils seront passés en parinirvana. Pourquoi cela ? C'est que nous aussi nous désirons obtenir pour nous-mêmes ce grand Dharma, authentique et pur, le recevoir et garder, le lire, le réciter, l'expliquer, le copier et lui faire offrande. »

Les Bodhisattvas de la terre font le vœu de propager le Sutra du Lotus après l'extinction de Shakyamuni dans le monde Saha où Shakyamuni a exercé ses activités. Comme ils sont ses disciples du passé incommensurable, ils agissent  dans le monde de Shakyamuni en tant qu'héritiers de son but de sauver les êtres sensitifs, ce qui est différent du vœu des shravakas de le propager dans des terres autres que ce monde de Shakyamuni.

Shakyamuni donne des instructions en réponse à cette offre des Bodhisattvas de la terre :

« Pour en dire l'essentiel : l'ensemble des enseignements de l'Ainsi-Venu, l'ensemble des pouvoirs supranaturels et souverains de l'Ainsi-Venu, l'ensemble du réceptacle des mystères de l'Ainsi-Venu, l'ensemble des modes fort profonds de l'Ainsi-Venu sont tous révélés et manifestés dans ce Sutra. Voilà pourquoi vous devrez, après le parinirvana de l'Ainsi-Venu, de tout coeur le recevoir et garder, le lire, le réciter, l'expliquer, le copier et pratiquer selon ce qui y est exposé. »

Ce sont les instructions concernant les pratiques pour les Bodhisattvas de la terre. Comme Shakyamuni leur recommande d'accomplir les cinq actes de "Maitre du Dharma" et les pratiques selon ce qui est exposé, nous pouvons dire que le Sutra du Lotus leur a été confié.

De plus, Shakyamuni confie à de nombreux bodhisattvas - y compris les Bodhisattvas de la terre - le Sutra du Lotus, de manière explicite dans le chapitre "Passation" comme suit :

 « A ce moment, le Bouddha Shakyamuni se leva de son trône du Dharma et manifesta ses grands pouvoirs surnaturels: il caressa de la main droite le sommet du crâne des innombrables bodhisattvas-mahasattvas et leur dit ces paroles: "Je me suis exercé durant d'innombrables milliers de millions de myriades de quantités incalculables de kalpa à la pratique de ce Dharma de l'Éveil complet et parfait sans supérieur, difficile à obtenir; je vous le remets à présent. Vous devrez diffuser de tout coeur ce Dharma et en augmenter amplement les bienfaits.

Les bodhisattvas qui peuvent naître en fonction de leurs vœux précédents dans le chapitre "Maitre du Dharma".

Shakyamuni expose à plusieurs reprises la véritable identité spirituelle des adeptes du Sutra du Lotus dans le chapitre "Maitre du Dharma". Comme le Sutra du Lotus est considéré comme le dernier sermon avant la mort de Shakyamuni, nous pouvons dire que les "adeptes du Sutra du Lotus" décrits dans le chapitre "Maitre du Dharma" désigne en fait les pratiquants du Sutra du Lotus après l'extinction de Shakyamuni. Etant donné que ceux-ci ne sont autres que les Bodhisattvas de la terre, on peut dire que les explications du chapitre "Maitre du Dharma" ont une signification qui ne peut être négligée pour comprendre les Bodhisattvas de la terre. Comme j'ai déjà abordé ce problème dans un article précédent 28, je me contenterai de l'expliquer brièvement comme suit.

En fait, les adeptes du Sutra du Lotus sont considérés comme des bodhisattvas avancés qui ont déjà fait des offrandes à d'innombrables bouddhas et ont accompli leur grand vœu de devenir des Eveillés. Et bien qu'ils auraient pu jouir amplement de leur splendide récompense, ils sont nés dans ce monde mauvais par compassion profonde pour les êtres sensibles. De plus, le Sutra souligne qu'ils devraient être considérés comme de grands bodhisattvas qui ont accompli l'Eveil parfait et complet, sans supérieur (anuttara samyaksambodhi) et comme des êtres honorables à qui l'on devrait faire des offrandes comme au Bhagavat. En outre, il est signalé qu'ils ont abandonné les récompenses de leur pur karma. En somme, ici apparait l'idée que des  bodhisattvas peuvent naître non pas en fonction de leur karma passé mais en fonction de leurs vœux. L'idée de bodhisattvas qui naissent en fonction de leurs vœux a été adoptée par l'école Mahasamghika à l'époque du bouddhisme Nikaya*.  Cette interprétation est applicable aux Bodhisattvas de la terre. Et les bodhisattvas qui peuvent naître en fonction de leurs vœux - les Bodhisattvas de la terre -, sont considérés comme "les envoyés de l'Ainsi-Venu" :

 « Il faut savoir que cette personne est un messager de l'Ainsi-Venu, envoyé par l'Ainsi-Venu pour mener l'oeuvre d'Ainsi-Venu. A plus forte raison pour qui prêche largement aux gens d'une vaste multitude. »

Conclusion

Dans le Sutra du Lotus le salut des êtres sensitifs du monde Saha ne vient pas par le Bouddha Amitabha de l'Ouest ou le Bhaisajyaguru (Yakushi) de l'Est, mais par Shakyamuni, qui a atteint  l’Eveil dans un passé incommensurable; c’est explicité dans le contexte d’un Shakyamuni attesté par l'histoire. Même si Shakyamuni, a atteint l’Eveil dans un passé incommensurable, sa ‘‘durée de vie’’historique a un impact immense : il entre dans le nirvana qui est ainsi "démonstration habile (hoben) de nirvana". Les héritiers du but de Shakyamuni ne sont autres que les Bodhisattvas de la terre, qui vivent après l'extinction de Shakyamuni. S'il en est ainsi, il est naturel que les Bodhisattvas de la terre considèrent ce monde Saha, qui est notre monde actuel et notre société, comme un lieu où s'accomplit leur mission de salut. Comme les shravakas, à qui le Bouddha, dans le Sutra, confère des prédictions d'Eveil futur, n'ont probablement pas "le pouvoir d'une grande persévérance", ils font le vœu de propager le Sutra du Lotus dans d'autres mondes, renonçant à le propager dans le monde Saha. Ce fait pourrait souligner encore plus la relation étroite entre les Bodhisattvas de la terre et le monde Saha.

L’idée de valoriser le monde Saha est bien illustrée par le thème du chapitre "Durée de vie" où Shakyamuni, l’Eveillé d’un passé incommensurable, demeure éternellement sur le Pic du Vautour. Une façon de valoriser le monde actuel où nous vivons.

Ces Bodhisattvas de la terre, en tant qu'envoyés du Tathagata, dépêchés par le Tathagata, sont chargés de sauver les êtres sensitifs en propageant le Sutra du Lotus, ce qui est la tâche du Tathagata. La conscience de celui qui est particulièrement choisi et chargé de cette tâche par le Bouddha peut être appelée conscience apostolique. Cette conscience devient le fondement qui soutient les activités pour sauver les êtres sensibles sur la base de la propagation du Sutra du Lotus dans la société humaine remplie d’obstacles. Cela est bien illustré par l'accent mis sur la persévérance fondée sur la conscience apostolique dans le chapitre "Exhortation à la sauvegarde".

On peut dire que la valorisation de la société que Nichiren a montrée dans son enseignement et son action a été stimulée par la valorisation de la société humaine du Sutra du Lotus. D'où son orientation fondamentale vers le salut des êtres sensitifs par le Sutra du Lotus sur la base de sa conscience apostolique en tant que pratiquant du Sutra du Lotus et Bodhisattva de la terre. Ses idées ont une influence certaine sur la tendance à valoriser l'effort pour traiter les problèmes concrets de la société que l'on observe dans les nouvelles religions liées au Sutra du Lotus dans le Japon contemporain.

Note : Je tiens à remercier sincèrement le professeur A. Charles Muller * et le professeur Gene Reeves * pour leur révision de la version anglaise de cet article.

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