Sutra du Lotus* |
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{§1} A ce moment*,
le Bouddha déclara aux bodhisattvas, aux devas*, aux hommes et
aux quatre congrégations
: {§2}
J'ai, au cours d'innombrables kalpas
du passé, recherché le Sutra du Lotus du Dharma
sans connaître de lassitude; pendant de nombreux kalpas, j'ai constamment
pris naissance comme souverain d'un royaume, lequel avait fait voeu
de rechercher l'Éveil insurpassable, son esprit ne régressant
jamais. {§3} Dans
son désir de mener à leur plénitude les six
paramitas, il pratiquait le don avec diligence: en son coeur, il
n'était jamais avare d'éléphants, de chevaux, des
sept raretés, de villes fortifiées, de femmes et enfants,
d'esclaves ou de serviteurs; que ce fût la tête ou les yeux,
la moelle ou le cerveau, le corps ou la chair, les mains ou les pieds,
il n'épargnait pas même sa vie corporelle. {§4} En
ce temps-là, la durée de vie des gens était incalculable;
pour l'amour du Dharma, il avait rejeté royaume et trône,
confiant le pouvoir politique au prince héritier, et fait battre
tambour pour proclamer aux quatre vents qu'il recherchait le Dharma:
«Qui sera capable de m'exposer le Mahayana? Ma vie
durant je lui fournirai mes services.» {§5} Il
se trouva alors un ermite (richi)
pour venir proposer au roi: «Je possède le Mahayana,
il a nom Sutra de la fleur de Lotus du Dharma merveilleux.
Si tu ne me désobéis point, je te l'exposerai.»
Le roi, entendant les paroles de l'ermite, exulta d'allégresse;
dès lors, il le suivit pour lui fournir le nécessaire :
il cueillait les fruits, puisait de l'eau, ramassait le bois, préparait
les repas, lui faisait même une couche et un siège de son
corps, sans se lasser en corps ou en esprit. Le temps qu'il passa à
son service fut de mille années et, dans son zèle à
l'assister, il ne le laissa jamais manquer de rien. {§6} Alors
le Vénéré du monde*, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances : {§7} Je
me remémore les kalpas passés, {§8} Il
battit la cloche pour proclamer aux quatre orients : {§9} Il y eut alors un ermite
nommé Asita [Ashi], {§10} Si tu es capable de t'exercer à la pratique,
{§10} Il se mit à le suivre {§11} parce qu'il s'en tenait en pensées et inclinations
au Dharma sublime, {§12} certes pas pour lui-même {§13} L'Éveillé déclara aux bhiksus*
: {§14}Le
roi de ce temps-là, c'était moi-même, et l'ermite [Asita (Ashi)]
d'alors, c'est l'actuel Devadatta.
C'est grâce à Devadatta, l'ami
de bien (kalyanamitra, zenshishiki),
que je fus amené à disposer totalement des quatre bienveillances infinies : de l'amour empathie (maitri), de la compassion (karuna), de la joie partagée, de l'équanimité,
des trente-deux marques, des quatre-vingts
signes secondaires, l'éclat semblable à la couleur
d'or, des dix forces, des quatre
assurances, des quatre éléments
de rapprochement, des dix-huit conditions
avenika, des pouvoirs mystiques,
de la puissance de la Voie, à réaliser l'Éveil
égal et correct et à sauver les êtres dans les dix
points de l'espace. Tout cela est grâce à Devadatta,
l'ami de bien. {§15} Il
déclara aux quatre congrégations : {§16} Devadatta,
bien plus tard, au terme d'innombrables kalpas, obtiendra de réaliser
l'état de bouddha et sera appelé l'Ainsi-Venu Devaraja*, Arhat*,
Samyak-Sambuddha*,
Vidya-carana-sampanna*, Sugata*,
Lokavit*, Purusa-damya-sarathi*, Sasta deva-manusyanam*, Buddha*, Bhagavat* ; son monde aura nom Devasoppana
(Voie des devas). {§17}
L'Éveillé Devaraja* demeurera
au monde vingt kalpa moyens et prêchera largement aux êtres
le Dharma merveilleux. Des êtres nombreux comme les sables du
Gange obtiendront le fruit d'arhat.
Il fera voir, face à face, l'état d'arhat
à des êtres aussi innombrables que les sables du Gange.
Ils tourneront la pensée vers la Voie sans supérieure
des pratyekabuddha*,
obtiendront l'attestation secrète de l'absence des naissances
[ce qui échappe à la production conditionnée, tels le nirvana et le bouddha]
et demeureront dans l'état de non-régression. {§18}
Après
le nirvana final du bouddha Devaraja*,
en son temps, le Dharma correct demeurera au monde vingt kalpa moyens;
on ne verra pas son corps divisé en plusieurs parties, sous forme
de reliques, mais il subsistera en son entier dans
un stupa de sept matières précieuses, dont la hauteur
sera de soixante yojana, la largeur
et la profondeur de quarante yojana. {§19}
Les
devas* et les hommes, tous tant qu'ils sont, feront offrande de fleurs
diverses, de poudres, de fumigations, d'onguents, de vêtements,
de guirlandes, de bannières, de dais précieux, de musique
et d'hymnes au merveilleux stupa des sept matières précieuses.
D'innombrables êtres obtiendront le fruit d'arhat,
d'innombrables êtres auront l'intellection de pratyekabuddha* ;
un nombre inconcevable d'êtres tourneront leur pensée vers
la bodhi et atteindront l'état
de non-régression.» {§20}
L'Éveillé
déclara aux bhiksus* : {§21}
Dans
les âges à venir, s'il est des fils et des filles de foi
sincère (kulaputra)
qui entendent le chapitre Devadatta du Sutra du Lotus du
Dharma merveilleux et y accordent foi et respect d'un coeur pur
sans concevoir doutes ni égarements, ils ne tomberont pas dans
les enfers, ni parmi les démons
affamés, ni parmi les animaux, mais renaîtront en présence
des bouddhas des dix directions.
Là où ils renaîtront, ils entendront constamment
ce Sutra. S'ils renaissent parmi les hommes ou les devas*, ils
éprouveront des plaisirs exquis et, s'ils se trouvent en présence
d'un Éveillé, ils renaîtront merveilleusement à
partir de fleurs de lotus. {§22}
À ce moment, un bodhisattva du nom de Prajnakuta*,
qui escortait Taho*,
Vénéré du monde dans la direction du nadir, s'adressa
à cet Éveillé: «Retournons à notre
terre d'origine.» Le Bouddha Shakyamuni s'adressa à Prajnakuta* :
«Fils de foi sincère*,
attends donc un instant ! Il y a ici un bodhisattva du nom de Manjushri* ,
que tu pourrais rencontrer afin de discuter du Dharma merveilleux, pour
retourner ensuite à ta terre d'origine.» {§23} À ce moment, Manjushri*,
assis sur une fleur de lotus à mille pétales, aussi grande
que la roue d'un char, escorté d'un bodhisattva également
assis sur une fleur de lotus de matière précieuse, surgit
spontanément du palais du dragon Sagara* dans l'océan et demeura
dans l'espace. Il se rendit au Pic du
Vautour, descendit de la fleur de lotus, s'approcha des bouddhas
et salua en les touchant de la tête les pieds des deux Vénérés
du monde. Ayant manifesté son respect, il alla auprès
de Prajnakuta* : ils se saluèrent
l'un l'autre et s'assirent ensuite sur le côté. Prajnakuta* demanda à Manjushri* : "Quel est le nombre des êtres que tu as convertis en te rendant
au palais du dragon? " {§24}
Manjushri*
dit : "Leur nombre est incalculable, on ne saurait le supputer ;
la bouche ne peut l'exprimer, la pensée ne peut le jauger. Attends
donc un instant et tu en auras une preuve par toi-même." {§25}
Il
n'avait pas fini de parler que d'innombrables bodhisattvas, assis sur
des fleurs de lotus de matières précieuses, surgirent de la mer, se
rendirent au Pic du Vautour et demeurèrent dans l'espace. {§26}
Il
n'avait pas fini de parler que d'innombrables bodhisattvas, assis sur
des fleurs de lotus de matières précieuses, surgirent
de la mer, se rendirent au Pic du Vautour et demeurèrent dans
l'espace. Ces bodhisattvas avaient tous été convertis
par Manjushri*.
Munis de la totalité des pratiques de bodhisattva, ils discutaient
tous ensemble des six paramitas. Ceux qui,
à l'origine, étaient des auditeurs-shravakas* exposaient
dans l'espace les pratiques d'auditeurs-shravakas* : à présent, ils
connaissaient tous le sens de la vacuité
selon le Mahayana. Manjushri*
dit à Prajnakuta* : « C'est
ainsi que s'est passée la conversion par l'enseignement au fond
de la mer. » {§27}
Alors
le bodhisattva Prajnakuta* prononça
ces stances d'éloge : {§28}
Grand
en sagesse et mérites, intrépide, {§29}
Tu
exposes le sens de l'aspect réel (jisso shinnyo), {§30}
Manjushri* parla : «Sous la mer, je n'ai fait que prêcher constamment
le Sutra du Lotus du Dharma merveilleux. » {§31}
Prajnakuta*
interrogea Manjushri* : «Ce Sutra est fort profond et subtil, c'est le joyau
des sutras, rarement trouvé en ce monde. Se peut-il
qu'il y ait des êtres pour obtenir rapidement l'état de
bouddha en mettant leur zèle à pratiquer ce texte ? »
{§32}
Manjushri*
parla : «Il y a la fille du roi du dragon Sagara*, qui
vient d'avoir huit ans; sage, de facultés aiguës, connaissant
bien les actes des êtres des diverses facultés, elle a
fait siennes les formules détentrices (dharani)
et a pu recevoir et garder complètement le très profond
réceptacle des mystères prêchés par les bouddhas;
entrée profondément en concentration, elle a eu accès
aux enseignements. {§33}
Elle
a déployé en un instant la pensée de l'Éveil
et a obtenu un état de non-régression. Son éloquence
ne connaît pas d'obstacle; elle considère les êtres
avec tout autant de tendresse que s'il s'agissait de nourrissons; pleinement
munie des mérites, ce qu'elle conçoit en pensée
et exprime par sa bouche est subtil et ample, empreint de compassion et de tolérance; sa volonté est toute de délicatesse
et elle est capable d'arriver à l'Éveil.» {§34}
Le
bodhisattva Prajnakuta* dit : «J'ai
vu l'Ainsi-Venu Shakyamuni pratiquer de dures ascèses au cours
d'innombrables kalpas, accumuler les mérites, amasser les qualités
dans sa quête incessante de la voie de l'Éveil. Que l'on
considère le monde tricosmique :
il n'y a pas un endroit, même de la taille d'un grain de moutarde,
où, bodhisattva, il n'ait renoncé à son corps et
à sa vie pour l'amour des êtres. C'est après tout
cela qu'il a pu réaliser la voie de l'Éveil. Je ne croîs
pas que cette fillette ait pu réaliser l'Éveil correct
en l'espace d'un instant.» {§35}
Il
n'avait pas fini de parler que, soudain, la fille du Roi-Dragon
apparut devant eux; elle salua, la tête baissée, puis se retira sur
le côté pour dire ces stances d'éloge : {§36}
Pur
d'une profonde pureté, {§37}
et
des quatre-vingts
signes secondaires {§38}
de toutes les espèces d'êtres vivants, {§39}
Alors Shariputra* déclara à la fille-dragon: «Tu estimes obtenir la
Voie insurpassable avant longtemps, c'est chose dure à croire.
Pourquoi cela? Le corps féminin est souillé, ce n'est
point un vaisseau du Dharma; comment pourrait-il obtenir l'Éveil
insurpassable? La Voie de bouddha est hors de toute proportion: on passe
d'innombrables kalpas s'appliquant avec peine à accumuler les
pratiques, à s'exercer pleinement aux paramitas, et ce n'est qu'après
cela qu'on la réalise. {§40}
Le corps de la femme comporte
de surcroît les cinq entraves:
en premier lieu, il ne peut devenir roi des Mahabrahmas* ; ni Indra, en deuxième ; ni le roi-démon en troisième ;
ni un saint roi qui fait tourner la roue
du Dharma en quatrième ; ni un bouddha en cinquième.
Comment un corps de femme pourrait-il réaliser rapidement l'état
de bouddha?» {§41}
La
fille-dragon avait alors une perle précieuse, dont le prix valait
trois mille de mondes tricosmiques. Elle la prit et la tendit au Bouddha,
qui l'accepta aussitôt. La fille-dragon dit à Prajnakuta* et au vénérable Shariputra* : «J'ai offert une perle précieuse et le Vénéré du monde* l'a acceptée; cela s'est-il passé rapidement
ou non?» Ils répondirent que cela avait été
très rapide. La fillette reprit: «Regardez, grâce
à vos pouvoirs mystiques,
combien je réaliserai plus rapidement encore l'état de
bouddha.» {§42}
Toute
l'assemblée vit alors la fille-dragon prendre soudainement l'apparence
d'un homme, se munir des pratiques de bodhisattva, se diriger vers la
Terre Vimala en direction du sud, prendre place sur une fleur de lotus de matière
précieuse et réaliser l'Éveil égal et correct,
avec les trente-deux marques et les quatre-vingts signes secondaires,
exposant le Dharma merveilleux à l'ensemble des êtres partout
dans les dix directions. {§43}
À
la même heure, dans le monde Saha*,
les bodhisattvas, auditeurs-shravakas*,
devas*,
nagas*, les
huit classes d'êtres, les
humains et non-humains virent tous, de loin, la fille-dragon réaliser
l'état de bouddha et prêcher universellement le Dharma
aux hommes et devas*
de l'assemblée d'alors; le coeur en grande liesse, ils lui rendirent
hommage de loin. Des êtres innombrables, entendant le Dharma,
le comprirent et obtinrent un état de non-régression.
Des êtres innombrables purent obtenir la prédiction de
la Voie. La Terre Vimala (Immaculée) trembla de six
manières. Dans le monde Saha*,
trois mille êtres prirent demeure dans la terre de non-régression,
trois mille déployèrent la pensée de bodhi
et purent recevoir la prédiction
. {§44}
Le
bodhisattva Prajnakuta*, Shariputra* et toute l'assemblée, gardant le silence, crurent et acceptèrent. Voir le commentaire de Nikkyo Niwano sur ce chapitre Ce qu'en dit Nichiren ; Citations dans les goshos SUITE (chapitre XIII) |
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