Ryuei Michael McCormick Chapitre
X - Ichinen
Sanzen |
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Ichinen sanzen, les trois mille mondes dans un seul instant-pensée, est la clef principale du bouddhisme de Nichiren. Le mot ichinen désigne un seul instant de perception consciente. Sanzen signifie littéralement "trois mille" et se réfère à Trois mille mondes. Le mot "mondes" ne doit pas être pris au sens propre ; on devrait plutôt dire "mondes d'existence" ou "mondes-états". Ichinen sanzen est la formulation théorique et la clef de l'Éveil bouddhique du Sutra du Lotus. Zhiyi, le fondateur de l'école Tiantai, a inventé ce terme pour désigner ce qu'il considérait comme "Éveil bouddhique central", révélé lors de la pratique de l'introspection de l'essence de l'esprit (shikan). Nichiren a reconnu l'importance d'ichinen sanzen et en a fait la partie centrale de son propre enseignement, comme il le dit à plusieurs reprises dans ses Ecrits majeurs et dans d'autres goshos. Dans la Conversation entre un Sage et un Ignorant (réf.), il est dit :
Plus loin, le même gosho se réfère à l'œuvre majeure de Zhiyi, le Maka Shikan (Grande concentration et introspection), dans laquelle Zhiyi expose le principe d'ichinen sanzen :
Ces deux passages montrent toute la considération et l'importance que Nichiren accordait à ichinen sanzen . A cause de la grande complexité et de la profondeur de ce principe, nous pouvons éprouver quelque appréhension pour en discuter maintenant. Cependant, Nichiren lui-même l'aborde en détail dans son œuvre majeure, le Kanjin Honzon Sho (Le véritable objet de vénération), qu’il débute par une longue citation du Maka Shikan.
Pour arriver à comprendre ce que disent Zhiyi et Nichiren, il est nécessaire de revoir en détail tous les composants qui forment les 3000 mondes-états (sanzen) d'ichinen sanzen . L'idée des Trois mille mondes s'appuie sur la conception bouddhique du monde où tous les phénomènes de la vie sont considérés par rapport à la bodhéité. Le premier échelon est constitué par les dix mondes et comprend les six mondes décrits dans la roue du devenir, auxquels on ajoute les "quatre mondes supérieurs" : auditeurs-shravakas, pratyekabuddhas, bodhisattvas, bouddhas. Comme, du fait du principe d'interdépendance, chaque monde-état contient les dix autres, on arrive à un résultat de cent mondes. Vient ensuite l'analyse de la vie sous l'angle des dix nyoze (modalités d'expression de la vie), aspects qui révèlent la loi de causalité œuvrant dans tous les phénomènes. Chacune de ces dix modalités d'expression se manifeste dans nos vies dans trois Domaines différents : celui de l'individu, celui de tous les êtres et celui de l'environnement. On arrive ainsi aux trente modalités d'existence dont parle Zhiyi : "Trois domaines d'existence qui possèdent les dix modalités d'expression de la vie (nyo ze)". L'échelon final est constitué par le fait que chacun des 100 mondes-états contient les 30 modalités d'expression de la vie. L'important n'est pas de retenir ce nombre relevant de l'analyse scolastique, mais la révélation que chaque infime instant de conscience contient et manifeste tous ces principes et tous ces phénomènes qui font que la vie est ce qu'elle est. Les dix mondes et leur inclusion mutuelle (jikkai gogu) Commençons par l'analyse des mondes-états que décrit la roue du devenir. Dans le deuxième chapitre, nous avons vu en détail comment apparaissent les six premiers mondes. Ils ont tous un point commun en ce qu'ils sont générés (à divers degrés) par les trois poisons de l'avidité, de la colère* et de l'ignorance. Tous les êtres de ces mondes cherchent à rendre l'environnement dans lequel ils vivent conforme à leurs attentes et désirs, pour se sentir en sécurité et parvenir à une satisfaction personnelle durable. Toutefois, selon le bouddhisme, la vie est, au sens propre, ce que nous en faisons. Cela signifie que ceux qui vivent dans les six mondes subissent, en fait, des souffrances ou des joies éphémères qui sont des conséquences de leurs propres actes, même s'ils n'ont pas conscience de cela. Malgré leurs désirs égocentriques, leurs angoisses ou leurs rêves de satisfaction, ils ne peuvent récolter que ce qu'ils ont semé. Ceux qui ont volé ou exploité les autres par avidité seront éventuellement eux-mêmes victimes de la misère et d'exactions. Et, à l'inverse, ceux qui se sont montrés charitables ou généreux de leur temps pour aider les autres, recevront de la même manière des rétributions positives en proportion de leurs mérites, de leurs actions et de leurs intentions. Ce cycle se perpétue sans interruption - dans un effort pour trouver un point d'ancrage fixe dans le confort et la sécurité, nous créons constamment des causes générées par nos réactions aux effets des causes précédentes. Malheureusement, il n'y a, en fin de compte, ni lieu sûr ni satisfaction durable dans les six mondes, car ils sont dans un changement continuel, interagissant les uns avec les autres. Même le monde-état céleste n'y échappe pas car il est, lui aussi, impermanent et fluctuant. La seule façon d'échapper aux vicissitudes et à l'incertitude des six mondes est de passer dans les quatre mondes supérieurs par la pratique du Dharma bouddhique. Ceux-ci ne se distinguent pas réellement des six premiers mondes de renaissance, mais indiquent les différentes façons de communiquer et de vivre avec eux. Les quatre mondes supérieurs sont, tout d'abord, ceux des disciples du Bouddha, les auditeurs-shravakas et les méditants solitaires, les pratyekabuddhas, qui ont ouvert une brèche vers la délivrance individuelle propre au Hinayana ; puis viennent les bodhisattvas qui œuvrent à la délivrance de tous les êtres, conformément aux enseignements du Mahayana, et enfin les bouddhas qui possèdent une sagesse parfaite et insurpassable et une compassion infinie. Ces quatre mondes supérieurs peuvent également indiquer les niveaux d'Éveil et de compassion des différents types de pratiquants du bouddhisme. Et de plus, ils s'appliquent, au sens large, à tous et à chacun, même à ceux qui ne connaissent rien du bouddhisme et qui ne se perçoivent pas comme bouddhistes. Le premier des quatre mondes supérieurs est celui des disciples-shravakas du Bouddha. C'est un monde vu dans la perspective des Quatre nobles vérités : la souffrance, l'origine de la souffrance, la cessation de la souffrance et la Voie de la fin de la souffrance. Ceux qui vivent dans cet état regardent les autres en quête d'un guide qui les mènerait à l'Éveil. Dans la roue du devenir, ils sont illustrés par les moines dans le monde des hommes. Le deuxième des quatre mondes est celui des pratyekabuddhas, les contemplatifs solitaires. C'est un monde vu dans la perspective de la production conditionnée. Ceux qui demeurent dans cet état sont en mesure de comprendre, pour eux-mêmes, l'impermanence, la souffrance et la non-substantialité grâce à leur propre observation du monde. Ils figurent dans la roue du devenir sous la forme d'ermites. Le troisième est le monde des bodhisattvas, vu comme un champ d'efforts compatissants et particulièrement comme le travail sur les six paramitas (perfections). Ceux qui vivent dans cet état ne cherchent pas à s'échapper du cycle des naissances/morts, mais y demeurent pour aider et enseigner le Dharma aux autres. Le bodhisattva Avalokiteshvara (Contemplateur des Sons du monde) figure dans chacun des six mondes de la roue et représente tous les bodhisattvas de tout l'univers qui apparaissent afin d'aider les divers êtres qui souffrent. Le plus élevé est le monde des bouddhas. Ce monde est vu dans la perspective de l'Éveil complet sans supérieur (anokutara sammyaku sambodai, anuttara samyaksambodhi). Dans cette optique, on peut voir que le monde des naissance/morts est la Terre Pure de la Lumière Paisible (jakko-do). Selon le Sutra du Lotus, le Bouddha Shakyamuni est la manifestation historique du Bouddha Atemporel de qui émanent tous les bouddhas à travers le temps et l'espace. En tant qu'atemporel, le Bouddha se tient en dehors de la roue du devenir, mais en même temps il fait tourner la Roue du Dharma. Le monde-état des bouddhas représente également la nature de bouddha qui est notre capacité à nous d'arriver à l'Éveil complet sans supérieur. Possédant la nature de bouddha, tous les êtres à l'intérieur de la roue du devenir ont la capacité de s'éveiller au Dharma Merveilleux ; ce sont des bouddhas potentiels. En réalité, ces deux aspects ne peuvent pas être séparés. Le monde-état des bouddhas transcende tous les autres états du devenir, mais il est, en même temps, immanent à tous ces états. Comme nous l'avons vu dans le deuxième chapitre, les six mondes sont les états différents que nous éprouvons tout au long de la vie (ou des vies), en un seul jour ou en un seul instant. Cependant, un ou deux mondes-états prédominent souvent et tous s'impliquent toujours les uns les autres ; les fluctuations entre eux dépendent de la loi de causalité. Ce fait est connu sous l'appellation d'inclusion mutuelle des dix mondes (jikkai gogu). Ce principe se fonde sur le fait que ces "mondes" ne sont pas réellement séparés. Ce sont des manières différentes d'éprouver la vie, en fonction des causes et des conditions dominantes à un moment donné. Ces mondes-états s'interpénètrent les uns les autres et chacun contient tous les aspects de chaque autre. Sous forme de potentialité, le monde le plus bas contient le monde le plus haut. Le monde le plus haut contient le monde le plus bas sous forme de capacités ou d'expériences qui ont été transformées en un état supérieur. Ce qu'il faut retenir de tout cela, c'est que chacun de nous possède en soi les dix mondes et peut donc cheminer vers la bodhéité. En effet, nous avons tous la capacité de faire jaillir notre état de bouddha en présence de bonnes causes et conditions. L'enseignement sur l'inclusion mutuelle des dix mondes est très difficile à intégrer dans sa vie. L'idée même que tous les êtres sont des bouddhas potentiels est encore plus difficile à comprendre et surtout à croire. Quelques passages du Kanjin no honzon sho en relation avec les six mondes inférieurs ont déjà été cités. Voyons maintenant un extrait plus large de ce traité où Nichiren explique les dix mondes et leur inclusion mutuelle :
Plus loin Nichiren écrit encore :
Les dix modalités d'expression de la vie et les trois domaines Comme il est dit ci-dessus, "l'inclusion mutuelle des dix mondes" (jikkai gogu) signifie que chacun des dix mondes contient dix mondes (on compte aussi son propre monde), ce qui donne un total de cent mondes. Cela représente cent façons différentes d'appréhender la vie. Chaque monde possède dix facteurs ou modalités d'expression de la vie (nyoze), aboutissant ainsi à un total de mille. L'inclusion mutuelle des dix mondes est possible parce que chacun de dix mondes possède en commun ces dix facteurs-nyoze. Ces derniers expriment les différentes façons dont on peut analyser les propriétés communes de la vie dans les mille mondes. Ils démontrent que les mille mondes sont de simples manifestations de la production conditionnée et par conséquent "vides" de toute existence fixe ou indépendante. Ces dix facteurs nyoze se trouvent dans le deuxième chapitre du Sutra du Lotus ; le passage qui les concerne est récité en tant que pratique quotidienne du bouddhisme de Nichiren. Ce sont : l'aspect (so), la nature (sho), l'entièreté (tai), l'énergie (riki), l'activité (sa), la cause latente (in), la condition (en), l'effet (ka), la rétribution (ho), la cohérence* de 1'origine jusqu'à la fin (hon maku kyo to). L'aspect (so) est l'apparence externe ou objective des phénomènes. Ce qui peut être vu, entendu, senti, touché ou goûté fait partie de cette modalité d'expression de la vie. Cette modalité se rapporte à la manière dont les entités communiquent les unes avec les autres en tant qu'objets ou sujets extérieurement différenciés. L'aspect est étroitement associé à l'existence temporaire (ke) de la triple vérité (santai). Il est également associé au corps de Manifestation (ojin), ou corps historique, du Bouddha, qui a pu nous enseigner le Dharma sous l'aspect d'un être humain ancré dans la vie quotidienne. La nature (sho) est la caractéristique intérieure ou subjective des phénomènes. Cette modalité se rapporte à ce qui fait que les choses ne sont pas simplement ce qu'elles paraissent être. Tout phénomène apparaît en tant qu'expression du processus interdépendant de la vie qui implique tous les autres phénomènes. Dans ce sens, toute chose peut être vue comme une configuration particulière momentanée qui inclut implicitement toute la vie. La nature est alors la modalité d'expression des relations internes qui font qu'une chose est ce qu'elle est. Ces relations internes dépendent du processus universel de la production conditionnée qui fait surgir un phénomène donné juste à ce moment-là. Pour l’exprimer plus simplement, puisque tout est dans tout et que toute chose individuelle contient toutes les autres choses, la "nature" est la manière dont toutes ces choses interagissent pour former les attributs de la chose individuelle et en faire ce qu'elle est. Cela indique également la vie intérieure d'un sujet composée de sentiments et de pensées face à l'environnement qui influencent et façonnent sa vie. Cette modalité est étroitement associée à la vérité de la vacuité, car, tout comme celle-ci, l'observation de la nature des choses révèle que rien n'est fixe ou indépendant, mais change en fonction des causes et des conditions qui ont fait naître cette existence temporaire en tant que manifestation de la production conditionnée. La nature est également associée avec le corps de gloire (hoshin) ou corps idéal du Bouddha qui exprime la façon dont le Bouddha et tous les êtres sont non-substantiels et ainsi en interrelation dans leur joie réciproque. Dans ce cas l'expression "joie réciproque" se réfère à la joie du Bouddha dans l'Éveil complet sans supérieur (anuttara sambodai) qu'il partage par la réalisation de son vœu de libérer tous les êtres. "Réciproque" renvoie à la joie de la délivrance des êtres captés par la compassion du Bouddha et désormais en mesure de réaliser, eux aussi, l'Éveil parfait sans supérieur. L'entièreté (tai) est l'intégration mutuelle des modalités aspect et nature dans tous les phénomènes. Aucun phénomène ne peut être dissocié en matériel et spirituel, en apparence extérieure d’un côté et nature intérieure de l’autre. Cette modalité atteste de l'impossibilité de considérer quoi que ce soit sans tenir compte de ses aspects objectifs et subjectifs. L'entièreté est associée à la vérité de la Voie du milieu, car les deux affirment que tout ce qui est interdépendant est également non-substantiel. C'est cela qui permet à la vie d'être un processus dynamique. L'entièreté est également associée avec le Corps du Dharma* (hosshin) ou corps universel du Bouddha, car tous les deux se réfèrent à l'aspect de la pure ainsité (jisso shinnyo) qui est non-duel et non-conceptuel, dénonçant tout point de vue univoque. L'énergie (riki) que l'on traduit également par pouvoir ou potentialité, est la capacité des phénomènes à effectuer et subir des transformations. Alors que les trois premières modalités analysent les phénomènes en fonction de leurs relations externes et internes, cette modalité-ci, ainsi que la suivante, mettent en lumière le fait que toute chose est engagée dans un processus constant d'influences et de transformations mutuelles. En d'autres termes, les choses ne se contentent pas de se générer et de se soutenir les unes les autres, elles se modifient réciproquement. Par exemple, le Bouddha a le pouvoir de nous aider à réaliser notre propre potentialité de bodhéité. En même temps, en acceptant cette aide et atteignant réellement la bodhéité, nous permettons au Bouddha d'accomplir le vœu qui l'a fait devenir Bouddha. L'activité (sa, ou l'énergie manifestée) est le changement réel apporté par l'énergie. Cela met en évidence que ce n'est pas juste parce qu'une entité possède l'énergie que cela entraînera nécessairement une mise en action. Rien n'existe en soi et rien ne se passe dans un vacuum. Pour qu'il y ait un impact effectif sur le monde, il faut des circonstances adéquates. Ces circonstances, en fonction de l'entité impliquée, permettent la mise en action appropriée à la production d'une réponse donnée. Par exemple, une allumette ne va pas s'enflammer d'elle-même. Il faut un frottement contre une surface appropriée. Et même le Bouddha a dû attendre que ses disciples soient prêts pour pouvoir mettre en action son intention première de prêcher le Sutra du Lotus. Quant à nous, nous ne pouvons pas atteindre la bodhéité tant que nous n'avons pas rencontré l'enseignement et la pratique présentés par le Bouddha sous la forme de Namu Myoho Renge Kyo. Les causes (in) sont les actions qui contribuent directement à façonner le présent. Cette modalité et les trois suivantes relèvent directement de la loi de causalité. Dans ce contexte, "cause" sous-entend toutes les pensées, paroles et actions qui sont devenues des graines dans la conscience-réservoir. L'accumulation de ces graines constitue le schéma-pattern des habitudes qui déterminent la tonalité dans laquelle une vie se déroule. En fait, le monde-état qui domine habituellement notre vie est le fruit de ces graines accumulées. C'est pourquoi il est si important de planter le maximum de graines positives dans cette vie. La récitation de Namu Myoho Renge Kyo, en tant qu'intention personnelle verbalisée de réaliser la bodhéité pour nous et les autres, est une des meilleures causes que nous puissions créer. En suivant Nichiren, nous appelons cela "planter les graines de la bodhéité". Les conditions (en) sont des causes extérieures secondaires, ou des agents qui vont porter les causes latentes à leur fructification. Pour cela il faut, en effet, pour cela que les causes latentes rencontrent les circonstances qui les feront mûrir. Et même alors, la manière exacte sous laquelle elles vont se manifester dépend des circonstances qui les entourent. Ces causes que nous avons créées peuvent être inhibées, distordues, modifiées, et pourquoi pas amplifiées par d'autres causes que nous avons également plantées. C'est pour cela que la récitation de Namu Myoho Renge Kyo peut nous aider en établissant et maintenant une connexion avec notre état de bouddha. Cette connexion crée un environnement positif sain qui diminue sensiblement l'énergie des causes négatives et augmente notre capacité de faire face aux difficultés qui surviennent. Par le respect que nous témoignons à notre lieu de pratique personnel, à la lecture des passages du Sutra du Lotus, aux quatre vœux des bodhisattvas, nous constituons également un environnement positif qui pourra nous aider. Les effets (ka) sont les conséquences immédiates d'une activité donnée. Le fait d'agir, de parler et même de penser a un effet immédiat sur nos vies. Parfois il peut être si minime qu'il est difficilement décelable. Cependant, il s'agit là d'un effet initial qui consiste en la plantation d'une nouvelle graine dans la conscience-réservoir et non pas d'une modification notable immédiate dans notre vie consciente. Il est important de noter que tout ce que nous faisons n'a pas forcément un impact instantané sur notre vie de tous les jours, ni même sur notre vie intérieure. Par exemple, nous parlons à quelqu'un de Namu Myoho Renge Kyo et cette personne se contente de dire : "C'est intéressant", puis change de sujet, ce qui paraît être un point final. Sur un plan très profond cette personne aura établi une connexion, bien qu'infime, avec le Sutra du Lotus. Et nous aurons planté en nous une nouvelle graine de bodhisattva en partageant le Dharma avec les autres. Cela viendra éventuellement à maturation en nous permettant de rencontrer d'autres bodhisattvas et de parfaire également notre propre état de bodhisattva. Les rétributions (ho) sont les conséquences ou les résultats de nos actions présentes. Elles se rapportent à des effets à long terme et souvent imprévus. C'est l'éventuelle fructification, sous telle ou telle forme, des graines karmiques que nous avons plantées au plus profond de nos vies. Par rapport aux effets de Namu Myoho Renge Kyo, la rétribution est l'atteinte future de la bodhéité, que le Bouddha Shakyamuni nous garantit dans le Sutra du Lotus. La cohérence* de 1'origine jusqu'à la fin (hon matsu ku kyo to) se réfère à la non-dualité de tous les phénomènes malgré leurs apparences différentes. Même si on peut constater des différences entre les neuf modalités précédentes, au niveau des phénomènes elles sont toutes unies et égales en ce qu'elles sont toutes non-substantielles et ne sont toutes que des manifestations temporaires de la production conditionnée. Une fois de plus, cela signifie que même si chacun des dix mondes-états, de l'enfer à la bodhéité, semble radicalement différent, en réalité tous font partie du même processus de la vie et ne peuvent être séparés les uns des autres. Les dix modalités d'expression de la vie apportent une touche dynamique au tableau que présenteraient sinon les dix mondes et leur inclusion mutuelle (jikkai gogu). De plus, elles montrent à quel point ce dynamisme crée la diversité. Celle-ci est mise en avant, mais sans pour autant éclipser l'unité fondamentale de tous les phénomènes. Cette unité est l'ainsité ou la vacuité de la production conditionnée. Les 1000 éléments que nous venons d'examiner
s'appliquent à l'univers par le truchement des trois domaines de
différenciation (san seken). Ce sont
: Nichiren examine ce point dans le Kanjin no honzon sho (Traité sur l'observation du coeur ) :
Zhiyi a enseigné que ces trois mille mondes-états étaient toujours virtuellement présents dans chaque instant-pensée. Le véritable aspect de la réalité (shoho jisso), dont les 3000 mondes sont simplement des facettes, peut être réalisé en un seul instant d'une claire vision. C'est la réalisation simultanée de la triple vérité (santai) de la non-substantialité (ku), ou unité, de la temporalité (ke), ou les trois mille mondes, et de la Voie moyenne (chu), ou unité des trois mille mondes, en un seul instant-pensée de la production conditionnée. C'est également la transformation des huit consciences qui, expérimentant les 3000 mondes, se transforment en quatre sagesses qui fonctionnent en harmonie avec la sagesse de la pure conscience (amala). Chaque instant-pensée contient la totalité de la réalité à partir du moment où il est irradié par l'Éveil spirituel. l'Éveil à la véritable nature de la conscience à un moment donné s'appelle kanjin dans le bouddhisme Tiantai. Nichiren explique cela dans le passage suivant du Kanjin no honzon sho :
Alors que Zhiyi voyait tout cela de façon théorique et encourageait ses disciples à essayer de s'en pénétrer par la méditation, Nichiren a enseigné qu'ichinen sanzen pouvait être réalisé par la foi dans le daimoku. Il termine le Kanjin no honzon sho par ces mots :
Ichinen sanzen est réellement
le sommet du bouddhisme Tiantai
et la pierre angulaire théorique du bouddhisme nichirenien. Loin
d'être une survivance desséchée du bouddhisme scolastique
chinois, c'est une voie universelle pour voir la vie dans sa richesse,
son dynamisme et sa profonde signification. Cette vision du monde englobe
la non-dualité corps/esprit et la non-dualité sujet/environnement.
Ces deux derniers points mettent l'accent sur l'interdépendance de tout ce qui est et sur le fait que les événements autour
de nous ne sont pas des mécanismes aléatoires dépourvus
de sens. Ayant à l'esprit ichinen sanzen,
nous pouvons voir à quel point la vie est pleine de signification,
remplie des dix mondes-états, se déployant selon les causes
et les conditions que nous mettons nous-mêmes en mouvement. Ce n'est
ni un monde matérialiste ni un théisme dogmatique, c'est
un non-dualisme dynamique. Le cosmos vivant qui respire peut être
pénétré par la pratique de daimoku. Namu Myoho Renge Kyo est le moyen pour mettre ces analyses du monde
en pratique avec tout notre être et non seulement avec notre intellect.
En menant ichinen sanzen à sa pleine
réalisation par la pratique de daimoku, nous pouvons changer notre
relation à nous-mêmes, aux autres et au monde. |
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