Sur
l'établissement des
Quatre Bodhisattvas [comme objet de vénération] Lettres
et traités de Nichiren Daishonin. ACEP - vol. 3, p. 335 ; SG* p. 983. |
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J'ai bien reçu le kimono blanc, le kimono gris, le kesa de la même couleur et un rouleau de pièces de monnaie. Je ne trouve pas les mots pour vous dire à quel point je suis touché par votre dévouement constant. J'espère un jour pouvoir vous rencontrer pour vous exprimer pleinement toute ma gratitude. Dans votre lettre, vous demandez : "Vous enseignez que l'objet de vénération doit être le Bouddha Shakyamuni qui exposa l'enseignement essentiel*, accompagné des quatre bodhisattva Surgis-de-Terre qui sont à ses côtés depuis qu'il atteignit l'Éveil dans le passé gohyaku jintengo*. Mais à quel moment cet objet de vénération doit-il être établi ? " Réponse. Deux mille ans se sont déjà écoulés depuis la disparition du Bouddha. Pendant cette période, le bouddhisme s'est répandu dans le monde entier, en Inde, en Chine et au Japon, si bien que, maintenant, il y a autant de moines que de tiges de riz et de chanvre, et que les enseignements sont aussi foisonnants que des bambous ou des roseaux. Pourtant, aucun temple n'a pris pour objet de vénération le Shakyamuni qui atteignit la bodhéité dans le passé illimité accompagné des bodhisattvas Surgis-de-Terre qui sont ses disciples primordiaux. Dans aucun des trois pays il n'en fut question auparavant. Ceux qui ont fait construire par milliers de temples au Japon ne savaient pas qu'ils auraient dû prendre pour objet de vénération le Bouddha de l'enseignement essentiel* accompagné des quatre bodhisattvas. Même le prince Shotoku (note), lorsqu'il fit construire l'ancien temple Shitenno-ji, le premier temple bouddhique au Japon, prit pour objet de culte le bouddha Amida accompagné de bodhisattva comme Kannon, en y ajoutant des images des quatre Rois du Ciel. Le Grand-maître* Saicho* fit construire le Enryaku-ji, mais il fit enchâsser dans le bâtiment principal une image du bouddha Yakushi* du royaume de l'Est comme objet de culte. Il ne prit pas pour objet de vénération le Bouddha Éveillé depuis un passé illimité et ceux qui n'ont jamais cessé depuis lors d'être auprès de lui. Je n'ai jamais entendu parler d'un objet de vénération de ce genre dans aucun des sept temples principaux de Nara ni dans aucun des temples de province. J'ai à plusieurs reprises éprouvé des doutes à ce sujet, mais, en lisant certains passages du Sutra du Lotus, la raison pour laquelle cet objet de vénération n'a jamais été établi m'est clairement apparue. Il y est précisément interdit d'établir cet objet de vénération tant que l'époque des conflits, celle des Derniers jours du Dharma, n'est pas encore venue. Les fondateurs de doctrine et les maîtres qui sont apparus aux époques du Dharma correct et du Dharma formel n'ont pas établi cet objet de vénération parce qu'ils respectaient l'interdiction du Bouddha. Prendre pour objet de vénération Shakyamuni qui atteignit la bodhéité il y a d'innombrables kalpas ainsi que ses compagnons aurait été aussi inconcevable que l'apparition du soleil en pleine nuit ou celle de la lune en plein jour. Les quatre rangs de saints aux époques du Dharma correct et du Dharma formel ne l'ont pas même mentionné, parce que c'est le bodhisattva Jogyo qui doit apparaître pour l'établir, dans la première période de cinq cents ans de l'époque des Derniers jours du Dharma. Nagarjuna et Vasubandhu le connaissaient dans leur coeur mais ne le révélèrent pas aux autres. Le Grand-maître* Zhiyi* en avait connaissance, mais, parce qu'il était un bodhisattva des enseignements théoriques, il ne l'enseigna qu'en partie, sans en révéler la véritable signification. Ce fut comme le chant d'un coucou que l'on entend faiblement en rêve mais qui s'interrompt brusquement au réveil. Les autres maîtres bouddhistes n'y firent jamais la moindre allusion. Car, au Pic du Vautour le Bouddha Shakyamuni interdit sévèrement à ces fondateurs de doctrine et à ces maîtres, bodhisattvas de l'enseignement théorique, de révéler, même de manière indirecte, l'objet de vénération qui représente le Bouddha Shakyamuni ayant atteint l'Éveil dans le passé illimité et les quatre bodhisattva Surgis-de-Terre conduits par Jogyo l'accompagnant depuis lors. Il le leur interdit pendant les deux mille ans des époques du Dharma correct et du Dharma formel, tant que ne serait pas venue l'époque des Derniers jours du Dharma. Maintenant que nous sommes entrés dans l'époque des Derniers jours du Dharma, si nous voulons vérifier la justesse des paroles d'or du Bouddha, le temps est venu de prendre pour objet de vénération le Bouddha Atemporel et ses compagnons. Parce que notre époque correspond exactement au temps prédit dans le Sutra du Lotus, les bodhisattvas Surgis-de-Terre vont bientôt apparaître et il faudra établir alors l'objet de vénération représentant les quatre bodhisattva. Le moment est maintenant venu. C'est pourquoi le Grand-maître* Zhiyi*, qui aurait souhaité vivre à cette époque des Derniers jours du Dharma, disait dans le Hokke Mongu* : "Au cours de la cinquième période de cinq cents ans, le Dharma Merveilleux se répandra et apportera ses bienfaits pour longtemps à l'avenir."(réf.) Voilà pourquoi aussi le Grand-maître* Saicho* parlait de cette période avec envie en disant : "Les époques du Dharma correct et du Dharma formel sont presque terminées et celle des Derniers jours du Dharma est proche. C'est à ce moment-là que le Véhicule unique enseigné dans le Sutra du Lotus se propagera et prouvera qu'il convient parfaitement aux capacités de tous les hommes."(réf.) D'un point de vue profane, moi, Nichiren, je suis l'être le plus misérable du Japon, mais à la lumière du bouddhisme, je suis la personne la plus fortunée du monde. Cela est dû au temps. Et, en le comprenant, je suis empli d'une telle joie que et ne peux retenir mes larmes. Il m'est impossible de m'acquitter de ma dette de reconnaissance envers Shakyamuni. Même les vingt-quatre successeurs de Shakyamuni me semblent avoir moins de chance que moi, et les bienfaits obtenus par Zhiyi* et Saicho* me paraissent inférieurs aux miens. Car maintenant, le temps est venu d'établir l'objet de vénération représentant les quatre bodhisattvas. Question : Quels textes indiquent-ils qu'il faut prendre ces quatre bodhisattvas comme objet de vénération ? Réponse : Il est dit dans le chapitre Yujutsu* (XV) : "Au nombre de ces bodhisattvas il en est quatre qui guident cette multitude. Le premier s'appelle Jogyo, le deuxième, Muhengyo, le troisième Jyogyo et le quatrième Anryugyo." Question : Y a-t-il des passages de Sutra qui précisent que cet objet de vénération doit être établi exclusivement au cours de la cinquième période de cinq cents ans ? Réponse : On peut lire dans le chapitre Yakuo* (XXIII) : "Dans la cinquième période de cinq cents ans après mon trépas, accomplissez kosen-rufu dans le monde entier et ne laissez jamais son flot tarir."(réf.) D'après votre lettre, les gens proches d'Ota Jomyo disent que l'enseignement théorique* à l'époque des Derniers jours du Dharma ne permet pas de parvenir à l'Éveil et devrait, par conséquent, être rejeté. Ils commettent une grave erreur. Souvenez-vous bien de ceci : il faut faire la distinction entre l'enseignement théorique* et l'enseignement essentiel*, entre ce qui est superficiel et ce qui est profond, ce qui est supérieur ou ce qui est inférieur, ce qui doit être réfuté avec sévérité ou accepté avec indulgence, ce qui est primordial ou ce qui est secondaire ; et tout cela doit être évalué en fonction du temps et des capacités des gens. La propagation des enseignements sacrés exposés par le Bouddha de son vivant se divise en trois périodes, de même que les capacités des gens. Dans la première période de cinq cents ans qui suivit la disparition du Bouddha, celle du Dharma correct, l'enseignement du Hinayana est le seul à se répandre ; tandis que dans la seconde période de cinq cents ans, à l'époque du Dharma correct, ce sont les enseignements du Mahayana provisoire* qui se sont propagés. Les mille ans de l'époque du Dharma formel voient l'émergence de l'enseignement théorique* du Sutra du Lotus. Au commencement de l'époque des Derniers jours du Dharma, seul l'enseignement essentiel* se propage. Mais, même si c'est l'époque de l'enseignement essentiel*, il n'est pas pour autant nécessaire de rejeter l'enseignement théorique*. Aucun passage, dans le Sutra du Lotus, ne stipule qu'il faut rejeter les quatorze premiers chapitres qui constituent l'enseignement théorique*. Si l'on examine l'enseignement théorique* et l'enseignement essentiel* du Sutra du Lotus en utilisant la classification en trois périodes couvrant l'ensemble des enseignements sacrés du Bouddha, on comprend que les enseignements provisoires, antérieurs au Sutra du Lotus doivent se propager à l'époque du Dharma correct ; que l'enseignement théorique* doit se propager à l'époque du Dharma formel ; et que l'enseignement essentiel* du Sutra du Lotus doit se répandre à l'époque des Derniers jours du Dharma. De nos jours, la pratique de honmon est primordiale et la pratique de shakumon, secondaire. Toutefois, ceux qui, pour cette raison, rejettent l'enseignement shakumon en disant qu'il ne permet pas l'Éveil et croient exclusivement à l'enseignement honmon n'ont pas compris le véritable enseignement de Nichiren. Leur vision est totalement faussée. Cette conception des enseignements théorique* et essentiel* n'est pas de mon invention mais fut explicitée par le Bouddha. Ceux qui dénaturent ce principe important ne peuvent qu'être possédés par le Démon du sixième Ciel et précipiteront les autres avec eux dans la grande citadelle de l'enfer avici. Comme c'est regrettable ! Transmettez clairement aux autres ce que je vous enseigne depuis de nombreuses années. Ceux qui se considèrent comme mes disciples doivent pratiquer le Sutra du Lotus comme le fait Nichiren. Si vous le faites, vous serez immanquablement protégés par les bouddhas Shakyamuni, Taho, tous les bouddhas des dix directions aussi bien que par les dix Filles-démones. Pourtant, j'ai du mal à comprendre ce qui est arrivé à certains proches d'Ota Jomyo. La manière dont est mort le moine Nichigyo est véritablement regrettable. Ici, sur le Mont Minobu, j'ai lu le Sutra du Lotus et récité Namu Myoho Renge Kyo pour lui, en priant sincèrement pour que Shakyamuni, Taho et tous les bouddhas des dix directions le reçoivent dans la Terre pure sur le Pic du Vautour. Je n'ai pas encore totalement retrouvé la santé, je serai donc bref. Je vous écrirai encore par la suite. Avec mon
profond respect, Le dix-septième jour du cinquième mois de la deuxième année de Koan [1279]. ARRIERE-PLAN
- Cette lettre fut adressée à Toki Jonin, un intendant
du puissant clan des Chiba à Shimosa, le 17 mai 1279, alors que
Nichiren Daishonin était âgé de cinquante-huit ans.
Nichiren Daishonin s'était retiré au Mont Minobu cinq
ans plus tôt. Grâce aux sincères efforts de Nikko
Shonin, la propagation de son bouddhisme avait rapidement progressé,
notamment dans la région d'Atsuhara, près du Mont Fuji.
De nombreux pratiquants d'autres écoles bouddhiques s'étaient
convertis à l'enseignement de Nichiren Daishonin. Cela avait
suscité, dans la région, de l'hostilité envers
ses disciples qui furent ensuite harcelés par les autorités.
Pour la première fois, des persécutions officielles d'une
grande ampleur étaient dirigées contre de simples croyants
et non contre Nichiren Daishonin lui-même. Voyant ses nouveaux
convertis résolus à rester fidèles à leur
croyance, même au péril de leur vie, Nichiren Daishonin
décida que le temps était venu d'inscrire le Dai-Gohonzon,
ce qu'il fit le 12 octobre 1279, accomplissant ainsi le but de sa venue
en ce monde. En anglais : Establishing the Four Bodhisattvas
as the Object of Worship ou - http : //www.sgilibrary.org/view.php?page=976&m=1&q=Four%20Bodhisattvas |
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