Nos vies semblent n'être qu'un mouvement constant
d'oscillations entre joie et angoisse, entre plaisir et souffrance.
Nos lointains ancêtres se sont assurément déjà
demandé "pourquoi ?" Pourquoi la douleur suit-elle
le plaisir, et le plaisir suit-il la douleur dans un cycle apparemment
sans fin ? Pourquoi les bons souffrent-ils et les méchants prospèrent
? Qu'est-ce qui fait que nous soyons nés dans cette vie si aléatoire
et si injuste ? Pour répondre à ces questions et trouver
une consolation, les sociétés primitives ont créé
la religion, puis la philosophie.
Autrefois, dans les premiers millénaires avant notre ère,
un homme est né, prince d'un petit royaume tribal, dans le sous-continent
indien. Cet homme dont nous analyserons ici la vie et les enseignements
s'est "éveillé" c'est-à-dire a eu une
perception directe des causes et de la nature de tous les aspects de
la vie humaine, y compris de la souffrance. Pour cela il fut appelé
Bouddha, ce qui signifie l'Éveillé. Dans sa compassion,
il s'est fixé comme but de partager son Éveil avec toute
l'humanité pour que nous puissions tous parvenir à son
Eveil et en finir avec les effets douloureux de la vie. De ce
point de vue, le bouddhisme ressemble aux autres religions ou philosophies,
mais il recèle des différences importantes.
Au lieu de chercher les causes de la souffrance dans les agissements
impénétrables d'une puissance supérieure, le bouddhisme
en donne une explication réaliste et logique en reliant les conditions
de vie à la loi de causalité. A l'inverse des religions
qui promettent la fin des souffrances dans quelque paradis mythique
après la mort, le bouddhisme enseigne le moyen d'en finir avec
la souffrance dès cette vie. En bref, au lieu de postuler un
Être Suprême capable de faire cesser la souffrance, le Bouddha
a enseigné que tous les êtres avaient la potentialité
de développer cette capacité et qu'ils étaient
responsables de l'activation de ce potentiel. Cet enseignement a attiré
au Bouddha de nombreux disciples, dès son existence ici-bas.
La promesse de supprimer la souffrance sans compter nécessairement
sur les êtres mythiques (et parfois capricieux) est une idée
puissante.
Le Bouddha, dans sa sagesse, s'est rendu compte du fait qu'un enseignement
unique était peu susceptible d'être efficace pour un si
grand nombre d'individus disparates. Pour aider chacun à atteindre
l'idéal bouddhique, il a enseigné à différents
groupes, selon les demandes et l'ouverture d'esprit qui leur étaient
propres. Cela explique que les sermons du Bouddha semblent parfois contradictoires.
Regardant cela de loin, avec le recul de quelque 2500 ans, on aurait
tendance à oublier que le Bouddha aidait des groupes fort dissemblables,
ayant des besoins et des capacités de compréhension très
différents, à parvenir au même niveau de réalisation.
Il faut également tenir compte du fait que les enseignements
du Bouddha n'ont pas eu de support écrit pendant plusieurs siècles
après sa mort. Les détenteurs de ces sutras
(enseignements) ont certainement eu la tendance à en édulcorer
les thèmes. Ces deux faits ont eu comme conséquence inévitable
des différences doctrinales entre les disciples des différents
sutras. Bien que le Bouddha ait conduit différentes personnes
à une même compréhension par des enseignements différents,
chaque lignée s'est mise à propager son propre enseignement,
sans égard au fait que ses destinataires puissent en concevoir
une compréhension entièrement différente du but
initialement prévu. C'est ainsi que les différentes lignées
en vinrent à diverger et se sont, par la suite, constituées
en écoles antagonistes.
Le Dharma merveilleux (ou Vérité)
du Sutra du Lotus
s'est constitué au moment où commençaient à
apparaître les divergences entre les enseignements. Le sutra d'introduction,
ou Sutra aux Sens Infinis,
déclare d'emblée que le Bouddha a enseigné différentes
choses à différentes personnes avec l'intention de les
mener à la même réalisation. Puis le Sutra du Lotus continue, en l'explicitant, et indique les raisons de cette
diversité. Il va même au-delà d'une simple mise
au point. Certaines écoles s'étaient mises à enseigner
que des personnes différentes avaient différentes potentialités
spirituelles ; ainsi seules certaines personnes seraient capables d'atteindre
la bodhéité, les autres devant se satisfaire de buts
moins élevés. C'était en contradiction totale avec
l'intention du Bouddha, celle d'apporter l'Éveil à tous
les êtres vivants. C'est cette intention primordiale qui est vigoureusement
réaffirmée dans le Sutra du Lotus. Il enseigne
qu'absolument tout ce qui vit a la potentialité de parvenir à
la bodhéité. La "nature de bouddha", c'est
notre capacité de devenir pleinement conscients de la véritable
nature de notre vie et de voir les choses exactement telles qu'elles
sont. Parvenus à cette pleine conscience, nous sommes en mesure
d'agir avec sagesse afin de soulager aussi bien nous-mêmes que
les autres. C'est ce qui nous éveille à la loi de la causalité
gouvernant toute chose (nous en reparlerons plus loin). Nous pouvons
dès lors prendre le contrôle de notre vie, en assumant
la responsabilité de nos actes. Au lieu de nous contenter de
réagir aux circonstances qui nous paraissent être en dehors
de tout contrôle, nous pouvons relever n'importe quel défi,
de façon créative, par l'action la mieux adaptée
à chaque situation.
Le Bouddha Shakyamuni
Le Sutra du Lotus nous enseigne que la vie
d'un bouddha dépasse notre manière habituelle de penser
et qu'elle se situe au-delà de la vie et de la mort. Le Bouddha
Shakyamuni est en réalité le Bouddha Atemporel toujours
présent en nos vies et nous conduisant au jaillissement de notre
propre nature de bouddha. Cela signifie que Shakyamuni a pleinement
réalisé pour lui-même la nature causale de sa propre
vie. Il a ainsi cessé d'identifier sa vie avec les phénomènes
éphémères par lesquels nous mesurons habituellement
nos vies. Il n'était plus limité par les conditions de
son corps ou par les états d'esprit passagers, parce qu'il savait
que toute vie, y compris la sienne, est l'expression de "tout ce
qui a jamais été et de tout ce qui jamais ne sera".
Bien qu'il ait été un être humain, tout comme nous,
il est parvenu à la conscience totale du processus dynamique
de causalité qui unit toutes les choses en tant que vérité
universelle qui transcende les phénomènes par essence
éphémères. En nous appuyant sur les enseignements
du Sutra du Lotus, nous pouvons dire que la véritable
nature atemporelle de la vie du Bouddha est une activation de notre
propre nature atemporelle. En tant que personnage historique, Shakyamuni
a montré par sa propre vie comment appliquer la sagesse et la
compassion qui jaillissent de la nature de bouddha. Même maintenant,
l'esprit de l'Éveillé incarné dans le Sutra
du Lotus continue à nous guider vers la réalisation
de notre potentiel.
Le Bouddha est né il y environ 2500 ans dans un petit royaume
tribal gouverné par le clan Shakya,
situé dans ce qui est maintenant le Népal méridional.
Son nom de famille était Gautama
qui signifie "Vache Supérieure" et fait référence
au statut aristocratique de sa famille. Son prénom aurait été
Siddhartha, "But atteint". Le
jeune prince Siddhartha grandit dans l'aisance
matérielle. Cependant, malgré les efforts de son père,
le roi Suddhodana, de protéger son
fils des dures réalités de la vie, celui-ci était
douloureusement conscient des limites des plaisirs et privilèges
de la vie. Sa prise de conscience du destin tragique inévitable
de l'humanité est relatée dans la légende des quatre
rencontres.
Décidant de franchir les limites de son palais, il partit dans
un char faire le tour de son royaume. Il rencontra tout d'abord un vieillard
décrépi, ridé et courbé par les ravages
du temps. Son aspect troubla profondément Siddhartha.
Il demanda au conducteur de son char si c'était là un
cas isolé ou si tout le monde était destiné à
devenir vieux. Le conducteur expliqua au prince la vieillesse et dit
: "C'est notre lot à tous".
Le prince fit d'autres sorties de son palais et chaque fois il fut confronté
à d'autres aspects de la souffrance. La rencontre suivante fut
celle d'un homme terrassé par la maladie.
Puis ce fut un mort sur qui se lamentaient ses proches et ses amis.
Et chaque fois son conducteur disait : "C'est notre lot à
tous".
La dernière rencontre fut celle d'un moine-mendiant. Le conducteur
dit à Siddhartha que cet homme avait
renoncé à son statut de maître de maison afin de
trouver la paix et de dépasser les souffrances de la vie. Siddhartha
sut alors que c'était là le chemin qu'il lui fallait suivre.
A quoi bon pouvait être une vie dans un palais si elle ne préservait
pas de la vieillesse, de la maladie et de la mort ? Plutôt que
de vaincre des royaumes, Siddhartha décida
qu'il vaincrait la souffrance. Et ce serait une victoire pour tous.
La nuit même, il quitta son palais pour devenir moine. Il n'y
reviendrait pas avant d'avoir vaincu la vieillesse, la maladie et la
mort.
Siddhartha mena la vie d'ascèse
des moines ermites pendant six ans. Il espérait qu'une vie de
renoncement à soi et de discipline sévère lui donnerait
la clé de son questionnement. Toutefois, au bout de six ans,
son corps était affaibli au point de frôler la mort, sans
qu'il se soit le moins du monde approché de son but. Siddhartha
comprit alors que le déni de soi était, tout autant que
l'indulgence pour soi, un obstacle à l'Éveil. Providentiellement,
une fille du village, appelée Sujata,
lui sauva la vie en lui offrant du riz bouilli. Il découvrit
alors la valeur de la Voie du milieu.
De même que les cordes d'un instrument de musique ne doivent être
ni trop tendues ni trop lâches pour produire un son, la pratique
spirituelle ne doit être ni trop laxiste ni trop sévère
pour être efficace. Le temps était enfin venu pour Siddhartha
de réaliser son but. Ayant recouvré sa santé, il
partit s'asseoir au pied d'un arbre
pippal et entra en méditation.
Libéré de ses doutes, de ses distractions et inhibitions
inconscientes, Siddhartha eut une vision
de plus en plus claire de la condition humaine, en commençant
par sa propre vie. Il retrouva tous les événements de
ses existences passées et put voir les causes et les conditions
qui l'avaient mené à l'arbre bodhi sous lequel il atteignit
la bodhéité (bodhi signifie
Éveil). Sa conscience se porta alors sur tous les êtres
sensitifs et il vit également comment leurs vies étaient
régies par les causes et les conditions mises en marche par ces
êtres eux-mêmes. Finalement il contempla la chaîne
causale qui fait que toute chose existe et par laquelle les êtres
sensitifs forgent leur propre destin. Il comprit que tous ces êtres
qui souffrent dans le cycle de la vie et de la mort sont pris au piège
de leur ignorance, ce qui les pousse à la poursuite de désirs
égoïstes. Siddhartha sut alors
que toute douleur était due à la mésinterprétation
de la véritable nature de la réalité. Alors que
la nuit s'achevait et que le ciel montrait les premiers signes de l'aube,
Siddhartha s'éveilla à la
Vraie nature de la vie. A partir
de cet instant, il fut connu comme le Bouddha Shakyamuni, le Sage du
clan Shakya. Il résolut de transmettre
ce qu'il avait découvert pour le salut de tous les êtres
vivants.
Pendant quarante ans, le Bouddha a sillonné l’Inde, enseignant
les hommes selon leurs aptitudes à comprendre. Progressivement
il parvint à développer la sagesse et la perspicacité
de ses disciples jusqu'à ce qu'ils soient prêts à
recevoir son enseignement le plus élevé, le Dharma Merveilleux du Sutra de la Fleur de Lotus. Il mourut à 80 ans dans
le bosquet de shala, entouré
de nombreux disciples.
La loi de la cause et de l'effet
Regardons maintenant de plus près la loi de causalité,
car elle est au centre de la découverte du Bouddha. Cette loi
est parfois appelée karma, terme
qui ne signifie nullement destin, bien qu'il soit souvent interprété
dans ce sens. Ce terme signifie "actes" ou "faits"
et se réfère à la manière dont nos vies
sont charpentées par ce que nous faisons. D'un point de vue plus
général, la loi de causalité explique comment tous
les phénomènes apparaissent et disparaissent en tant qu'expression
des actions et de leurs conséquences. Tous les phénomènes
qui existent, depuis les hommes et les planètes jusqu'aux particules
subatomiques et états d'esprit, sont les effets des causes précédentes
et produiront, à leur tour, des causes qui provoqueront des effets
futurs. Comprendre ce processus, c'est réaliser que rien n'existe
indépendamment de ces causes et conditions, et que rien ne possède
quelque existence permanente que ce soit. De la sorte, tout ce qui existe
n'est qu'un support momentané et un élément interdépendant
dans le flux dynamique de la chaîne causale. Cela signifie également
que tout ce que nous cherchons à nous approprier n'est qu'un
élément de cette chaîne, qui glisse invariablement
de nos mains, ne nous procurant aucune des satisfactions que nous en
escomptions.
Prenons, par exemple, une grappe de raisin. Il y a quelques années,
alors que je conduisais à travers des vignobles, j'ai été
frappé par l'idée que chaque grappe est la transformation
du sol, de l'eau de pluie, de la lumière du soleil et d’une
graine initiale dont aucune ne permet de penser qu’elle ressemblera
à une grappe de raisin. En termes de causalité, la graine
est la cause, la grappe est l'effet et porte en elle la graine qui sera
la cause de futures grappes. En termes de cause et condition, la graine
est toujours la cause, alors que le sol, l'eau de pluie et la lumière
du soleil sont les conditions qu'on peut appeler aussi causes contributives.
En outre, chacun de ces grains de raisin était destiné
à disparaître dans le procédé de vinification
et devenait ainsi la cause de quelque chose qui pouvait éventuellement
devenir un élément du corps humain. Ce raisin pouvait,
tout aussi bien, se décomposer sur la vigne et contribuer ainsi
à la formation du sol. Il pouvait encore être séché
ou bien être consommé tel quel, devenant ainsi source de
nutrition.
Bien sûr, le raisin est seulement un exemple. La loi de causalité
est universelle et s'applique à tous les phénomènes.
Le processus de cause et effet est inhérent à toute chose
et toute chose n'est qu'un instant événementiel dans la
chaîne causale. Nous ne sommes pas en dehors de ce processus,
nous y contribuons de la même manière que tout ce qui est.
Cependant, à la différence des objets inanimés
et des êtres vivants qui n'ont pas une conscience de soi, nous
créons nous-mêmes les causes qui vont déterminer
la sorte de vie qui nous apportera joie ou souffrance. Le Bouddha nous
a enseigné que ce que nous sommes aujourd'hui est le résultat
de ce que nous avons pensé, dit ou fait dans le passé
et que notre avenir sera le résultat de ce que nous pensons,
disons ou faisons dans le présent.
Malheureusement, nous nous emprisonnons dans un cercle vicieux de souffrances
en n'identifiant pas la nature causale et impermanente de toute chose.
Nous ne réalisons pas de quelle manière nous mettons en
marche les diverses causes qui détermineront, le cas échéant,
le déroulement de notre vie. Dans nos tentatives d'obtenir ce
que nous croyons devoir nous procurer une plénitude permanente,
cette ignorance nous fait agir d'une manière qui est loin d'être
bénéfique, tant pour nous que pour les autres. Tout le
monde connaît le proverbe "on ne récolte que ce que
l'on sème". Mais qui d’entre nous est réellement
sûr que toutes ses paroles, ses actions et même ses pensées
sont telles qu’il aimerait les voir lui revenir en miroir, venant
de personnes, de lieux ou d’événements de la vie
quotidienne ? La plupart du temps, nous agissons sans réfléchir
réellement aux conséquences de nos actes. Ainsi, beaucoup
de personnes sont seules et à la recherche d'une compagnie, mais
bien peu se demandent si elles cultivent les qualités qui les
rendront vraiment attrayantes pour les autres. Au lieu de cela, elles
se plaignent de leur solitude, de la froideur des autres ou incriminent
la difficulté de rencontrer la bonne personne dans un quelconque
bar. De la sorte ces personnes deviennent plus anxieuses, frustrées
et déprimées, ce qui les rend moins attirantes aux yeux
des autres. Même si elles réussissent à trouver
quelqu'un, elles ont souvent des espérances si peu réalistes
qu'elles finissent par rompre avec la personne dont elles attendaient
précédemment la réalisation de leurs rêves.
Ballottés entre ce que nous croyons vouloir et nos espérances
de voir se réaliser nos désirs irréalistes, il
n'est pas étonnant que nous finissions par créer des causes porteuses de souffrances futures.
Le Sutra du Lotus et les Trois grands Dharmas
cachés
De quelle manière le Sutra du Lotus peut-il
nous aider à mieux comprendre la loi de causalité ? La
réponse à cette question se trouve dans le titre même
du Sutra. Le lotus symbolise l'unité de la cause et
de l'effet, car ses fleurs et ses graines coexistent en même temps.
Puisque les moyens et les buts sont inséparables, les causes que nous créons par nos pensées, nos paroles et nos actions
déterminent immédiatement la nature des effets qui en
découleront. En créant la cause qui consiste à
garder le Sutra et par là parvenir à l'Éveil,
nous nous en assurons simultanément l'effet.
Le lotus symbolise également la pureté de la bodhéité qui se développe au milieu de nos vies ordinaires, tout comme
les fleurs du lotus dans une eau boueuse. Convenons que chacun se perçoit
en tant que personne ordinaire avec des combats et des ennuis ordinaires,
et ne se ressent pas comme une personne dotée de qualités
particulièrement vertueuses. Chacun estimera peu probable de
développer la vue et la compassion du Bouddha. Cependant, d'après
le Sutra du Lotus, nous pouvons manifester ces qualités
par la foi en nos capacités d'atteindre
la bodhéité et plus encore par la foi en la présence
dynamique dans nos vies de la bodhéité en tant qu’esprit
d'Éveil - aspiration à la bodhéité (bodhicitta). Dès que nous nous fions
au Sutra du Lotus, nous pouvons constater qu'au milieu de notre
routine quotidienne, nous pouvons agir avec plus de bon sens et de compassion.
Pour notre bonheur, Nichiren a mis à la disposition de toute personne une méthode pour
comprendre et mettre en pratique le véritable enseignement de
Shakyamuni. Il a enseigné trois principes de base qui s'appuient
sur les vérités essentielles cachées dans les profondeurs
du Sutra et appelées "Les Trois grands Dharmas
cachés". A partir de ces principes, il a établi une
pratique simple et pourtant profonde, accessible à tous. Ce sont
:
1 - L'objet essentiel de vénération (Gohonzon)
qui est la vie du Bouddha Atemporel présente en toute chose.
Le Sutra du Lotus enseigne que l'Éveil de Shakyamuni n'a pas commencé sous l'arbre bodhi et ne s'est pas achevé
dans le bosquet shala. Comme la vraie nature de la réalité
dont il est une expression, l'Éveil du Bouddha n'a ni début
ni fin. Il est "non-né" et "non-mort", et
donc "éternel". La bodhéité est contenue
en nous-mêmes, en tant que potentiel toujours présent,
et en même temps elle englobe notre vie en tant qu'influence spirituelle
et action des bouddhas qui œuvrent sans discontinuer à nous
éveiller. Le Bouddha éternel se manifeste sous la forme
du Bouddha historique, Shakyamuni, en même temps que sous la forme
du Bouddha idéalisé de la Terre
pure du Pic du Vautour du Sutra du Lotus et, de même,
sous la forme de la Véritable
nature de la réalité. A travers le Sutra du Lotus,
qui est un texte concret, un profond enseignement ainsi qu'une pratique
immédiate, nous pouvons visiblement et directement nous relier
à la présence spirituelle et à l'influence du Bouddha
éternel.
2 - Le grand Titre (Daimoku)
- en sino-japonais, le nom du Sutra du Lotus est Myohorengekyo et les cinq caractères qui le composent
sont par eux-mêmes le noyau des enseignements de Shakyamuni et
l'expression de l'essence du Sutra du Lotus. Et puisque ces
cinq caractères incarnent l'essence de l'enseignement du Bouddha,
ils nous permettent de concentrer notre esprit et notre coeur sur ce
que cet enseignement a de plus élevé.
Lorsqu'on ajoute au Titre Namu, qui signifie "se consacrer à", on obtient Namu Myoho Renge Kyo, ou "Dévotion
à la Vérité merveilleuse de la Fleur de Lotus".
Selon Nichiren, la récitation du grand mantra
Namu Myoho Renge Kyo nous permet de développer notre confiance dans l'éternel
Bouddha et d’ouvrir nos vies à tous les bénéfices
et qualités de la bodhéité.
Pour mieux saisir ce qu'est Namu Myoho Renge Kyo,
voyons de plus près ce qu'exprime chacun de ses cinq caractères.
Namu vient du sanskrit
"namas", qui peut se traduire
par "je me dévoue à" ou bien "je prends
refuge en". C'est l'affirmation selon laquelle, lorsque les autres
méthodes de travail sur soi pour atteindre le bonheur se sont
avérées insuffisantes, nous en venons à reconnaître
que le bonheur authentique se trouve dans le Dharma.
Myoho signifie Vrai Dharma
(enseignement) ou Dharma Merveilleux qui explicite la dynamique de la
vie et sa nature profonde d'interdépendance, où tout ce
qui existe relève de la transformation et du support mutuels.
Ce que nous appelons "nature de bouddha" est la potentialité
inhérente à toute vie de découvrir et de réaliser
sa propre nature profonde.
Renge désigne la
fleur du lotus. C'est l'image du fonctionnement du Dharma en ce que
le lotus symbolise l'unité de la cause et de l'effet et, en ce
qui nous concerne, l'unité de l'aspiration à la bodhéité et sa réalisation. C'est également l'image de la pureté
de la bodhéité qui fleurit au milieu du marécage
de la vie quotidienne.
Kyo, ce sont les "sutras"
ainsi qu'on appelle les écritures bouddhiques. A l'origine, "sutra"
désignait la trame d'un tissu, puis la trame d'un discours. Ici,
il s'agit de tous les enseignements du Bouddha qui trouvent leur apogée
dans le Sutra du Lotus. Dans un sens plus large, comme tous
les phénomènes manifestent les enseignements du Bouddha,
ce sont tous les phénomènes qui peuvent être considérés
comme des enseignements et des manifestations de la vérité
du Sutra du Lotus. La récitation de Namu Myoho Renge Kyo est ainsi l'expression verbale de l'élan
qui nous porte vers la bodhéité. C'est également
l'affirmation de notre foi en notre nature de bouddha qui peut être
activée et revivifiée à tout moment. En ce sens,
c'est la graine de l'Éveil dans notre propre vie et dans la vie
des autres. Plus nous cultivons cette graine par notre pratique, plus
nous développons notre idéal. Qu'il soit bien clair que
la récitation mantraïque de Namu Myoho Renge Kyo est autre chose que la version bouddhiste de "abracadabra"
ou la répétition à vide de syllabes sino-japonaises,
bien qu'elle puisse éventuellement être réduite
à cela. Namu Myoho Renge Kyo peut
paraître peu de chose, mais même une clef minuscule peut
ouvrir un immense trésor, et Namu Myoho Renge Kyo est précisément une telle clef. C'est
en même temps la graine et le fruit de tous les enseignements
du Bouddha. Dans un premier temps, c'est la possibilité de prendre
une distance par rapport à nos angoisses en se tournant vers
le Dharma Merveilleux, source de bienfaits authentiques et mise en lumière
d'opportunités de la réalisation de soi. A mesure que
notre Éveil et notre compassion s'approfondissent par la pratique,
la récitation du Grand Titre (Daimoku)
commence à exprimer spontanément notre désir de
bodhéité pour nous-mêmes et pour les autres. Daimoku peut aussi devenir une façon de formuler un profond changement,
une réorientation du coeur, par laquelle nous tournons le dos
à notre malencontreux égocentrisme et nous dirigeons vers
le Vrai Dharma. Enfin, cette récitation réunit dans l'expression
de notre foi toute notre gratitude à l'égard du Dharma
et apporte la joie en nous menant à l'océan de l'Éveil
parfait et universel de tous les êtres.
3. L'Estrade des préceptes (kaidan).
On considère comme kaidan tout lieu
où est récité daimoku en basant sa vie sur l'esprit de l'enseignement du Bouddha Shakyamuni.
Historiquement, le kaidan était
l'endroit où l'on prononçait publiquement les vœux
d'adhésion au bouddhisme en tant que membre du clergé. Nichiren a universalisé le concept du kaidan
pour que tous puissent garder les enseignements essentiels et pratiquer
le Sutra du Lotus en tout lieu, en récitant Namu Myoho Renge Kyo. Dans le bouddhisme de Nichiren, il n'y a pas
de différence fondamentale entre les moines et les laïcs.
Par rapport à la foi, ils sont égaux et seules leurs fonctions
diffèrent. D'ailleurs, la pratique du bouddhisme Nichiren ne
demande pas de vivre dans un monastère, ni même de faire
des retraites intensives. C'est une pratique qui peut être faite
en tout lieu et à tout moment, en famille ou en solitaire. L'important
est que, quel que soit votre lieu de pratique, il devienne pour vous
le kaidan. Afin de mettre ces Trois grands
Dharmas cachés en pratique, les bouddhistes nichiréniens
récitent régulièrement des passages choisis du Sutra du Lotus et "font daimoku" (récitent
le mantra) au début et à la fin de chaque journée
devant le Gohonzon (généralement
représenté sous la forme d'un mandala calligraphié). Par cela nous nous rappelons à nous-mêmes
que le Bouddha éternel Shakyamuni, présent spirituellement
en nous par ce daimoku, est en train de nous transmettre le Dharma,
si bien que nous sommes en mesure de nous éveiller à tout
moment à la Vérité. En suivant fidèlement
les enseignements et la pratique, les bouddhistes nichiren sont de plus
en plus en mesure de créer des causes qui leur permettront de
manifester une parfaite sagesse et une grande compassion bouddhique
en toute circonstance. C'est cela qui leur permet de transformer non
seulement leur propre vie, mais également la vie des autres pour
que ce monde cesse d'être un monde de souffrances et devienne
un monde pur de paix et de tranquillité.
La loi de causalité est à la base de toutes les formes
de bouddhisme. Le concept de "nature de bouddha" est propre
au bouddhisme du Mahayana dont
nous parlerons plus loin. Toutes ces notions trouvent leur apogée
dans les Trois grands Dharmas cachés, noyau du bouddhisme de
l'école Nichiren (Nichiren Shu). Dans la suite du livre, nous y reviendrons à maintes
reprises. Et chaque fois leur signification et leur importance seront
mises en lumière par les enseignements de Shakyamuni. Pour finir,
nous les examinerons sur un plan beaucoup plus profond.