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The Journal of
Nichiren Buddhist Studie
s

Issue 04-17

 

 

Comment les disciples de Nichiren ont été influencés
par le Gohonzon qu'ils ont reçu et
le moji-mandala / le honzon tridimensionnel
.
 

Essai de Ken Mandara,
L'atelier d'étude du mandala de Nichiren

https://www.academia.edu/35158923/

 

Voir l'exposition de Ken Manfdara sur Nichiren

Résumé 

Bien que dans les différentes phases de sa prédication Nichiren ait offert un mandala calligraphique à chacun de ses disciples ainés et puinés, il a gardé toute sa vie une statue de Shakyamuni.  Celle-ci a été  enchâssée à Minobu ainsi qu'à un grand Gohonzon, aujourd'hui conservé au Josaizan Sogen-ji à Mobara. L’usage veut que les temples au Japon aient une salle principale et une "salle des images" dédiée à son bouddha principal. Au départ le Kuon-ji  ne pouvait pas se permettre le luxe d'avoir plusieurs bâtiments, il n'est donc pas tout à fait clair quel était le honzon principal adopté à l'époque. Il est certain que de nombreux croyants laïcs faisaient un pèlerinage périlleux sur le site afin de recevoir leur mandala calligraphique.

Cet article analyse comment différents disciples ont perçu la transmission de Nichiren en créant leurs propres écoles basées sur le Gohonzon qu'ils ont reçu et la période particulière à laquelle il a été inscrit pour eux. Certains cas sont assez évidents, comme celui d'Izumi Ajari Nippo qui a reproduit des mandalas avec les mêmes inscriptions que celles que Nichiren avait placées sur le Gohonzon qu'il a reçu. Nippo a également été en contact avec les croyants laïcs qui ont reçu le plus grand mandala jamais inscrit par Nichiren, composé de 28 feuillets et qui comporte les mêmes références au Sutra du Lotus. Les cas de Nichiro et Nikko sont plus nuancés pour plusieurs raisons.

Il semble toutefois évident que les principaux disciples aînés aient reçu leur Gohonzon dès l'ère Bun'ei, alors que d’autres aient reçu leur Gohonzon soit à l'ère Kenji, soit surtout à l'ère Koan. Après la mort de Nichiren, ses successeurs adoptèrent soit le mandala calligraphique, soit divers regroupement de statues, débattant parfois âprement du type de Gohonzon à adopter dans l'école de Nichiren.

Nous nous attachons à décrire et analyser les différents formats de honzon dans un esprit ouvert, non sectaire tout en essayant d'harmoniser les différents points de vue. On peut affirmer que Nichiren considérait l'enseignement du Lotus comme la "parole" du Bouddha éternel qui se manifeste au le moment où l'humanité s'est détachée du monde animal et est devenue consciente d'elle-même. Nichiren savait sans doute que le Sutra du Lotus était le résultat de plusieurs traducteurs, compilateurs, penseurs et philosophes qui ont effectué des ajouts jusqu'à l'ultime version du Sutra du Lotus. Cependant, il considérait le texte canonique comme définitif et parfait, presque comme un refrain qui résume l’Éveil parfait dans une magnifique harmonie.

Les références à la série "The Mandala in Nichiren Buddhism" (vol. 1-3) sont abrégées en MNB,
Les Écrits de Nichiren du Showa Teihon Nichiren Shonin Ibun sont abrégés en STN et "Writings of Nichiren Daishōnin"  en WND


Mandalas accordés aux six disciples principaux

Malheureusement, il n'existe pas aujourd'hui de corpus regroupant les six parchemins explicitement dédiés à chacun des six disciples ainés. Cependant, trois des six parchemins ont été spécifiquement attribués à Nissho, Nitcho et Niko, tandis que les destinataires des autres parchemins étaient évidemment Nichiro, Nikko et Nichiji, en ce qui concerne ce dernier il s'agit malheureusement d'une copie non certifiée. Nichiro a apposé sa signature sur deux parchemins et aurait reçu un grand Gohonzon (n° 18), le deuxième plus grand jamais produit, et tout à fait exceptionnel par la présence du Mahavairochana ésotérique des mondes Taizokai et Kongokai. Bien que cela ne soit pas directement spécifié, on pense que Nikko a reçu un autre mandala spécifique (n° 16), sur lequel Nichiren fait allusion à son identité de bodhisattva Visistacaritra*.

Ben Ajari Nissho

Le premier et plus ancien disciple de Nichiren était Ben Ajari Nissho resté le plus longtemps à ses côtés. En tant que représentant de Nichiren à Kamakura, il s'est occupé du sangha local avec Daishin Ajari Nisshin et Sanmi-bo Nichigyo, à qui Nichiren n'a cependant pas accordé de Gohonzon. Nissho a reçu à la fois un mandala de prière personnel (n° 37) et un grand rouleau (n° 101), connu sous le nom de Gohonzon-Transmission de la Loi (Denpō). Nissho a inscrit au moins deux mandalas de format similaire (MND:3). Le premier parchemin, de dimensions 924×512mm et composé de trois feuillets, a été inscrit le quatrième mois de 1295 et conservé au Tamazawa Myōhokke-ji. Le second Gohonzon, mesurant 1142×442 mm et composé de quatre feuillets, est daté du sixième mois de 1333 ; il est conservé au Kumogane Myohon-ji. Fudo et Aizen ont probablement été découpés. Nissho a adopté le format Nichiren de l’ère Koan, mais a omis les mondes inférieurs représentés par le Chakravartin, le roi Ajase, le roi Ashura, le roi Dragon et Devadatta.


A gauche : le mandala de Nissho conservé au Kumogane Myohon ; à droite : le Gohonzon Denpo inscrit par Nichiren.

Daikoku Ajari Nichiro

Le premier assistant de Nichiren, qui a rejoint le groupe par l'intermédiaire de Nissho, était Daikoku Ajari Nichiro. Il a reçu l’ordination en privé à Matsubagayatsu et on peut lui rattacher deux ou trois mandalas. L'un est le deuxième plus grand jamais inscrit par Nichiren (n° 18), l'autre est un parchemin sur lequel il a apposé sa signature kao (n° 17) ; il y a également un Gohonzon du début de l'ère Koan (n° 56), connu sous le nom de mandala Oshitori en raison du motif en brocart du cadre. Son corpus mandalique, composé d'environ 22 pièces, est assez homogène et reflète sa déduction sur la doctrine de Nichiren. Nichiro est resté très attaché à ses séjours de jeunesse passés à Kamakura, où l'accent était mis principalement sur la réorientation des gens vers les enseignements du Lotus et aucun  parchemin de Gohonzon n’y a été inscrit avant 1271. Nichiro est resté à Matsubagayatsu et n'a guère pu voir combien de rouleaux Nichiren avait inscrit à Minobu, alors que lui-même restait dans la capitale politique à s'occuper du sangha en développement. En vieillissant, il a administré le Myohon-ji  à Kamakura ;  en fait, sa signature se trouve au dos du mandala Rinmetsu Doji, qui a été transféré dans l'enceinte d'Ikegami dans la dernière étape de sa vie car la famille lui était apparentée.


Deux mandalas inscrits par Nichiro, à gauche en 1315 et à droite en 1318

Vingt mandalas ou plus de Nichiro qui existent encore sont généralement tous très similaires, rappelant une série ordonnée d'effigies comme le décor décrit dans le chapitre Juryo du Lotus avec les ajouts de Nichiren tels que les kamis japonais et les Rois de la Sagesse. Il y a peu d'indices sur la représentation dynamique de la réalité qui transcende le bouddhisme tendai et qui est nettement perceptible dans les œuvres de Nichiren et celles d'autres disciples. La préférence pour les formes tridimensionnelles de honzon telles que les groupes de statues est généralement attribuée à l'école de Nichiro, alors que les premiers exemples se trouvent en fait dans la tradition Nakayama. Les traits calligraphiques de Nichijo Toki et Nichiro sont cependant très similaires, notamment l'absence des pointes allongées distinctives du komyo de Nichiren et les deux avec un manque évident de connaissance du sanskrit car aucun des deux n'avait reçu une formation monastique institutionnelle. Il pourrait y avoir une corrélation entre l'adoption de formes tridimensionnelles de honzon et les compositions de mandalas statiques chez les fondateurs des deux lignées.

Nikko

Le disciple qui a assisté à la plupart des inscriptions de mandala de l’ère Koan et en a tenu un registre rigoureux, était Byakuren Ajari Nikko. Bien que cela ne soit pas spécifiquement mentionné, il existe des preuves solides qu'il a reçu le mandala le douzième mois de 1274 (n° 16), connu sous le nom de Mannen kyugo Daimandara. En fait, le parchemin était à l'origine gardé au temple Taiseki-ji, d'où il fut transféré au Kuon-ji du Minobu par Nikko et ultérieurement au Kodaisan Myohon par son disciple Saisho Ajari Nichigo. Nikko est de loin le disciple qui vénérait le plus  le Gohonzon et qui a inscrit une grande quantité de parchemins. Bien que ses œuvres présentent un trait commun, comme la signature Nichiren+zaigohan, les parchemins sont très divers par leur composition et les figures représentées. Ils montrent clairement qu'il comprenait parfaitement les limites et le cadre dans lequel il pouvait opérer pour des ajouts ou des omission de figures, de citations, de passages du Sutra ou de notes spécifiques. En fait, les notes ou références de Nikko peuvent se trouver sur des mandalas originaux de Nichiren dans au moins vingt cas du corpus existant de mandalas de Nichiren (MNB 3:84~93).


Mandalas inscrits par Nikko, à gauche 1287, au centre 1292, à droite 1300


Mandalas inscrits par Nikko, à gauche 1315, au centre 1325, à droite 1331

Nichiji

Un parchemin attribué à Nichiren, mais non authentifié par Yamanaka Kihachi, porte une dédicace à Renge Ajari Nichiji et des inscriptions identiques au Gohonzon Nikko (voir Nichiren's sangha series, Priest Disciples: Renge Ajari Nichiji, NMSW 2016). Le Daimandala pour la protection du monde est daté du huitième mois de la onzième année de Bun'ei (1274). Même Yamanaka n'était pas sûr que le parchemin soit un original ou non, ce qui laisse supposer qu'il a dû être inscrit en copie exacte de l'original. Kawasaki Hiroshi estime cependant qu'il pourrait tout aussi bien être authentique. Le parchemin a été transporté au Myoko-ji à Okayama par Ryuge'in Nichijitsu (1318-1378) et depuis au Myokaku-ji à Kyoto. Cela laisse supposer que Higo Ajari Nichizo ou plus probablement Shujin'in Nichiryu, qui avait des contacts avec l'école Fuji et plus particulièrement avec le temple Kocho-ji à Okamiya. Ce temple conserve une copie exacte du Gohonzon n° 16, ce qui pourrait laisser penser qu'une copie a également été faite à partir de ce Sangoku kyūgo Daimandara. Le temple se trouvait à l'origine dans la préfecture de Kagawa mais après le grand tremblement de terre de Sanuki, les locaux ont été déplacés en 1532. Il est établi que Nichiryu de l'école Hokke avait des contacts avec le temple Honmon-ji de Sanuki. Il y a donc deux scénarios possibles : Nichiji aurait emporté l'original du mandala de Nichiren lors de son voyage en Mandchourie, laissant une copie qui a ensuite été transportée par Nichiryu de la région de Fuji à Kyoto et ensuite à Okayama. Les trois seuls mandalas qui lui ont été attribués, deux au Ren'ei-ji et un autre au Hokkaido, se trouvent tous deux dans des temples établis par ses soins. Il est donc raisonnable de penser que ses successeurs produisent une réplique pieusement reproduite, un Gohonzon à son nom. Les manuscrits de Ren'ei-ji sont cependant signés de son nom et le kao ne correspond pas à celui des autres documents existants. De plus, étant à l'origine un disciple de Nikko, il aurait signé le parchemin par Nichiren+zaigohan*. En fait, la plupart des recherches sur Nichiji se concentrent sur le fait de savoir s'il avait atteint ou non le continent chinois, ce qui semble être le point le plus important pour les universitaires japonais, alors que le mandala passe au deuxième plan. Il n'y a donc pas suffisamment d'éléments pour formuler une hypothèse, car le temple de Ren'ei-ji a été longtemps négligé après que Nichiji se soit aventuré vers le nord. Les autres temples qui lui sont attribués, Jitsugyo-ji et Myo'o-ji à Hakodate (Hokkaido) ne gardent pas de preuves, ni holographiques ni de répliques pour étayer une théorie solide.


A gauche : Sangoku kyugo Daimandara, à droite Gohonzon mandala attribué à Nichiji au Ren'ei-ji

Niko

Pour ce qui est de Minbu Ajari Niko, son mandala, connu sous le nom de Hoshi Niko Gohonzon (n° 61), lui a été remis la deuxième année de Koan (1279). Le parchemin, qu'il a apporté au Josaizan Sogen-ji à Mobara à la fin de sa vie, y est toujours conservé. Un parchemin antérieur est censé être le sien (35 mais le fait est contesté). Il existe au moins deux mandalas certifiés par Niko, l'un de 1296 et le second de 1314, ainsi que quelques manuscrits apocryphes qui lui sont attribués. Le premier montre une calligraphie (y compris sa signature) qui est très similaire aux productions de Nikko. Sur ce mandala figurent également les inscriptions "malédiction et bénédiction", comme dans l'école Fuji et sur le Gohonzon qu'il a reçu de Nichiren. Il est signé Nichiren Shonin, comme l'ont fait Nikko et Nichimoku dans les premières années, ce qui peut refléter la position générale dans le sangha à l'époque précédant le premier schisme. Le second rouleau ne ressemble en rien à l'œuvre précédente et reflète la nouvelle position de Niko à l'égard du honzon qu'il considérait comme fait à partir d'un groupe de statues, plutôt que sous la forme calligraphique. En fait, Niko a laissé son premier rouleau à Minobu, ce qui indique qu'il s'est éloigné de la période où il l'a produit. Heureusement, ce Gohonzon a ensuite été transporté au Myoden-ji à Kyoto et a pu être épargné par les flammes en 1875. Bien qu'inspiré par le parchemin qu'il a reçu de Nichiren, l'influence de Byakuren Ajari Nikko est très évidente, notamment parce que ce dernier avait l'habitude de signer ses premiers mandalas avec Nichiren Shonin+zaigohan.

Un autre parchemin composé plus tard par Niko et qui existe encore à Mobara au Jozaisan Sogen-ji montre un état d'esprit complètement différent. La composition rappelle davantage le plan schématique d'une cathédrale que celui d'un Gohonzon typique, mais semble néanmoins décrire quelque chose que Niko aurait pu entendre de Nichiren. Les différences théologiques avec Nikko y sont tout à fait évidentes.


À gauche : Gohonzon inscrit par Niko en 1296, à droite le mandala de Nichiren accordé à Niko en 1279.

Nitcho

Le Gohonzon original d'Iyo Ajari Nitcho (n° 53) existe encore au Ryūsuizan Kaicho-ji dans sa région natale, non loin de sa tombe au Ojuzan Shorin-ji près du Kitayama Honmon-ji. Le parchemin a été transporté au Kaicho-ji en raison des liens familiaux entre les clans Nanjo et Matsuno, mais il a été apporté dans la région lorsque Nitcho a repris contact avec sa mère Myojo. Il ne reste cependant aucun mandala produit par Nitcho, à l'exception d'une copie ultérieure qui lui a été attribuée et qui se trouve au Mamasan Guho-ji, non loin de Nakayama Hokekyo-ji (MNB3:103). Il ne peut être totalement exclu qu'il s'agisse d'une copie d'un manuscrit original préexistant. En tout cas, il porte une dédicace à quelqu'un du clan Nanjo et est inscrit selon les préceptes de Byakuren Ajari Nikko, qu'il a suivi par la suite. Un autre détail est la présence des passages dits "de malédiction et de bénédiction" comme sur le parchemin octroyé à Nitcho, la datation de la cinquième année de Koan (1282) ne peut cependant guère être authentique et laisse supposer une pieuse contrefaçon de la période Edo. Après être entré en conflit avec son père adoptif Toki Nichijo en 1293, Nitcho a quitté le groupe et a rejoint sa mère Myojo et sa sœur Oto à Omosu Kitayama.

Pendant son séjour à Omosu, il a copié plusieurs écrits originaux de Nichiren et, vu sa position, il n'a probablement pas inscrit de mandala, puisque Nikko était chargé de cette tâche. Nichimoku a inscrit quelques Gohonzons du vivant de Nikko, mais il était déjà nommé abbé au Taiseki-ji. On peut donc supposer que Nitcho a inscrit un mandala pour un membre de la famille Nanjo, car on pense que sa sœur Oto a épousé Nanjo Goro, un frère cadet de Tokimitsu. En tout état de cause, selon les archives précises de Nikko ( qui subsistent avec sa propre écriture), tant Nanjo Shichiro que sa femme ont reçu un mandala de Nichiren. Lors de l'incident d'Atsuhara, Shimono-bo Nisshu et Echigo-bo Nichiben ont pu trouver refuge au Guho-ji. Nichiben aurait été le frère de Myojo, d'où un lien de parenté avec Nitcho. Il y avait plusieurs hommes dans le clan Nanjo, les frères de Jiro Tokimitsu, frères et sœurs du premier mariage de son père, les fils de Tokimitsu Taro, Jiro Tokitada, Saburo, Shiro, Goro Tokitsuna, Shichiro, Nichigen et Nissho, en plus de leurs propres enfants. Le candidat le plus probable aurait cependant pu être un homme de la famille Nanjo marié à sa sœur Oto.


Le mandala de Nichiren conféré à Nitcho en 1278

Nichijo

Après le décès de Nichiren, Toki Jonin, s'est conféré lui-même l’ordination, après une période où il était considéré comme un novice shami. Il n'a inscrit que peu de mandalas, sept au total existent encore aujourd'hui, la calligraphie reflétant en quelque sorte sa personnalité analytique et sévère, sans trop insister comme ses successeurs ultérieurs sur les lignes komyo. Le mandala qu'il a reçu de Nichiren a été volé en 1900, mais il est censé exister encore à proximité de l'enceinte du Hokekyo-ji, ce qui laisse supposer des conflits au sein du clergé. Une copie des trois parchemins donnés à Ota nyudo Jomyo, à sa femme Ota ama Kyojo et à Toki Jonin inscrits le même jour a été réalisée par Shinnyo'in Nitto en 1711 et reprend à peu près l'original. Il présente les traits distinctifs du style de Nichiren de 1278, ressemblant également au parchemin donné à son fils Nitcho la même année. Toki Jonin n'a cependant pas essayé de simuler la calligraphie ou le style de Nichiren, il s'est plutôt basé sur la lecture pragmatique du Sutra du Lotus, de la manière qui semble la plus adaptée à son interprétation.


Copie du mandala remis à Toki le 16.7.1278


Deux Gohonzons inscrits par Nichijo Toki en 1295 et Higo Ajari Nichizo

Le jeune Kyoichimaru, plus tard Higo Ajari Nichizo, qui a reçu le mandala n° 28, peut être considéré comme le huitième disciple ainé, le septième étant généralement considéré comme Toki Nichijo. Après Nikko, il a été l'auteur le plus prolifique et le plus créatif des parchemins de Gohonzon. Nichizo a été le premier à ajouter quelques figures peintes au lieu de logogrammes, généralement celles de quatre devas. Il a réinterprété la structure du mandala dans le cadre du Lotus avec une grande originalité, en inscrivant les personnages comme s'ils étaient des éléments d'une peinture ; il est le seul disciple direct à créer ses propres logogrammes nami-yuri daimoku particuliers. Le petit talisman de protection qu'il a reçu de Nichiren lorsqu'il était enfant n'a manifestement eu aucune influence sur Nichizo. Néanmoins, en le servant avec dévouement à Minobu, il a eu de nombreuses occasions d'assister à l’inscription  de plusieurs mandalas. L'indéniable penchant artistique de Nichizo se manifeste dans ses réalisations et dans celles de son frère Nichirin. Daikaku Myojitsu, son successeur dans la lignée Shijo, a également été nettement inspiré par Nichizo. Daikaku, en particulier, était encore plus porté sur l'art, puisqu'il a en fait inverser la proportion entre les figures peintes et les logogrammes en composant des mandalas picturaux où les seuls logogrammes étaient les sept caractères de Daimoku. Bien que cela ne fasse pas l'unanimité, la lignée Shijo a produit certains mandalas les plus artistiques.


À gauche : le Gohonzon inscrit pour Nichizo à l'ère Kenji ; à droite : un mandala semi-pictural réalisé par Nichizo

Mandalas accordés aux disciples de niveau intermédiaire

Bien que Nichiren ait offert un mandala à quelques uns de ses disciples de niveau intermédiaire, tous n'ont pas inscrit de Gohonzon, mais peut-être un hologramme ou du moins des copies qui n’ont pas été conservées ni homologuées. Parmi ces jeunes disciples, ceux dont le mandala existe encore on peut citer Izumi Ajari Nippo (65), Echigo Ajari Nichiben (63), shamon Nichimon (50), biku Nichiken (52), Renzo-bo Nichimoku (60), shamon Nichiei (69), Jakunichi-bo Nikke (92), biku Shosuke-bo Nichizen (93/2), Renmei Ajari Nisshun (105) et Mino Ajari Tenmoku Nissei (120). Sotsu Ajari Nichiko, était l'un des enfants serviteurs en même temps que Nichimoku, Nichizo et d'autres, mais n'a pas reçu de Gohonzon directement de Nichiren. Il est néanmoins l'auteur de plusieurs mandalas signés en son nom propre, plaçant Nichiren sur le devant de la scène comme Hoshu Shonin (Saint Maître du Dharma), dans la tradition Nakayama initiée par Toki Nichijo.

Nichiben, Nisshu et Nichiken ont inscrit chacun un Gohonzon. Certains mandalas conservés au Shimojo Myoren-ji sont attribués à Nikke, mais un seul exemplaire a été inclus dans le catalogue de Yamanaka Kihachi et sa paternité est toujours à l'étude. Nichimoku a inscrit très peu de Gohonzons, ne ressemblant pas au parchemin qu'il a reçu de Nichiren.


A gauche : le Gohonzon inscrit par Nichiren en 1279 ; à droite : le mandala presque identique écrit par Nippo

L'exemplaire de Nichiben montre qu'il n'a fait aucun effort pour imiter la calligraphie de Nichiren, tandis que la structure spatiale rappelle le parchemin qu'il a reçu. Les proportions entre la longueur de l'inscription centrale et la surface totale couvrant les deux tiers du papier, plaçant les deux kami japonais Hachiman et Tensho dans la même position, indiquent que Nichiben prenait modèle sur son propre Gohonzon. Il a signé le mandala de son nom en insérant Namu-Nichiren-shonin en bas à droite. Bien qu'il n'y ait aucune indication de son affiliation antérieure avec l'école Shingon, selon le Nichiben Shonin no shiteki kosatsu, il était le frère de Shimono-bo Nichinin, la femme de Toki Jonin Myojo et oncle de Mino Ajari Tenmoku.

Nichiben a été théologiquement influencé par les idées de Nikko (école Fuji), Niko (école Minobu) et Toki (école Nakayama), mais il a finalement rompu les liens avec Nikko et a passé ses dernières années à prêcher dans les régions du nord où il  a été tué après un sermon en 1311. Il semble certain que la plupart des disciples ont attendu au moins douze, treize ans ou plus après la mort de Nichiren avant de se séparer définitivement et de former leur propre communauté, bien qu'il existe des exemples antérieurs. Au cours de la période Kamakura, des cérémonies de sichikaiki (septième anniversaire du décès), jusankaiki (douzième) et sanjusankaiki (trente-deuxième) ont été organisées pour commémorer la mort de Nichiren.


À gauche : le Gohonzon inscrit par Nichiren en 1279 ; à droite : le mandala similaire inscrit par Nichiben en 1295

Il n'existe pas de parchemins attribués à Sotsu-ko Nichiko ou à Shimono-bo Nisshu, mais tous deux étaient des disciples de Nichiren. Nichiko était déjà son assistant à l'ère Bun'ei, comme le montre une lettre adressée à Nissho où il est cité dans le texte. Il a produit quelques mandalas et à Minobu a vu Nichiren inscrire des parchemins, mais il n'est pas homologué comme ayant reçu un Gohonzon de Nichiren. Il n'y a pas non plus de référence holographique à un mandala offert à Nisshu, mais le parchemin qu'il a inscrit et qui existe encore pourrait indiquer qu'il en avait reçu un. Tout en plaçant sa propre signature en grand et en gras en bas, Nisshu a ajouté Nichiren+zagohan* après l'inscription centrale afin de suivre la méthode de Nikko.


À gauche : Gohonzon, écrit par Sotsu-ko Nichiko ; à droite : Shimono-bo Nisshu

Nichimoku a reçu un mandala de Nichiren en 1279 avec d'autres disciples de niveau intermédiaire, mais les quelques Gohonzons qu'il a produits après avoir reçu la transmission de Nikko ne rappellent pas du tout le parchemin de Nichiren, qui est l'un des rares exemples où les Rois de la Sagesse sont échangés. Il a généralement placé Nichiren+shonin comme dans les premiers mandalas de Nikko.


A gauche : Gohonzon a écrit Nichiren en 1279 ; à droite : Renzo-bo Nichimoku

Mandala calligraphique / honzon tridimensionnel

Le débat concernant l'objet de dévotion dans le bouddhisme de Nichiren ne s'est pas encore apaisé. En particulier l'école Fuji initiée par Byakuren Ajari Nikko insiste avec acharnement sur l'utilisation exclusive du mandala calligraphique et considère le Itto-Ryoson (une tablette de Daimoku flanquée des deux Bouddhas) ou le Itto-Ryoson-shishi (Itto-Ryoson avec l'ajout de quatre Bodhisattvas) comme une hérésie. Il est certain que le premier groupe de statues a commencé à apparaître peu après la mort de Nichiren, sous la direction de disciples de la deuxième génération, qui ont rencontré Nichiren dans leur enfance. Comme l'ont souligné d'autres chercheurs, il y a plus d'une interprétation possible de ses véritables intentions. Il existe en fait deux lectures d'un passage (STN1:712, WND1:366) dans le "Objet de dévotion pour l'observation de l'esprit établi dans la cinquième période de cinq cents ans après la mort de l’Ainsi-venu" connu sous le nom de Kanjin Honzon-sho.


Début d’Itto-Ryoson 1338, Nakayama Hokekyo-ji

Dans la période Shoho, le premier millénaire après Shakyamuni, il y avait  comme objet de dévotion dans le Hinayana des représentations sculptées ou peintes du Bouddha flanqué de Mahakashyapa et d'Ananda (ce qui indiquait un Shakyamuni pré-lotusien). Au deuxième millénaire, la période Zoho, les images de Shakyamuni accompagné par les bodhisattvas Fugen et Manjushri (shakke-bosatsu) basées sur les sutras du Nirvana et du Lotus  sont admises. Cependant, même cette métaphore fait toujours référence au Shakyamuni qui prêche l'enseignement shakumon ; ainsi, dans la période Mappo, l'objet de dévotion devrait être le Bouddha de l'enseignement essentiel, celui du chapitre Juryo dans le Lotus. Dans cette partie du texte, les bodhisattvas Surgis-de-Terre (jiyu-bosatsu) font leur apparition tandis que Shakyamuni leur confie la propagation de l'enseignement essentiel (honmon). Le groupe est dirigé par le bodhisattva Visistacaritra* et, en fait, le mandala de Nichiren représente le Shakyamuni du chapitre Juryo. Cependant, le passage pertinent du Kanjin Honzon-sho (STN1:720) peut être interprété comme un objet de dévotion avec "Shakyamuni de honmon avec ses parèdres" ou avec "les assistants de Shakyamuni (Namu-Myoho-Renge-Kyo) de l’enseignement honmon". Cette lecture implique que le Shakyamuni atemporel de honmon est identifié avec le Dharma = Namu-Myoho-Renge-Kyo, mais ce point est juste implicite et n'est pas clairement affirmé.

Si le concept de somoku jobutsu (bouddhéité des plantes et des êtres non-sensibles) est admis, alors un honzon calligraphié serait un objet de dévotion correct. La deuxième lecture correspond à l'interprétation de Daini Ajari Nichikan, le 26e supérieur du Taiseki-ji, et réformateur de cette école. Nichiren a déclaré qu'après plus de deux mille deux cents ans après la mort du Bouddha, il apparaîtrait à Sado en tant que Bodhisattva Jogyo pour inscrire le Grand mandala. Si c'est le sens de ce que Nichiren a voulu dire, l'interprétation de Nichikan est correcte ; cependant, le point faible de cette lecture est qu'il n'y a pas d'affirmation claire que le "Shakyamuni de l'enseignement essentiel" (Shakyamuni Atemporel) équivaut aux cinq ou sept caractères de Namu-Myoho-Renge-Kyo. La copie d'un écrit attribué à Byakuren Ajari Nikko, actuellement conservée au Yoho-ji à Kyoto, semble pencher vers l'autre interprétation favorisant un Isson-shishi en tant qu'honzon. Cet écrit est daté comme ayant été copié la quatrième année de Koan (1281) du vivant de Nichiren, mais il est peu probable que Nikko ait vraiment interprété le passage de cette manière. En tout cas, même en considérant la deuxième lecture, cela ne justifie pas l'adoption d'un Isson-shishi tridimensionnel. En outre, l'année suivant la composition du Kanjin Honzon-sho Nichiren a inscrit le Mannen Kyugo Daimandara (n° 16 du catalogue MNB1:95), qui comporte une inscription unique, concernant l'identification de Nichiren avec le bodhisattva Visistacaritra*. Considérant que dans la période après plus de deux mille deux cents ans, les mandalas ésotériques Taimitsu et Tomitsu avaient déjà fait leur apparition, Nichiren a estimé que le temps était venu de propager l'objet de dévotion qui convient à la période Mappo. Cette idée trouve un écho dans l'unique dédicacer d'un mandala (n° 16) censé être accordé à Nikko :

"Suite à l'entrée en extinction des grands éveillés honorés, plus de deux mille deux cent vingt ans ont passé. Pourtant, dans les trois pays de Yuezhi, (Inde) Chine et Japon, ce Daihonzon n'existait pas encore. Soit il est connu mais non propagé, soit il n'est pas connu du tout. Moi, le père compatissant, exerçant la sagesse de bouddha, je cache et laisse cela pour l'âge futur du Dharma dégénéré. À ce moment-là, au cours des cinq cents dernières années, le Bodhisattva Jogyo fait son apparition dans le monde et, pour la première fois, le propage largement".


L'unique dédicace du mandala n° 16, prétendument donnée à Nikko

C'est le seul exemple où Nichiren mentionne un Daihonzon et non un Daimandala. En outre, il s'identifie au bodhisattva Visistacaritra* et mentionne spécifiquement la "vaste propagation". En outre, ce Gohonzon est inscrit en représentant uniquement les quatre nobles voies de l'étude, de pratyekabuddha, du bodhisattva et de bouddha, sans les six mondes inférieurs.

Si pour  Nichiren, Kanjin-no-honzon = honzon du honmon = image de Shakyamuni du honmon, alors un honzon devrait être fait avec Shakyamuni, Seigneur de l'enseignement essentiel ;  il faut souligner qu'il n'y a pas eu d'indication claire qu'un Isson-shishi devrait être considéré comme honzon. Genku (Honen) a invoqué le nom du Bouddha Amida face à une image de Amitabha, tandis que Nichiren a scandé Namu-Myoho-Renge-Kyo devant le Kanjin-no-honzon d'Ichinen-sanzen alias le Daimandala de Namu-Myoho-Renge-Kyo. En fait, la dédicace  du Mannen Kyugo Daimandara est la seule où est clairement mentionné "Dai-honzon" au lieu de Daimandara, ce qui ne laisse aucune place au doute. Trois ans plus tard, Nichiren écrit l'Essai sur la gratitude (Ho'on sho), où il dit qu’il convient de faire un honzon avec le Shakyamuni de honmon, le Seigneur des enseignements.

L'Isson-shishi, (Vénérable avec les Quatre Parèdres), est le Shakyamuni de l'enseignement essentiel", tandis que l'Itto-Ryoson-shishi est le "Bouddha Primordial (Shakyamuni Atemporel symbolisé par Namu-Myoho-Renge-Kyo), flanqué des deux Vénérables (Shakyamuni et Taho) avec les Quatre parèdres. C'est l'objet de dévotion centrée sur le Bouddha Primordial. Kurana Hoko interprète le Shudai-honzon (uniquement Namu-Myoho-Renge-Kyo inscrit sur un parchemin) comme une version abrégée du Dai-mandala et le Issson-shishi comme une forme condensée du Itto-Ryoson-shishi ; il précise cinq conceptions ou images différentes pour l'objet de dévotion.

La première est un simple rendu graphique du titre du Sutra du Lotus Namu-Myoho-Renge-Kyo, connu sous le nom de Shudai-honzon. Dans son essai intitulé Sho Hokke Daimoku-sho composé le 28e jour du cinquième mois de l'année 1260, Nichiren déclare :

« Tout d'abord, en ce qui concerne l'objet de dévotion, il faut inscrire les huit volumes du Sutra du Lotus, ou un volume, ou un chapitre, ou simplement le daimoku (titre), du sutra, et en faire l'objet de dévotion, comme indiqué dans les chapitres Maitre du Dhama et Pouvoirs supranaturels du Sutra.»

Durant la période où il était encore actif à Kamakura, avant d'être exilé, Nichiren a compris qu'un honzon devait être fait avec le titre du Sutra du Lotus. Il réitère ce concept en 1275 lorsqu'il écrit à Nii-ama gozen, où il parle à nouveau  de « ce grand mandala des cinq caractères » et l'année suivante dans son Honzon Mondo-sho sous forme de Questions/Réponses :

« Ils doivent faire du Daimoku du Lotus leur objet de dévotion. »

En fait, les premiers honzons qu'il a inscrits étaient d'un format très simple basé sur Namu-Myoho-Renge-Kyo placé au centre. Peu de typologies de ce honzon "abrégé" ont été conservés avant qu'il ne commence à inscrire les mandalas plus grands dans un style formel beaucoup plus détaillé. Immédiatement après avoir ajouté les quatre bodhisattvas, Nichiren expérimente aussi diverses figures avant d'atteindre une structure de composition claire dans son gohonzon. Il existe même des exemples où il a inscrit le Bouddha ésotérique Mahavairocana dans le Taizokai (Monde de la matrice) et Kongokai (Monde du diamant). Cependant, on ne trouve dans les réalisations de Nichiren aucun Shudai-honzon en tant que tel, sans aucun autre élément mais qui a été adopté par les successeurs ultérieurs dans diverses lignées.


À gauche : Ippen-shudai par Butsujo'in Nissei ; au centre : par Myogen'in Nito ; à droite : par Seju'in Nippo

La deuxième forme de honzon est essentiellement l'image de Shakyamuni ; en fait, celle qu'il a utilisée personnellement et qu'il mentionne dans son Kaimoku-sho et Zenmui Sanzo-sho. Dans ce dernier, il ne contredit pas sa position concernant l'enseignement hon-jaku (à la fois le Lotus honmon et shakumon), il souligne simplement que Shakyamuni est primordial par rapport aux honzons des autres écoles bouddhistes. Ces honzons peuvent être représentés sous forme d'images peintes ou sculptées et dans le Kaimoku-sho Nichiren précise qu'il parle du  Shakyamuni Atemporel. Afin de distinguer le Bouddha historique de son honzon, ses quatre parèdres doivent être placées à côté de la figure centrale. On sait cependant qu'il a consacré une statue (ou un tableau) de Shakyamuni dans son ermitage de Matsubagayatsu ; et d'après la lettre à Toki Jonin intitulée Bojikyo-ji, il devient évident que la même effigie a également été consacrée au Minobu :

« ...vous êtes entré et ensuite, lorsque vous avez placé en toute sécurité la dépouille de votre mère devant l'image sacrée du Bouddha Shakyamuni Bouddha, le Seigneur des enseignements... »

Nichiren semble avoir considéré l'image, qui lui a été donnée pendant l'exil d'Izu, comme l'essence d'un Shakyamuni vivant, mais il est difficile d'identifier une période précise durant laquelle il a commencé à considérer la statuette comme son honzon personnel et il est difficile de tracer une ligne entre l'effigie unique du Bouddha Atemporel et le Shakyamuni entouré de ses quatre assistants : les Isson-Shishi. Nichiren félicite Nichigen-nyo, l'épouse de Shijo Kingo Yorimoto, pour avoir réalisé une sculpture de Shakyamuni et plus particulièrement parce qu'elle définit un moment où elle a finalement renoncé à son attachement à l'amidisme. Cette information se trouve dans la lettre Nighinennyo Shaka-Butsu Kuyo-ji, écrite en 1279. Non seulement Nichiren mentionne expressément qu'il lui avait aussi inscrit un Gohonzon, qui est probablement le mandala existant n° 72, mais cinq ans plus tôt, le couple avait déjà reçu un omamori Gohonzon protecteur. Enfin, un Go-honzon (c'est-à-dire son effigie deShakyamuni) est spécifiquement inscrit dans les registres Shuso Gosenge Kiroku, dont l'auteur est Byakuren Ajari Nikko. L'image faisait partie des biens de Nichiren et a été héritée par Daikoku Ajari Nichiro. Ce dernier était un jeune assistant qui avait été ordonné à Matsubagayatsu et cet honzon particulier avait pour lui une signification particulière. Nikko a déploré par la suite que la statuette ait été emportée à Kamakura par Nichiro, alors qu'elle était censée rester sur la tombe de Nichiren. Le honzon a été remis à Nichiren par Kudo Hachiro Saemon Sukemitsu en signe de gratitude. Il était l'intendant d'Izu lorsque Nichiren a prié pour sa guérisonété lors de son exil dans la région . En tout cas, l'effigie originale de Shakyamuni a été transférée plus tard au temple Honkoku-ji à Kyoto, probablement perdue dans l’incendie et remplacée par ce qui est, espérons-le, une réplique car sinon il y a peu d'indications sur ce à quoi la statuette a pu ressembler. Le point principal est qu'à l'époque de Nichiren, ses disciples et adeptes croyaient fermement qu'elle représenterait le Shakyamuni Atemporel de l'enseignement essentiel.


À gauche : l'effigie présumée de Shakyamuni vénérée par Nichiren ; à droite : un rendu graphique de l'image

Le troisième format de honzon est évidemment le mandala conçu par Nichiren qui s'est développé à partir des deux dessins kankenki de Fudo et Aizen (MNB1:13-18) aux symboles ésotériques abondants, jusqu'aux premiers talismans omamori produits après l'incident de Tatsunokuchi et évoluant vers le style d'arrangement "formel" sophistiqué qui représentera le sommet de sa prédication. Le mandala de Nichiren a été abondamment analysé dans les trois volumes de The Mandala in Nichiren Buddhism, veuillez vous référer à ces textes pour plus de détails. Les successeurs de Nichiren ont soit inscrit leur propre mandala, plaçant Nichiren sous diverses formes en tant que Saint ou Grand bodhisattva en plus de reproduire les Gohonzons originaux de Nichiren et d'imprimer les rouleaux sur des blocs de bois en tant qu'okatagi.


À gauche : matrice d'impression okatagi sur bois ; au centre : mandala de planches, matrice de Nichiren ; à droite : impression okatagi, matrice Nichiro

Le quatrième type de honzon est l'Isson-Shishi qui est Shakyamuni entouré des quatre bodhisattvas, Visistacaritra*, Visuddhacaritra (Pratique-Pure), Anantacharitra (Pratique-Infinie) et Supratisthitacaritra (Pratique-Ferme). La première référence se trouve dans l'exégèse majeure de Nichiren, Kanjin Honzon-sho, mais à part la lettre connue sous le nom de Hokke Gyoja Gonanji, il n'y a pas de preuve écrite directe que Nichiren, ses disciples ou ses disciples laïcs avaient consacré un ensemble de statues Isson-Shishi comme leur honzon. Néanmoins dans la lignée Nakayama, une statue debout de Shakyamuni avec les quatre Bodhisattvas, alias un Isson-Shishi est cataloguée par Toki Nichijo en 1299 (Joshu'in Honzon Seikyoji). Il pourrait s'agir du cadre cité dans Mama Shakabutsu gokuyo chikujo (Concernant la statue du Bouddha Shakyamuni réalisée par Toki) pour lequel Nichiren fait l'éloge de Toki, mais il faut aussi considérer qu'au moment de la rédaction de ce texte en 1270, même un Gohonzon rudimentaire n'avait pas encore été inscrit. Néanmoins, Jogyo'in Nichiyu a enregistré (dans Honzon Seikyoroku) que les cinq statues ont été bénies par le Grand Saint (ce qui designe Nichiren). De plus, l'un des premiers portraits de Nichiren le représente à côté d'un Isson-Shishi. Maka'ichi Ajari Nichi'in, un disciple senior de Nichiro, a mentionné (Ho-zoryu Kuyo Honzon-nikki) le groupe des cinq statues avec le Shakyamuni Atemporel et les Quatre Bodhisattvas. Ces documents produits peu après la mort de Nichiren attestent que l'Isson-Shishi était déjà utilisé par les disciples immédiats et qu'il est censé représenter une sorte de mandala-Gohonzon sous forme condensée.


À gauche : Isson-Shishi, Nakayama Hokekyo-ji ; à droite : portrait de Nichiren, Tamazawa Myohokke-ji (tous deux des années 1300)

Enfin, la cinquième catégorie est celle des Itto-Ryoson-shishi, l'ensemble de statues le plus élaboré, composé d'une tablette avec daimoku, flanquée de Shakyamuni et Taho avec les quatre Bodhisattvas de l'enseignement essentiel, qui représente la Cérémonie dans les Airs, décrivant l'état d’Éveil suprême. Cette configuration se trouve dans l'Essai sur la gratitude de Nichiren et Jogyo'in Nichiyu a commenté son emploi. Il est donc évident que l'utilisation de statues comme honzon trouve principalement son origine dans la lignée Nakayama, mais les Itto-Ryoson-shishi représentent essentiellement une mise en pratique de l'enseignement de l'hon-jaku (à la fois le Lotus honmon et shakumon). Ce décorum a été repris sous diverses formes : rendu graphique, autel compact zushi ou des statues plus grandes dans les temples.

Comme pour le mandala calligraphique, le Itto-Ryoson-shishi est simplement un Henso-zu qui signifie "transformation du texte (Sutra) en image". De telles œuvres d'art sont également courantes dans d'autres écoles, notamment Jodo et Shingon. La lecture du Lotus étant l'enseignement ultime, la façon dont il est représenté n'a pas vraiment d'importance, si l'on compare avec le point principal qui consiste à rejeter les doctrines antérieures au Lotus et à adopter le vrai message du Shakyamuni Atemporel.


Itto-Ryoson-shishi, généralement avec Nichiren à l'avant


À gauche : image Itto-Ryoson-shishi ; à droite : configuration zushi

Conclusion

Deux points principaux sont à considérer. Le premier est la manière dont les successeurs de Nichiren ont été visuellement influencés par les mandalas qu'ils avaient reçus, ce qui concerne à la fois la perception graphique et les compétences relatives du rendu des images (symboliques et calligraphiques). Le deuxième point, et peut-être le principal, est le contenu doctrinal du honzon à propager dans Mappo.

L'aspect visuel est le plus évident et relativement facile à évaluer. L'exemple d'Izumi Ajari Nippo est parlant, puisqu'il a essentiellement reproduit le mandala dans le format qu'il avait reçu de Nichiren avec les passages  du Sutra du Lotus. Ce décor rend clairement la situation décrite dans le chapitre Juryo avec les mots prononcés par Shakyamuni qui résonnent encore dans l'air. Le fait que Nippo était un calligraphe moins habile et ne possédait pas le charisme de Nichiren se reflète dans ses réalisations, mais il a néanmoins saisi l’essentiel du  honzon tel qu'il a été inscrit par son Maitre en 1278.

Byakuren Ajari Nikko avait une personnalité différente, beaucoup moins affable que Nichiren. Tout en étant lui-même un excellent calligraphe, il n'avait pas besoin de reproduire les traits de Nichiren, à l'exception du komyo-ten, largement adopté (voir MNB:3) ; mais il est clair qu'après avoir été personnellement témoin de l'inscription de nombreux mandalas, Nikko était manifestement devenu un virtuose du Gohonzon. Il était le mieux à même de juger quelle situation convenait à une inscription particulière ; son corpus de mandalas est très diversifié. On peut affirmer que parmi tous les disciples, Nikko a compris le honzon au plus haut degré.

Il est également un fait que, dans la première période de sa prédication, Nichiren s'est principalement concentré sur Shakyamuni et qu'il n'était pas rare de simplement renommer une statue d'un autre Bouddha comme Amida ou Yakushi comme étant Shakyamuni. Il existe en fait des exemples précoces d'une image de Yakushi-nyorai qui aurait été reconvertie par Nichiren et une autre effigie de Shakyamuni qui aurait pu être auparavant Amida. À l'exception de certains symboles distinctifs ou de gestes de mudra, il n'était pas toujours évident de savoir quel Bouddha était représenté. Dans sa lettre intitulée Mokue Nizo Kaigen-no-koto , probablement écrite en 1273, Nichiren précise qu'en inscrivant le Sutra du Lotus avec les statues de Bouddha, il sera doté des 32 caractéristiques d'un Bouddha vivant, dont la "voix pure et lointaine". Nichiren était totalement convaincu que le Lotus rendait les mots que Shakyamuni avait réellement prononcés et que les écrits traduisaient son intention réelle. Le "Bouddha primordial" est rendu comme un envoyé pour l'humanité entière, déclarant le détachement du monde animal et se concentrant sur la compassion plutôt que sur l'avidité, la colère et la stupidité. De ce point de vue, la manière dont ce concept clé est rendu serait absolument hors de propos et manifestement adapté au public. Débattre de la question de savoir quel honzon est correct ou non, c’est trahir en fait l'intention de Nichiren.


Statue de Shakyamuni du XIIIe siècle au Onozan Hon'on-ji

Bibliographie

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