Un bouddhisme pour notre temps

Une interprétation moderne du Triple Sutra du Lotus par
Niwano Nikkyo
traduit de A Buddhism for today (Kosei Publishing Co - 2006)

Voir : SUTRA DU LOTUS - CHAPITRE XIX

Bienfaits du Maître du Dharma

Les chapitres précédents énumèrent les bienfaits (kudokus) d'un débutant qui vient juste d'aborder l'enseignement. Le chapitre présent explique les kudokus du maître qui a évolué vers un niveau plus élevé. "Maître" ne signifie pas nécessairement un moine ou une nonne, ce mot désigne une personne — qu’elle soit religieuse ou laïque — qui reçoit et garde* les enseignements du Bouddha et s'efforce de les propager. Il y a cinq sortes de pratiques (goshu hosshi) du Maître du Dharma : recevoir et garder le Sutra (juji), le lire (doku), le réciter (ju), l'expliquer (gesetsu) et le copier (shosha). Une explication complète de ces cinq pratiques a déjà été donnée dans le chapitre X, Maître du Dharma (Hosshi bon). Ces cinq pratiques montrent comment la foi s'approfondit graduellement.

Si nous avons la foi et analysons l'enseignement après l'avoir entendu et si nous développons l'esprit d'acceptation joyeuse, nous commençons par le garder fermement en lisant et récitant le Sutra pour l'inscrire dans notre mémoire. En tant que discipline personnelle, cette pratique sert à poser les fondations de notre foi. Lorsque nous avons atteint ce niveau, nous ne pouvons nous empêcher de transmettre l'enseignement aux autres. Il en résulte que nous expliquons le Sutra et que nous le copions. Nous ne pouvons pas dire que nous avons atteint une foi véritable tant que nous ne sommes pas passés par chacune de ces cinq pratiques du maître.

Le Bouddha s'adresse au bodhisattva Nityodyukta* (Zèle-Constant) :

« Plus encore, Nityodyukta, si un fils de foi sincère*, ou une fille de foi sincère, accepte et garde ce Sutra; s'il le lit, le récite, l'explique ou le copie, il obtiendra les huit cents mérites des yeux, les mille-deux-cents mérites des oreilles, les huit-cents mérites du nez, les mille-deux-cents mérites de la langue, les huit-cents mérites du corps et les mille-deux-cents mérites du cerveau, et par ces mérites il donnera de la dignité à ses six organes, en les rendant tous sereins. »

Les nombres 800 et 1200 traduisent l'idée d'une obtention parfaite des mérites (kudokus) ;  ils ne sont pas à prendre au sens littéral.

Les mérites des yeux

Quels sont les mérites (kudokus) des yeux qu'un fils ou une fille de foi sincère peut obtenir ? Le Bouddha précise ce qui suit :

« Ce fils de foi sincère*, ou cette fille de foi sincère, avec l'oeil charnel engendré par ses parents une fois purifié, verra tous les monts, les forêts, les fleuves, les mers à l'intérieur et à l'extérieur du monde tricosmique, jusqu'à l'enfer avici vers le bas et aux devas* du ciel Akanshtha vers le haut; il verra aussi l'ensemble des êtres qui s'y trouvent, ainsi que les endroits où ils renaîtront selon les effets (ka) et rétributions (ho) conditionnés par leur karma. De tout cela il aura vision et savoir pleins et entiers. »

Alors le Bhagavat, voulant insister sur cette idée, s'exprima en stances terminant par les mots suivants :

« alors même qu'il n'aura pas encore l'oeil céleste,
tel sera déjà le pouvoir de son oeil charnel. »

L'expression "alors même qu'il n'aura pas encore l'œil céleste" est en opposition avec l'expression "l'œil charnel engendré par ses parents, une fois purifié".

Cela signifie que même si les êtres vivants ne possèdent pas encore tout à fait la vision divine des êtres célestes, ils sont capables de discerner l'aspect réel des phénomènes (shoho jisso). Ils reçoivent le pouvoir d'agir ainsi tout en vivant dans le monde Saha parce qu'ils ont des yeux purs dépourvus des nuages de l'illusion mentale. En d'autres termes, leur esprit est devenu assez pur pour agir sans égoïsme, avec une vision des choses non influencée par des préjugés ou la subjectivité. Ils voient les choses correctement, comme elles le sont réellement, parce qu'ils gardent toujours un esprit serein et ne sont pas dominés par leurs pulsions.

Dans un autre sutra le Bouddha dit :

« Une chose n'est pas reflétée dans son état réel dans de l'eau qui bout sur un feu. Une chose n'est pas reflétée telle qu'elle est réellement sur la surface de l'eau envahie par des plantes. Une chose n'est pas reflétée telle qu'elle est à la surface de l'eau agitée par des vagues. »

Il nous enseigne par là que nous ne pouvons pas voir l'aspect réel des phénomènes (shoho jisso) à moins d'être libérés de l'illusion causée par l'égoïsme et les passions. C'est ainsi que nous devons interpréter les "mérites des yeux".

Les quatre intrépidités d'un bodhisattva

Le Bouddha commence ainsi :

« Si, au sein d'une vaste multitude,
d'un coeur intrépide,
on prêche ce Sutra du Lotus du Dharma,
écoutez les mérites qui en découlent »

Avoir un "cœur intrépide" signifie que l'on affirme courageusement ce que l'on croit, sans peur et sans réserve. L'expression "les quatre intrépidités d'un bodhisattva" fut utilisée depuis les temps anciens. En voici le détail :

La première intrépidité est le soji-fumo : un bodhisattva n'a pas peur de prêcher le Dharma tout en observant les règles établies. Il n'a rien à craindre en exposant le Dharma à quiconque s'il mémorise correctement les enseignements qu'il a entendus et les garde pour toujours en son cœur. Ce n'est pas si facile à mettre en pratique. Lorsqu'une personne reçoit l'enseignement, elle l'écoute de tout son cœur et, lorsqu'elle a des questions, elle ne doit pas hésiter à les poser à l'enseignant jusqu'à obtenir une parfaite compréhension. De plus, elle doit s'efforcer de se souvenir de l'enseignement en le lisant et en le récitant à plusieurs reprises matin et soir. Elle ne peut atteindre soji-fumo que si elle persévère inlassablement dans cette attitude.

La deuxième intrépidité est jinchi-heyaku : le bodhisattva n'a pas peur d'exposer le Dharma sparce qu'il en connaît tous les effets salvifiques, ainsi que les capacités, les désirs, la nature et l'esprit de tous les êtres vivants. Cela signifie que, tel un médecin qui indique une prescription suivant l'état du malade, un bodhisattva sait exposer le Dharma sans inquiétude en fonction de la capacité, de la nature et de l'esprit de chaque personne. Une personne digne d'être appelée bodhisattva non seulement se souvient très bien des enseignements, mais développe également le talent de les exposer librement en utilisant les moyens appropriés (hoben).

La troisième intrépidité est zenno-mondo : le bodhisattva n'a pas peur d'exposer le Dharma de façon juste et satisfaisante lors de cessions de questions-réponses. Si on doit parler du Dharma seulement à l'occasion d'un événement donné, on peut se contenter de connaissances acquises à la hâte et mal assimilées. Il suffit pour cela d'une connaissance élémentaire du Dharma. Mais un vrai maître du Dharma doit avoir assez de bagage pour pouvoir répondre clairement à n'importe quelle question portant sur son discours et discuter logiquement les opinions contraires. Ses réponses et ses arguments ne doivent être ni trompeurs ni obscurs. Sont "justes" les réponses qui s'accordent avec l'enseignement du Bouddha. Mais, même si ses réponses sont correctes du point de vue du contenu, on appellera "Maître du Dharma" seulement celui qui sait exposer le Dharma avec pédagogie et faire en sorte que ses auditeurs le comprennent facilement afin de prendre conscience de leurs idées fausses. Être "satisfaisant" c'est avoir le pouvoir de persuasion. Une personne capable de répondre de manière recevable à n'importe quelle question et à n'importe quelle opinion contraire exposera le Dharma sans crainte.

La quatrième intrépidité est appelée nodan-motsugi : le bodhisattva n'a pas peur d'exposer le Dharma en répondant aux doutes de manière "satisfaisante". De nombreuses questions surviennent à propos de l'interprétation des enseignements profonds, vastes et illimités du Bouddha. Chaque personne a une interprétation différente, d'où le dicton : "Pour cent moines bouddhistes il y a cent interprétations du Dharma." Une personne doit avoir les idées claires et percutantes dans l'interprétation du Dharma mais, avant tout, elle doit surpasser les autres en vertu et en compassion. Pour ce qui est des problèmes aussi épineux que les interprétations variées des enseignements, il n'est pas aisé de saisir la véritable intention du Bouddha à partir des seules connaissances théoriques. Seule une personne qui a atteint le stade spirituel qui lui permet de pénétrer directement dans la grande compassion du Bouddha est en mesure de comprendre ses intentions, d'élucider les nuances délicates et de lever les doutes. Un bodhisattva capable d'exposer le Dharma de cette manière n'aura aucune crainte.

En considérant les quatre intrépidités d'un bodhisattva, certains peuvent être découragés par la difficulté d'exposer le Dharma aux autres. Cette inquiétude est toutefois sans fondement. Les quatre qualités décrivent le Maître du Dharma idéal et si l'on atteint ce stade c'est qu'on est déjà un grand bodhisattva. Personne n'arrive à cela sans effort. Il faut longuement pratiquer une stricte discipline.

Nous qui nous exerçons aux pratiques de bodhisattva, devons toujours exposer le Dharma en gardant à l'esprit les quatre idéaux afin de nous en inspirer. Lorsque nous rencontrons un problème difficile ou que l'on nous pose des questions auxquelles nous ne savons pas répondre, il faut dire franchement : ‘‘Comme cette question me dépasse, je vais me renseigner et vous répondrai ensuite.’’ Nous ne devons pas inventer une réponse juste pour parer à la situation d'une manière ou d'une autre. Dire ‘‘Je ne suis pas certain’’ ne nous rabaisse pas dans l'estime des autres en tant que maître du Dharma ; il en résulte, bien au contraire, une plus grande confiance de la part de ceux qui nous écoutent.

Les mérites de l'oreille, du nez, de la langue, du corps et du cerveau

Le Bouddha prêcha ensuite les bienfaits-kudokus de l'oreille. Il enseigna que n'importe quel fils ou fille de foi sincère qui s'est perfectionné(e) dans les cinq pratiques du maître du Dharma sera capable d'entendre tous les mots et tous les sons avec des oreilles "engendrée par les parents". 

Les objets émettent un son chaque fois qu'ils bougent. Une personne qui a atteint un esprit serein en approfondissant sa foi peut saisir les déplacements subtils des objets grâce aux sons qu'ils émettent. Parmi les divers sons mentionnés dans ce chapitre du Sutra, ceux du feu, de l'eau et du vent se réfèrent aux éléments naturels. Avec une oreille pacifiée, on peut saisir distinctement les mouvements de la nature simplement en écoutant les craquements du feu, les murmures de l'eau et les sifflements du vent. Lorsqu'une telle personne écoute sereinement les bruits de la nature, elle peut y prendre autant de plaisir que si elle écoutait une belle musique. Lorsqu'elle entend un bruit inhabituel dans la nature, elle peut en discerner la cause véritable et sauver de nombreuses personnes, ainsi qu'elle-même, des tempêtes de neige, des typhons, des ouragans, des raz de marées, des inondations et d'autres désastres. De plus, elle peut facilement reconnaître l'état d'esprit des hommes quand ils jouent de la conque et du tambour ou qu'ils font sonner des gongs et des cloches.

Un bon mécanicien, lorsqu'il entre dans un atelier, sait reconnaître au son quelle pièce ou quelle machine est usée ou mal réglée. Parmi plus d'une centaine de musiciens, un bon chef d'orchestre peut distinguer de subtiles différences : quels musiciens jouent trop haut ou trop bas, qui ne rend pas le sentiment approprié et qui joue trop fort. Un maître du Dharma, comme un directeur dans la vie d'une entreprise, est capable de reconnaître les sentiments des hommes grâce à leurs paroles et autres bruits.

Les sons des êtres vivants sont, bien évidemment, produits par leurs mouvements. Non seulement par les vibrations de leurs cordes vocales mais aussi par les mouvements de leurs sentiments et de leur volition. Il y a des sons qui traduisent le bien-être, la tristesse, la souffrance et d'autres qui aboutissent à la parole. Quelqu'un qui a développé une foi suffisante peut entendre la véritable signification de tous ces sons : les sons de ceux qui sont dans l'état d'enfer, dans l'état d'animalité, dans celui des esprits faméliques ou des asuras. Il peut aussi reconnaître les sons des hommes saints, des bhikshus, des bhikshunis et des bodhisattvas. Il peut comprendre quel enseignement est prêché dans quel endroit et quelle est la valeur de son contenu. Finalement, il atteindra le niveau décrit dans les stances suivantes :

« Les bouddhas, les grands saints vénérables,
qui enseignent et convertissent les êtres,
qui, au sein des Grandes assemblées,
exposent le Dharma sublime et merveilleux,
celui qui garde ce Lotus du Dharma,
pourra tous les entendre. »

Puisque le corps tout entier de l'Ainsi-Venu est contenu dans le Sutra de Lotus, il est naturel que celui qui adhère à ce Sutra puisse entendre le Bouddha prêchant le Dharma.

Nous trouvons les deux expressions suivantes dans les stances où le Bouddha décrit les mérites de l'oreille : ‘‘il* les écoutera, mais sans s'y attacher.’’ et ces voix ‘‘ne détérioreront point sa faculté auditive’’.

La première expression signifie que même s'il entend les sons d'une merveilleuse musique il ne tombe pas sous son emprise. Il peut être charmé par la musique pendant un bref moment, mais il n'a pas d'attachement permanent à celle-ci et n'est pas tenté d'oublier les sujets importants. C'est pour nous un bon exemple en ce qui concerne notre attachement aux divertissements.

La seconde expression signifie qu'il ne sera pas assourdi même s'il entend ‘‘les voix du monde tricosmique’’. Il ne sera pas déstabilisé en écoutant les différents sons du monde. Si une personne ordinaire entend les plaintes de l'angoisse, de la souffrance, de la douleur d'un côté et les cris des disputes et des querelles de l'autre, elle sera dans la plus grande confusion. Cependant, une personne qui a approfondi sa foi de façon suffisante ne se sentira pas accablée;  elle demeurera calme au milieu du bruit et sera capable d'entendre ces sons avec sérénité.

Ensuite, le Bouddha exposa les deux sortes de mérites de la langue : tout ce que l'on mange a un goût excellent et, lorsque l'on prêche, on a une voix si profonde et si belle qu'elle donne à tous du plaisir et de la joie. En ce qui concerne le premier mérite, il est naturel que tout ce qu'une personne mange soit bon lorsqu'elle a atteint ce degré de foi élevé et de calme mental. Quant au second mérite, il se passe de tout commentaire.

Le Bouddha parle aussi des bienfaits du nez. Parmi les organes des sens de l'homme, on dit que le l'odorat est le plus proche de l'animal. C'est pourquoi les arts olfactifs n'ont pas été autant développés que les arts visuels (peinture, sculpture, etc.) et les arts auditifs (musique). L'odorat a une influence plus directe sur les émotions humaines. Lorsqu'on sent une odeur déplaisante, on peut en perdre l'appétit ou attraper mal à la tête ; par ailleurs, on peut être complètement fasciné par un parfum agréable. Le sens de l'odorat est très difficile à définir, mais si un fils ou une fille de foi sincère améliore les cinq sortes de pratiques du maître du Dharma, il ou elle discernera sans entraves les objets de l'odorat, en d'autres termes saisira l'aspect réel des phénomènes (shoho jisso).

Ensuite, le Bouddha expose les deux sortes de kudokus de la langue : tout ce que l'on mange a un goût excellent et, lorsque l'on prêche, on a une voix si profonde et si belle qu'elle donne à tous du plaisir et de la joie. En ce qui concerne le premier bienfait, il est naturel que tout ce qu'une personne mange soit bon lorsqu'elle a atteint ce degré de foi élevé et de calme mental. Quant au second mérite, il se passe de tout commentaire.

Puis le Bouddha exposa les mérites du corps. Si un fils ou une fille de foi sincère améliore les cinq sortes de pratiques du Maître du Dharma, il ou elle obtiendra un corps aussi pur que le cristal de roche et

« les êtres se réjouiront tous à le voir
et, de même qu'un miroir pur et limpide
montre sans exception les formes qui s'y reflètent,
le bodhisattva, en son corps pur,
verra tout ce qui existe dans le monde. »

Une personne qui s'adonne de tout cœur à la pratique du bodhisattva est libérée de l'idée de l'existence d'un soi indépendant. Parce qu'elle a un corps purifié, toutes les formes et les images du monde seront perçues telles quelles (nyoze) sans déformation. C'est le sens des vers ci-dessus.

Pour finir, le Bouddha explique les kudokus de l'organe de la pensée :

« Si un fils de foi sincère, ou une fille de foi sincère, après le parinirvana de l'Ainsi-Venu, reçoit et garde ce Sutra, s'il le lit, le récite, l'explique ou le copie, il obtiendra mille deux cents mérites pour l'intellect. Grâce à cet organe mental purifié, en entendant ne serait-ce qu'une stance ou une phrase, il en pénétrera les sens innombrables et infinis et, les ayant compris, il sera capable d'exposer cette seule stance ou phrase pendant un mois, quatre mois, voire un an; tous les enseignements qu'il exposera seront conformes à la teneur de ces sens et ne contrediront point la réalité. »

Ayant ainsi complètement assimilé l'enseignement, il pourra le prêcher sous tous les angles par divers moyens, de n'importe quelle manière et pendant autant de temps qu'il le désirera. Cela montre l'ampleur et l'infinité des enseignements du Bouddha et la profonde sagesse de celui qui les a pénétrés.

Le Bouddha dit encore :

« S'il explique les textes profanes, les maximes politiques et règles de vie, les activités de subsistance, ce sera toujours conformément au vrai Dharma. »

Ces paroles sont très importantes dans notre vie quotidienne, à notre époque. Le terme "textes profanes" désigne les écrits non-bouddhiques pour guider les hommes tels que les ouvrages d'éthique ou de philosophie. Ce terme ne s'applique pas seulement aux livres mais comprend aussi les doctrines prêchées oralement. "Maximes politiques et règles de vie" désigne les textes de politique, d'économie et de législation. L'expression "activités de subsistance" s'applique aux analyses et conseils dans les domaines de l'industrie, de l'agriculture, de la manufacture et du commerce.

Les idées d'une personne qui a atteint une foi profonde coïncideront naturellement avec le vrai Dharma, même en ce qui concerne les affaires pratiques. Pour des religieux, il convient de traiter les questions spirituelles et celles du monde de l'esprit, mais pas les questions concernant la gestion ou la politique étrangère d'une nation. Cependant, ils ont le devoir important de prêcher les principes de l'attitude correcte à ceux qui sont chargés de ces questions. Le Bouddha Shakyamuni guida les hommes dans les domaines de leur travail, de leur situation financière et d'autres affaires pratiques, sans compter son enseignement sur l'attitude mentale "juste" des hommes engagés dans le gouvernement.

Du vivant de Shakyamuni, beaucoup de croyants du Sutra du Lotus étaient des laïcs. C'est pourquoi le Bouddha a souvent prêché directement chez eux en leur exposant les "maximes politiques et règles de vie" mais, plus souvent encore, il leur a enseigné les moyens d'existence justes (samyag-ajiva).

Les discussions concernant la vie ordinaire des hommes étant en rapport étroit avec leurs intérêts quotidiens et leurs préoccupations, elles sont fortement influencées par leur ego. Nous avons tous tendance à voir à court terme et nous cherchons à obtenir des résultats selon notre façon de faire personnelle ; nous ne prenons pas le recul nécessaire pour avoir un point de vue plus distant de sorte à en faire bénéficier les autres. À l'inverse, une personne qui a acquis la véritable foi exposera le Dharma en conformité avec les enseignements du Bouddha, or c'est ce dont notre société a le plus besoin.

Pour insister sur cet enseignement, le Bouddha dit:

« En ce qui concerne les êtres des six voies du monde tricosmique, il [le bodhisattva] connaîtra en tous points les opérations de leur pensée, les mouvements de leur pensée, les raisonnements futiles de leur pensée. Alors même qu'il n'aura pas encore obtenu la sagesse sans infections (asrava), son organe mental sera purifié à ce point. Tout ce que cette personne pourra penser, supputer, exprimer, relèvera du Dharma du Bouddha, sera authentique et réel et aura été exposé dans les sutras des bouddhas précédents. »

Quelles que soient les préoccupations, les mentalités, les arguments futiles et aberrants des êtres du monde tricosmique, une personne dont la foi est élevée peut tous les connaître même si elle n'est pas encore dégagée de ses illusions et n'a pas acquis la sagesse qui permet de voir l'ainsité des phénomènes ; son organe mental est suffisamment pur pour lui conférer ce pouvoir "surnaturel". Ce qu'elle analysera, pensera et dira sera en adéquation avec ce que les bouddhas précédents avaient enseigné.

Les "bouddhas précédents" sont ceux qui ont vécu avant l'apparition de Shakyamuni dans ce monde. C'est une façon de dire que la vérité de la vie ne change pas et que tout ce que prêche une personne d'une foi suffisamment profonde, coïncidera avec la vérité des trois phases : le passé, le présent et l'avenir.

Voilà comment le Bouddha nous apprend que, par les bienfaits des cinq sortes de pratique du maître du Dharma, n'importe quel fils ou fille de foi sincère peut purifier ses six sens : la vision, l'audition, le goût, l'odorat, le toucher et le mental.

En résumé, il y a deux thèmes principaux dans ce chapitre. Le premier est l'encouragement que le Bouddha adresse à l'homme pour qu'il se consacre à la pratique : s'il adhère au Sutra du Lotus de tout cœur, il peut s'améliorer à la fois mentalement et physiquement. Le second point est une exhortation : une personne qui croit vraiment au Sutra du Lotus doit propager les enseignements du Bouddha ; elle possédera naturellement le pouvoir de discernement. Le fait qu'une personne n'ait pas encore atteint cet état est la preuve de l'insuffisance de sa pratique. Elle doit donc constamment s'examiner de façon à ne pas tomber dans l'auto-complaisance et la vanité.

Suite

Chapitre XIX du Sutra du Lotus

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