Le Sandai hiho sho revisité (1999) Controverses |
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Le texte ci-dessous est un résumé d'articles dont les références se trouvent en bas de la page. Il ne reflète en aucune manière la position de l'équipe du site nichiren-etudes. 1 ) Commentaires de Fumihiko SUEKI, dans le Japan Journal of Religious Studies http : //www.ic.nanzan-u.ac.jp/SHUBUNKEN/publications/jjrs/jjrs.htm (…) Le problème le plus difficile quand on traite des œuvres attribuées à Nichiren, c’est que certaines d’entre elles, et pas qu’un petit nombre, ont une paternité douteuse - douteuse parce que leurs idées ne sont pas complètement claires et contredisent même les déclarations qui figurent dans des écrits authentiques de Nichiren. La question de la falsification à propos de certains écrits a été posée pendant l’ère Tokugawa ( 1603-1868), mais c’est après l’ère Meiji ( 1868-1912) que l’examen moderne et scientifique de ses écrits a commencé (…) Un autre problème avec les écrits de Nichiren est celui de savoir comment comprendre son attitude politique, qui fut interprétée en termes nationalistes par le mouvement du Nichirénisme ultra-nationaliste né dans le Japon d’avant guerre. Après la Seconde Guerre mondiale, cette tendance a été critiquée et la conception de la nation chez Nichiren a été réexaminée. L’ouvrage le plus controversé à cet égard s’est révélé être le Sandai hihô honjô ji (ou Sandai hihô shô), qui semble soutenir l’idée de l’unification de la politique et de la religion. Les spécialistes qui critiquaient les interprétations ultra-nationalistes de Nichiren rejetèrent ce texte et assurèrent qu’il avait été fabriqué (…). Cependant, cette situation a commencé récemment
à changer. Jacqueline STONE (1990) a examiné les ouvrages
problématiques de Nichiren en détail et a proposé
leur réévaluation (…) Parmi ces nouvelles tendances
à réévaluer les ouvrages contestés de Nichiren,
le résultat le plus sensationnel a été publié
par ITO Zuei (1997). Ito
a examiné le Sandai hihô shô
en utilisant une analyse par ordinateur, en collaboration avec un statisticien.
A la suite de cela, il déclara que le Sandai
pouvait être accepté comme un ouvrage authentique de Nichiren.
Quoique ses résultats soient loin d’être certains,
nous ne pouvons pas plus longtemps écarter ce texte comme un faux
sans l’examiner en détail. La seconde question posée demande quand l’enseignement des Trois grands Dharmas cachés se répandra dans le monde. La réponse est qu'ils se répandront au temps du déclin, l’époque des Derniers jours du Dharma, durant la cinquième période de cinq cents ans après la mort du Bouddha quand les gens ne font rien d’autre que combattre et que la Loi blanche (véritable) (byakuhô) disparaît. La troisième question est celle de savoir si la binveillance du Bouddha n’est pas partielle, s’il est vrai que les Trois grand Dharmas cachés ne se répandent que pendant l’époque des Derniers jours du Dharma. La réponse est que les enseignements du Bouddha correspondent à la capacité des êtres doués de sensations ; seul l’enseignement du chapitre sur la Durée de la Vie est le chemin accessible pour se libérer de la naissance et de la mort à l’époque des Derniers jours du Dharma. Les quatrièmes question et réponse traitent des textes qui servent de preuves pour soutenir ces affirmations. Le problème le plus important est discuté
dans les cinquièmes question et réponse. La question posée
demande une clarification des Trois grands Dharmas cachés, et la
réponse les explique l’un après l’autre. En ce qui concerne daimoku l’auteur dit que le daimoku de l’époque des Derniers jours du Dharma est différent de celui des époques du Dharma correct et du Dharma formel. Ce dernier est une pratique en principe uniquement pour son propre bénéfice, tandis que le premier consiste en la récitation de Namu Myoho Renge Kyo, qui bénéficie non seulement à soi-même mais aux autres. Les cinq caractères Myo, Ho, Ren, Ge et Kyo correspondent aux cinq profondes significations du Sutra du Lotus mises en évidence par le fondateur de l’école Tendai, Zhiyi, c’est-à-dire son nom, son essence, son point principal, sa fonction et son enseignement. L’explication de la plate-forme d’ordination (kaidan)
est celle qui pose le plus de problèmes. C’est le seul passage
dans le corpus de Nichiren qui explique le kaidan,
tandis que le Gohonzon et Daimoku sont expliqués dans d’autres écrits, tels que le Senji
sho. Après avoir expliqué les Trois grands Dharmas cachés l’un après l’autre, le texte les résume et déclare que les Trois grands Dharmas cachés sont ce que Nichiren, comme chef des bodhisattvas Surgis-de-Terre, reçut par transmission orale du Bouddha Shakyamuni. En réponse à la sixième et dernière question, l’auteur cite des passages des chapitres Hoben* (II) et Juryo* (XVI) du Sutra du Lotus, qui soutiennent la théorie de "trois mille mondes en un seul instant" (ichinen sanzen). A la fin de cet exposé, Ota Kingo reçoit l’instruction de garder le texte secret. Ainsi, le passage où l'estrade d'ordination est expliquée est très controversé. C’est peut-être même le passage le plus controversé de tous les écrits de Nichiren. 2) La controverse autour du Sandai hiho sho L’authenticité du Sandai hiho sho était déjà mise en question par certains érudits nichiréniens pendant la période Edo. Les opinions étaient, des deux côtés, liées à des attitudes politiques. Tandis que ceux des moines érudits qui visaient à l’établissement d’une plate-forme nationale d’ordination affirmaient l’authenticité du texte, ceux qui se tenaient à l’écart d’un tel engagement politique déclaraient qu’il s’agissait d’un faux. A la période moderne, YAMAKAWA Chio fut le premier savant qui discuta la question en détail. C’était un membre dirigeant du Kokuchu-kai, une organisation laïque nationaliste du Nichirénisme, et il soutenait l’authenticité du texte. Il déclarait : "Les idées d’unité de la loi du dirigeant et du Dharma du Bouddha, et celle de la plate-forme nationale d’ordination signifient vraiment la conversion parfaite de la nation à la religion, une unique et grande idée qu’on ne trouve pas ailleurs dans l’histoire culturelle du monde." (YAMAKAWA, 1929, p. 429). En cela, les revendications en faveur de l’authenticité
du Sandai hiho sho comportaient une relation
étroite avec le mouvement politique du Nichirénisme nationaliste.
Et, pour cette même raison, l’authenticité du texte
vint à être mise en question, après la Seconde Guerre
mondiale, par des chercheurs qui critiquaient l’attitude nationaliste
des bouddhistes d’avant la guerre et cherchaient une forme démocratique
et pacifiste de bouddhisme. 3) La théorie des Trois Corps non produits Au delà de la question de la plate-forme nationale
d’ordination, il y a une autre raison pour laquelle l’authenticité
du Sandai hiho sho est discutée. C’est
l’utilisation du terme musa sanjin
("Trois
Corps non produits"). Le terme est utilisé deux
fois dans le texte.., et il apparaît aussi dans les écrits
envoyés à Sairen-bo et dans
d’autres travaux de Nichiren. 4) L’unité de la loi du dirigeant et du Dharma du Bouddha Nous pouvons revenir à la conception politique implicite contenue dans le Sandai hiho sho. Récemment, l’idée que Nichiren n’était pas un nationaliste, à l’encontre de ce qu’on avait souvent pensé qu’il était, a été largement acceptée dans le monde académique. Bien que ses derniers travaux expriment une aspiration à la Terre Pure du Pic du Vautour, le monde idéal du Bouddha Shakyamuni éternel à réaliser après la mort, ceci ne signifie pas qu’il ait abandonné l’idéal de transformer ce monde présent en terre du Bouddha. Comme Sato Hiroo l’a montré (1977), l’élévation du Bouddha Shakyamuni au statut d’une existence absolue dans les derniers travaux de Nichiren le conduisit à s’opposer à la situation du Japon à son époque de façon encore plus inflexible que dans ses jours de jeunesse. Attendre une naissance, après la mort, dans la Terre Pure du Pic du Vautour, présuppose l’action de réfuter les enseignements erronés dans cette vie présente. Quand on les compare avec cette tendance critique dans les derniers travaux de Nichiren, certaines idées du Sandai hiho sho apparaissent contradictoires. En particulier, l’idée de l’unification de la religion et de la politique ne semble pas s’accorder avec le fait, pour lui, de mettre le Dharma du Bouddha au dessus de celle du dirigeant. L’affirmation, selon laquelle le dirigeant devrait donner des ordres pour trouver un site idéal semblable au Pic du Vautour et établir là la plate-forme d’ordination, prête même à interprétation, car elle exprime la supériorité du pouvoir mondain sur l’autorité religieuse. Cependant, une investigation détaillée montre clairement que, ici encore, l’idée fondamentale contenue dans le Sandai hiho sho n’est pas si différente de celle que l’on trouve dans les ouvrages de Nichiren qualifiés d’authentiques. Ici, on devrait noter la mention dans ce texte de l’histoire du roi Utoku et du moine Kakutoku. Cette histoire apparaît pour la première fois dans le Sutra du Nirvana. Dans cette histoire, des moines apostats attaquent le moine Kakutoku alors qu’il prêchait l’enseignement véritable dans un temps passé. Pour protéger Kakutoku, le roi Utoku combattit les moines apostats et fut tué. Kakutoku fit l’éloge d’Utoku et garantit qu’il naîtrait dans le monde de Bouddha Aksobhya. Cette histoire est citée également dans le Rissho ankoku ron. Si l’auteur du Sandai hiho sho pensait que l’autorité mondaine est supérieure à celle du Dharma du Bouddha, ou qu’ils avaient valeur égale, il est étrange qu’il se réfère à l’histoire d’un roi qui est mort en protégeant le Dharma véritable du Bouddha. Au contraire, la mention même de cette histoire signifie que l’auteur croyait en l’autorité supérieure du Dharma du Bouddha sur celui du gouvernement mondain, comme c’est le cas dans le Rissho Ankoku ron et dans les autres travaux de Nichiren jugés authentiques. Selon le Sandai hiho sho, l’établissement de la plate-forme d’ordination sera réalisée un jour futur, quand "le dirigeant et ses vassaux soutiendront tous les Trois grands Dharmas cachés." Arrivé à ce point, il vaut la peine de noter la situation future idéale que Nichiren a parfois prédite dans ses derniers travaux, par exemple dans le Nyosetsu shugyo sho (La pratique telle que le Bouddha l'enseigne) : Quand les centaines de milliers d'êtres habitant sous les cieux et les différentes écoles bouddhiques se convertiront à la méthode universelle pour atteindre la bodhéité en adhérant au Véhicule Unique du Sutra du Lotus et réciteront ensemble Namu Myoho Renge Kyo, les vents furieux ne feront plus ployer les branches et le ruissellement de la pluie ne dénudera plus le sol. Le monde sera pacifié comme du temps des anciens empereurs Fu Xi et Shen Nung. Les désastres seront écartés du pays et ses habitants, libérés du malheur. Ils apprendront également l'art de mener des vies longues et pleinement satisfaisantes. Sachez que le temps viendra où l'on comprendra cette vérité : la Personne et le Dharma ne peuvent vieillir et sont éternelles. Il ne peut y avoir le plus petit doute concernant la promesse solennelle, faite dans le Sutra, d'une vie paisible en ce monde." Le Shonin gohenji (Sur les persécutions subies par le Bouddha) de Nichiren décrit aussi une époque future où le dirigeant et ses vassaux ont été convertis au Sutra du Lotus. A cet égard aussi, les idées contenues dans le Sandai hiho sho ne sont pas extrêmement différentes de celles des écrits authentiques. Bien que le Sandai hiho sho reste dans la liste des œuvres de Nichiren classées comme douteuses et ne peut être déclaré authentique avec certitude, la possibilité existe donc qu’il puisse être authentique. Comment peut-on, dès lors, évaluer les idées politiques de Nichiren, en prenant le Sandai hiho sho en considération ? La principale idée politique du texte est que le dirigeant d’une nation doit diriger la nation au nom d’idées religieuses véritables. L’idée de la plate-forme nationale d’ordination symbolise la réalisation de cette situation idéale. Cela ne signifie pas la supériorité de la politique sur la religion ou l’égalité de la politique et de la religion. La valeur religieuse est toujours tenue pour supérieure à la politique. De ce point de vue, l’interprétation faite après la guerre des idées politiques de Nichiren est correcte, même si nous prenons le Sandai hiho sho en considération. Le problème est de savoir comment évaluer l’idée de Nichiren de la supériorité de la religion sur la politique. D’un point de vue historique, l’idée de Nichiren de la supériorité de la religion sur la politique était très nouvelle à l’époque médiévale. L’attitude du bouddhisme d’Etat était de placer la politique et la religion côte à côte au même niveau. La position de Honen était de séparer la religion de la politique et de se concentrer seulement sur les problèmes religieux. La position de Nichiren est différente de ces deux là et elle était assez neuve (…) Il est plutôt le pionnier d’une attitude nouvelle à l’égard de la politique du point de vue religieux… Si nous considérons le problème dans les termes de la situation contemporaine, celui-ci est encore plus complexe. Quand l’idée de la supériorité de la religion sur l’autorité mondaine devient un principe de critique contre un establishment obstiné, il va fonctionner comme un mobile effectif de résistance. Quand, au contraire, s’il devient un principe pour l’oppression du parti opposé ou de différentes écoles religieuses, il devient très dangereux. Si une plate-forme nationale d’ordination était réalisée, ce ne serait rien d’autre qu’une forme de terreur pour ceux qui ont des croyances différentes de celles du Sutra du Lotus. L’idée politique de Nichiren contient cette ambivalence, que l'on prenne, ou non, le Sandai hiho sho en considération. Bibliographie : DEL CAMPANA, Pier P. ITO Zuiei : Naze ima Sandai hiho sho ka, et Sandai hiho sho wa naze shinsaku ka, Kyoto, Ryubunkan, 1997 (en japonais). SATO Hiroo : “Nichiren no koki no shiso : Obo to Buppo to no kankei o chushin to shite”, Nihon shisoshi gaku, 1977 (en japonais). STONE : Jacqueline, Some disputed writings in the Nichiren corpus : Textual, hermeneutical, and historical problems. Ph. D. dissertation (thèse de doctorat), University of California, Los Angeles, 1990. YAMAKAWA Chio : Nichiren Shonin kenkyu, Tokyo, Shinchosha, 1929 (en japonais). Japanese Journal of Religious Studies, 1999, 26, 3-4 : Revisiting Nichiren (Ruben L.F Habito et Jacqueline Stone, Ed.) |
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