Lire le Sutra du Lotus
Ryusho Jeffus


5 - Chapitres II et XVI

 

Chapitre II – Moyens appropriés

Commenter ces deux chapitres est, peut-être, ma plus grande gageure. Il est plus facile de les exposer oralement de façon à créer  un dialogue au cours duquel les auditeurs vous envoient un « retour » de façon à vous informer de ce qui a été compris et à quel point ils saisissent et se sentent concernés par ce qui est dit.  Ce sera une expérience intéressante pour moi de m’exprimer sans ce retour.

Au début, en réunissant les matériaux pour ce chapitre, j’avais l’intention de traiter trois points : la manière d’enseigner ce chapitre II, le concept du Véhicule Unique et l’intellect face à la foi. Mais si j'avais gardé ce plan, beaucoup de commentaires eussent été redondants avec ce que j’ai traité précédemment. 

J’ai déjà écrit sur le fait que le Sutra du Lotus est un enseignement qui fut donné à l’initiative du Bouddha et que ce n'est pas, comme la plupart des fois précédentes, une réponse à une question. En parlant des paraboles, j’ai aussi écrit sur le concept du Véhicule Unique. Enfin, j’ai souligné l'importance d'aborder le Sutra du lotus avec la foi-shinjin et pas seulement de façon intellectuelle. Aussi, vais-je me contenter de commenter quelques points moins importants que j'aurais dû omettre si j'avais, comme prévu, fait une présentation générale du chapitre II

Je voudrais dire d’abord quelques mots sur les dix mondes-états et les dix ainsités (nyoze). Lorsque je parle des dix mondes-états au temple, ou à des personnes en tête-à- tête, j’aime bien les représenter sous la forme d’une carte topographique. Nous prenons souvent les dix mondes comme un outil permettant de décrire les différentes conditions psycho-mentales qui agissent dans notre vie. Et, s’il est vrai que c’est très utile de savoir où nous en sommes, il est encore plus important de savoir où nous voulons aller.

Si nous nous trouvons dans un état inférieur comme l’enfer, l’avidité, l’animalité ou la colère*, en ressentant la tristesse et la souffrance propres à ces mondes, le concept des dix mondes peut nous faire entrevoir les mondes-états où nous aimerions nous trouver. Le plus facile est de passer à l’état d’humanité. Nous fixerons donc notre attention sur ce monde et orienterons notre vie et notre pratique pour stimuler l’accroissement de ce monde-état. En ce qui nous concerne, c’est le monde-état de la bodhéité que nous cherchons à développer et donc nous essayerons de manifester les caractéristiques d’une personne éveillée.

Plutôt que d’attendre que quelque chose nous tombe miraculeusement dessus ou qu’une bonne fée exauce nos souhaits, nous ferions mieux de nous remuer un peu et de commencer à vivre comme si les conditions étaient déjà réunies pour atteindre notre but. Le bouddhisme est tous sauf l’attente passive que les choses nous tombent dans le bec. C’est au contraire, agir pour être ce pour quoi nous sommes faits, c’est-à-dire pour devenir bouddha.

Le Sutra du Lotus nous dit que nous sommes déjà bouddha ; nous en avons déjà tous les ingrédients, il faut juste les rendre opérants. Nous pouvons utiliser la théorie des dix mondes-états comme une boussole pour nous guider de la souffrance vers l’Éveil. Le Sutra du Lotus et daimoku sont des outils qui rendent ce renversement possible. Si on regarde la doctrine des dix mondes comme une carte ou un GPS, le Sutra du Lotus et daimoku sont le carburant qui permet d’effectuer ce voyage.

Pour ce qui est des dix ainsités (dix nyoze) que nous récitons tous les jours à la fin du chapitre II, le plus important est qu’elles sont indissociables de tous les aspects de notre vie sans exception, vie physique et vie spirituelle, et qu’elles s’inscrivent dans une totale cohérence. Le bouddhisme et la bodhéité ne se manifestent pas dans un seul aspect de la vie.

Comment nous sentons-nous quand nous sommes malades ? Nous manquons d’énergie et n’avons qu’une seule envie : rester au lit et guérir. Même notre aspect extérieur est modifié par la maladie et, bien sûr, nos organes internes aussi. Par exemple, notre nez coule et gonfle, nos yeux sont rouges, nous avons de la fièvre et nos articulations sont douloureuses. Notre maladie nous affaiblit et nous sommes plus fatigués que d’ordinaire.  Nous nous traînons et sommes peu efficaces.  Le contraire est tout aussi vrai quand nous nous sentons pleins de vitalité et d’énergie. Quand nous sommes en pleine forme, tout nous réussit, nous sommes efficaces et nous avons de l’énergie à transporter des montagnes. Et, bien sûr, nous percevons notre environnement selon notre état. 

Quand vous êtes de bonne humeur, gai, souriant et positif, les évènements ne vous agacent pas aussi facilement que lorsque vous êtes maussade. Ce n’est pas l’environnement qui a changé, c’est votre état de vie qui interprète autrement l’environnement. Et réciproquement, notre façon de voir le monde influe sur l’attitude des autres à notre égard. Avez-vous remarqué comme certaines personnes ne sont jamais satisfaites et se plaignent comme si rien n’était jamais assez bien pour elles ? C’est exactement ce qui se passe en effet. Il est difficile d’attirer à soi de bonnes choses quand on est un éternel frustré.

Tout cela relève d’une profonde cohérence interne. Le message est clair : lorsque nous changeons intérieurement, l’extérieur suit et crée les conditions pour un nouveau changement intérieur. Le tout est de commencer par changer notre vie intérieure. Le bouddhisme ne cesse d’enseigner que tout changement commence par soi.

J’imagine que certains diraient qu’à regarder autour de nous, on aurait du mal à voir dans notre environnement la Terre de Bouddha où l’Ainsi-Venu est toujours présent. Si vous trouvez que votre environnement n’est pas très éveillé, c’est que vous-mêmes ne l’êtes pas encore assez. Si nous modifions notre vécu, tout notre contexte se transforme. En devenant bouddha, nous constatons que le lieu où nous vivons est une Terre de pureté et de bonté, exactement comme le dit Shakyamuni. Il n’existe aucun autre lieu que celui où nous sommes qui soit plus propice et adapté à notre Éveil. Il y a, certes, des choses dans notre environnement qui ont besoin d’être changées, mais tant que nous ne nous serons pas d’abord changés intérieurement, toutes les transformations que nous aurons effectuées retourneront à leur état premier, ou presque. C’est difficile à accepter car il est bien tentant de se dire : si je change de boulot, tout ira mieux. Mais si nous changeons de boulot sur la base de cette conviction sans modifier fondamentalement notre attitude face à la vie, nous rencontrerons, sans conteste, les mêmes problèmes, même si l'emballage est différent. 

Le bénéfice de la pratique bouddhique réside uniquement dans la transformation de notre vie et c’est cette transformation qui se manifeste ensuite dans l’environnement. Le bouddhisme ne cherche pas des récompenses sous forme de richesse ou de biens matériels qui sont temporels et périssables, nous recherchons l’Éveil indestructible du Bouddha ; le Sutra du Lotus nous dit que c'est possible.

Dans ce Sutra, Shakyamuni révèle pour la première fois tout ce qu’il avait tenu secret, il donne toutes les réponses et indique toutes les possibilités. Comme Shakyamuni le dit, l’unique raison de l’apparition du Bouddha en ce monde est de permettre à tous les êtres d’atteindre le même Éveil que celui de l’Ainsi-Venu. On dit que le Bouddha écarte le proche pour révéler le lointain (kaigon-kennon). Le Bouddha ouvre la porte de ce qui est proche afin que les humains se purifient et il révèle le lointain de sa bodhéité atemporelle pour que tous les êtres puissent entrer dans la voie de l’Éveil.

Dans le chapitre II, Shakyamuni accomplit cela en révélant qu’il n’y a ni pratique distincte ni pratique parcellaire,   il n'y a qu'une pratique : celle du Sutra du Lotus.  Les bouddhas montrent la bodhéité de l’Ainsi-Venu dans sa totalité et son accessibilité afin que les hommes puissent bénéficier entièrement de la Voie bouddhique.

Pour faire court, c’est la foi-shinjin qui est la clé pour suivre les enseignements du Sutra du Lotus. Si nous pensons que nous pouvons rester sur la touche et observer ce qui se joue sur la Voie de l’Éveil, c’est que nous avons manqué le message essentiel du chapitre II.

La foi-shinjin nous ouvre une porte en nous libérant des doutes sur la vérité du Dharma. Lorsque nous abandonnons le doute systématique et le besoin de tout rationaliser, nous pouvons ressentir la joie de la pratique. Dès lors, nous pouvons constater que les théories se concrétisent dans notre vie, la vérité n'a plus besoin de mots, nous voyons la vérité qui transcende toute contingence. En somme, toutes les théories bouddhiques n’ont pour nous de valeur que dans la mesure où nous pouvons les expérimenter et les appliquer à notre vie.

La vérité du Véhicule Unique du Bouddha est bien plus qu’une simple fusion des trois sortes de pratiques – des auditeurs-shravakas, des pratyekabuddhas et des bodhisattvas – , c’est l’esprit et la pratique de bouddha qui sont déjà manifestes dans notre vie. Il ne s’agit pas de devenir quelqu’un mais d’être pleinement ce que l’on est. Nous sommes bouddhas lorsque nous nous éveillons à cette vérité ; ce que nous obtenons en pratiquant d'abord, avec la foi-shinjin, et non en raisonnant d'abord. 

Shakyamuni nous invite à ne pas chercher la bodhéité à l'extérieur de nous-mêmes mais à comprendre que nous sommes des bouddhas, la différence étant que les bouddhas sont éveillés à cette vérité tandis que nous ne le sommes pas encore. Par son enseignement Shakyamuni cherche à supprimer la barrière que notre imaginaire dresse entre notre vie et la bodhéité. Le grand désir du Bouddha est que nous mettions en action notre bodhéité.

On me demande souvent comment agit la récitation de Namu Myoho Renge Kyo ou comment nous pratiquons le Sutra du Lotus. Le Bouddha nous donne pas mal d’indications à ce propos. À la base, il y a la vénération de ce Sutra. Vous ne vénérez pas ce que vous n’aimez pas, n’est-ce pas ? Du moins, pas normalement. La vénération est l’expression de notre gratitude. Les neurosciences ont mis en évidence le fait que la disposition à exprimer la gratitude augmente le sentiment de bien-être. C’est pourquoi, lors de la pratique du Sutra du Lotus, nous commençons par la reconnaissance. La récitation de daimoku commence par la vénération et la gratitude à l’égard du Sutra du Lotus.

Nichiren dit que lorsque nous développons l’esprit de gratitude, de vénération et de dévotion à l’égard du vrai Dharma du  Sutra du Lotus, nous créons la cause fondamentale (honnin-myo) pour activer tous les bienfaits (kudokus) contenus dans ce sutra. C’est aussi ce que nous enseigne Shakyamuni dans le chapitre II ainsi qu'en maints autres endroits.

Dans le chapitre II, Shakyamuni nous met en garde contre des actions qui, au lieu de nous libérer des souffrances, ne font que les accroître. En utilisant la doctrine lotusienne des dix mondes-états et les instructions de Nichiren contenues dans ses principaux goshos, nous apprenons comment mettre fin aux souffrances par les pratiques les plus bénéfiques.  Si, en plantant un clou, vous vous donnez un coup de marteau sur le pouce, vous n’arrêterez pas la douleur en continuant à taper dessus.

Ce chapitre II contient un de mes passages préférés du Sutra du Lotus (un autre se trouve dans le chapitre XVI). À la fin, il est dit :

« Puisque dorénavant vous savez
comment les bouddhas, les instructeurs du monde,
se servent de moyens appopriés* aux dispositions,
vous ne serez plus égarés par le doute,
et concevrez en pensée une grande joie,
sachant vous-mêmes que vous deviendrez bouddha. » 

En écrivant cet essai, mon souhait le plus cher est de vous faire ressentir une grande joie à la lecture du Sutra du Lotus.

Chapitre XVI – Durée de vie de l’Ainsi-Venu

Si le chapitre II nous encourage à aborder le Sutra du Lotus par la foi-shinjin, le chapitre XVI commence par ce que Shakyamuni dit sur l’importance de « croire et comprendre » (adhimukti).  Souvent, le mot « foi » est associé à la notion de croyance ferme en un dogme qui exclut toute remise en question. Il est important de se rappeler que la foi bouddhique « shinjin » (citta-prasada : cœur-esprit clair) est un esprit de recherche et d’expérimentation. Foi et questionnement ne sont pas incompatibles ni ne s’excluent mutuellement.

Le questionnement ne signifie pas le doute, il ne faut pas le suspecter ni le craindre.  Poser des questions sur l'enseignement devrait mener à étudier et explorer la vie encore plus profondément, ce qui devrait raffermir la foi.  La foi bouddhique est donc enrichie par les interrogations et la pratique. La foi-shinjin c’est d'une part questionner et, d'autre part vérifier dans la vie. Pour ma part, je fuis à toutes jambes les personnes ou les enseignements qui n'autorisent pas le questionnement. Le refus de répondre aux questions ou, pire, considérer que les questions sont une faute et un non-respect du dogme, c’est pour moi un signal d’alarme : il y a quelque chose qui ne va pas.   

Ce que le Sutra entend par adhimukti (croire et comprendre) ou par citta-prasada (shinjin) n’a rien à voir avec la crédulité. Je pense que c’est une distinction essentielle que l'on rencontre rarement dans les religions. Pour Nichiren, la shinjin naît de la pratique et de l’étude : shin, gyo, gaku. Un trépied tient debout sur une surface irrégulière. Cela s’explique mathématiquement et c’est la seule forme d’objet à avoir cette propriété. Nous avons tous fait l’expérience d’une chaise à quatre pieds qui chancelle sur un sol irrégulier. Le trépied du bouddhisme qui rend notre assise stable sur n’importe quelle surface bosselée de la vie, c’est « foi, pratique, étude ». Cela nous donne la possibilité de surmonter n’importe quelle situation et de parvenir à l’Eveil quelles que soient les circonstances.

Le chapitre XVI poursuit l’histoire qui a commencé avec le grand spectacle de l’apparition de la Tour-aux-Trésors : Maint-Trésors témoignant de la vérité du Sutra du Lotus, le rappel des émanation du Bouddha Shakyamuni et le jaillissement des bodhisattvas Surgis-de-Terre. Ce qui bouleverse le plus l’Assemblée, c’est que Shakyamuni déclare que ces bodhisattvas Surgis-de-Terre ont été instruits par le Bouddha. Les autres évènements des chapitres précédents ont été certes impressionnants, mais pouvaient avoir une explication. Ici, la Grande-assemblée ne pouvait pas accepter que les bodhisattvas Surgis-de-Terre soient des disciples de Shakyamuni.

Ces gens ne pouvaient pas comprendre comment le Bouddha a pu instruire autant de bodhisattvas durant sa vie. Il y avait dans l’assistance des disciples qui connaissaient Shakyamuni depuis qu’il avait commencé à enseigner et ils n’avaient jamais vu ces bodhisattvas. Pour en avoir le cœur net, la communauté demande au Bouddha de lui expliquer comment il avait pu former autant de disciples tellement extraordinaires que personne n’avait jamais vus.

Puisque vous lisez fréquemment le Sutra, vous aurez remarqué que Shakyamuni ne répond jamais aux questions si on ne les lui a pas répétées trois fois ou bien sans avoir vérifié leur bien-fondé par trois fois. C’est, bien entendu, une façon de bien souligner l'importance de quelque chose. C’est en même temps pour éprouver la détermination et le sérieux de l’engagement des disciples, ce n'est pas pour être cruel ou pour les taquiner. Demander trois fois c'est comme apposer un cachet ou comme offrir un vœu solennel.

Ce chapitre commence donc par la demande forte énoncée trois fois (ou plus) par la congrégation pour que Shakyamuni explique comment il a pu former ces bodhisattvas qui ont surgi de la Terre. Les participants s’engagent par trois fois à « croire et comprendre » les enseignements de l’Ainsi-Venu. Aussi, le Bouddha entame son enseignement qui ne pourra être compris par l'intellect seul mais seulement si la compréhension est mue par la foi, au sens d’adhimukti (confiance respectueuse dans la sérénité). Le Bouddha ne s’adresse pas un raisonnement, à notre intelligence discursive, mais à notre cœur-esprit, notre shinjin. Ce ne sont pas les surdoués intellectuels qui peuvent le comprendre mais ceux que l’esprit de recherche a mené à la pratique et l’expérimentation.

La suite du chapitre est la partie la plus importante du Sutra du Lotus car il y est révélé que le Bouddha ne se limite pas au personnage historique dont le corps physique s’est inscrit dans la vie et la mort il y a deux mille cinq cents ans. Il n'apparait pas uniquement dans ce monde et la bodhéité n’est pas détenue par une seule personne. Ce qui est révélé, c’est la nature éternelle, l’existence éternelle, le lieu éternel du Bouddha, en un mot, le Bouddha Atemporel. Ce n’est pas quelque chose que l’on peut comprendre avec la seule raison, c’est même peu crédible car c’est une vérité qui échappe à la logique. En réalité, nos « merveilleuses capacités intellectuelles » brident notre aptitude à la transcendance et notre capacité de saisir le monde par la shinjin. Pour moi, comprendre le Bouddha Atemporel est du domaine de l’expérience, les mots ne font qu’effleurer l’idée.  Les mots du chapitre XVI peuvent nous guider vers cette idée, nous aider à ouvrir la porte de la compréhension par la pratique. Ils nous mettent au défi de laisser tomber tous ces fatras rationnels auxquels nous sommes si attachés. Ces mots nous engagent à nous connecter, ne fut-ce qu’un bref instant, à la Vie d'une façon dont ni les livres, ni un ordinateur, ni la TV, ni le sexe, ne peuvent le faire.

Le Bouddha est Bouddha depuis un temps qui échappe à toute mesure. Il n’a pas acquis la bodhéité sous l’arbre bodhi. Sa méditation sous cet arbre est l’évènement que nous, dans notre rationalité matérialiste, tenons pour réel alors que c’est probablement l'événement qui a le moins de signification. C’était juste le point de départ du processus historique. Tant que nous éprouverons le besoin de relier le bouddhisme à notre monde à nous, nous resterons captifs d’une vue limitée. Le Sutra du Lotus nous demande de comprendre que le Bouddha n’est lié à aucune personne, aucun point temporel, aucun lieu, ni à aucune planète. Le Bouddha transcende tout cela, il est en toute chose mais en même temps au-delà, il nous dépasse mais n’est pas extérieur à nous. 

Le Bouddha dit :

« Depuis que je suis vraiment devenu Bouddha un temps incommensurable et infini de centaines de milliers de millions de milliards de myriades de kalpas s'est écoulé. »

Il ajoute qu’il

« faisait son apparition dans de nombreux mondes, sous différents noms »

et là il ne s'agit pas de Shakyamuni mais du concept-même de bouddha. L’Ainsi-Venu est un multi-bouddha, c’est-à-dire qu’il est innombrable, qu’il est tous les bouddhas, il est bouddha au-delà du Bouddha Shakyamuni. Comme nous l’avons vu à propos des émanations que le Bouddha rappelle à lui, tous les bouddhas à travers l’espace-temps sont des reflets, des manifestations d’un Bouddha unique. Le Bouddha apparait à différentes personnes, dans différentes circonstances, mais toujours avec une seule intention, un but unique fondamental, celui de conduire tous les êtres au concept du Bouddha Atemporel, comme cela est révélé dans le chapitre XVI du Sutra du Lotus de notre monde Saha.

Shakyamuni dit qu’il apparaissait sous différents noms en un temps infiniment lointain mais que toujours, et quel qu'ait été l’endroit et quel qu'ait été son nom, il conduisait les êtres vers le Dharma. Il ajoute qu’il a toujours adapté son enseignement aux capacités de son auditoire. Il dit qu’il va entrer dans le parinirvana alors qu’en réalité il demeure toujours dans ce monde. Ainsi aussi bien sa présence que son absence ne sont que des hoben, des stratégies pédagogiques ; tout son être, tout ce qu’il dit et fait sont des hoben pour mener les hommes à recevoir et garder le Dharma. Pour le Bouddha, il ne convient pas de faire de distinction entre vivre et enseigner.

Si nous pouvions avoir la même attitude, le bouddhisme connaitrait un immense essor. Si nous pouvions intégrer pleinement l’enseignement lotusien dans notre vie de sorte que chaque moment, chaque action soient une pratique bouddhique, nous serions en mesure de mieux propager le bouddhisme. La voix la plus puissante que nous pouvons faire entendre est celle qui parle à travers nos actions, sans mots. Bien qu'il soit vrai que la voix fait le travail du Bouddha, nous avons là le moyen par lequel nous pouvons enseigner. La voix authentique, le moyen par lequel nous pouvons enseigner et faire œuvre de Bouddha n’est, à mon avis, que la somme de nos actions et de notre vécu, seul véhicule réel de l’enseignement du bouddhisme.

Réfléchissons un moment à ce point, si vous le voulez bien. Lorsque vous voyez un représentant d’une religion et que ses actions ne collent pas avec sa doctrine, qu’en pensez-vous ? Certainement que son enseignement n’est pas bon ou bien que l’adepte ne suit pas l’enseignement. Dans les deux cas, il est difficile de respecter un enseignement qui est incapable de modifier le comportement de ses adeptes. C’est ainsi que les gens nous observent. Peut-être ne l’exprimeront ils pas en face et que nous ne saurons jamais l’impression que nous leur faisons, mais ne vous y trompez pas, la cause a été plantée – pour le meilleur ou pour le pire.

Ce n’est pas quelque chose de propre au bouddhisme. Nous jugeons une entreprise à la façon dont ses employés nous traitent et nous apprécions un pays à la façon dont ses citoyens se comportent. Bien sûr, il y a sans doute d’autres facteurs qui interviennent, n’empêche qu’on juge l’arbre d’après ses fruits.

Dans le chapitre XVI, nous constatons que le Bouddha voit le monde et ce qui s’y passe autrement que les gens ordinaires. Cela me semble vrai particulièrement à notre époque où nous avons vite fait de coller une étiquette à une personne ou un évènement et où nous décrétons à l’emporte-pièce qu’untel est bon ou mauvais, de droite ou de gauche, libéral ou conservateur.

Comme si ranger les choses dans des cases les rendaient plus compréhensibles, comme si ça nous libérait de l’effort de les approfondir par davantage de sagesse et d’empathie. On a de plus en plus l’impression que la réflexion autonome devient, pour les gens, le cadet de leurs soucis et qu’ils préfèrent des jugements simplistes assénés à coup de clichés et de catégories prédéterminées. Je doute que Shakyamuni ait eu à subir la paresse mentale si commune aux hommes modernes ; en tous cas, il nous incite à regarder le monde de manière différente. Le monde est, comme il dit, « ni substantiel ni vide, ni ceci ni cela ».

Si nous voulons profiter de la richesse des enseignements du Bouddha et élargir notre perception du monde, il faut que nous apprenions à en voir la complexité. Si nous voulons communiquer avec toute sorte de gens, comme l’a fait le Bouddha, il faut que nous ayons une approche plus profonde envers ceux qui sont différents de nous.

Le bouddhisme n’est pas une religion facile et passive. Vous ne pouvez pas vous dire bouddhiste sans rien de plus, ce n’est pas juste une épithète. Ces illusions ne font qu’augmenter les souffrances au lieu de les éliminer. Le bouddhisme est un voyage de plus en plus rude vers l’essence même de notre vie. Ce n’est pas non plus une philosophie autosuffisante, c’est un voyage à l’intérieur de soi pour en faire profiter les autres. On ne peut pas y couper, les raccourcis ne marchent pas.

Par la mort apparente de Shakyamuni, le Bouddha nous donne une leçon fondamentale de vie : nous pensons que ce qui nous entoure est acquis à jamais. Ce Sutra est lu dans le monde entier dont beaucoup de peuples ne partagent pas le luxe qu’aux États-Unis nous considérons comme allant de soi. D’un autre côté, d’autres peuples possèdent des biens que nous n’avons pas et ils trouvent cela normal. Je suis toujours impressionné par les transports en commun dans les autres pays. Ainsi, en Angleterre ou au Japon, les transports sont facilement accessibles et pratiques, tandis qu'en certains endroits des États-Unis, vous êtes sérieusement handicapés si vous n’avez pas de voiture. Et pourtant, lorsque j’ai visité ces pays, j’ai été stupéfait d’entendre à quel point les usagers se plaignaient de leurs transports.

Ce n’est peut-être pas une bonne comparaison. Après tout, ces gens ont le droit de vouloir améliorer leurs transports en commun. Mais le fait reste que, même imparfait, leur système est bien meilleur que partout dans le monde.  Même les États-Unis, avec leur manque de transport en commun, dépassent de loin nombre de pays avec leurs voitures, leurs routes, leurs parcs de stationnement, leur carburant et ainsi de suite. Ce que j'essaie de souligner, c'est combien il est facile pour nous de prendre des choses pour acquises et que nous les remarquons seulement lorsqu’elles nous manquent. Qui, parmi nous, réfléchit à cela en appuyant sur un bouton pour avoir de la lumière ou en prenant un verre d’eau au robinet ? Alors que tant de gens seraient heureux d’avoir ne serait-ce que tout ce que nous jetons.

Ainsi donc le Bouddha utilise sa mort pour nous aider à comprendre notre chance d’avoir un bouddha dans notre vie. Cependant, le Sutra du Lotus nous dit que, même dans la mort, le Bouddha est toujours présent, il suffit de le chercher.  Là où il faut le chercher c'est d'abord dans le Sutra du Lotus car c’est le seul endroit qui nous dit que c'est possible et qui nous donne des indices pour y arriver. 

Je le répète, sans cette doctrine du Sutra du Lotus, nous n'aurions, aujourd’hui, au XXIème siècle, qu'un Bouddha mort et un tas de vieux documents historiques. C’est comme si nous étions échoués sur une île déserte sans moyens d’aller ailleurs tout en sachant qu’il y avait autrefois un endroit merveilleux. Le Sutra du Lotus nous dit non seulement qu'il y eut autrefois un Bouddha mais, chose bien plus importante, qu’il y a toujours un Bouddha pour peu que nous nous donnions la peine de le chercher. Le lieu où nous devons commencer à le chercher est justement le Sutra du Lotus. Nous y trouvons l’indice indispensable pour trouver un trésor enfoui et une carte qui en précise l’endroit.

J’admets que tout cela est une bien jolie théorie. C’est une vue de l’esprit et le demeurera jusqu’à ce que vous le compreniez par la foi-shinjin. Le savoir intellectuel et théorique peut être nécessaire en certaines circonstances mais, dans le bouddhisme, et tout particulièrement en ce qui concerne l’enseignement lotusien, l’important est la réalisation dans la vie. Ceci nous ramène aux paroles d’ouverture de ce chapitre où Shakyamuni demande de croire et comprendre, mettant la foi-shinjin avant la compréhension.

Une phrase de ce chapitre dit que, pour Shakyamuni, l’acquis des pratiques de bodhisattvas dans ses vies antérieures n’est pas encore épuisé. Certains ont vu dans cette affirmation que la pratique de bodhisattva étant la récitation de daimoku, cela indiquait la supériorité de Nichiren sur Shakyamuni. Cet argument est alambiqué et faux.

Daimoku n’est rien d’autre que la vénération par notre vie du cœur du Sutra du LotusDaimoku n’existe pas en dehors du Sutra du Lotus. Le Daimoku n'existe pas sans le Sutra du lotus, il ne remplace pas le Sutra du lotus, c'est seulement un moyen abrégé de pratiquer le cœur du sutra, c'est une formule de vénération.

Nichiren n’a pas inventé le daimoku et il n’était pas le premier à le réciter. Alors en quoi est-il supérieur à Shakyamuni qui l'enseigna ? La vie de Shakyamuni est la manifestation du Sutra du Lotus et la forme physique prise par le Bouddha Atemporel, ce qui n'est révélé que dans le Sutra du Lotus. Ce n’est pas que Shakyamuni ait atteint l’Éveil au moyen du Sutra du Lotus, c’est que le Bouddha EST le Sutra du Lotus, c'est précisément ce que révèle le Sutra du lotus.

De même, jamais Nichiren n’a prétendu avoir été le maître de Shakyamuni dans un lointain passé. Cette affirmation est venue à une époque bien postérieure quand des maîtres religieux cherchaient obscurcir le Bouddha Atemporel et le Sutra du Lotus. C’était aussi une façon de donner de l’importance à certaines lignées nichiréniennes qui auraient été les seules à pratiquer le « vrai » bouddhisme qui serait supérieur au Sutra du Lotus. Ces maîtres cherchaient en fait à accroître leur autorité en détournant les adeptes de l’étude du Sutra du Lotus par des explications alambiquées et de faire régner leurs propres enseignements à la place de ceux de Nichiren.

En consacrant un chapitre aux paraboles, j’ai délibérément omis de parler de celle de l’habile médecin et de ses fils malades. C’est la dernière des grandes paraboles et j’hésite toujours à décider du moment où ils convient d’en parler. Pour le présent essai, il me semble plus opportun de l’inclure dans le commentaire de la partie en prose du chapitre XVI.

C’est l’histoire d’un médecin habile, père de nombreux enfants ; plus de cent pour être exact. Pour nous, hommes modernes, cela peut paraitre bizarre que ce soient cent garçons, sans la moindre mention d’une fille. Il faut se rappeler qu’à l’époque où le Sutra fut rédigé, les femmes n'avaient pas beaucoup d'importance.  Dans le Sutra du Lotus, nous avons le plus spectaculaire et le plus historiquement remarquable fracassement des conventions concernant les femmes et le bouddhisme ; pourtant, le Sutra n’est pas parfait à tous égards.  

Certains pensent même qu’il faudrait le réécrire pour rendre la question du genre plus équitable – ou carrément pour lui conférer la neutralité.  Je ne suis pas d’accord car le Sutra n’a pas été écrit pour convenir à notre sensibilité moderne, même si cela nous déplait. Cela ne signifie pas que le Sutra n'est pas pour l’égalité des sexes. Il étonne justement par de nombreux exemples de femmes qui obtiennent les mêmes bienfaits que les hommes, y compris l'atteinte de la bodhéité.  Le statut spécial des femmes qui deviennent bouddhas est vraiment exceptionnel, c'est une chose qui se remarque dans le Sutra du Lotus.

Si nous adaptons le Sutra du Lotus à notre sensibilité actuelle nous perdons tout son côté avant-gardiste et révolutionnaire par rapport aux femmes. Le Sutra ne colle pas parfaitement à nos standards modernes mais ceux-ci continueront à bouger et je ne suis pas certain qu’ils iront vers une véritable égalité ; l’histoire reste encore à écrire. Il vaut peut-être mieux attendre que nous ayons mis un peu d’ordre dans tout cela au lieu d’imposer nos vues imparfaites de l’histoire pour l’adapter à ce que nous sommes.  Nous avons besoin du passé avec toutes ses imperfections, ne serait-ce que pour mesurer le chemin déjà parcouru. Non, laissons le Sutra tel qu’il est et apprécions les grandes avancées que cette doctrine a permises dans l’histoire de l’égalité des hommes et des femmes. Bon, une fois cela dit, je continue mon exposé.

Dans la parabole, l’habile médecin quitte la maison et, en son absence, ses enfants absorbent du poison et tombent malades. Apparemment, il n’y avait pas encore de serrures sur les armoires ni de systèmes de sécurité sur les récipients. À cause du poison, ils se roulent par terre de douleur. Lorsqu’ils voient revenir leur père ils regrettent leur geste et le supplient de les guérir.

Le père, voyant la détresse et la souffrance de ses enfants, prépare un excellent médicament et le leur donne. Ceux des enfants dont l’esprit est assez clair pour reconnaitre que le remède est bon, le prennent et sont aussitôt guéris. Mais d’autres, qui sont tellement empoisonnés qu’ils ont perdu l’esprit, refusent de prendre le médicament, même s'ils sont heureux de revoir leur père. Ils ne croient pas que le remède est bon et qu’il peut les guérir.

Le père, malheureux pour ses enfants, se demande comment il pourrait leur faire prendre le bon remède. Il décide de quitter la maison mais laisse sa préparation aux enfants. Il envoie ensuite un messager annoncer qu’il est mort. Les enfants récalcitrants sont tellement affligés par cette nouvelle qu’ils prennent le médicament et sont aussitôt guéris. Le père revient alors à la maison.

Ayant exposé cette parabole, Shakyamuni demande à ses disciples s’ils considèrent que le père est coupable de tromperie. Ils répondent que non. Alors, Shakyamuni compare l’habile médecin avec le Bouddha, ayant atteint l’Éveil dans un passé sans commencement, qui meurt au monde des hommes afin que ceux-ci recherchent le bouddhisme et le Sutra du Lotus.

J’ai gardé cette parabole pour l'annexer au chapitre XVI à cause du message sur les vies innombrables du Bouddha et de sa mort, message utilisé en tant que stratégie pédagogique (hoben) pour inciter les hommes à pratiquer la Voie. La mort de Shakyamuni n'est pas une tromperie car elle procure des bienfaits à ceux qui pratiquent le bouddhisme.

Il faut bien comprendre qu’en cette occasion – en fait, dans d’autres occasions également – le Bouddha nous présente quelque chose qui peut être perçu comme un mensonge selon nos critères actuels, nous expliquant qu’il ne cherche pas à nous induire en erreur et que c’est pour nous un bienfait. On pourrait dire en gros que si une contre-vérité profite à celui qui l’énonce, c’est un mensonge selon les critères du Sutra du Lotus. Mais si une semi-vérité profite à celui qui l'entend, cela devient un moyen approprié (hoben). 

Je compare souvent cela à des cas où, au cours d'une conversation, on dit quelque chose à quelqu'un pour l’encourager ou pour lui remonter le moral.  Ce que nous disons dans ces cas-là n’est pas l’exacte vérité au sens propre mais ce n’est pas non plus une tromperie. En parlant ainsi, notre intention n’est pas de nuire à la personne mais de lui apporter de la joie ou du bonheur. Mais, si nous flattons quelqu’un pour qu’il fasse quelque chose à notre profit, nous lui causons du tort et, du point de vue du bouddhisme, c’est un mensonge. 

La différence est assez difficile à saisir et on peut se demander s’il ne s’agit pas du principe selon lequel la fin justifie les moyens. Je dirais que non car nous ne pouvons pas dire que si le résultat est positif, tout ce que nous faisons pour y parvenir n’aura pas de conséquences. Nous avons notre part de responsabilité à chaque étape de notre démarche qui ne se limite pas à ne pas causer de dommages à l’autre mais qui consiste à faire le bien en plantant de bonnes causes. Ainsi, faire du tort à quelqu’un sous prétexte que cela pourrait bénéficier à quelqu’un d’autre n’est pas un hoben. Remarquez que, dans tous les exemples que l’on trouve dans le Sutra du Lotus, jamais personne n’est lésé et que jamais le Sutra ne pousse quelqu’un à faire une chose qui pourrait s’avérer incorrecte ou dénuée de valeur. Chaque hoben du Lotus est utile, c’est un pas nécessaire vers l’enseignement définitif.

Rien de ce qui était enseigné aux auditeurs-shravakas et aux pratyekabuddhas n’a été inutile ou sans valeur. Tout ce qui leur a été enseigné était nécessaire à leur pratique et aussi à la nôtre.  Les Quatre nobles vérités, l’Octuple noble chemin, Les douze liens causaux*, sont des enseignements importants et indispensables pour que nous puissions comprendre et pratiquer correctement le Sutra du Lotus.

Cette parabole s’insère dans l’exposé qui révèle que le Bouddha n'est pas seulement une personne physique née à une époque donnée, ayant atteint l’Éveil en un endroit donné et qui a dispensé son enseignement jusqu’à sa mort. En fait, c'est ici que s’opère la transition entre la personne du Bouddha et le concept de bouddha qui transcende la durée de vie de la personne historique. La Vérité du Bouddha est atemporelle et nullement limitée par la longévité du Shakyamuni historique.

Cette parabole nous rappelle aussi que le Sutra du Lotus est un remède parfait contre les souffrances de ce monde. Il est parfait du point de vue de l’essence réelle du bouddhisme à travers toute l’éternité.  Le Bouddha dit :

« Je laisse maintenant ici pour vous ce bon remède. »

Il le laisse pour nous sous la forme du Sutra du Lotus. « Je laisse » a ici deux significations, l’une étant qu’il nous donne le remède parfait, l’autre est qu’il va disparaitre de notre vue. Son but est de nous faire prendre (nous, les enfants malades) le remède qui va nous guérir de nos souffrances pour peu que nous acceptions de prendre ce médicament. Et pour nous faire reconnaitre sa valeur, il nous montre sa mort comme un hoben, un moyen pédagogique pour nous inciter à pratiquer avec plus d’ardeur et apprécier le Dharma inestimable contenu dans le Sutra du Lotus.

L’habile médecin encourage ses enfants empoisonnés à prendre le bon remède et de ne pas craindre de n'être pas guéris.  Cela prend tout son sens si on se réfère à ce que dit Shakyamuni au début du chapitre : « croire et comprendre » et tout au long du chapitre II à propos de la foi-citta-prasada (cœur-esprit clair) qui est la clé de la compréhension. Nous non plus ne devons pas craindre d'essayer le Sutra du Lotus et de commencer à comprendre avec la foi et avec notre expérience d'aujourd'hui. Ce sutra est un bon remède qui nous guérira tous de tout ce qui nous fait souffrir. 

Traditionnellement, on s’accorde sur six raisons d'affirmer l’importance du chapitre XVI :

  1. il révèle l’atemporalité du Bouddha    
  2. il montre aux hommes égarés la Voie vers la bodhéité
  3. il révèle la Terre de Bouddha
  4. il révèle que le salut des hommes est atemporel
  5. il révèle que le salut des hommes se fait au présent
  6. il révèle le vœu du Bouddha.

1) La nature atemporelle du Bouddha, qui avait été jusque-là passée sous silence, nous est révélée par la description du temps incommensurablement lointain de l’Éveil primordial du Bouddha. Même si, de nos jours, nous avons la possibilité de pointer ce moment sur la carte du temps, il est bien plus lointain que tout ce que disaient les sutras antérieurs et, en fait, doit être considéré comme situé en dehors du temps. 

2) Le Bouddha montre aux hommes égarés la Voie vers la bodhéité lorsqu’il parle de ses efforts depuis l’éternité pour guider les hommes vers l’Éveil.

3) Le troisième point, même s’il est moins explicite, ressort du passage où Shakyamuni dit :

« Les esprits obscurcis voient un monde en flammes
Et pensent que c'est le kalpa du déclin
Mais en réalité mon monde à moi est paisible. »

Le Bouddha a toujours enseigné, et enseigne maintenant, avec le but unique de faire parvenir tous les hommes à la bodhéité. Même si les hommes en proie aux erreurs pensent que leur monde est plein de tumulte, en réalité il est très paisible et d’une grande beauté. Je vous rappelle les paroles :

« Si votre environnement ne vous apparait pas encore comme la Terre de Bouddha c’est que l’Ainsi-Venu n’y est pas présent. Si vous trouvez que votre environnement n’est pas très éveillé, c’est que vous-mêmes ne l’êtes pas encore assez ».

4) Le salut des hommes est atemporel. Cette idée est révélée lorsque Shakyamuni dit que la mort du Bouddha n’est qu’apparente, que c’est juste un hoben pour inciter les hommes à rechercher avec plus d’ardeur la Voie de la bodhéité enseignée par le Bouddha. Nous avons parlé de notre paresse et de l'habitude qui nous fait penser que rien ne changera.  Le Bouddha Shakyamuni meurt mais le concept du Bouddha ne meurt jamais, il est toujours présent.

5) Le salut des hommes égarés se fait de façon tangible. Le Bouddha conduit les hommes à l’Éveil tout comme un père sauve ses enfants du poison qu’ils ont bu. La stratégie appropriée (hoben) les incite à accepter de prendre le remède. C’est pour cela que j’encourage tout le monde à vraiment rechercher le Bouddha dont nous parle le Sutra du Lotus.  Nous pouvons beaucoup apprendre sur la façon de pratiquer et d’enseigner le Sutra du Lotus juste en essayant d’imiter le cœur du Bouddha du Sutra du Lotus.  

6) Enfin, le vœu du Bouddha est que toute sa vie soit de montrer des chemins qui conduiront les hommes à l’accession rapide à la bodhéité.

À propos du chapitre II, j'ai mentionné un de mes passages préférés. Le chapitre XVI se termine par un autre passage que j’aime particulièrement :

« Je pense à tout moment :
"Comment amener tous les êtres vivants
A la Voie insurpassable qui conduit à la bodhéité ? " »

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