Fleur du Dharma

Ryuei Michael McCormick


Chapitre III - La Roue du Dharma

Glossaire



Alors, l'Ainsi-Venu Mahabhijnajnanabhibhu (Grands-Pouvoirs-Vainqueur-en-Sagesse) reçut la supplique des rois des Mahabrahmast des dix directions ainsi que des seize princes, et mit aussitôt par trois fois en branle la Roue du Dharma aux douze aspects, celle que ne furent capables de mettre en branle ni les ascètes-shramanas, ni les brahmanes, ni les devas, ni les démons de Mara, ni Brahma, ni aucun être du monde. Ses paroles furent : "Ceci est la douleur, ceci est l'origine de la douleur, ceci est l'extinction de la douleur, ceci est la voie de l'extinction de la douleur." (Sutra du Lotus - Chapitre VII - Parabole de la ville imaginaire)
 

"La Roue du Dharma" (ou "roue de la Loi") désigne dans le bouddhisme l'enseignement que le Bouddha a exposé pour libérer tous les êtres vivants des effets de la souffrance. Dans son premier sermon, le Bouddha a enseigné la Voie moyenne et les Quatre nobles vérités. Il a prêché cet enseignement aux cinq ascètes, qui avaient été ses anciens compagnons, lors de sa propre phase d'austérités. Ceux-ci sont devenus ses cinq premiers disciples, acceptant son enseignement et prenant refuge dans les Trois trésors. La Voie moyenne et les Quatre nobles vérités sont la base des enseignements de tous les bouddhas. Toutes les écoles bouddhiques attestent de leur validité et de leur importance. Les Trois trésors sont : le Bouddha, le Dharma et le Sangha - celui qui enseigne, l'enseignement lui-même et la communauté qui confirme et suit cet enseignement. Dès les débuts du bouddhisme, la prise de refuge dans les Trois trésors était la manière d'exprimer l'engagement sincère d'une personne à suivre le Dharma bouddhique. Les Trois trésors sont ce qui fonde les écoles bouddhiques et les différencie entre elles. Ce chapitre explique la signification et l'importance de la Voie moyenne, des Quatre nobles vérités et des Trois trésors en tant qu'enseignements de base de Shakyamuni et tels qu'ils sont compris et pratiqués dans le contexte du Sutra du Lotus

Le Bouddha a commencé son premier sermon par l'exposé de la Voie moyenne, équilibre entre l'auto-complaisance et le renoncement. L'idéal de la Voie moyenne est une vie d'harmonie et d'équilibre, sans une trop excessive indulgence à l'égard de soi. Pour vivre en accord avec la Voie moyenne, le Bouddha a enseigné qu'on devait suivre "l'Octuple noble chemin" qui est en même temps la quatrième noble vérité, exposée tout de suite après la Voie moyenne. L'Octuple noble chemin se rapporte à un mode de vie où chaque pensée, chaque parole et chaque action est "juste" et en accord avec le moment vécu. La Voie moyenne est une manière de vivre et d'agir de façon authentique et non pas imposée. Elle tient compte de toute la dynamique d'une situation donnée, afin d'apporter un maximum de bienfaits à tous ceux qui sont impliqués dans cette situation. Le disciple de la Voie moyenne évite le fanatisme, le fondamentalisme ou le légalisme et agit avec perspicacité et compassion véritables en toutes circonstances. De cette façon, chaque aspect de la vie devient une expression de la liberté et du désintéressement, dans un juste milieu.

Les Quatre nobles vérités

Après avoir enseigné la Voie moyenne, le Bouddha a exposé les Quatre nobles vérités. Ce sont :
- la vérité de la souffrance ; - la vérité de l'origine de la souffrance ; - la vérité de la cessation de la souffrance ; - la vérité des moyens pour arriver à la cessation de la souffrance ou vérité de l'Octuple noble chemin.

La vérité de la souffrance est que la vie est incapable de nous offrir ni une plénitude permanente ni la sécurité. La souffrance peut sembler évidente aux uns ou d'un pessimisme excessif à d'autres, selon leur tempérament. Cependant, la vérité de la douleur n'est ni évidence ni pessimisme. Le mot pali dukkha, traduit par "souffrance", aurait pu l'être par "angoisse" ou "insatisfaction". Il s'applique à un très large spectre de sentiments, allant de la simple vulnérabilité et du mal-être à la douleur de la mort. Ce n'est pas une condamnation globale de la vie, mais la constatation critique d'un malaise et d'une instabilité générale. Peu de personnes peuvent déclarer que la vie est pleinement heureuse et exempte d'ennuis, de douleurs et de déceptions. La formule de Thoreau (réf.), "vie du désespoir tranquille", s'appliquerait probablement à la plupart des personnes. La majorité, cependant, admet très rarement qu'il en est vraiment ainsi.

Beaucoup s'estiment carrément grugés, dépossédés du bonheur et de la sécurité que la vie était censée leur offrir. Ces personnes ne tiennent aucun compte du fait que jamais la vie ne leur avait promis de telles garanties. Afin d'aider les gens à surmonter de telles prétentions naïves et encourager ceux qui se sont découragés et aigris, la vérité de la souffrance enseigne à reconnaître les faits avec courage et à ouvrir grand les yeux. Une fois que nous avons intégré cette première vérité, nous pouvons trouver le bonheur, étant libérés de l'illusion que le bonheur nous est dû.

Le simple fait de réciter Namu Myoho Renge Kyo est en soi une expression de cette vérité. "Namu" signifie "je consacre ma vie" ou "je prends refuge dans", et exprime la nécessité de prendre refuge et de se consacrer de tout cœur au Dharma Merveilleux de la Fleur de lotus. Si la vie était parfaite, nous n'éprouverions certainement pas le besoin de prendre refuge et de nous consacrer à la vérité ultime exprimée par Namu Myoho Renge Kyo. Exprimer un tel besoin, c'est reconnaître la première noble vérité.

Le Bouddha a ensuite exposé les causes et les conditions qui provoquent la douleur et le mal-être, ce qui est la deuxième noble vérité. Celle-ci enseigne que les souffrances prennent leur origine dans le désir insatiable de bonheur. Cet intense désir provient de l'attente irréaliste que la vie peut être une source de bonheur permanent, illusion éliminée par la première noble vérité. Ce désir dévorant va parfois jusqu'à transformer le processus pénible de la vie en un insidieux activisme et en anxiété, même dans les meilleures circonstances. Et si les circonstances sont mauvaises, il peut transformer la vie en un cycle continu d'agonies et de douleurs insupportables. Ainsi, lorsque les circonstances extérieures peuvent provoquer des vécus douloureux ou tragiques, c'est le désir dévorant intérieur qui transforme la simple douleur en atroce souffrance. Ce désir insatiable peut même souiller les circonstances favorables par des exigences incessantes et une vision du monde étriquée. Tout cela ne nie ni ne déprécie le vécu de ceux qui éprouvent de l'affliction, ou bien sont exploités ou encore sont confrontés aux tragédies, mais souligne le fait que, lorsque dans des circonstances pénibles on laisse le désir faire naître des émotions douloureuses, on tombe réellement sous la domination de ce désir. On devient ainsi facilement la proie de l'avidité, de la colère* et de l'ignorance qui sont des réactions naturelles à la souffrance.

La deuxième noble vérité introduit l'idée de la "production conditionnée" qui enseigne que "s'il y a ceci, il y a cela". Rien, pas même la souffrance, n'existe en soi, échappant à la loi de causalité. Cependant, si la souffrance provient de causes, il existe alors la possibilité de transformer la situation, en créant d'autres causes et conditions. Pour le Bouddha, la production conditionnée, c'est le Dharma même. Dans le bouddhisme mahayana, la production conditionnée est synonyme de la "vacuité", car nulle part dans l'univers on ne peut déceler quoi que ce soit de substantiel, d'indépendant, de permanent. Toutefois, il ne s'agit nullement d'un morne vide nihiliste. C'est plutôt un "illimité merveilleux et mystérieux" qui permet aux choses d'être ce qu'elles sont, en toute liberté. Malheureusement, cet univers qui surgit de façon conditionnée permet aussi des interactions et des développements qui sont perçus comme n'étant pas du tout merveilleux, car souvent les êtres sensitifs ne peuvent croire au fonctionnement subtil de l'ultime réalité. Ils "s'accrochent" alors à ce qui ne peut pas être saisi et créent des résultats déplaisants.

"Myoho" dans le Daimoku signifie "Dharma Merveilleux" ou "Loi merveilleuse". Ce Dharma est en lui-même la non-substantialité de l'univers dont la nature est la production conditionnée et dont nous ne sommes qu'un élément. La récitation du Titre active les fonctionnalités subtiles de ce Dharma, fortifie la confiance qu'on lui porte et permet de reconnaître la deuxième noble vérité, selon laquelle, en dernière analyse, les souffrances n'ont pas de prise sur nous lorsque nous en identifions les causes et œuvrons à les changer.

Dans un passage du gosho de la tradition nichirenienne Conversation entre le Sage et l'Ignorant, nous trouvons une présentation très parlante de ces deux premières nobles vérités. Dans ce texte, la souffrance des six mondes-états et le fonctionnement des trois poisons qui nous y maintiennent prisonniers sont décrits du point de vue d'un homme qui a commencé à rechercher le Dharma pour se libérer de la souffrance.

L'Ignorant : Chacun, du plus noble au plus humble, de l'empereur au plus modeste des paysans, tient pour certain que l'on ne peut pas échapper à la mort, mais pas une personne sur mille ou sur dix mille n'y réfléchit avec sérieux ni ne s'en inquiète. Lorsque nous sommes brusquement confrontés à l'évidence de l'impermanence de la vie, peut-être la pensée d'être restés si éloignés du bouddhisme nous effraie-t-elle et peut-être regrettons-nous alors de nous être trop préoccupés des affaires de ce monde. Pourtant, nous pensons que ceux qui nous ont précédés dans la mort ont été victimes du malheur, et que nous, qui restons vivants, sommes plus chanceux qu'eux. Affairés comme nous l'étions à la tâche d'hier et comme nous le sommes au travail d'aujourd'hui, nous sommes pieds et poings liés par les cinq désirs de notre nature terrestre. Sans comprendre que le temps passe aussi rapidement qu'un poulain blanc entraperçu par la fente d'un mur, aussi ignorants que des moutons conduits à l'abattoir, désespérément prisonniers de notre besoin de nourriture et de vêtements, nous tombons, sans y prendre garde, dans les filets de la renommée et du profit et, pour finir, nous revenons dans les trois mauvaises voies qui nous sont familières pour reprendre aussitôt la route, renaissant, vie après vie, dans les six voies du samsara. Comment une personne sensible pourrait-elle ne pas déplorer un tel état de choses, ou manquer d'en éprouver de la tristesse ? Hélas   ! Jeune ou vieux, personne ne connaît le sort qui l'attend - il en est ainsi dans notre monde Saha. Tous ceux qui se rencontrent sont voués à se séparer de nouveau - telle est la règle du monde flottant dans lequel nous vivons. Ce n'était certes pas la première fois que je prenais conscience de ce fait, mais j'ai été choqué de voir tant de gens quitter prématurément ce monde au début de l'ère Shoka. Certains laissaient derrière eux des enfants en bas âge, d'autres étaient contraints d'abandonner des parents âgés. Quelle tristesse devait habiter leur cœur lorsque, encore dans la force de l'âge, ils durent entreprendre le voyage vers les Sources jaunes   ! Ce fut douloureux pour ceux qui partirent aussi bien que pour ceux qu'ils laissaient derrière. De la passion du roi de Chu pour la déesse (note) , il resta au matin une traînée nuageuse, et la douleur de Liu, au souvenir de sa rencontre avec une visiteuse immortelle, s'apaisa à la vue de ses descendants à la septième génération. Mais où une personne telle que moi pourrait-elle trouver soulagement à sa peine ? Je me souviens du poète des temps anciens qui, parce qu'il n'était qu'un humble montagnard, espérait échapper peut-être à une telle tristesse. Maintenant, récoltant mes pensées comme les gens de Naniwa ramassent les algues pour en extraire du sel, je leur donne forme avec un pinceau pour que les gens des époques à venir les gardent en mémoire. Quelle tristesse   ! Comme c'est regrettable   ! Depuis le passé sans commencement, enivrés par le vin de l'ignorance, nous sommes nés un nombre incalculable de fois dans les Six voies de l'existence en passant par les quatre formes de naissance. Tantôt nous suffoquons au cœur des flammes de l'enfer de la brûlure ardente ou de la grande chaleur dévorante ; tantôt nous gelons dans la glace de l'enfer du lotus rouge sang ou du grand lotus rouge sang. Tantôt nous devons endurer la torture de la faim et de la soif dans le royaume de l'avidité, passant cinq cents vies sans même pouvoir entendre prononcer le nom d'un aliment ou d'une boisson. Tantôt nous éprouvons la souffrance d'être blessés et tués dans le royaume de l'animalité, nous subissons les blessures et les meurtres qui sont le lot d'un monde où les petits sont avalés par les grands, où les courts sont engloutis par les longs. Tantôt nous sommes confrontés aux querelles et aux conflits du royaume des asuras ; tantôt nous naissons en tant qu'êtres humains et sommes en proie aux huit souffrances que sont naître et vieillir, tomber malade et mourir, souffrir de devoir quitter ceux que nous aimons et rencontrer ceux que nous haïssons, éprouver la douleur de ne pas obtenir ce que nous désirons, et endurer les peines engendrées par les cinq agrégats* du corps et de l'esprit. Tantôt encore nous naissons dans le royaume céleste et faisons l'expérience des cinq signes de dégradation. Ainsi, tournons-nous sans cesse en rond comme la roue d'un chariot dans ce monde des trois plans. Même parmi ceux qui furent, à un moment donné, parents et enfants, les parents ne savent pas qu'ils furent parents ni les enfants qu'ils furent leurs enfants ; et, bien que mari et femme se rencontrent de nouveau, ils ignorent qu'ils se sont déjà rencontrés. Nous nous égarons comme si nous avions les yeux d'un mouton ; nous sommes aussi ignorants que si nous avions les yeux d'un loup. Nous ne connaissons pas la relation passée que nous avons eue avec la mère qui nous a donné naissance, et nous ignorons à quel moment nous succomberons nous-mêmes à la mort. Pourtant, nous avons obtenu de naître dans le Monde des humains, condition à laquelle il est rare de parvenir, et nous avons rencontré les enseignements sacrés du Bouddha qu'il est très exceptionnel d'entendre. Nous sommes comme la tortue borgne trouvant un bois flottant percé d'un trou exactement de la taille qui lui convient. Comme il serait regrettable alors que nous ne saisissions pas cette occasion de trancher les entraves de la vie et de la mort, et ne fassions pas le plus petit effort pour nous libérer de la cage du monde des trois plans ! (Conversation entre un sage et un ignorant) (réf.).

En ce qui concerne la troisième noble vérité, le Bouddha enseigne la possibilité de nous libérer de la souffrance et des désirs aliénants. C'est la noble vérité de la cessation de la souffrance. Si la souffrance est conditionnée, elle n'est pas fatale et peut être évitée. Cette possibilité de délivrance du cercle vicieux de la souffrance est le véritable sens du terme "nirvana". Le nirvana ne se réfère pas à quelque domaine métaphysique de béatitude. Sa signification première est "extinction", celle des flammes dévorantes des désirs incessants qui nous maintiennent enchaînés à une vision du monde autocentrée, ce qui conduit inévitablement au cycle des naissances/morts (samsara). Lorsque l'autocentrisme est dépassé, on se rend compte que la délivrance ne peut pas être une tâche individuelle. C'est une réalité partagée à laquelle participent tous les êtres sensitifs, sans distinction entre soi et les autres. En fin de compte, c'est la compréhension vécue que les dualités telles que passion/éveil, samsara/nirvana sont des dichotomies erronées que transcende l'Éveil bouddhique.

"Renge", la fleur de lotus, est le symbole du déploiement de l'Éveil au milieu de la vie quotidienne. La fleur de lotus tire sa nourriture de l'eau boueuse et s'épanouit, pure et sans tache, au dessus de cette eau. De la même manière, la bodhéité se révèle dans nos vies ordinaires et transforme nos passions et notre ignorance en pureté et clarté de l'Éveil. En fin de compte, c'est notre désir dévorant avec ce qu'il provoque de souffrances qui nous pousse à rechercher quelque chose de mieux et, dès qu'on le voit avec l'œil de bouddha, c'est le monde phénoménal qui se révèle être la Terre pure de tranquillité. De plus, tout comme coexistent dans le lotus les fleurs et les graines, la bodhéité est en même temps la graine et le fruit de notre pratique. Si la nature de bouddha n'existait pas de façon intrinsèque, en tant que possibilité toujours présente d'Éveil, est-ce que quiconque essayerait de l'atteindre ? La bodhéité ne serait-elle pas plutôt la prise de conscience de ce qui a toujours été présent ? Alors que Myoho, le Dharma Merveilleux, est à la base d'une compréhension correcte des causes de l'angoisse, Renge, la fleur de lotus, est le symbole des implications positives de cette Loi, de la cessation de la souffrance et de l'atteinte de la bodhéité. La fleur de lotus révèle le sens le plus profond et le plus riche de la troisième noble vérité, et c'est ce qui motive notre pratique de daimoku.

L'Octuple noble chemin

Comment vivre alors la Voie moyenne de sorte à mettre un terme aux désirs dévorants ? Le Bouddha revient à nouveau vers l'Octuple chemin qui est la quatrième noble vérité. Comme nous l'avons déjà dit, suivre l'Octuple chemin, c'est vivre en accord avec la Voie moyenne. L'Octuple chemin se compose de : - la vue juste (samma ditthi)
- la pensée juste (samma samkappa)
- la parole juste (samma vaca)
- l'action juste (samma kammanta)
- la vie juste (mode de vie juste) (samma ajiva)
- l'effort juste (comportement juste) (samma vayama)
- l'esprit juste (mentalité juste, souvenirs justes, attention juste, vigilence juste) (samma sati)
- la concentration juste (samma samadhi*).

Le terme habituellement traduit par "juste" pourrait l'être également par "parfait", "complet" ou "accompli". Ainsi, chaque segment de cet Octuple chemin indique une facette d'une personne qui doit se réaliser pleinement. Le terme "juste" ne doit en aucun cas être pris au sens moral ou conforme à quelque schéma religieux.

Il n'est pas difficile de remarquer qu'une tradition, qui offre la possibilité d'avoir une vie pleinement accomplie, est une tradition valable. C'est là un critère tout à fait pragmatique et universel pour n'importe quelle religion ou pratique, et qui évite le dogmatisme et les spéculations non fondées.

Voyons maintenant la spécificité de chaque segment du chemin.

- La vue juste. C'est la complète compréhension de la vie, telle qu'elle a été révélée par les Quatre nobles vérités.
- La pensée juste. C'est la pensée claire qui ne se laisse pas obscurcir par l'avidité, la colère* et l'ignorance. C'est également la sincérité et l'absence d'arrière-pensées.
- La parole juste. C'est éviter la tromperie, le bavardage, la calomnie et toutes les formes de discours abusif ou malhonnête. C'est, au contraire, parler pour le bien des autres et pour traduire la vérité.
- L'action juste. C'est développer une conduite éthique. C'est agir pour le bien des autres et s'abstenir de tuer, de voler, d'avoir une conduite sexuelle qui exploite ou trompe l'autre, et de tout ce qui peut être nocif pour les autres.
- Le mode de vie juste. On devrait pouvoir mener une vie qui ne nuit pas aux autres ni ne les exploite. C'est une vie qui exclut des activités telles que la vente d'armements ou de drogue, la fraude, le délit d'initié et toutes les pratiques pour gagner de l'argent au détriment d'autrui.
- L'effort juste. C'est cultiver les bonnes habitudes et limiter les mauvaises.
- L'attention juste. C'est la pleine conscience de toutes les formes, sentiments, états mentaux et phénomènes en tout lieu, à toute heure.
- La concentration juste. C'est la pratique de techniques de concentration afin d'acquérir la sérénité, la perception de la vraie nature de la vie et la délivrance des vues erronées.

Les Quatre nobles vérités et l'Octuple noble chemin se potentialisent réciproquement. La possibilité de délivrance est annoncée par les Quatre nobles vérités et la mise en pratique dans la vie est concrètement indiquée par l'Octuple noble chemin. La vue juste est en adéquation avec les Quatre nobles vérités. Une vie consacrée à cette appréhension du monde est une vie fondée sur un système de valeurs très différent des partis pris habituels de notre vie ordinaire. Les autres sept segments de l'Octuple chemin sont, d'une certaine manière, des corollaires de la vue juste. A partir du moment où l'on accepte les Quatre nobles vérités, cela n'a plus de sens de continuer à vivre de façon à violer l'Octuple noble chemin. Tous les sutras et commentaires sont, en fait, des exégèses du noble Octuple chemin, car leur seul but est d'amener les gens à la vue juste et de leur montrer comment vivre en accord avec les Quatre nobles vérités.

L'Octuple noble chemin peut également être présenté sous l'angle du "triple entraînement" : les préceptes, la méditation et la sagesse. Aux préceptes correspond l'éthique de la parole juste, de l'action juste et du mode de vie juste. Ce sont, en fait, les cinq préceptes qui sont à la base de l'éthique bouddhiste et qui sont : ne pas tuer, ne pas voler, s'abstenir d'inconduite sexuelle, ne pas mentir, ne pas user d'intoxicants. A la méditation correspond le développement de l'esprit : l'effort juste et la concentration juste. Et à la sagesse correspond l'acquisition de la vue et de la pensée justes. Le Bouddha a enseigné qu'il était possible de se libérer des liens de l'avidité dévorante et de l'ignorance et de parvenir au nirvana lorsque les préceptes, la méditation et la sagesse sont développés conjointement.

La pratique de l'Octuple chemin peut être très exigeante. Car, en fin de compte, c'est une description du comportement "d'Éveillé". Mais comme peu d'entre nous le sont, c'est une expérience très difficile à vivre. On pourrait même dire que pour devenir Éveillé, il faut être éveillé. Le Sutra du Lotus enseigne cependant que tout le monde peut non seulement suivre pleinement l'Octuple chemin, mais aussi parvenir à la bodhéité. Il faut pour cela maintenir notre confiance dans l'enseignement du Véhicule unique qui conduit à la bodhéité toute l'humanité. Au lieu d'essayer de contrôler méticuleusement chaque pensée, chaque parole et chaque action, afin de les rendre conformes à l'Octuple chemin, il suffit de mettre de côté nos doutes sur nos capacités ainsi que nos récriminations et faire daimoku dans le laisser advenir et dans la joie. Par daimoku, nous établissons un vrai contact avec l'essence de l'Octuple chemin, qui est le déploiement de la vie du Bouddha dans nos vies à tous. A mesure que croissent la vertu, la sérénité et la lucidité dont l'épanouissement est rendu possible par daimoku, nous réalisons graduellement et naturellement l'Octuple chemin.

"Kyo" ou sutra représente non seulement le Sutra du Lotus, mais tous les sutras du Bouddha dont la vue et la pratiques justes sont contenues dans Namu Myoho Renge Kyo. Lorsque nous récitons daimoku, nous devons expérimenter que Namu Myoho Renge Kyo est la graine et le fruit de tous les enseignements, que Namu Myoho Renge Kyo exprime l'esprit qui a donné naissance à tous les autres enseignements et à toutes les autres pratiques et auquel tous les enseignements et toutes les pratiques conduisent.

Dans un gosho de la tradition nichirenienne, intitulé L'Exil d'Izu, la solution du problème de la souffrance et la voie qui y conduit sont décrites du point de vue du Sutra du Lotus, l'enseignement le plus élevé du Bouddha. Ce gosho enseigne que l'Éveil bouddhique est à notre portée en tant que médicament du Sutra du Lotus. En voici deux extraits :

Nous, êtres sensitifs, résidons tous dans l'océan des souffrances de la vie et de la mort depuis le temps sans commencement. En devenant des pratiquants du Sutra du Lotus, nous pouvons réaliser la nature originelle du corps/esprit sans commencement, l'état merveilleux, la sagesse merveilleuse et le Corps de diamant indestructible du Bouddha. En quoi cela serait-il différent de la bodhéité ? Depuis une époque encore plus ancienne que gohyaku-jintengo, le Vénéré Shakyamuni, le maître unique qui peut sauver tous les êtres, n'est autre que nous, les êtres vivants. L'enseignement d'ichinen sanzen exposé dans le Sutra du Lotus est la transmission atemporelle de son Dharma. En cet instant-pensée, nous donnons corps au Sutra du Lotus et à l'Honoré du monde, mais les hommes ordinaires ne sont pas conscients de cela. Le chapitre Durée de la Vie dit : "Je suis toujours vivant parmi les hommes aux vues erronées, mais je disparais de leurs yeux." Les illusions et l'Éveil sont comme les quatre visions différentes du bosquet d'arbres shala. C'est pourquoi je constate humblement que le Bouddha d'ichinen sanzen est indéniablement celui du [dixième] monde-état inhérent à nos vies.

Le démon qui apparut devant Sessen Doji était Shakra Devanam, une métamorphose de Taishaku. La colombe qui implora la protection du roi Shibi était le dieu Visvakarman. Le roi Shudama, emprisonné dans le château du roi Kalmashapada [Hanzoku], était le Vénéré Shakyamuni lui-même. Les yeux des hommes ne leur permettent pas de percevoir leur véritable identité, mais les yeux du Bouddha y parviennent. Comme le dit un sutra, il existe des repères dans le ciel pour les oiseaux et dans la mer pour les poissons [que nous ne pouvons voir]. Une statue de bois peut être prise pour une statue d'or et une statue d'or pour une statue de bois. L'or d'Aniruddha lui apparut d'abord sous la forme d'un lièvre puis sous celle d'un cadavre. Le sable que Mahanama tenait dans le creux de la main se changea en or. Ces phénomènes dépassent l'entendement humain. Un simple mortel (bompu) est un bouddha, et un bouddha est un simple mortel. La réalité d'ichinen sanzen est notre propre atteinte de la bodhéité. (L'exil d'Izu) (réf.)

Les Trois Trésors

Une fois que le Bouddha eut fini d'enseigner les Quatre nobles vérités, le plus âgé de ses cinq ex-compagnons ascètes se leva et déclara que le Bouddha avait effectivement découvert le Dharma. Les autres ascètes confirmèrent que le Bouddha avait trouvé et enseigné la Vérité qui mène à la délivrance. Ils devinrent les premiers bhiksus (moines errants) de la communauté bouddhique (Sangha), en prenant refuge dans les Trois trésors que sont justement le Bouddha, le Dharma, le Sangha. A partir de ce moment, le Dharma cessa d'être l'affaire d'un seul homme, mais devint une tradition vivante qui permet à tous les êtres de réaliser leur bodhéité potentielle.

L'idée même de prendre refuge est une façon de reconnaître que notre vie ordinaire, telle qu'elle est habituellement perçue, est pleine d'angoisses, d'insatisfactions et parfois de pure souffrance. Nous cherchons à découvrir si la vie peut nous donner quelque réponse dans notre quête du bonheur ou du bien-être. Nous pouvons même nous demander si la vie a un sens ; ou alors baisser les bras, persuadés que la vie est juste un accident fait de gesticulations absurdes dans le vide et de bribes d'interactions cruelles. C'est alors que nous pouvons commencer notre quête sincère de la signification des choses. Qui suis-je ? Pourquoi suis-je ici ? Que signifie finalement tout ce qui se passe ? Certains d'entre nous ont la chance de rencontrer les Trois trésors : le Bouddha, le Dharma et le Sangha.

Dans le Bouddha, nous découvrons qu'une personne peut s'éveiller au sens de la vie. Par son exemple, Shakyamuni montre qu'il est possible de résoudre ce genre de doutes permanents, d'une façon qui ne nécessite ni foi aveugle ni soumission à des rites incompréhensibles, à des cérémonies, des dogmes et des institutions, ce qui reviendrait à se trouver confronté à une autre facette du même problème. Le Bouddha Shakyamuni nous fournit un archétype de sagesse et de compassion humaine. En prenant refuge en lui, nous prenons refuge dans la possibilité de notre propre Éveil. Pour ceux d'entre nous qui s'appuient sur Namu Myoho Renge Kyo, cela nous rappelle que le Bouddha Atemporel Shakyamuni n'est ni une entité venue d'un autre monde, ni un idéal abstrait, ni un maître depuis longtemps décédé. Il est plutôt l'esprit d'Éveil qui ne cesse de nous guider vers la bodhéité.

Dans le Dharma, nous trouvons un enseignement qui nous permet d’éliminer les illusions et les obstacles karmiques qui nous empêchent de nous éveiller. Le Dharma est une intuition, hors du temps et de l'espace, de l'Ultime réalité de tout ce qui existe. Cette vision éveillée est au-delà des mots et des phrases, mais en même temps elle n'a pas de consistance en dehors de ceux-ci. Par les mots et les phrases des sutras, nous affirmons en quelque sorte que l'Ultime réalité est ce qui nous pousse à réfléchir à la vraie nature de notre vie. Cela nous permet de voir les enseignements en dehors de l'espace-temps et à trouver de plus en plus de joie dans le Dharma. Ceux d'entre nous qui récitent Namu Myoho Renge Kyo se nourrissent de tous les sutras tout autant que de l'insondable Vrai Dharma. Cela est possible, car nous sommes capables de nous réjouir de l'intention véritable de tous les sutras et de nous appuyer directement sur l'inexprimable Dharma à travers le daimoku.

Dans le Sangha, nous rejoignons une communauté qui aide et encourage toute vie dévouée à la Voie. Le sangha local est également une communauté de base qui nous permet d'atteindre le Sangha de tous les êtres. Sans le Sangha, nous serions comme une plante privée de ses racines qui meurt rapidement. Nous sommes tout aussi vulnérables sans le support d'une communauté de camarades de pratique. Le chemin d'une personne réellement compatissante est celui d'un engagement auprès de ses compagnons de route. Certes, il n'y a pas de sangha parfait et, bien évidemment, il y a un temps pour la solitude et la réflexion, mais il reste toujours la nécessité de garder un contact avec les autres dans notre pratique et nos préoccupations.

Le Sangha bouddhique ne se limite pas aux moines et aux nonnes, bien que beaucoup le pensent à tort. D'après Shakyamuni, le Sangha est fait de tous ceux qui ont commencé à pratiquer le Dharma du Bouddha, qu'ils soient religieux ou laïcs. La communauté religieuse est un cadre institutionnel qui maintient la tradition et procure un environnement où le Dharma peut être pratiqué sans qu'on soit distrait par la famille ou le travail. La communauté laïque réalise le Dharma en l'appliquant à la vie quotidienne et en soutenant la communauté monastique. Dans le bouddhisme Mahayana, le Sangha se compose de ceux qui recherchent la bodhéité pour eux-mêmes afin d'en faire bénéficier les autres. Ce sont des bodhisattvas, peu importe qu'ils soient religieux ou laïcs.

Dans le Sutra du Lotus, d'innombrables bodhisattvas surgissent de la Terre et déclarent qu'ils sont les disciples fondamentaux du Bouddha Shakyamuni depuis le passé sans commencement. Ces bodhisattvas de la Terre sont, en fait, les pratiquants du Sutra du Lotus des temps actuels. Nous sommes les disciples primordiaux du Bouddha parce que notre lien avec la bodhéité n'a ni commencement ni fin. Notre transformation de la vie quotidienne, enracinée dans le Dharma Merveilleux, est une "émergence de dessous la terre". Notre adhésion à la communauté des bodhisattvas de la Terre se fait à partir du moment où nous commençons à pratiquer le Sutra du Lotus par la récitation de Namu Myoho Renge Kyo. Le daimoku est comme un mot de passe qui nous ouvre l'entrée du Sangha des disciples primordiaux du Bouddha éternel.

Nichiren a souvent souligné l'importance de la gratitude à l'égard de tous ceux qui nous ont rendu possible la vie - les parents, les autres êtres, les maîtres et les dirigeants du pays (qui, à l'époque de Nichiren, représentent l'équilibre entre la nature et les règles édictées par les lois). Par dessus tout, Nichiren était reconnaissant à l'égard des Trois trésors. Car eux seuls, en œuvrant à notre Éveil, permettent de payer notre dette de reconnaissance à l'égard de tous ceux qui nous offrent la chance d'être en vie. Nichiren estimait tellement la gratitude à l'égard de ces quatre groupes qu'il l'évoquait souvent dans ses lettres et traités.

Voici comment il parle de l'importance des trois trésors, dans le gosho de la tradition nichirenienne intitulé Les quatre sortes de reconnaissance (réf.) :

"La quatrième dette est la reconnaissance à l'égard des Trois trésors. Quand le Bouddha Shakyamuni poursuivait la pratique de bodhisattva pendant d'innombrables kalpas, il acquit tous les mérites et bonne fortune nécessaires. Il les divisa en soixante-quatre parts dont il ne conserva qu'une seule pour lui-même. Les soixante-trois autres, il les laissa derrière lui en ce monde pour une époque où les cinq défilements et la confusion se répandront. Il fit ce vœu : "Viendra un temps où les fausses doctrines seront prospères et où les opposants au Dharma empliront le pays. A cette époque-là, les innombrables divinités bienveillantes, ne pouvant plus goûter la saveur du Dharma, verront leur force et leur majesté s'amoindrir. Le soleil et la lune perdront leur éclat, les dragons du ciel n'enverront plus de pluie, et les divinités terrestres rendront le sol moins fertile. Les racines et les tiges, les branches et les feuilles, les fleurs et les fruits perdront leurs propriétés médicinales et leurs sept parfums. Même ceux qui sont rois parce qu'ayant observé les dix préceptes de bien développeront avidité, colère* et ignorance. Les hommes cesseront de remplir leurs devoirs envers leurs parents et les six sortes de parentèle entreront en conflit. Mes disciples seront des gens sans sagesse et sans préceptes et ne s'occuperont de rien d'autre que de sauver leur tête. Pour cette raison, les divinités protectrices les abandonneront. A ce moment je subviendrai [par les 63 parts] aux besoins de ces moines et du Sangha qui, sinon, ne pourraient plus survivre." Quant aux bienfaits que le Bouddha avait obtenus grâce à ses pratiques, il les divisa en trois parties, mais lui-même n'en utilisa que deux. C'est la raison pour laquelle, alors qu'il aurait pu vivre en ce monde jusqu'à l'âge de 120 ans, il mourut à 80 ans, nous laissant en héritage les 40 années restantes. Nous pourrions bien recueillir toute l'eau des quatre grands océans pour diluer des pierres à encre, réduire en cendres tous les arbres et toutes les plantes pour en faire de l'encre, ramasser les poils de tous les animaux pour en fabriquer des pinceaux à calligraphier, utiliser comme papier toutes les surfaces planes du monde des dix directions, et avec tout cela exprimer par écrit notre reconnaissance, comment pourrions-nous nous acquitter de la dette de reconnaissance que nous avons envers le Bouddha ? En ce qui concerne la reconnaissance due au Dharma, celui-ci est le maître de tous les bouddhas. C'est le Dharma qui rend les bouddhas dignes de respect. Celui qui désire s'acquitter de sa dette envers le Bouddha doit donc d'abord rembourser sa dette à l'égard du Dharma. Quant à la reconnaissance envers le Sangha, elle lui est due parce que c'est invariablement la communauté qui perpétue le trésor du Bouddha et le trésor du Dharma. Par exemple, il ne peut y avoir de feu sans bois de chauffage, et sans terre les arbres et les plantes ne peuvent pas pousser. Pareillement, le Bouddha et le Dharma auraient pu exister, mais sans le Sangha des moines qui l'ont étudié et fait connaître, il n'aurait jamais été transmis pendant les deux mille ans des époques du Dharma correct et duDharma correct et jusqu'à celle des Derniers jours du Dharma. C'est pourquoi on lit dans le Sutra de la Grande assemblée : "Si, dans la cinquième période de cinq cents ans, une personne harcèle un moine ignorant n'observant pas les préceptes et l'accuse d'un crime quelconque, sachez que cette personne éteint le flambeau du bouddhisme." Il est difficile, en vérité, de totalement s'acquitter de la dette contractée envers le Sangha   ! Or il est impératif de s'acquitter de sa dette de gratitude envers les Trois trésors."

Ce passage décrit clairement la profondeur de la foi et la gratitude de Nichiren envers les Trois trésors. Le Bouddha est l'esprit de bodhi toujours à l'œuvre dans nos vies. Le Dharma est le reflet de notre capacité à comprendre et pratiquer la Vérité, et le Sangha est le reflet de notre capacité à partager le Dharma et à créer une communauté paisible et aimante. La prise de refuge dans les Trois trésors nous pousse à accomplir le Triple entraînement des préceptes, de la méditation et de la sagesse et à réaliser en nous les Quatre nobles vérités. Nichiren nous incite à réciter Namu Myoho Renge Kyo afin de centrer nos cœurs et nos esprits sur le Dharma Merveilleux. Daimoku est le Dharma Merveilleux et, en tant que tel, il est la vraie nature des Quatre nobles vérités, le véritable esprit de l'Octuple noble chemin et la source authentique des Trois trésors.

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