Définissant l’Éveil, il est dit que se connaître
soi-même, c’est devenir bouddha. Se connaître soi-même,
c’est percevoir notre réalité de bouddha à
l’origine. L’intégralité des êtres, qu’ils
soient grillon, fourmi, moustique ou taon, tout être doté
de vie, est constitué des dix-huit
domaines : les six racines,
les six objets et les six
consciences. Ces êtres expriment l’union harmonieuse des cinq agrégats. Un commentaire
dit : “On appelle être*,
l’union harmonieuse des cinq agrégats”. Ces cinq agrégats relèvent en effet des douze liens
causaux.
[...] Le sixième fascicule de la Détermination (Guketsu)
indique : “La rondeur de la tête représente le
ciel. La forme carrée des pieds imite la terre. Les creux au sein
du corps sont l’espace. La chaleur du ventre est conforme au printemps
et à l’été. La rigidité du dos est conforme
à l’automne et à l’hiver. Les quatre membres
sont conformes aux quatre saisons. Les douze grandes jointures sont conformes
aux douze mois de l’année et les trois cent soixante petites
jointures sont conformes aux trois cent soixante jours. L’inspiration
et l’expiration nasales sont semblables au vent des montagnes, des
marécages, des vallées et des plaines. L’inspiration
et l’expiration buccales imitent le vent de l’espace. Les
yeux sont identiques au soleil et à la lune. Leur ouverture et
leur fermeture imitent le jour et la nuit. Les cheveux sont les étoiles.
Les sourcils ressemblent au grand chariot. Les veines sont les rivières
et les os imitent les pierres précieuses. La chair est la terre,
les poils sont les forêts. Dans le ciel, les cinq
viscères sont les cinq étoiles ; sur terre, ce
sont les cinq montagnes. La chair
du corps est la terre, la moelle des os est l’eau, le sang est le
feu, la peau est le vent, les ligaments sont les arbres. Quant aux six
racines des hommes, la vue voit la couleur des choses, l’ouie
entend le son des choses, l’odorat sent le parfum des choses, le
goût connaît la saveur des choses, le corps souffre au contact
du froid, du chaud, du rude et de l’acéré. Les fonctions
des cinq premières racines sont faciles à discerner : elles sont perceptibles. La sixième, la conscience, tous les êtres,
la possédant pourtant en leur corps, l’ignorent. Même
leur cœur ne la connaît, ni ne la voit.
[...] En considérant
méticuleusement le cœur des choses, comprenez en fermant les
yeux et en calmant votre cœur que les six
racines de tous les êtres sont entièrement la substance
du Sutra du Lotus. Si le cœur est la substance du Sutra
du Lotus, il est hors de doute que les cinq premières racines sont contenues dans la substance du Sutra du Lotus. Le cœur
est un roi. Les cinq racines sont ses féaux. Si les yeux voient
et si les oreilles entendent, c’est que le cœur leur fait voir
et entendre. Les comportements des cinq racines sont telles quelles les
inclinations du cœur. En regardant les choses, si le cœur est
en mouvement, même les yeux deviennent le Sutra du Lotus.
Même à écouter, si le cœur fonctionne, les oreilles
sont le Sutra du Lotus. Il en est de même pour les autres
racines. Lorsque l’on meurt, les cinq racines s’en vont également.
Même si la substance des cinq racines meurt, leur forme ne s’éteint
pas. Cependant, sans le cœur, comment un mort peut-il voir et entendre ? Cela ne correspond pas à ce que l’on sait et il en va de
même pour les offenseurs du Lotus. Notre cœur est dans le Lotus. Or, offenser le Lotus, perdre son cœur, c’est ne pas posséder
les six racines. Faut-il choisir les sutras
antérieurs et perdre le cœur du Sutra du Lotus ? Les écoles (fondées sur les sutras) antérieurs, n’ayant
pas la foi dans le Lotus et l’offensant par le Hinayana et les enseignements provisoires,
sont des cadavres sans cœur. A présent,
nous, école du Lotus, si nous abandonnons le Sutra du Lotus,
notre cœur, serons des cadavres ayant perdu leurs six racines. Le
cœur est les cinq racines et les cinq racines sont le cœur.
Aussi, si la Loi du cœur devient bouddha, en même temps, la
Loi de la matière devient aussi bouddha. La matière et le
cœur étant en non-dualité (shiki shin funi), l’intérieur
et l’extérieur se possèdent mutuellement.
Les douze liens
causaux (1256 )
Mais Shubhakarasimha*,
ayant lu le Sutra du Lotus, entreprit de voler ce profond principe
formulé par le Grand-maître* Zhiyi* et l'incorpora dans sa propre interprétation du Sutra Vairocana*.
Il affirma ensuite que les mudra et les mantra dharani* du Sutra Vairocana* qui furent à l'origine exposés seulement pour servir d'ornement
au Sutra du Lotus, sont précisément les éléments
qui fondent la supériorité du Sutra Vairocana* sur le Sutra du Lotus. Shubhakarasimha* développa une théorie fausse lorsqu'il prétendit
que les deux sutra sont identiques d'un point de vue doctrinal, et son
affirmation que les mudra et les mantra dharani* sont des éléments qui rendent le Sutra Vairocana* supérieur au Sutra du Lotus est également erronée.
C'est aussi illusoire, par exemple, que l'erreur d'un serf qui croirait
que ses six organes des sens sont des trésors qui lui appartiennent en propre, alors qu'en
fait, ils sont à la disposition de son seigneur. Et cette erreur
entraîne toutes sortes d'actions indésirables.
Le savant maître
Chan-wou-wei (Kamakura, 1270 à
Joken-bo et Gijo-bo)
Dans le même
sutra, on lit : "Maître des secrets, les hommes dans cette Voie,
abandonnant la recherche du non-moi, parvinrent à l'étape où l'esprit est libre et réalise que son existence individuelle
n'a fondamentalement jamais connu de naissance [ou de mort]." Il y est
dit encore : "ku [la vacuité] est par nature distinct des six
organes des sens et de leurs six objets. Sans forme, ni limites, il
est une sorte de non-substantialité qui transcende toute théorie.
Il représente l'absence ultime de nature individuelle."
[...] Ceux qui pratiquent le Zen aujourd'hui n'accordent de valeur qu'à une méditation vide
et n'approfondissent pas les enseignements doctrinaux. Ils combinent les huit vues erronées avec
les huit vents pour former l'image
d'un Bouddha haut de plus de cinq mètres. Ils additionnent les cinq agrégats et les trois
poisons et les appellent les huit
vues erronées. Ils confondent les six
organes des sens et les six pouvoirs
mystiques ainsi que les quatre
éléments et les Quatre
Nobles Vérités. Cette manière d'interpréter
les sutras est le pire des mensonges. Une telle absurdité ne mérite
même pas qu'on s'y arrête."
Traité pour
ouvrir les yeux (Sado,
février 1272 à Shijo Kingo)
Kanjin signifie observer son propre esprit et découvrir en
lui les dix mondes-états.
Voilà ce que l'on appelle kanjin. Par exemple, bien que les six
organes sensoriels soient visibles sur le visage des autres, on
ne peut pas les voir sur le sien propre. Ce n'est qu'en se regardant
pour la première fois dans un clair miroir qu'une personne se
découvre dotée des six organes des sens. De même,
bien que divers sutras se réfèrent en maints endroits
aux six voies et aux quatre
nobles mondes, c'est seulement dans le clair miroir du Sutra
du Lotus et dans le Maka Shikan de Zhiyi* que l'on peut découvrir les trois mille conditions dans sa propre
vie - les dix mondes-états,
leur inclusion mutuelle, les
mille modalités.
Le
véritable objet de vénération (Sado,
avril 1273 à Toki Jonin)
le Grand-maître* Zhanlan* a dit : "Chaque direction correspond à l'un des six
organes des sens. [Il a déjà été établi
que] les yeux et le nez correspondent respectivement à l'est
et à l'ouest. Par conséquent, les oreilles et la langue
correspondent respectivement au nord et au sud. Le centre (note) correspond à l'esprit
et les quatre directions au corps. Le corps est doté des quatre
organes des sens auquel l'esprit est relié. Par conséquent,
l'esprit induit l'intensification ou la diminution des fonctions sensorielles
du corps."(réf.)
[...] Si la terre tremble, c'est parce que les six
organes des sens des êtres humains sont perturbés.
Par conséquent, l'intensité des six sortes de tremblements
de terre dépend du degré de perturbation des six organes
des sens. Les sutras antérieurs au Sutra du Lotus semblaient éliminer les troubles [liés
aux six organes des sens] des simples mortels, mais en réalité,
il n'en était rien. Par contre, le Sutra du Lotus dissipe
l'obscurité fondamentale.
C'est pourquoi la terre tremble avec violence. De plus, dans les Derniers
jours du Dharma,
les personnes mauvaises sont beaucoup plus nombreuses que du vivant
du Bouddha. C'est pour cette raison que, dans les Derniers
jours du Dharma,
le Bouddha prédit l'apparition de présages beaucoup plus
grands qu'à son époque.
Sur les présages (Minobu, 1275, à Shijo Kingo
?)
Lorsqu'il cessa d'entendre
le hennissement des chevaux blancs, le roi devint semblable à
une fleur qui se fane, ou à la lune au moment d'une éclipse.
Le teint de sa peau pâlit, il perdit toute force, les perceptions
de ses six organes des sens s'engourdirent
et se voilèrent, et il devint aussi faible qu'un vieillard malade.
La reine, elle aussi, vieillit et s'affaiblit. Les centaines d'officiels
et les milliers de serviteurs se lamentèrent, ne sachant que
faire.
Le roi Rinda (Minobu,
le 17 août 1279 à Soya Doso, fils de Soya Kyoshin)
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