Sur les présages

Lettres et traités de Nichiren Daishonin. ACEP - vol. 4, p. 169; SG* p.648.
Gosho Zenshu p. 1140 - Zuisso Gosho; STN 1:873 
Showa Teihon 1: p.873. (Existent des copies authentifiées)4

Minobu, 1275, à Shijo Kingo 

 

Des phénomènes étranges dans le ciel effrayent les gens et des calamités sur la terre les troublent. Lorsque le Bouddha voulut enseigner le Sutra du Lotus, il fit apparaître et cinq et six présages. Parmi eux, le présage des tremblements de terre indique que la terre a tremblé de six manières différentes. Commentant ce phénomène, le Grand-maître Zhiyi* déclare dans le troisième volume (réf.) de son Hokke Mongu* : "[L'un de ces six présages est que] l'est se surélève et l'ouest descend. L'est correspond à la couleur verte et à l'organe du foie. Et le foie lui-même est lié aux yeux. L'ouest correspond à la couleur blanche et à l'organe des poumons, et les poumons sont liés au nez. Par conséquent, le fait que l'est se surélève et que l'ouest descende annonce l'apparition des bienfaits des yeux, et, simultanément, la diminution des désirs liés à l'odorat. Inversement, quand les bienfaits liés à l'odorat apparaissent, les désirs liés à la vision disparaissent. De la même manière, l'ascension ou la chute des autres points cardinaux indique l'apparition des bienfaits et la diminution des désirs liés à l'organe qui leur correspond."

A propos de ce passage, le Grand-maître* Zhanlan* a dit  : "Chaque direction correspond à l'un des six organes des sens. [Il a déjà été établi que] les yeux et le nez correspondent respectivement à l'est et à l'ouest. Par conséquent, les oreilles et la langue correspondent respectivement au nord et au sud. Le centre (note) correspond à l'esprit et les quatre directions au corps. Le corps est doté des quatre organes des sens auquel l'esprit est relié. Par conséquent, l'esprit induit l'intensification ou la diminution des fonctions sensorielles du corps."(réf.)

Les dix directions sont l'environnement [eho] et les êtres vivants sont "le vivant" [shoho]. L'environnement est comparable à l'ombre et le vivant est comparable au corps. Sans corps, il ne peut y avoir d'ombre. De la même manière, sans vivant il n'y a pas d'environnement. Le vivant et son environnement sont produits en même temps. Les yeux correspondent à l'est. De cela nous déduisons que la langue correspond au sud, le nez à l'ouest, les oreilles, au nord, le corps, aux quatre directions, et que l'esprit correspond au centre. C'est pourquoi lorsque les cinq organes des sens des êtres humains sont perturbés, la terre, dans les quatre directions aussi bien qu'au centre tremble et, comme pour présager la destruction du pays, les montagnes s'effondrent, les herbes et les arbres se dessèchent, les rivières et les fleuves tarissent. Lorsque les yeux, les oreilles et les autres organes des sens des hommes sont perturbés et troublés, des phénomènes extraordinaires dans le ciel apparaissent, et, lorsque leur esprit est bouleversé, la terre tremble.

Quel sutra fut jamais enseigné sans que la terre tremble de six manières différentes  ? Ce phénomène se produisit à chaque fois que le Bouddha exposa un sutra. Mais, au moment où le Bouddha, s'apprêtant à enseigner le Sutra du Lotus, fit trembler la terre de six manières différentes, les gens furent particulièrement étonnés. Le bodhisattva Maitreya posa une question à ce sujet, et le bodhisattva Manjushri lui répondit que si ces présages avaient été d'une plus grande ampleur et d'une durée plus longue que lorsque d'autres sutras avaient été enseignés, c'est parce que les doutes étaient plus difficiles à dissiper. Ainsi, Zhanlan* déclara  : "Aucun sutra du Mahayana ne fut jamais exposé sans que se constitue une grande assemblée, sans qu'un rayon de lumière ne jaillisse [du front du Bouddha], sans que ne tombe du ciel une pluie de fleurs, ou sans que se produisent des tremblements de terre. Mais jamais jusqu'à présent les gens rassemblés n'avaient éprouvé des doutes plus grands."(réf.)

Cela signifie que des présages avaient bien précédé l'enseignement de tous les autres sutras, mais qu'aucun n'avait jamais été aussi extraordinaire que [les phénomènes décrits] dans le Sutra du Lotus. A cet égard, le Grand-maître* Zhiyi* fit le commentaire suivant  : "Les gens disent qu'une araignée qui tisse sa toile est un heureux présage, et que la pie qui chante annonce une visite. Si même des incidents courants sont révélés par des présages, comment se pourrait-il que rien n'augure de l'imminence d'événements importants  ? Dans ce qui est proche, il y a l'annonce de ce qui est lointain."(réf.) Ainsi, le Bouddha Shakyamuni fit apparaître des présages tels qu'on n'en avait encore jamais vus pendant les quarante et quelques années précédentes, avant d'exposer l'enseignement théorique du Sutra du Lotus.

Qui plus est, les présages annonçant l'enseignement essentiel* du Sutra du Lotus ont été encore beaucoup plus impressionnants que ceux qui annonçaient l'enseignement théorique*, ou les sutras exposés auparavant. Une immense Tour aux Trésors jaillit du sol et une multitude de grands bodhisattvas apparut, sortant de Terre (note). Les tremblements de terre à cette occasion s'accompagnèrent de typhons soufflant sur l'océan qui soulevèrent des vagues hautes comme des montagnes, jouant avec les bateaux comme avec des brins de roseau, et s'élevant assez haut pour engloutir même leurs voiles. C'est pourquoi, alors que, concernant les présages décrits dans le chapitre Jo* (I) du Sutra du Lotus, le bodhisattva Maitreya avait posé une question au bodhisattva Manjushri, au sujet des grands présages décrits dans le chapitre Yujutsu* (XV), il interrogea le Bouddha lui-même. Zhanlan* expliqua cela en disant  : "Puisque dans l'enseignement théorique* du Sutra du Lotus, le Dharma révélé était encore relativement peu profond et récent, Manjushri, avait la capacité de répondre à cette question. Par contre, l'Éveil du Bouddha dans un passé illimité était si difficile à comprendre que seul le Bouddha pouvait répondre à la question. (réf.) Le Bouddha ne crut pas nécessaire d'expliquer les présages mentionnés dans l'enseignement théorique* mais Manjushri, dans l'ensemble, en comprenait le sens. Par contre, il n'avait pas la moindre idée du sens des présages annonçant l'enseignement essentiel*. Et ces phénomènes extraordinaires se produisaient du vivant même de Shakyamuni. Puis, lorsque le Bouddha en vint à enseigner le chapitre Jinriki* (XXI), il déploya dix pouvoirs supranaturels. La manifestation de ces pouvoirs supranaturels était incomparablement plus étonnante que les présages décrits précédemment. Le rayon de lumière émanant du [front du] Bouddha n'illuminait que dix-huit mille mondes vers l'est, tandis que celui qui émanait [de son corps tout entier] au moment décrit dans le chapitre Jinriki* (XXI) illumina tous les mondes des dix directions. Alors que le tremblement de terre décrit dans le chapitre Jo* (I) se limitait à un système de mondes majeur, dans le chapitre Jinriki* (XXI), c'est la terre de tous les mondes des dix directions qui trembla de six manières différentes. Et les signes qui sont apparus à notre époque sont tout aussi étonnants (note). Les grands présages décrits dans le chapitre Jinriki* (XXI) annonçaient que le coeur du Sutra du Lotus serait propagé après la disparition du Bouddha, au terme des deux mille ans des époques du Dharma correct et du Dharma formel, au début des Derniers jours du Dharma. Dans le chapitre Jinriki* (XXI) du Sutra du Lotus, on lit : "Parce que, après la disparition du Bouddha, de simples mortels suivront fidèlement ce Sutra, les bouddhas se réjouissent et manifestent des pouvoirs supranaturels sans limites."(réf.) Il y est dit aussi : "[Celui qui parviendra à protéger ce Sutra] à l'époque mauvaise des Derniers jours du Dharma..."(réf.)

Question - Les présages, qu'ils soient de bon ou de mauvais augure, annoncent des événements qui se produiront dans une heure ou deux, dans un jour ou deux, dans un an ou deux, sept ou douze ans plus tard. Mais comment pourrait-il y avoir des présages de ce qui se produira dans plus de deux mille ans à l'avenir ?

Réponse - L'événement annoncé par des présages apparus sous le règne de l'empereur Zhao de la dynastie des Zhou, devint une réalité au terme de mille et quinze longues années (note). Et il ne fallut pas moins de vingt-deux mille ans pour que le rêve du roi Kiriki se réalise. Pourquoi donc s'étonner de ce que des présages annoncent un événement plus de deux mille ans avant qu'il ne se produise ?

Question - Pourquoi les présages concernant les époques qui suivent la disparition du Bouddha sont-ils encore plus grands que ceux qui concernaient l'époque où il était vivant ?

Réponse - Si la terre tremble, c'est parce que les six organes des sens des êtres humains sont perturbés. Par conséquent, l'intensité des six sortes de tremblements de terre dépend du degré de perturbation des six organes des sens. Les sutras antérieurs au Sutra du Lotus semblaient éliminer les troubles [liés aux six organes des sens] des simples mortels, mais en réalité, il n'en était rien. Par contre, le Sutra du Lotus dissipe l'obscurité fondamentale. C'est pourquoi la terre tremble avec violence. De plus, dans les Derniers jours du Dharma, les personnes mauvaises sont beaucoup plus nombreuses que du vivant du Bouddha. C'est pour cette raison que, dans les Derniers jours du Dharma, le Bouddha prédit l'apparition de présages beaucoup plus grands qu'à son époque.

Question - Quel passage pouvez-vous avancer en guise de preuve [que les personnes mauvaises seront beaucoup plus nombreuses à l'époque des Derniers jours du Dharma] ?

Réponse - On lit dans le chapitre Hosshi* (X) du Sutra du Lotus : "Puisque haine et jalousies à l'encontre de ce Sutra abondent déjà du vivant du Bouddha, ne seront-elles pas pires encore après son trépas  ? "(réf.) A l'exception du règne sept générations de divinités du Ciel, et cinq générations de divinités de la terre, au cours des plus de deux mille ans des quatre-vingt-dix règnes des empereurs humains, le Japon n'a jamais connu de tremblement de terre d'une ampleur comparable à celui de l'ère Shoka, ni des phénomènes célestes aussi extraordinaires que ceux qui apparurent à l'ère Bun'ei. Si le coeur des hommes est plein de joie, des présages de bon augure apparaissent dans le ciel, et les tremblements de terre seront l'oeuvre de Taishaku. Par contre, si leur esprit est obsédé par le mal, de sinistres présages apparaissent dans le ciel, et d'effroyables calamités se produisent sur la terre. L'ampleur des phénomènes effrayants dans le ciel et sur la terre varie selon l'intensité de la colère dans le coeur des hommes. Le Japon d'aujourd'hui est empli de personnes, de la plus haute à la plus basse condition, dont l'esprit est dominé par un grand mal. Ce grand mal naît de la haine qu'ils éprouvent envers moi Nichiren.

Il y a un sutra intitulé Sutra Shugo qui fut exposé après le Sutra du Lotus. Il est dit dans ce sutra que le roi Ajatashatru se rendit auprès du Bouddha et lui demanda : "Chaque année, mon pays subit graves sécheresses, ouragans, inondations, famines, épidémies. De plus, nous avons été attaqués par un pays étranger. Pourquoi tant de calamités, alors que c'est pourtant dans ce pays que le Bouddha est né ?

Le Bouddha répondit : "Magnifique, magnifique, Grand Roi  ! Comme il est admirable que vous posiez cette question  ! Mais vous avez commis plusieurs forfaits. Vous avez tué votre père et, prenant Devadatta pour maître, vous m'avez maltraité. Ce sont deux fautes très graves, voilà pourquoi de telles calamités s'abattent sur votre pays." Et le Bouddha ajouta : "Après ma disparition, dans les Derniers jours du Dharma, alors que le pays regorgera de moines comparables à Devadatta, un seul moine apparaîtra qui pratiquera le Véritable Dharma. Les mauvais moines exileront ce moine qui pratique le Véritable Dharma et le condamneront à mort. Ils violenteront l'épouse du roi aussi bien que les femmes de basse condition, semant ainsi partout dans le pays la graine de personnes qui s'opposeront au Dharma. Pour cette raison, toutes sortes de fléaux frapperont le pays, et, par la suite, un pays étranger l'envahira."

Les adeptes du Nembutsu, de nos jours, correspondent exactement à la description [des mauvais moines faite dans ce sutra]. De plus, l'arrogance des adeptes du Shingon est des milliards de fois plus grande que celle de Devadatta. Je vais brièvement décrire l'étrange comportement de l'école Shingon. Ses moines réalisent une peinture des Neuf Honorés assis sur le lotus à huit pétales qui se trouve au centre du mandala du Monde de la Matrice* (note). Ensuite, ils montent sur cette peinture, et, en piétinant le visage des bouddhas, conduisent la cérémonie qu'ils appellent onction [kanjo]. C'est comme s'ils foulaient aux pieds le visage de leurs propres parents ou marchaient sur le front de l'empereur. Des moines de ce genre emplissent le pays, et tous, du plus noble au plus humble des habitants, les prennent pour maîtres. Comment, dans ces conditions, le pays ne courrait-il pas à sa ruine ?

Ce que je déclare là est l'un des points les plus importants de mon enseignement. Je vous en reparlerai en une autre occasion. Comme je vous l'ai déjà dit, il ne faut pas le transmettre aux autres à la légère. Vous m'avez manifesté votre sincérité à maintes reprises, chaque fois que l'occasion s'en est présentée. Je ne trouve pas les mots [pour vous remercier].

ARRIERE-PLAN - Nichiren Daishonin écrivit "Sur les présages" au Mont Minobu, en 1275, alors qu'il était âgé de cinquante-quatre ans. Comme la fin de cette lettre manque, son destinataire n'est pas connu de manière certaine. On pense généralement qu'elle fut adressée à Shijo Kingo, un samouraï qui fut l'un des disciples les plus dévoués de Nichiren Daishonin. Shijo Kingo, à l'époque, était en butte à l'hostilité de son seigneur et des autres samouraïs de son clan, hostilité motivée par sa foi bouddhique.
En octobre 1274, les Mongols lancèrent une attaque massive contre les îles d'Iki et de Tsushima, au sud du Japon, et se dirigèrent vers Kyushu. Les pertes japonaises étaient accablantes mais, lorsque les forces mongoles voulurent regagner leurs navires de guerre, à la nuit, un typhon inattendu s'éleva, endommageant gravement leur flotte et les contraignant à rentrer en Corée. L'année suivante, toutefois, de nouveau, Kubilai Khan envoya des émissaires, menaçant le Japon d'une autre invasion s'il ne reconnaissait pas la suzeraineté de l'empire mongol. A la même époque, Nichiren Daishonin s'activait au Mont Minobu, écrivant des lettres, formant des disciples, donnant des cours sur le Sutra du Lotus. "Sur les présages" interprète la menace mongole et d'autres calamités récentes à la lumière de son enseignement. (Commentaire ACEP)

En anglais : On Omens

- http : //www.sgilibrary.org/view.php?page=644&m=1&q=Omens
- commentaires : http : //nichiren.info/gosho/bk_Omens.htm

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