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Quelles sont les différences entre
les enseignements de Nichiren et de Dogen
?

par Michael McCormick


Michael McCormick, a été ordonné prêtre par la Nichiren Shu.

Etudes à Holy Names University

A travaillé pour la Nichiren Shu

Vit à San Francisco

https://www.quora.com/profile/Michael-McCormick-16

En préambule : Je n’appartiens ni à la Soka Gakkai ni à la Nichiren Shoshu. Je tiens à ce que cela soit très clair.

* * *

Nichiren est né en 1222 et mort en 1282 alors que Dogen a vécu de 1200-1253. Nichiren commença à enseigner le Daimoku et à critiquer la Terre Pure et le Zen seulement 1253. Dans aucun de ses écrits Nichiren, il ne se réfère à Dogen ni même à Eisai. Ses critiques sur les maîtres zen portent sur le moine Dainichi (que Dogen et Eisai critiquaient également) et sur ses contemporains tels que Rankei Doryu (un Maître zen chinois de la lignée Rinzai).

Tout d'abord, permettez-moi de rappeler ce sur quoi Nichiren et Dogen sont d'accord, puis j'aborderai les points de divergence.

1) Tous les deux avaient été moines du Tendai et donc tous deux partageaient un arrière-plan de vénération pour le Sutra du Lotus. Dogen qualifia également le Lotus de «roi des sutras» et critiqua sévèrement tout bouddhiste zen qui rejetait les sutras. En cela, son opinion et celle de Nichiren concordent.

2) Dogen estimait que la pratique en elle-même était déjà une manifestation de l'Éveil. Il ne s’agissait pas de pratiquer d’abord pour ensuite parvenir à l’Éveil, c’est l’Éveil  qui s’exprime par la pratique. Ainsi pour Dogen pratiquer shikan taza (rester juste assis), c'est exprimer la bodhéité, non seulement la sienne mais celle de toute chose. De même, pour Nichiren, réciter daimoku, c'est exprimer sa bodhéité, et en fait la nature de bouddha de tout ce qui est. Je pense qu'ils se seraient tous deux accordés sur l'unité de la pratique et de l'Éveil.

3) Ils n'ont pas non plus été convaincus par les doctrines  de la Terre Pure (Jodo ). Dans son essai Bendowa, Dogen compare l'efficacité du nembutsu (mantra sur le nom d'Amida ) aux coassements de grenouilles. Nichiren était encore plus sevère, en disant que la pratique de la Terre Pure conduisait ses disciples à l'enfer.

4) Il y aurait aussi de vastes zones de convergence quant aux doctrines, aux enseignements et aux concepts bouddhiques de base. J'irais jusqu'à dire que si, généralement, Dogen n'utilise pas le jargon ou les catégories propres au Tendai, les composantes de certains de ses essais (comme Genjo Koan) s’en rapprochent beaucoup.

Voyons maintenant les désaccords.

De toute évidence, ils auraient été en désaccord sur ce qu'est la pratique la plus efficace pour les hommes de leur époque.  Dogen a enseigné  le shikan taza (rester juste assis), alors que Nichiren prônait la récitation du daimoku. Nous avons vu ce que Dogen pensait de la récitation de mantras en tant que pratique. Mais ce n'était qu'une remarque en passant.  Plus profondément, je pense que leurs pratiques respectives expriment des attitudes fondamentales à l'égard de la vie, ce qui constitue l’essence même d’une «pratique» ou du développement spirituel. Pour Dogen, il me semble que l'attitude de base est de rester droit au milieu de tous les phénomènes et de permettre à tout ce qui agit en nous de devenir l'univers entier, tel qu'il se manifeste à travers l'univers extérieur. Pour Nichiren, l'attitude fondamentale est d'exprimer à chaque moment de pensée (ichinen) la confiance et la joie que la bodhéité est la vraie nature de tous les phénomènes et que la bodhéité de chaque être n'a en réalité ni commencement ni fin.

2) Ils sont également en désaccord en ce qui concerne Mappo (Derniers jours du Dharma). Selon la croyance (fondée sur les sutras) et commune pour toue l'Asie de l’Est, l'année 1052 marque le début d'une période prédite par le Bouddha et dans laquelle le Dharma commencerait à être oublié et sa pratique ne serait plus efficace. Les bouddhistes de la Terre Pure comme Honen ont enseigné que dans cet  « âge dégénéré » il convenait de psalmodier juste le nom du Bouddha Amitabha afin de renaître dans la Terre Pure de Suprême Félicité ; là, en présence de ce Bouddha, on pourrait pratiquer le bouddhisme et atteindre rapidement l’Éveil. Dogen adopte aussi une position très différente. Il rejette l’idée même des «Trois âges du Dharma» en disant que seul importe l’effort personnel et la qualité de la pratique, et non pas les caractéristiques supposées d’une époque.

Quant à Nichiren, il adopte l'idée des Derniers jours du Dharma.  Il a enseigné que lors de la période Mappo le Vrai Grand Dharma Namu Myoho Renge Kyo serait largement répandu, de sorte que la graine de la bodhéité puisse être semée dans les cœurs et les esprits de tous les êtres. Dans un sens, Nichiren a vu la période de la fin du Dharma comme un moment opportun pour sa diffusion et il se réjouit donc que les enseignements provisoires perdent leur efficacité. Ainsi, Dogen rejeta l'idée d'une fin de Dharma, alors que Nichiren voyait dans son époque le moment où les véritables intentions du Bouddha exprimées dans le Sutra du Lotus seraient révélées.

3) Comme je l'ai mentionné, Nichiren n’aurait jamais entendu parler de Dogen. Cependant, il a critiqué les gens qui pratiquaient la méditation en s’isolant  dans les montagnes, au lieu de soutenir publiquement le Vrai Dharma. Nichiren a cité deux méthodes de propagation et de pratique du bouddhisme enseignées dans le Tiantai : le shoju (accepter et de recevoir) et le shakubuku (briser rt soumettre). Les termes shoju et shakubuku proviennent du Sutra de la Reine Shrimala et ont été utilisés par  l'école Tiantai pour indiquer  quand on peut enseigner doucement et se concentrer sur la méditation (shoju)  et les moments où l'on doit compter sur les autorités civiles pour défendre le Vrai Dharma et critiquer la corruption dans le Sangha, ainsi que  les enseignements erronés. Nichiren cite des exemples tirés du Sutra du Nirvana et du Sutra du Lotus et pour ce qui est de lui-même, il opte pour le shakubuku,  la critique publique des faux enseignements et le soutien officiel du Vrai Dharma. Pour Nichiren, les moines, comme Dogen, qui se retiraient de la société et ne condamnaient pas publiquement les faux Dharmas, qui ne propageaient pas le Sutra du Lotus, pratiquaient en fait le shoju alors que l’époque était à  shakubuku. De son côté, Dogen était plus préoccupé par la formation d'un petit groupe de moines dans le monastère reculé d'Eihei-i, bien qu'à la suite de son voyage en Chine, il ait essayé d'enseigner le shikan taza (rester juste assis) aux laïcs et aux moines. Il était donc plus soucieux d'aider les pratiquants déterminés à développer la pratique du zazen, que de s'engager dans des débats ou la propagation du Sutra du Lotus.

Namu Myoho Renge Kyo
Ryuei

 

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