Un bouddhisme pour notre temps

Une interprétation moderne du Triple Sutra du Lotus par
Niwano Nikkyo
traduit de A Buddhism for today (Kosei Publishing Co - 2006)

Voir : SUTRA DU LOTUS - CHAPITRE XVII

Discernements des bienfaits

Les mérites de la pratique spirituelle

Le chapitre précédent nous a appris que le Bouddha existe en nous de tout temps. Si nous comprenons cela, notre état d'esprit changera spontanément pour le mieux. Avant de parvenir à la foi véritable, nous ne sommes certains de rien et sommes incapables de maintenir l'espoir et la confiance en nous. Bien sûr, on ne peut pas dire que nous ne ressentons jamais le bien-être, l'espoir ou la confiance mais ceux-ci sont si fragiles qu'ils disparaissent dès qu'un grand malheur nous tombe dessus.

Les personnes qui ont une vue superficielle des choses et qui n'ont aucun but dans la vie peuvent se dire qu'aujourd'hui c'est aujourd'hui et que demain c'est demain et, ainsi, ne pas s'inquiéter de leur devenir. Pour la plupart, ces personnes manquent de sens de responsabilité envers la société, envers leur famille et même envers elles-mêmes. On peut penser qu'elles sont heureuses mais, en fait, absorbées par leur bien-être, elles vivent à l'opposé de la vérité du "rien n’a de substance propre". Ces personnes n'accumulent pas un bon karma dans ce monde et mènent des vies de rêves inutiles.

Le bonheur intérieur, l'espoir et la confiance en soi de ceux qui ont la vraie foi ne sont ni creux ni superficiels, ils sont profondément et fermement enracinés dans leur esprit. Ces personnes ont l'esprit lucide et ne craignent "ni eau, ni feu, ni glaive" car elles ont conscience d'être toujours protégées par le Bouddha qui est la Vie dans ce qu'elle a d'absolu : "c'est le Bouddha qui me fait vivre ma vie."

Notre vie change tout naturellement aussitôt que nous atteignons cet état d'esprit. Dès que notre attitude change, cela se répercute obligatoirement sur le cours de la vie. La prise de refuge dans le Bouddha transforme notre état mental et celui-ci modifie notre mode de vie. Ce sont les mérites ou bénéfices (kudoku) de la pratique bouddhique. On peut dire que la foi est naturellement associée aux kudokus.

Les bienfaits de la pratique n'apparaissent pas seulement dans l'esprit de l'homme, ils se manifestent aussi dans son corps et dans sa vie matérielle parce que son esprit, son corps et les objets matériels qui l'entourent sont faits de la même énergie non-substantielle. Si l'esprit change, le corps change et quand le corps change, l'environnement change. Il serait contraire à la raison et à la science d'admettre les changements et les bénéfices de l'esprit et de réfuter les changements et les bénéfices du corps et de l'environnement.

La science a fait de remarquables progrès dans l'étude des rapports entre le corps et l'esprit. La médecine psychosomatique admet que diverses maladies, (affections des yeux, maladies de peau, troubles cardiaques, hypertension, urticaire, asthme, malaises matinaux,  menstruations irrégulières etc.) peuvent se développer en fonction de l'état d'esprit d'une personne. La médecine psychosomatique tient pour acquis que les désordres de l'estomac, et surtout des intestins, sont souvent provoqués par le psychisme. Les ulcères gastriques, par exemple, sont plus souvent provoqués par l'anxiété et d'irritabilité que par un abus d'alcool ou de tabac. Les statistiques médicales montrent que les étudiants souffrent souvent d'appendicite lorsque leur tension nerveuse chute brusquement après les examens ou les compétitions sportives. Faut-il s'étonner que l'homme puisse guérir d'une maladie en changeant son attitude mentale puisque son corps est inséparable de son esprit ? J'en connais personnellement certains exemples : une personne qui avaient perdu l'usage de ses jambes a pu de nouveau marcher après un travail spirituel. Nous ne considérons pas ces résultats comme des miracles car nous en comprenons le processus naturel.

Il n'est pas rare que l'on connaisse des succès financiers et matériels après avoir rencontré la pratique bouddhique. Une personne dont l'attitude mentale se modifie change son mode de vie et son attitude par rapport au travail, induisant ainsi une amélioration générale. De plus, si quelqu'un prend sincèrement refuge dans une vraie foi, il rencontre une réaction différente de la part des autres. Il commence par se sentir optimiste et par avoir une attitude positive. Cela se reflète naturellement sur son visage, dans son langage et dans sa conduite. Il attire ainsi les personnes de son entourage qui se sentent soutenues et rassurées. Il est donc bien naturel que son travail progresse et qu'il en résulte un succès financier.

Ces bienfaits-kudokus matériels sont le résultat d'une pratique spirituelle et, lorsqu'ils apparaissent, il faut les prendre en toute simplicité et avec gratitude. Ce n'est pas parce que la foi est un phénomène spirituel que nous n'avons pas besoin d'autres kudokus que ceux de l'esprit sous le prétexte de ne pas devenir impurs. En fait, cette préoccupation reflète elle-même une attitude impure, distordue et préconçue.

Les personnes qui pensent ainsi sont relativement rares. Plus nombreuses sont les personnes d'un autre type : celui de "croyants aux vues erronées" qui pensent pouvoir obtenir ces kudokus non pas comme résultat de leur pratique mais immédiatement et sans effort. Presque chaque personne, au seuil d'une nouvelle expérience spirituelle, se retrouve face à une douleur connue ou inconnue. Il est naturel de vouloir s’en libérer et nul n'est à blâmer pour cela. Mais lorsque des personnes ont pour seul désir de guérir d'une maladie ou d'obtenir de l'argent, elles sont en réalité attachées à l'idée de "maladie" ou de "pauvreté". Bien qu'elles souhaitent se libérer de ces problèmes, elles en deviennent au contraire les victimes parce que leur esprit est si fortement envahi par l'idée de maladie ou de pauvreté qu'elles n'arrivent plus à s'en détacher.

Les gens qui croient en une religion seulement pour recevoir des faveurs divines dans ce monde régressent facilement dans leur foi. C'est parce qu'ils ne comprennent pas l'éternité de la vie du Bouddha ainsi que l'éternité de la vie humaine. Ils pensent seulement à l'existence actuelle, commencent à douter de l'enseignement ou s'en lassent si des avantages matériels ne se manifestent pas clairement. De plus, certaines personnes ne peuvent recevoir de  kudokus dans ce monde, à cause du karma défavorable de leurs vies précédentes, bien que leur foi soit correcte, qu’elles purifient leur esprit et se dévouent à la pratique de bodhisattva cherchant le bien-être d’autrui dans la société.

Néanmoins, ceux qui croient à l’immortalité du Bouddha et peuvent ressentir leur propre atemporalité en se disant : ‘‘si nous persévérons, nous sommes certains d'éliminer finalement notre karma précédent et d'approcher ainsi petit à petit de l'esprit du Bouddha’’. Même s’il ne guérit pas immédiatement ou s’il ne reçoit pas rapidement le kudoku tangible de la richesse, l’esprit de ce pratiquant sera serein. C'est l'attitude adoptée par un vrai croyant.

Par rapport aux kudokus de la pratique, il convient d'être "droit, doux et bienveillant", comme il a été enseigné dans le chapitre 16. Nous devons fixer notre regard sur le Bouddha, sans nous préoccuper des kudokus en ce monde. Nous devons être unis au Bouddha et appliquer ses instruction. Si, à la suite de cela, notre vie devait changer en mieux, ce serait un phénomène naturel provenant du fait que notre esprit et nos actes ont été établis dans la voie de la vérité. Alors nous devons recevoir ces changements du fond du cœur avec gratitude.

Les bienfaits de la pratique religieuse sont prêchés dans les trois chapitres de la seconde moitié du Sutra du Lotus : le chapitre XVII, Discernement des Bienfaits  (Funbetsu kudoku hon), le chapitre XVIIILes bienfaits de la joie conséquente (Zuiki kudoku hon) et le chapitre XIX, Bienfaits du Maître du Dharma (Hosshi kudoku hon).

Le chapitre XVII, Discernement des Bienfaits, nous enseigne l'état d'esprit idéal et expose en douze points les kudokus que nous pouvons obtenir par l'adhésion ferme à la vie atemporelle du Bouddha. Ce chapitre ne parle pas des "faveurs divines" dans ce monde mais détaille les bienfaits spirituels qu'un croyant peut acquérir. Bien que ceux qui ne sont pas familiers avec le Dharma aient du mal à comprendre ce que signifie "kudokus spirituels", les lecteurs qui ont étudié le Sutra du Lotus jusqu'au chapitre XVI les apprécieront à leur valeur. Passons donc au sujet principal de ce chapitre.

D'innombrables êtres vivants obtinrent le plus grand bienfait lorsqu'ils apprirent par l'exposé du Bouddha (chapitre XVI) que la durée de sa vie était illimitée et qu'il avait constamment instruit tous les êtres de ce monde. Ce kudoku fut la conviction qu'ils étaient protégés et instruits par le Bouddha ; ils en éprouvèrent une joie profonde.

Ensuite, le Bhagavat expose au bodhisattva Maitreya, qui représentait la Grande assemblée, les kudokus de ceux qui croient dans l'éternité de la vie du Bouddha, en divisant ces mérites en douze degrés suivant le niveau de la foi et de discernement des croyants..

1 - Le premier degré de ces mérites est que les êtres

« nombreux comme les grains de sable de soixante-huit millions de myriades de milliards de Gange ont compris la non-création des entités. »

Cela signifie que ceux qui sont capables de croire à l'éternité de la vie du Bouddha ne sont ni contents, ni tristes à chaque changement de circonstances ou de situation. Ils peuvent progresser d'un état d'esprit instable jusqu'à la ferme croyance que la vie n'est pas troublée par des changements externes. De plus, cette merveilleuse conviction n'est pas temporaire mais durera toute leur vie.

2 - Le deuxième degré des mérites est que

« mille fois plus de bodhisattvas-mahasattvas qui purent passer la porte des dharani (formules détentrices) permettant d'écouter et de garder le Dharma. »

Ici les mots "mille fois" évoquent simplement un très grand nombre, comme les expressions suivantes: "en nombre égal aux particules de tout un monde", "en nombre égal aux particules d'un monde tricosmique", "en nombre égal aux particules de deux mille mondes moyens", "en nombre égal aux particules d'un millier de mondes mineurs", "en nombre égal aux particules de quatre mondes terrestres à quatre continents"*, "en nombre égal aux particules de trois mondes terrestres à quatre continents", "en nombre égal aux particules de deux mondes terrestres à quatre continents" et "en nombre égal aux particules d'un seul monde terrestre à quatre continents". Ces nombres ne sont pas à prendre au sens littéral.

Le mot dharani signifie le pouvoir mystique d'arrêter le mal et de faire progresser le bien. Les mots "purent passer la porte des dharani permettant d'écouter et de garder le Dharma"* signifient qu'en écoutant et en gardant l'enseignement du Bouddha, une personne peut obtenir le pouvoir mystique d'arrêter tous les maux et de faire progresser le bien. Naturellement, celui qui a ce pouvoir maîtrise ses actes et a une grande influence sur ceux qui l'entourent. Ce trait caractéristique distingue les bodhisattvas des autres êtres vivants.

3 - Le degré suivant des mérites est que

« des bodhisattvas-mahasattvas en nombre égal aux particules de tout un monde qui obtinrent l'éloquence sans obstacle permettant de prêcher dans la joie*. »

Ici "éloquent" signifie prêcher l'enseignement du Bouddha de son plein gré et non à contrecœur, sous les directives d'une autre personne ou par sens du devoir. Cela ne signifie pas parler du bouddhisme avec le désir secret de paraître meilleur que les autres ou avec des motifs égoïstes mais en parler spontanément parce qu'agir ainsi donne de la joie. C'est l'état d'esprit idéal devrait avoir tout prêcheur.

Les mots "sans obstacle" signifient que rien n'empêche le bodhisattva de propager la doctrine. C’est transmettre sans être découragé même si on rit de nous ou si on nous méprise, si on pense du mal de nous ou si nous sommes persécutés. De tels empêchements peuvent provenir non seulement de l'extérieur mais aussi de l'intérieur de nous-mêmes. Certaines personnes sont zélées dans leur transmission quand ils vont bien et ont du temps mais ne se préoccupent pas des autres lorsqu'elles manquent de temps ou d’argent. Ceci est dû aux obstacles (sanso shima) de l'environnement et de l'esprit. Par ailleurs, ceux qui ont atteint une foi profonde peuvent se consacrer à la pratique de bodhisattva et répandre largement le Sutra du Lotus sans empêchements, même s'ils mènent une existence précaire ou s'ils ont des problèmes personnels.

Non seulement un "maître du Dharma" ne plie ni devant les obstacles extérieurs ni intérieurs, mais possède le pouvoir de briser la résistance psychique de ceux qui écoutent son discours ; il prêche même à ceux qui ne recherchent pas le Bouddha et qui commencent par prendre ses paroles à la légère ou qui les écoutent avec attention sans être capables de les comprendre. Le "maître" idéal est celui qui a le pouvoir de faire accepter les arguments et de les faire assimiler sans même que son interlocuteur s’en rende compte. Un tel pouvoir de persuasion est appelé faculté de "débattre avec une conscience résolue". En résumé, ce bienfait est celui d'une personne ayant la capacité de transmettre le Dharma en y prenant plaisir, ne cédant ni aux obstacles extérieurs ni intérieurs, et qui a le don de persuader n'importe quel genre de personne.

4 - Le degré suivant des mérites est celui

« des bodhisattvas-mahasattvas en nombre égal aux particules de tout un monde qui obtinrent les dharani permettant des centaines de millions de myriades d'innombrables mutations. » (note)

Les bienfaits à ce niveau sont tels qu'une personne peut obtenir le pouvoir mystique (dharani) d'arrêter tous les maux et de faire progresser le bien, c'est-à-dire obtenir le pouvoir fondamental infini qui passe d'une personne à une autre. Ces kudokus sont magnifiques parce que de nombreux bodhisattvas peuvent devenir des forces dirigeantes pour des activités missionnaires qui s'étendent toujours plus.

5- Le degré suivant des mérites est celui

« des bodhisattvas-mahasattvas en nombre égal aux particules d'un monde tricosmique qui purent mettre en branle la roue du Dharma sans régression. »

"Mettre en branle la roue du Dharma" signifie propager les enseignements du Bouddha sans discontinuer, comme une roue qui tourne. Ces mots signifient : ne jamais reculer d'un pas quels que soient les obstacles ou les difficultés et exposer et propager les enseignements du Bouddha sans discontinuer.

6- Le degré suivant des mérites est celui

« des bodhisattvas-mahasattvas en nombre égal aux particules de deux mille mondes moyens qui purent mettre en branle la roue du Dharma de pureté. »

Les bienfaits de ce degré signifient qu'on devient capable d'accomplir les pratiques pures des bodhisattvas en prêchant le Dharma de façon désintéressée, sans rechercher de récompense. Les personnes ordinaires ont des difficultés à exécuter ces pratiques, mais une personne qui a atteint la perfection idéale de la foi peut y arriver.

7- Les mérites du degré suivant sont ceux

« des bodhisattvas-mahasattvas en nombre égal aux particules d'un millier de mondes mineurs qui obtiendront l'Éveil complet et parfait sans supérieur* en huit renaissances."

Ici les bienfaits sont ceux d'une personne qui pratique diverses disciplines spirituelles durant huit vies et qui peut atteindre l'Éveil complet et parfait sans supérieur (anokutara sammyaku sambodai).

8- Le degré suivant des mérites est celui

« des bodhisattvas-mahasattvas en nombre égal aux particules de quatre mondes terrestres à quatre continents qui obtiendront l'Éveil complet et parfait sans supérieur* en quatre renaissances. »

9- Le degré suivant des mérites est celui

« des bodhisattvas-mahasattvas en nombre égal aux particules de trois mondes terrestres à quatre continents qui obtiendront l'Éveil complet et parfait sans supérieur* en trois renaissances. »

10 - Le degré suivant des mérites est celui

« des bodhisattvas-mahasattvas en nombre égal aux particules de deux mondes terrestres à quatre continents qui obtiendront l'Éveil complet et parfait sans supérieur* en deux renaissances. »

11- Le degré suivant des mérites est celui

« des bodhisattvas-mahasattvas en nombre égal aux particules d'un seul monde terrestre à quatre continents qui obtiendront l'Éveil complet et parfait sans supérieur* en une seule renaissance. »

12- Le degré suivant est celui

« des bodhisattvas-mahasattvas nombreux comme les particules de huit mondes qui développeront tous la pensée de l'Éveil complet et parfait sans supérieur*. »

Voilà donc les douze bienfaits-kudokus qu'un croyant peut obtenir en gardant une foi inébranlable dans la vie infinie du Bouddha. Shakyamuni nous enseigne donc que si les bases de notre foi sont solides, nous avons la possibilité de travailler indéfiniment à l’approfondir et à la transmettre aux autres. Il nous enseigne aussi qu’en approfondissant notre foi nous pouvons espérer acquérir un jour le bienfait suprême de l'Éveil parfait.

Certes, l'Éveil parfait est très difficile à atteindre. Comme il est dit dans ce chapitre, certains bodhisattvas ne peuvent y parvenir à moins de pratiquer des disciplines spirituelles pendant huit autres vies. Combien plus d'efforts il en coûtera pour les hommes ordinaires ! Mais quel immense espoir nous donne la certitude qu'un jour nous atteindrons certainement l'Éveil parfait si nous avons la foi en un enseignement juste et si nous nous efforçons de le pratiquer ! Aussi longtemps que nous avons cet espoir, la vie vaut la peine d'être vécue.

La vie de l'homme n'est pas limitée à cette existence-ci mais continue éternellement dans chaque existence à venir. Cependant si nous pouvions entr'apercevoir à quel point les faits de nos vies quotidiennes se répètent d'existence en existence nous perdrions tout courage et baisserions les bras devant un tel avenir. La plupart des gens répètent les mêmes souffrances d'existence en existence sans la moindre contrition car ils ne prennent pas conscience de leur caractère répétitif. Alors que ceux qui ont été capables de se forger une foi véritable ne se découragent pas et n'ont pas d'objection à parcourir un chemin qui peut être fort long parce qu'ils font l'expérience de se rapprocher de plus en plus de l'Éveil Parfait. Leurs vies sont de plus en plus riches et remplies d'espoir. C'est, peut-être, le plus grand mérite-kudoku qu'un pratiquant du bouddhisme peut obtenir.

On gagne ou on perd de l'argent, on tombe amoureux ou bien on perd un amour, on est promu à une situation plus élevée ou on perd son travail pour une broutille, on élève un enfant avec succès ou bien on le perd. Si nous traversons la vie sans but, dans la succession vaine de joies et de peines, même si chaque moment semble réel et important, nous aurons un sentiment inexprimable de vide en revoyant le cours de notre vie. Mais si nous avons le support d'un enseignement juste et si nous sommes fermement convaincus que nous pouvons avancer petit à petit vers l'Éveil parfait, même si la vie a ses hauts et ses bas, ses joies et ses tristesses, nous serons capables de dominer facilement n'importe quelle épreuve, peu importe la longueur de la vie et le nombre de renaissances qu'il faudra pour y arriver.

La vie de l'homme n'est pas limitée à cette existence-ci mais continue éternellement dans chaque existence à venir. Cependant si nous pouvions entr'apercevoir à quel point les faits de nos vies quotidiennes se répètent d'existence en existence nous perdrions tout courage et baisserions les bras devant un tel avenir. La plupart des gens répètent les mêmes souffrances dans chaque nouvelle existence sans la moindre contrition car ils ne prennent pas conscience de leur caractère répétitif. Alors que ceux qui ont été capables de se forger une foi véritable ne se découragent pas et n'ont pas d'objection à parcourir un chemin qui peut être fort long parce qu'ils font l'expérience de se rapprocher de plus en plus de l'Éveil Parfait. Leurs vies sont de plus en plus riches et remplies d'espoir. C'est, sans doute, le plus grand bienfait-kudoku que l’on puisse obtenir grâce au bouddhisme.

Un croyant authentique tendra ses efforts non seulement vers sa propre ascension vers le monde-état de bouddha mais cherchera aussi à acquérir autant de compagnons que possible. Plus le nombre des véritables croyants augmentera, plus l'humanité tout entière s'élèvera et plus notre monde approchera de la Terre de la lumière toujours paisible (jakko-do). L'ensemble des divers bienfaits prêchés dans les sutras se résume à cela.

Quand le Bouddha a eu montré comment les bodhisattvas-mahasattvas avaient obtenu les grands bénéfices du Dharma grâce à une croyance ferme dans sa vie infinie,

« du milieu de l'espace tomba une pluie de fleurs mandarava* et de mahamandarava* ; elles se répandirent sur les innombrables centaines de millions de bouddhas, sur leur trône léonin, au pied des arbres de matières précieuses, et en même temps sur le Bouddha Shakyamuni et sur l'Ainsi-Venu Taho*, passé de longue date en parinirvana, qui étaient assis sur leur trône léonin dans la Tour aux Trésors; elles se répandirent aussi sur l'ensemble des grands bodhisattvas et sur les quatre congrégations (bhiksus, bhiksunis, upasakas et upasikas). »

Répandre des fleurs sur quelqu'un était une expression de gratitude ; cette coutume existe toujours en Inde. La pluie de fleurs tombant du ciel indique donc que les êtres célestes expriment leur gratitude pour les enseignements du Bouddha. Que cette pluie de fleurs tombe sur tous les grands bodhisattvas, sur les quatre congrégations ainsi que sur le Bouddha indique que les disciples qui entendent les enseignements du Bouddha, ainsi que le Bouddha qui les prêche, doivent être honorés de la même façon. Lorsque nous écoutons les enseignements du Bouddha et que nous les pratiquons de tout cœur, nous pouvons imaginer que des fleurs merveilleuses de mandarava et de mahamandarava pleuvent sur nous, même si ces fleurs sont invisibles.

« Il tomba encore une pluie de fine poudre de santal et de bois d'aloès et, du milieu de l'espace, des tambours célestes retentirent d'eux-mêmes, en sons sublimes et profonds, portant au loin. »

C’est une façon d'exalter les enseignements du Bouddha.

« Il tomba encore une pluie de mille sortes d'étoffes célestes et, partout dans les neuf directions, descendirent des colliers: colliers de perles précieuses, colliers de perles mani, exauçant tous les voeux. Dans des brûle-parfums faits de toutes sortes de matières précieuses se consumaient des encens sans prix, ils faisaient spontanément le tour de la Grande assemblée pour lui rendre hommage. »

En termes bouddhiques "rendre hommage" à quelqu’un est un geste de gratitude à l’égard du Bouddha et de ses enseignements.

« Au-dessus de chaque Éveillé, des bodhisattvas tenaient dais et bannières, lesquels s'élevaient progressivement jusqu'au ciel des Mahabrahmas*. »

Tous ces symboles enseignent que les enseignements du Bouddha sont omniprésents dans cet univers et qu’ils sauvent tous les êtres vivants.

« Alors le bodhisattva Maitreya* se leva de son siège, se découvrit l'épaule droite, joignit les paumes en direction du Bouddha et s'exprima en stances :

« l'Éveillé prêche un Dharma rare,
jamais entendu par le passé;
grande est la force du Bhagavat,
incalculable sa longévité.
Les innombrables enfants du Bouddha,
entendant le Bhagavat détailler
dans sa prédication ceux qui obtiennent les bienfaits du Dharma,
ont le corps tout entier rempli de joie. »

Après ce préambule, Maitreya répète les bienfaits prêchés par le Bouddha. Ces stances ne présentent aucune difficulté si on a compris la signification de la section en prose. Seuls les mots ayant un sens différent seront expliqués ci-dessous.

« certains sont inébranlables au stade de non-régression,
certains ont obtenu les dharani,
ou la prédication plaisante sans obstacle,
les dharani de dix mille myriades de mutations* .

a la même signification que l'expression de la partie en prose ‘‘qui obtinrent les dharanis  permettant des centaines de millions de myriades d'innombrables permutations’’.

Ces paroles signifient que certains demeurent à un niveau qu'ils ne quitteront plus jamais quoi qu'il puisse leur arriver. C’est le stade d’avaivartika "un qui ne revient plus" ; niveau d'Éveil conservé dans les existences ultérieures.

« ou encore des bodhisattvas, nombreux comme les particules
d'un seul monde à quatre continents,
à qui il ne reste plus qu'une renaissance
avant de réaliser la perfection de la prajna. »

Les mots "perfection de la prajna" désignent la sagesse du Bouddha. Ce passage se réfère aux bodhisattvas qui atteindront le même état d'esprit que le Bouddha après être nés une fois encore (bienfait du niveau 11).

« Il y a encore des êtres, nombreux comme les particules
de huit mondes,
qui, entendant l'Éveillé exposer sa longévité,
déploient tous la pensée insurpassable. »

La "pensée insurpassable" est celle de la Voie suprême et a la même signification qu'aspirer à l'Éveil parfait. Les vers disent aussi :

« nombreux comme les sables du Gange, les divinités Indra et Brahma
arrivent d'innombrables Terres de bouddha ; »

Ces lignes signifient que les dieux célestes, y compris Indra et Brahma, se sont rassemblés dans des terres innombrables de l'univers pour rendre hommage au Bouddha.

Dans les vers

« Cette grande multitude de bodhisattvas
tient dais et bannières des sept matières précieuses,
hauts et merveilleux, de myriades et myriades de variétés,
qui parviennent progressivement jusqu'au Ciel de Brahma. »

les mots "bannières des sept matières précieuses" se réfèrent aux bannière victorieuses que les brahmanes faisaient flotter à la porte de leur temple lorsqu'ils avaient battu leurs opposants dans un débat religieux. Cette coutume était répandue dans l'ancienne Inde et de nombreux sutras bouddhiques y font allusion.

La croyance humaine en l’éternité du Bouddha est la base à partir de laquelle découlent tous les enseignements bouddhiques. Donc, à partir du moment où le Bhagavat a exposé l’éternité de sa vie, les bannières de la victoire flottent devant chaque bouddha présent à la Grande assemblée, proclamant ainsi la supériorité de ses enseignements.

Le bodhisattva Maitreya ayant répété en vers ce sermon de Shakyamuni, termine par les paroles suivantes :

« en entendant l'incommensurable longévité du Bouddha,
tous sont saisis d'allégresse,
le renom du Bouddha s'entend aux dix directions,
il répand sur les êtres une profusion de bienfaits;
tous se retrouvent munis des racines de bien
qui deviennent les auxiliaires de la pensée insurpassable. »

On peut dire que la première moitié du chapitre XXVII est condensée dans ces quelques phrases essentielles. Le bodhisattva Maitreya le comprend parfaitement.

Traditionnellement, la deuxième moitié du chapitre XV, le chapitre XVI et la première moitié du chapitre XVII forment ce qu’on appelle ippon-nihan, "un chapitre et deux moitiés", et sont définis comme le cœur de l'enseignement honmon (définitif). C’est également la partie centrale de tout le Sutra du Lotus. Nichiren estimait que c'était l'âme de toutes les écritures bouddhiques.

L'importance de ce concept tient au fait que ce "chapitre et deux moitiés" précise ce que doit croire le pratiquant bouddhiste et quel doit être l'objet de sa foi. Nous en avons parlé dans le chapitre précédent. Dans la première moitié du chapitre XVII, le Bouddha nous enseigne combien il est important et rassurant d'établir dans notre vie spirituelle un objet de la foi.

La deuxième moitié de ce chapitre et les onze chapitres restants du Sutra sont définis comme étant la conclusion de l'enseignement honmon, répondant à deux questions principales : "Quels seront les résultats si nous avons une foi authentique ?" et "Quelle attitude spirituelle est nécessaire pour parvenir à une foi authentique ?" C'est dans la partie finale du Sutra que le Bhagavat nous confie la tâche d'exposer et de propager cette foi à la postérité.

Les bienfaits de la première moitié du chapitre XVII sont ceux de la foi. Dans la seconde partie du chapitre XVII et dans la première moitié du chapitre XVIII sont exposés les mêmes kudokus. Cependant, au début de la seconde partie du chapitre XVIII, les mérites sont ceux que nous créons dans nos occupations personnelles et dans notre vie quotidienne.

Certaines personnes penseront peut-être : ‘‘Nous n'avons pas besoin de faire attention à ces petits mérites. Si nous étudions entièrement le "chapitre et les deux moitiés" en les considérant comme le cœur du Sutra du Lotus, si nous les comprenons vraiment et si nous croyons profondément dans l'éternité de la vie du Bouddha, nous n'avons pas besoin du reste.’’ Ce serait une attitude assez acceptable s'ils pouvaient pratiquer aussi parfaitement qu'ils le pensent. S'il en était ainsi, leur foi serait parfaite. Cependant, trouve-t-on une telle personne sur dix mille ou même cent mille ? En réalité, il est très difficile de mettre parfaitement en pratique ce que nous pensons.

Pour des personnes ordinaires, quand elles entendent parler de l’état d’esprit bouddhique pour la première fois, cet idéal parait étrange et infiniment loin de ce qu’ils sont et font dans leur vie quotidienne. Mais si cet idéal est expliqué par rapport aux problèmes qui leurs sont familiers, elles ressentent que cet enseignement est vivant. C'est le rôle principal de la partie finale du Sutra du Lotus.

L'esprit de recherche des gens ordinaires tend généralement à se relâcher. Même parfaitement conscients de la valeur de l'enseignement, les gens se montrent rapidement négligents s'ils ne comprennent les vertus de l'enseignement qu'en théorie. Mais s'ils lisent et récitent régulièrement le Sutra qui enseigne comment progresser dans une foi correcte, ils peuvent renouveler leur résolution dès qu'elle s'affaiblit. C'est le deuxième rôle de la partie finale.

Le Bouddha nous dit d'exposer et de propager le Dharma. C'est un conseil pour lequel nous pouvons lui être reconnaissants. Nous sommes animés de courage quand nous recevons ses paroles et que nous pénétrons dans ses sentiments. C'est le troisième rôle de la partie finale du Sutra.

La conclusion du Sutra du Lotus est indispensable aux gens ordinaires, c'est-à-dire à la plupart d'entre nous. En comprenant bien ceci nous devons étudier cette partie de l'enseignement aussi ardemment que la partie d'un chapitre et deux moitiés, avec humilité et sans  croire que nous sommes bien au-dessus.

Ensuite le Bouddha s'adresse au bodhisattva-mahasattva Maitreya:

« Ô Invincible, s'il se trouve des êtres qui, à entendre que la longévité du Bouddha est à ce point immense, peuvent concevoir ne serait-ce qu'une seule pensée de foi et de discernement, les mérites qu'ils en obtiendront seront au-delà de toute limite: s'il se trouve des fils et des filles de foi sincère* qui, pour l'amour de l'Éveil complet et parfait sans supérieur*, pratiquent durant huit cent mille myriades de milliards de kalpa les cinq paramitas - la paramita du don (dana), la paramita des préceptes (sila), la paramita de patience (kshanti), la paramita d'énergie (virya), la paramita de méditation (dhayana) - en mettant à part la paramita de la prajna, et si l'on compare ces mérites aux mérites précédents, ils n'en parviennent pas au centième, pas au millième, pas au dix millionième de myriadième, au point même qu'aucun calcul ni aucune comparaison ne peut en rendre compte. Qu'un fils ou fille de foi sincère, ayant de tels mérites, régresse de l'Éveil complet et parfait sans supérieur*, cela n'a point lieu d'être. »

Une lecture superficielle de ce passage risque de nous dérouter.  Il peut paraître contradictoire que d'un côté le Sutra du Lotus insiste fortement sur la pratique de bodhisattva, et d'un autre affirme que les hommes obtiennent beaucoup plus de bienfaits en ayant "ne serait-ce qu'une seule pensée de foi et de discernement" au sujet de la longévité du Bouddha. En relisant avec attention les paroles adressées à Maitreya ‘‘aucun calcul ni aucune comparaison ne peut en rendre compte’’ nous comprenons la différence entre les valeurs de ces deux types de bienfaits car on ne peut comparer des valeurs fondamentalement différentes. Par exemple, nous pouvons comparer dix mille livres ou dollars ou marks et une livre, un dollar ou un mark parce qu'ils représentent une somme d'argent. Mais la somme de dix mille livres ne peut pas être comparée, par exemple, à l'étude, parce que les deux appartiennent à des ensembles différents.

Sans conteste, il est bon pour nous de pratiquer les cinq paramitas - le don, les préceptes, la patience, la persévérance et la méditation - mais ces paramitas, à l'exception de la prajna, tombent dans la catégorie de la morale ordinaire et de la méditation réflexive. Ces seules pratiques ne permettent pas d'éradiquer les illusions enfouies dans notre inconscient ; nous ne pouvons pas atteindre le nirvana. La prajna est la sagesse du Bouddha et non celle des personnes ordinaires. Si nous pratiquons les cinq paramitas avec pour base la sagesse du Bouddha, ces pratiques seront parfaites, ce seront des activités de la spiritualité et la Voie vers le nirvana. C'est pourquoi le Bouddha met à part la prajna-paramita.

Nous ne pouvons pas atteindre le nirvana parfait même si nous pratiquons la morale et la méditation réflexive pendant des décades ou des siècles. Mais si nous avons "ne serait-ce qu'une seule pensée de foi et de discernement" concernant l'éternité de la vie du Bouddha, cette pensée nous aide à être convaincus de l'éternité de notre propre vie et à réaliser que ce qui nous fait vivre est le Bouddha, la grande Vie de l'univers. Dès que nous avons compris cela, nous pouvons entrer dans le royaume de la grande sérénité.

La première méthode est celle de quelqu'un qui se trouve en dehors de la religion, tandis que la seconde est l'état d'esprit de l'Éveil. Les deux ont intrinsèquement des valeurs différentes et on ne peut pas les comparer. Si nous comprenons ce que le Bouddha veut vraiment dire ici, nous constaterons par nous-mêmes que les bienfaits obtenus par la pratique des cinq paramitas ne sont qu'une petite partie d'une centaine de milliers de myriades de kotis des bienfaits reçus grâce à "une seule pensée de foi et de discernement".

Les quatre actes de foi

Les points principaux de ce chapitre sont traditionnellement appelés les "quatre actes de foi" (shi-shin) et les "cinq catégories" (go-hon). Cette division fut établie pour la première fois en Chine par Zhiyi qui cherchait à rendre ce chapitre plus facile à comprendre.

La voie idéale de la foi à suivre pendant la vie du Bouddha peut être divisée en quatre :
- 1 recevoir "ne serait-ce qu'une seule pensée de foi et de discernement" concernant l'éternité de la vie du Bouddha,
- 2 saisir sa signification,
- 3 exposer le Sutra du Lotus avec dévotion aux autres,
- 4 examiner et parfaire la foi profonde et le discernement.

1- Le premier des quatre actes de foi est de recevoir "ne serait-ce qu'une seule pensée de foi et de discernement concernant l'éternité de la vie du Bouddha". C'est le premier degré de la foi, mais les bienfaits obtenus par cette pratique vont au-delà de toute limite ou mesure.
Le Bhagavat, désirant proclamer à nouveau la signification de son sermon, parla en vers :

« Si quelqu'un recherche la sagesse de bouddha
pendant quatre-vingt mille myriades
de milliards de kalpa
et pratique les cinq paramitas
tous ces kalpas durant,
en faisant don et offrande aux bouddhas,
aux pratyekabuddhas et aux shravakas,
en même temps qu'à la multitude des bodhisattvas,
de mets et boissons exceptionnels,
des meilleurs vêtements, de literie,
leur bâtissent des ermitages (vihara*) de santal,
ornés de jardins et bosquets ;
des dons tels que ceux-ci,
merveilleux dans leur variété -
Les maintiendrait-il à travers tous ces kalpas
comme des cadeaux méritoires faits à la voie du Bouddha;
et si encore il observe les préceptes
en toute pureté, sans faille ni fuite,
à la recherche de la Voie insurpassable,
exaltée par les bouddhas;
et si encore il pratique la patience
et demeure sur le terrain de la modération et de la douceur,
sans que sa pensée fléchisse ou soit ébranlée
malgré la foule des mauvais qui l'agresse,
et lorsque ceux qui ont obtenu le Dharma
concevant un orgueil démesuré
le tourmentent de leur dédain,
il est capable de les prendre en patience;
et si encore des personnes comme lui s'appliquent avec zèle,
toujours fermes en leur résolution
pendant d'innombrables myriades de kalpas,
de tout coeur, sans paresse ni lassitude;
et qu'encore en d'incalculables kalpas,
ils demeurent en des endroits déserts,
soit assis, soit déambulant,
suppriment le sommeil et contiennent en permanence leur pensée,
que, grâce à ces causes et conditions,
ils puissent produire méditations et concentrations
et, quatre-vingts myriades et dix mille kalpas durant,
fermement demeurent, la pensée non troublée;
en gardant ces mérites de la pensée unifiée,
ils aspirent à la Voie insurpassable :
"J'obtiendrai la paramita de la prajna*,
je mènerai complètement à leur terme méditations et concentrations."
Ces gens, pendant un nombre de milliers
de millions de myriades de kalpa,
pratiquent tous ces mérites
ainsi que nous venons de les décrire.
Mais s'il est des fils et filles de foi sincère*
qui m'entendent exposer ma longévité,
et me croient, même le temps d'une seule fraction de pensée,
leurs mérites dépasseront les précédents.
Si ces fils et filles de foi sincère sont complètement dépourvus
de doutes et de regrets quels qu'ils soient,
et qu'ils croient d'une pensée profonde, même un bref instant,
leurs mérites égaleront ceux des précédents.
Et ces bodhisattvas
qui ont d'innombrables kalpas pratiqué la Voie,
en m'entendant exposer ma longévité,
sont capables de l'accepter avec foi;
des gens tels que ceux-là
acceptent avec respect ce Sutra :
"Puissions-nous à l'avenir
tout au long de nos vies sauver les êtres
et comme aujourd'hui le Bhagavat,
le souverain des Shakya,
pousser le rugissement de lion au lieu de la Voie
et exposer le Dharma en pleine assurance;
puissions-nous à l'avenir,
lorsque nous serons assis au lieu de la Voie,
exposer d'une telle façon la longévité de l'Ainsi-Venu! "
Ceux de pensée profonde,
purs, droits de caractère,
érudits et capables de retenir tout,
s'ils comprenant la parole du Bouddha selon son sens,
des personnes telles que celles-là
n'auront jamais aucun doute.

L’expression "comme des cadeaux méritoires faits à la voie du Bouddha" doit attirer toute notre attention. Les "cadeaux méritoires" renvoient à la notion de "transfert de mérite" (eko), la possibilité de transférer ses propres bienfaits sur les autres pour les mener à l'Éveil. Par exemple, en lisant et en récitant les sutras, la doctrine du Bouddha s'enracine profondément dans l'esprit d'une personne qui, ainsi, est purifiée. Dans ce cas, la récitation du Sutra est une pratique spirituelle pour son propre Éveil. Mais lorsque nous récitons les sutras lors d’un service commémoratif pour nos ancêtres afin qu'ils atteignent l'Éveil, nous leur transférons nos bienfaits.

Ce transfert des mérites n'est pas seulement valable pour les morts mais tout aussi bien pour les êtres vivants. Et d'ailleurs, le transfert a une valeur bien plus grande pour les vivants que pour les morts. Si nous récitons les sutras en pensant au bonheur de toute l'humanité, nous lui transférons nos mérites. On peut dire que eko c'est un cadeau, un don, que nous faisons aux autres. Le transfert du Dharma est le trésor le plus important que nous puissions faire à autrui. Donner de l'argent ou faire d'autres offrandes matérielles à autrui est un acte d'abnégation. Le transfert des mérites est l'acte suprême du don.

Si nous donnons de l'argent ou d'autres offrandes matérielles en attendant secrètement un bienfait en retour, c'est assez mesquin. Lorsque nous le faisons pour que l'autre ait un peu de bonheur, ce don part de principes moraux ordinaires. Lorsque nous faisons un don en pensant: ‘‘Puisse cette offrande éveiller l'esprit de bouddha de la personne qui la reçoit, puisse ce geste concourir à entraîner sur la voie du Bouddha tous les êtres dans ce monde’’, cette offrande a plus de valeur. C'est pourquoi le Sutra parle de la Voie du Bouddha à propos de "cadeaux".

Ajoutons encore deux remarques au sujet du transfert de mérites. Bien qu'il soit entièrement destiné pour le bien des autres, le mérite qui en résulte revient toujours vers celui qui accomplit l'action. Par exemple, un service de récitation du Sutra pour les ancêtres les incite à chercher l'Éveil. Mais en même temps le bienfait qui résulte du service revient à celui qui l'accomplit ; plus cette action est répétée plus son karma négatif aura des chances d'être éradiqué.

De plus, dédier sa pratique aux ancêtres est une façon efficace de se purifier et de s'élever spirituellement. Certes, nous voir si dévoués ne peut que réjouir nos ancêtres mais il ne suffit pas de réciter le Sutra et de faire daimoku : l’essentiel est de mettre à profit ce service pour nettoyer notre karma et nous améliorer par nos actes et par notre état d'esprit.

2 - Alors le Bhagavat continue :

« Et encore, ô Invincible, s'il est des gens qui, à entendre le Bouddha exposer l'immensité de la durée de sa vie, comprennent la portée de ses dires, les mérites qu'ils en obtiendront seront sans limite ni mesure et ils pourront acquérir la sagesse insurpassable des Ainsi-Venus. »

Concevoir "ne serait-ce qu'une seule pensée de foi et de discernement concernant l'éternité de la vie du Bouddha," demande un état mental assez évolué. Ce n’est pas seulement croire à l'éternité de la vie du Bouddha mais saisir en un seul instant-pensée (ichinen) tout ce que cela implique. La cause de nos vies est dans le Bouddha Atemporel, la grande Vie cosmique, dont nous sommes indissociables. L'atemporalité de la vie du Bouddha est notre propre atemporalité. Bien que notre existence ici-bas soit bien différente de celle d'un bouddha (parce que nous sommes sous l'emprise de l'illusion), nous parviendrons finalement à l'Éveil parfait et complet sans supérieur si nous arrivons à éloigner un à un les nuages de l'erreur.

Si nous comprenions la signification profonde de l’atemporalité du Bouddha — doctrine qui semble si simple —, ceci marquerait un pas de plus vers l'acquisition de la prajna, la sagesse du Bouddha. Cet état d'esprit que nous pouvons atteindre en approfondissant notre foi, était appelé par Zhiyi, "acte de foi où on comprend la signification de l'éternité de la vie du Bouddha, "xianxiandi" (abhimukhi) , l'état dans lequel on comprend la signification de l'éternité de la vie du Bouddha (note).

3 - Le Bouddha continue :

« A plus forte raison encore pour qui entend ce Sutra dans sa portée, ou le fait entendre à autrui, le garde lui-même ou le fait garder à autrui, le copie lui-même ou le fait copier à autrui, ou bien fait offrande aux volumes de fleurs, d'encens, de guirlandes, de bannières, de dais de soie, d'huiles parfumées, de lampes à beurre clarifié, les mérites de ces gens seront-ils sans mesure ni limite et ils seront capables de produire la sagesse portant sur toutes les espèces. »

Avec le troisième acte de foi, non seulement nous comprenons la véritable signification de l'éternité de la vie du Bouddha mais encore nous nous consacrons à l’écoute de ses enseignements et les gardons en mémoire. Ils ont pris racine dans nos esprits et nous nous consacrons à des pratiques religieuses, dont la copie des sutras. De plus, nous encourageons les autres et les faisons pratiquer. C'est l'acte de foi par lequel nous nous consacrons à enseigner le Sutra du Lotus en lui rendant hommage et en le révérant de diverses manières. Rendre hommage au Sutra est une façon d'exprimer notre gratitude sincère pour les enseignements du Bouddha. Les merveilleuses offrandes et les ornements mentionnés ci-dessus symbolisent le profond sentiment de reconnaissance envers le Bouddha qui s’exprime par la présentation d'objets au Sutra. Si nous avons conscience de ce que nous apporte le Bouddha, il est naturel de vouloir extérioriser notre élan de gratitude. De là est née la tradition de décorer son autel de diverses offrandes.

4 – Le Bouddha poursuit :

« Ô Invincible, si les fils et les filles de foi sincère qui m'entendent exposer l'immensité de mon âge croient et comprennent du profond de leur coeur, il leur sera montré l'Éveillé se tenant en pérennité sur le Pic du Vautour, entouré des multitudes de bodhisattvas et de shravakas*, et prêchant le Dharma. Ils verront encore ce monde Saha* dont le sol deviendra de béryl, plat et nivelé, les huit voies en seront délimitées par de la poudre d'or du fleuve Jambu, bordées d'arbres de matières précieuses; les terrasses, les hauts pavillons, les belvédères y seront tous faits de matières précieuses et habités par une multitude de bodhisattvas. S'il s'en trouve qui puissent le contempler ainsi, sache-le, ce sera le signe de la profondeur de leur foi et de leur compréhension. »

Ces paroles décrivent le degré de foi que nous atteignons lorsque nous croyons et que nous comprenons l'éternité de la vie du Bouddha au plus profond de notre cœur. L'expression "il leur sera montré l'Éveillé se tenant en pérennité sur le Pic du Vautour, entouré des multitudes de bodhisattvas et de shravakas, et prêchant le Dharma" signifie que nous sommes certains que le Bouddha demeure partout, où que nous soyons, et que les enseignements du Bouddha sont toujours en train d'être prêchés autour de nous.

La description du monde Saha comme une terre merveilleuse suggère que ce monde se transforme en (soku) Terre Pure dès que notre esprit va suffisamment loin pour en percevoir l'essence. En exaltant notre esprit par les enseignements du Bouddha, le monde des réalités triviales se mue en un monde pur et joyeux. Alors, l'endroit où nous sommes, quel qu'il soit, nous semble merveilleux et les personnes nous apparaissent comme des bodhisattvas. Nous pouvons dépasser leur disgrâce superficielle et voir leur profonde nature de bouddha.

L'état d'esprit le plus élevé que les croyants puissent atteindre est celui du discernement et de la vision de la Réalité ultime. Si, dans le fond de notre cœur, nous sentons que le Bouddha est présent à nos côtés, si nous nous unissons à son atemporalité, nous pouvons voir la réalité et le monde tels qu'il nous les enseigne ; alors, nous pouvons demeurer dans le monde de l'exaltation spirituelle. Saha, la Terre impure (edo) souillée par nos illusions et la Terre de la lumière toujours paisible (jakko-do) sont la même dans leur essence.

Les cinq catégories des mérites

Après l'extinction du Bouddha, les quatre catégories de la foi sont remplacées par les cinq catégories de mérites suivantes :
- 1 se réjouir en entendant pour la première fois le Sutra du Lotus,
- 2 le lire et le réciter,
- 3 le prêcher aux autres,
- 4 pratiquer en même temps les six paramitas,
- 5 pratiquer intensivement les six paramitas.

1 - Le Sutra continue :

« Plus encore, après le parinirvana de l'Ainsi-Venu, si l'on entend ce Sutra sans le calomnier ni le critiquer et en concevant une pensée de joie conséquente, ce sera déjà, sache-le, un signe de la profondeur de la foi et de la compréhension. »

C'est ainsi que le Bouddha commence à exposer les cinq catégories des mérites et la voie idéale des croyants après son extinction. Nous ne pouvons dire que nous avons la foi si notre compréhension n’est que théorique et notre adhésion purement intellectuelle. Nous ne sommes pas "entrés" dans la foi tant que nous ne ressentons pas la joie spirituelle de cette adhésion. La première des cinq catégories des mérites s'appelle précisément " se réjouir en entendant pour la première fois le Sutra du Lotus ". Cet état d'esprit est si important que ses mérites seront discutés en détails dans le chapitre XVIII, Les bienfaits de la joie conséquente.

2 - Et le Bouddha continue :

« A plus forte raison pour ceux qui le liront et le réciteront, l'accepteront et le garderont: ces gens tiennent l'Ainsi-Venu en haute estime. Ô Invincible, ces fils et ces filles de foi sincère n'auront plus besoin d'ériger à mon intention temples et stupas, ni de bâtir des quartiers d'habitation pour les bhiksus*, ni de faire offrande des quatre articles* au Sangha. Pourquoi cela? C'est que ces fils et filles de foi sincère qui auront reçu et gardé, lu et récité ce Sutra auront déjà érigé des pagodes, édifié des quartiers de religieux, fait offrande à la communauté monastique. Cela revient à édifier, pour les reliques du Bouddha, une tour faite des sept matières précieuses, vaste et haute jusqu'au Ciel de Brahma, à laquelle seraient suspendus bannières et dais, ainsi qu'une multitude de clochettes précieuses, et durant d'innombrables dizaines de millions et de myriades de kalpa ferait offrande de fleurs, d'encens, de guirlandes, de poudres, d'onguents, de fumigations, d'une multitude de tambours, d'instruments de musique, de flûtes, de harpes (note) et d'une variété de danses et de chants d'hymnes et louanges d'une voix merveilleuse. »

Dans cette catégorie, les croyants avancent d'un pas par rapport à l’acceptation joyeuse du Sutra du Lotus ; ils reçoivent et gardent fermement l'enseignement, le lisent et le récitent maintes fois. Lire et réciter un sutra ne signifie pas seulement le réciter par cœur mais aussi l'étudier en se le répétant avec une attention consciencieuse et en méditant dessus.

3 - Puis le Bouddha dit :

« Ô Invincible, si, après mon parinirvana, des personnes entendent ce Sutra et qu'il s'en trouve pour l'accepter et le garder, ou bien le copier soi-même ou le faire copier, cela revient à édifier des viharas*, à bâtir en bois de santal rouge* trente-deux pavillons, hauts comme huit arbres tala*, élancés, vastes, imposants et élégants, dans lesquels résideraient cent ou mille bhiksus*, avec des jardins et des bosquets, des bassins, des promenades, des grottes de méditation, qui seraient remplies de vêtements, de boissons et de vivres, de lits et de couvertures, de potions médicinales et de tous les instruments de musique; de tels pavillons, ces viharas, seraient plusieurs centaines de millions de myriades, leur nombre serait incalculable. Ces personnes il faut les considérer comme m'ayant fait à moi et à tout le Sangha les offrandes dont je viens de parler. C'est ce que j'explique en disant qu'après le parinirvana de l'Ainsi-Venu, si l'on reçoit, garde, lit, récite, expose à autrui les volumes de ce Sutra, si on les copie soi-même ou si on les fait copier par autrui, si on les honore, il ne sera plus besoin d'édifier stupa et temples, ni de construire des vihara pour en faire offrande au Sangha. »

Ayant reçu et gardé, lu et récité les sutras et réalisé leur valeur, nous ne pouvons nous empêcher d'exposer les enseignements du Bouddha aux autres. Cette transmission n'est pas spécialement limitée à la parole. Nous pouvons informer les autres en écrivant, en faisant connaître le bouddhisme par les journaux ou les revues. Et si on est un piètre orateur ou un écrivain malhabile, on peut montrer la valeur des enseignements du Bouddha par la pratique silencieuse. Toutes ces actions sont appelées "prêcher les enseignements du Bouddha aux autres". C'est un état d'esprit dans lequel nous allons plus loin que le simple fait de nous élever et d'être sauvés en tant qu'individus, c'est une progression jusqu'à la pratique du bodhisattva qui cherche à en faire bénéficier autrui. Il est naturel que les mérites qu'on obtient dans cette catégorie soient beaucoup plus grands que ceux obtenus dans la catégorie "lire et réciter le Sutra".

Dans les catégories que l’on vient de voir, le Bouddha dit qu' "il ne sera plus besoin d'édifier pagodes et temples, ni de construire des viharas", répétant ce qui a déjà été dit dans le chapitre X, Maître du Dharma.

C'est une façon de répéter que les offrandes spirituelles et sincères ont plus de valeur que les offrandes visibles et matérielles et que la plus grande des offrandes est de croire et de recevoir les enseignements du Bouddha, de les pratiquer, de les exposer et de les propager. Pour autant, nous ne devons pas croire que nous n'avons plus besoin de temples ou de monastères simplement parce que le Bouddha déclare que son corps tout entier est contenu dans ses enseignements et que nous n'avons pas à enchâsser ses reliques. Si on accepte les sutras d'un point de vue purement académique, on pourrait interpréter les paroles du Bouddha littéralement. Mais ce serait un manque de gratitude et de révérence envers le Bouddha. Ce serait approuver les enseignements du Bouddha en théorie mais sans y croire.

Il est évident que les croyants doivent faire un grand effort pour croire et recevoir les enseignements, les pratiquer et les transmettre pour le bien de la société toute entière. En même temps, nous ne pouvons pas faire autrement que de faire des offrandes matérielles au Grand Maître du Dharma qui nous guidés vers la Voie suprême ainsi qu'aux nombreux bodhisattvas qui l'ont aidé à travers les âges.

Comme il a souvent été répété dans ce livre, plus nous sommes concernés par les enseignements du Bouddha, plus nous sommes poussés à extérioriser nos sentiments d'une manière ou d'une autre. C'est pourquoi les bouddhistes décorent toujours leur autel de diverses offrandes et célèbrent un culte devant leur autel matin et soir, louant le Bouddha et lui rendant hommage par des actes religieux.

4) Le Bouddha poursuit :

« A plus forte raison encore s'il se trouve des gens capables de garder ce Sutra tout en menant de pair les paramitas du don*, des préceptes*, de la patience*, d'énergie*, de la méditation* et de la prajna*, leurs mérites seront éminents, excellents, incommensurables, infinis. »

Par l'accumulation de pratiques spirituelles, nous pouvons atteindre la catégorie de la pratique simultanée des six paramitas. C’est recevoir et garder les enseignements du Bouddha, les lire et les réciter, les prêcher aux autres et pratiquer simultanément les six paramitas. Cependant, à ce stade, il nous est à peu près impossible de pratiquer les six paramitas parfaitement. C'est pourquoi Shakyamuni nous enseigne de commencer la pratique tels que nous sommes, suivant notre situation et suivant les circonstances. Il ne nous pousse jamais à tenter l'impossible. Il nous apprend à construire notre pratique par degrés, en commençant par le niveau qui nous est accessible. Dans le Chapitre II, Moyens appropriés, il dit que tous les êtres vivants peuvent entrer dans la voie du Bouddha à partir de n'importe quel niveau, même si, dans leurs jeux, les enfants rassemblent du sable pour faire un stupa. Dans le chapitre XVII, le Bouddha nous montre dans quel ordre logique il convient d'approfondir progressivement notre foi.

Notons que l'importance des cinq paramitas est amoindrie et que l'importance des mérites obtenus par une seule pensée de foi et de discernement (ichinen) concernant l'éternité de la vie du Bouddha augmente. Toutefois, dans la catégorie présente, les six paramitas, et non pas simplement les cinq, sont déclarés nécessaires à la foi.

Shakyamuni était doué d'une sagesse parfaite et était un maître remarquable, les disciples qu'il a instruits durant sa vie purent acquérir une foi profonde grâce à la seule écoute de ses enseignements.

Dans leur pratique des cinq paramitas, ils furent capables de progresser parce qu'ils recevaient le Dharma directement du Bouddha avec sa sagesse parfaite. On pourrait dire que le Bouddha leur donna la sagesse et, qu'à partir de cette sagesse, ils n'avaient qu'à pratiquer de façon soutenue les cinq autres paramitas — don, préceptes, patience, persévérance, méditation. On peut facilement imaginer qu'ils pouvaient pratiquer constamment ces paramitas avec une profonde émotion et une exaltation spirituelle parce qu'ils agissaient en présence du Bouddha, un modèle humain, un maître inégalé de caractère remarquable.

Quant à nous, nous devons étudier et pratiquer avec nos capacités dans cette époque de décadence, sans la présence physique de Shakyamuni comme guide et maître. Nous devons rechercher la sagesse dans les enseignements qu'il nous a laissés et les comprendre par nous-mêmes. Dans la période dans laquelle nous vivons, la pratique des six paramitas, y compris la sagesse, doit être considérée comme la chose la plus importante. Et c’est l’ensemble des six paramitas que le Bouddha nous recommande vivement de pratiquer.

Les croyants qui ont l'état d'esprit de cette catégorie pratiquent les six paramitas de différentes manières, chacun selon sa situation. Or, nous nous trouvons parfois dans une situation où nous sommes incapables de pratiquer certaines paramitas alors que nous devons les pratiquer "simultanément" sans les dissocier des catégories précédentes (lire, réciter et prêcher).

5 - Dans la cinquième et dernière catégorie, les croyants peuvent pratiquer les six paramitas intensivement et parfaitement et le Bouddha expose ainsi les bienfaits qu'ils en retirent :

« Si on reçoit et garde*, lit*, récite* ce Sutra et qu'on l'explique à autrui*, si on le copie * ou si on le fait copier à autrui, si en plus on est capable d'ériger des stupa et de construire des viharas*, de présenter offrandes et louanges à la communauté des shravakas* ; si en plus on fait adresse des centaines de millions et des myriades d'hymnes et de louanges aux mérites des bodhisattvas ; si en plus, à l'intention d'autrui et à l'aide d'une variété de relations, on expose intelligiblement, conformément à son sens, ce Sutra du Lotus du Dharma; si en plus, on est capable d'observer la moralité en sa pureté et de cohabiter avec les doux et conciliants; si on est patient et sans colère, ferme dans sa résolution, ayant toujours en estime la méditation assise (dhyana), on obtiendra les diverses concentrations; énergique et audacieux, on embrassera les bonnes méthodes; muni de facultés aiguës et de sagesse, on répondra avec maîtrise aux objections.

« Ô Invincible, si, après mon parinirvana, les fils et filles de foi sincère* reçoivent et gardent, lisent et récitent ce Sutra, ils auront en plus de bons mérites tels que ceux-là. Ces gens, sache-le, sont désormais orientés vers le lieu de la Voie, ils sont proches de l'Éveil complet et parfait sans supérieur, ils se tiennent au pied de l'arbre de la Voie. »

Cette catégorie est appelée "pratiquer intensivement les six paramitas". Comme le Bouddha l'a déclaré, si quelqu'un atteint cet état d'esprit, il sera près de l'Éveil parfait et complet, sans supérieur (anuttara samyaksambodhi).

Alors le Bouddha dit:

« Ô Invincible, là-même où ces fils et filles de foi sincère se seront assis ou tenus debout, ou auront déambulé, il conviendra d'ériger un stupa auquel l'ensemble des devas* et des hommes feront offrande comme au stupa d'un bouddha. »

Dans la quatrième catégorie le Bouddha avait dit qu'on n'a plus besoin d'ériger des stupas pour lui, tandis que dans la cinquième et dernière catégorie il proclame que dans chaque endroit où se trouve une personne pratiquant intensivement les six paramitas, un caitya (endroit sacré ou lieu de prière) devrait être érigé et que l'on devrait lui rendre hommage comme à un stupa contenant des reliques de Bouddha. Ce qui compte dans cette époque de décadence, c’est de mettre en pratique ses enseignements, de les exposer et de les propager. Nous pouvons lui être reconnaissants pour ces paroles.

Enfin le Bouddha répète son enseignement en vers. Nous devrions être capables de comprendre ces vers si nous avons compris la signification de la section en prose, parce qu'elle présente pratiquement le même contenu. Les quatre dernières lignes sont les paroles les plus sacrées du Bouddha.

« Si dans cette terre habite un fils de bouddha,
c'est l'Éveillé lui-même
qui constamment il y réside,
y déambule et s'y couche. »

Le Bouddha appelle ses enfants tous ceux qui croient avec discernement en ses enseignements. Il affirme qu'il sera toujours là où sera un de ses enfants, qu’il marche, qu’il s'asseye ou se couche.

Si nous avons une foi profonde et ferme, le Bouddha en personne vient où que nous soyons et il reste avec nous. Pour un croyant, rien n'est plus enthousiasmant ni plus désirable. Nos journées commencent et se terminent dans une exaltation spirituelle. Nous nous levons avec le Bouddha le matin et nous allons dormir avec lui le soir. C'est la perfection de la vie religieuse de l'homme

Suite

Chapitre XVII du Sutra du Lotus

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