Les Quatre Etapes de la foi
et les Cinq Etapes de la pratique

Lettres et traités de Nichiren Daishonin. ACEP - vol. 6, p. 233; SG* p. 789.
Gosho Zenshu p. 338 - Shi shin go hon sho; Teihon no. 242, 2:1296; STN, 2:1298
Fait partie des Dix Écrits principaux

Minobu ; 10e j. du 4e mois de 1277 ( ? ) à Toki Jonin.

 

J'ai bien reçu le kan de monnaie "goéland bleu" que vous m'avez fait parvenir. Tous les lettrés bouddhistes, de nos jours encore, s'accordent sur ce point : du vivant du Bouddha comme après sa disparition, la pratique du Sutra du Lotus requiert les trois sortes de disciplines. Qu'une seule des trois soit négligée et il devient impossible d'atteindre la bodhéité.

Je partageais cette opinion, moi aussi, autrefois. Je laisserai de côté l'ensemble des enseignements sacrés exposés par le Bouddha tout au long de sa vie pour examiner la question à la seule lumière du Sutra du Lotus. Je ne parlerai pas non plus des parties réparation et révélation, mais de la partie transmission, qui est un clair miroir pour notre époque des Derniers jours du Dharma.

La Transmission comporte deux parties. La première, l'enseignement théorique*, consiste en cinq chapitres à partir du chapitre Hosshi* (X). La seconde, l'enseignement essentiel*, comprend la dernière partie du chapitre Fumbetsu kudoku* (XVII) et les onze chapitres suivants jusqu'à la fin du Sutra. Les cinq chapitres de l'enseignement théorique* et les onze chapitres et demi de l'enseignement essentiel* s'additionnent pour former seize chapitres et demi dans lesquels la pratique du Sutra du Lotus à l'époque des Derniers jours du Dharma est clairement définie. Si l'on éprouve encore des doutes à cet égard, on peut consulter le Sutra Fugen et le Sutra du Nirvana, et toute ombre sera dissipée.

A l'intérieur de ces chapitres de transmission, les quatre étapes de la foi et les cinq pratiques merveilleuses exposées dans le chapitre Fumbetsu kudoku* (XVII) sont les principes fondamentaux de la pratique du Sutra du Lotus, un modèle pour les contemporains du Bouddha aussi bien que pour ceux qui vivent après sa disparition.

Zhanlan* écrivit : "Éprouver, ne serait-ce qu'un instant, la foi et la compréhension" est le début de la pratique de l'enseignement essentiel*."(réf.) Les Quatre étapes de la foi concernent les contemporains du Bouddha, et les cinq étapes de la pratique, ceux qui vivront après sa mort. La première des Quatre étapes de la foi consiste à éprouver, ne serait-ce qu'un instant, la foi et la compréhension. Et la première des cinq étapes de la pratique consiste à se réjouir lorsqu'on entend pour la première fois le Sutra du Lotus. A elles deux, ces étapes sont la resserre au trésor qui contient les principes "cent mondes et mille modalités" et "trois mille mondes en un instant de vie (ichinen sanzen)" ; elles sont le portail que franchissent tous les bouddhas des dix directions et des trois phases de la vie.

Les deux grands sages Zhiyi* et Zhanlan* ont donné une définition de ces deux premiers niveaux dans la foi et dans la pratique et les ont interprétés de trois manières différentes. La première les assimile au stade de soji-soku, aux dix étapes de la foi et à l'étape d'un roi-faisant-tourner-la-roue-de-fer (note). La deuxième les fait correspondre à la première des cinq étapes de la pratique, considérées comme stade de kangyo-soku*, stade où l'on ne s'est pas encore détaché des illusions de la pensée et du désir. La troisième les considère comme équivalentes au stade myoji-soku*.

On lit, dans le Maka Shikan, à propos de ces divergences : "Les intentions du Bouddha sont difficiles à saisir. Il a donné des explications différentes en fonction des diverses capacités de ses auditeurs. Si nous comprenons cela, quel besoin avons-nous de nous livrer à des débats stériles  ? "(réf.)

Pour ma part, je pense que de ces trois interprétations c'est celle qui fait correspondre ces deux premières étapes au stade de myoji-soku* qui s'accorde le mieux avec le texte même du Sutra du Lotus. Car en décrivant les cinq étapes de la pratique à l'intention de ceux qui vivraient après la disparition du Bouddha, le Sutra mentionne ceux qui [en entendant ce Sutra] "sans s'y opposer, sans le dénigrer, éprouvent au contraire un sentiment de joie."(réf.) Si l'on assimile l'étape décrite ici à un stade aussi avancé que celui de soji-soku* ou à la première des cinq étapes de la pratique les mots "sans s'y opposer, sans le dénigrer" ne sont guère appropriés.

"Ceux qui ont perdu l'esprit" aussi bien que "ceux qui n'ont pas perdu l'esprit" mentionnés dans le chapitre Juryo* (XVI) correspondent tous au stade de myoji-soku* (note). On lit encore dans le Sutra du Nirvana  : "Ceux qui croient aussi bien que ceux qui ne croient pas renaîtront directement sur la Terre du Bouddha"  ; et "Là, en ce lieu où les bouddhas sont aussi nombreux que les grains de sable du fleuve Hiranyavati, s'il se trouve des personnes qui aspirent à l'Éveil, même en cette époque mauvaise, elles auront la capacité de croire en un pareil Sutra et de le pratiquer sans jamais s'y opposer."(réf.) Il faut bien réfléchir au sens de ces passages.

De plus, dans l'expression "[éprouver] ne serait-ce qu'un instant, la foi et la compréhension" (ichinen shinge), le mot "foi" (shin) correspond à la première des quatre étapes de la foi, et le mot "compréhension" (ge) à celles qui suivent. Dans ce cas, "la foi sans compréhension" correspond à la première des quatre étapes de la foi. La deuxième étape de la foi est décrite dans le Sutra comme celle où l'on "comprend le sens général des mots" du Sutra. Et on lit dans le neuvième volume du Hokke Mongu Ki*  : "L'étape initiale diffère des autres parce qu'à ce niveau, il n'y a pas encore de compréhension."(réf.)

Dans le chapitre suivant, Zuiki kudoku* (XVIII), [la première des Cinq Etapes de la pratique] "se réjouir en entendant pour la première fois le Sutra du Lotus" est expliquée plus précisément. C'est la transmission jusqu'à la cinquantième personne qui se réjouit d'entendre le Sutra du Lotus, [obtenant ainsi un bienfait qui va diminuant de la première à la dernière personne.] A propos de l'étape atteinte par cette cinquantième personne, il y a deux interprétations. Ou bien cette personne se trouve à l'étape "où l'on se réjouit en entendant pour la première fois le Sutra" [c'est-à-dire au stade de kangyo-soku*. Ou bien, on pense que la cinquantième personne n'est pas encore parvenue à ce stade et se trouve encore au niveau de myoji-soku*. Cette dernière interprétation s'appuie sur le principe "Plus un enseignement est élevé, plus bas est le niveau [des personnes qu'il peut conduire à l'Éveil ]."(réf.) Ainsi, par exemple, l'enseignement parfait* a le pouvoir de sauver des personnes de plus faible capacité que les doctrines des quatre saveurs et des trois enseignements. De même, le Sutra du Lotus a le pouvoir de sauver des personnes de plus faible capacité que l'enseignement global exposé avant le Sutra du Lotus ; et l'enseignement essentiel* du Sutra du Lotus a le pouvoir de sauver un plus grand nombre d'êtres humains que l'enseignement théorique* - en fait, tous les êtres humains, quelles que soient leurs capacités. Il faut bien réfléchir à ce principe qui se formule en six caractères : "Plus un enseignement est élevé, plus bas est le niveau" [des personnes qu'il peut conduire à l'Éveil ] (note) .

Question : A l'époque des Derniers jours du Dharma, ceux dont l'aspiration à la bodhéité commence avec leur pratique du Sutra du Lotus doivent-ils maîtriser intégralement les trois sortes de discipline de l'enseignement parfait* ?

Réponse : C'est une question très importante et j'y répondrai en citant le texte du Sutra. Pour les personnes encore dans les trois premières des cinq étapes de la pratique, le Bouddha ne préconise pas la pratique des préceptes et de la méditation. Il souligne uniquement l'importance de la sagesse. Et puisque notre sagesse est insuffisante, il nous enseigne de lui substituer la foi. Le seul mot "foi" est essentiel. L'absence de foi est la cause qui conduit à devenir un icchantika et à s'opposer au Dharma correct, tandis que la foi est la cause qui mène à la sagesse et correspond au stade de myoji-soku*.

Zhiyi* fait ce commentaire : "Une personne parvenue au stade de soji-soku* n'oubliera pas les bienfaits obtenus [quand elle renaîtra dans une autre existence]. Mais la plupart des personnes aux stades de myoji-soku* ou de kangyo-soku*, à quelques exceptions près, oublieront ces bienfaits [dans leurs vies futures.] Toutefois, même les personnes qui ont oublié ces bienfaits, si elles rencontrent un bon ami bouddhique, verront refleurir les racines du bien plantées dans leurs vies antérieures. Mais si elles rencontrent un mauvais ami, elles perdront leur véritable esprit de recherche."(réf.)

C'est probablement ce qui est arrivé à deux hommes éminents d'un passé relativement récent, les grands maîtres Ennin* et Enchin* de l'école Tendai. Ils se sont opposés aux enseignements de Zhiyi* et de Saicho*, qui étaient pourtant leurs bons amis bouddhiques, et leur ont préféré de mauvais amis comme Shubhakarasimha* et Amoghavajra*. Et de nombreux maîtres de notre époque se sont laissés tromper par l'introduction de l'ouvrage de Genshin Ojo yoshu (L'Essentiel pour renaître dans la Terre pure), qui les a conduits à perdre le véritable esprit de recherche. Ils se sont détournés du Sutra du Lotus pour aller vers les enseignements provisoires liés au culte d'Amida. Ils font partie de ceux qui "préfèrent ce qui est petit à ce qui est grand." (note) A en juger par les exemples du passé, ils tomberont probablement dans les trois mauvaises voies pour y souffrir à l'avenir pendant d'innombrables kalpas. Ce sont des personnes de ce genre que décrit le passage d'un écrit de Zhiyi* : "La rencontre d'un mauvais ami leur fait perdre leur véritable esprit de recherche."

Question : Sur quelle preuves appuyez-vous de telles affirmations ?

Réponse : On lit dans le sixième volume du Maka Shikan : "Les enseignements dispensés avant le Sutra du Lotus sauvaient des personnes déjà parvenues à un niveau élevé, parce qu'ils n'étaient que des enseignements provisoires. L'enseignement parfait* du Sutra du Lotus sauve même des personnes du niveau le plus bas, parce que c'est l'enseignement véridique."

Et, dans le Guketsu : "Ce passage concernant les enseignements antérieurs au Sutra du Lotus permet d'établir la valeur relative des enseignements provisoires et définitif, en indiquant que plus un enseignement est élevé, plus basse est l'étape [à laquelle se trouvent ceux qu'il a le pouvoir de sauver]. Et à l'inverse, plus un enseignement est provisoire, plus l'étape [à laquelle il faut parvenir pour être sauvé] est élevée."

On lit encore, dans le neuvième volume du Hokke Mongu Ki*  : "En ce qui concerne l'étape, [à laquelle un pratiquant doit être parvenu pour obtenir l'Éveil] plus l'objet de méditation est profond, plus basse est l'étape."(réf.)

Laissons de côté les adeptes des autres écoles. Mais d'où vient que des maîtres de l'école Tendai rejettent ce principe qui établit que "plus un enseignement est élevé, plus faible est le niveau [des personnes qu'il peut sauver] et lui préfèrent les interprétations du supérieur des moines Genshin? Vous pourrez étudier plus tard les doctrines de Shubhakarasimha*, Vajrabodhi* et Amoghavajra*, de Ennin* et de Enchin*. Mais cette question-là est de la plus grande importance, il n'y en a pas de plus essentielle au monde. Ceux qui ont l'esprit de recherche devraient écouter ce que je dis. Après quoi, ils pourront rejeter les principes qui leur sembleront erronés.

Question : De quelles sortes de pratiques peuvent se dispenser ceux qui éprouvent pour la première fois le désir de parvenir à l'Éveil, à l'époque des Derniers jours du Dharma ?

Réponse : Ces personnes n'ont pas besoin de pratiquer le don d'aumônes ni l'observance des préceptes et peuvent se dispenser de la pratique du reste des cinq paramitas. Il suffit qu'elles récitent Namu Myoho Renge Kyo. C'est la pratique qui correspond aux capacités de personnes parvenues aux étapes où l'on peut "éprouver, ne serait-ce qu'un instant, foi et compréhension" et "se réjouir en entendant pour la première fois le Sutra du Lotus". Telle est la véritable intention du Sutra.

Question : Je n'ai jamais entendu dire chose pareille. Cela me stupéfie et j'ai du mal en croire mes oreilles. En citant clairement des passages en guise de preuve littérale, auriez-vous l'obligeance d'expliquer cela plus en détail  ?

Réponse : Il est dit dans le Sutra : "De telles personnes n'ont pas besoin d'élever pour moi des stupas et des temples, de construire des monastères ni de faire les quatre sortes d'offrandes au Sangha" (réf.) . Ce passage du Sutra rend tout à fait clair que les pratiquants qui éprouvent pour la première fois le désir d'atteindre l'Éveil sont dispensés du don d'aumônes, de l'observance des préceptes et du reste des cinq paramitas.

Question : Le passage que vous citez dispense seulement d'ériger des stupas ou des temples, ou de subvenir aux besoins des moines. Il ne dit rien de l'observance des divers préceptes.

Réponse : Le passage ne mentionne que la première des cinq paramitas, le don d'aumônes, et sous-entend les quatre autres.

Question : Qu'est-ce qui vous autorise à dire cela ?

Réponse : La phrase suivante, qui décrit la quatrième [des cinq étapes] de la pratique, se poursuit ainsi : "C'est encore plus vrai de ceux qui, tout en étant capables de pratiquer ce Sutra, pratiquent simultanément le don d'aumônes et l'observance des préceptes ! " Ce passage du Sutra indique clairement que les personnes aux première, deuxième et troisième étapes de la pratique sont dispensées de pratiquer le don d'aumônes, l'observance des préceptes et le reste des cinq paramitas [patience, assiduité, méditation et sagesse]. Ce n'est qu'à la quatrième étape de la pratique [pratiquer les six paramitas tout en adhérant au Sutra du Lotus] qu'il leur est permis de les observer. Et savoir que de telles pratiques sont autorisées à cette étape ultérieure nous révèle que les personnes aux étapes initiales en sont dispensées.

Question : Le passage de Sutra que vous avez cité semble soutenir votre argumentation. Mais y a-t-il également des passages de traités ou de commentaires à ce sujet ?

Réponse : Quels commentaires voudriez-vous donc que je cite  ? Les traités des quatre rangs de saints de l'Inde ou les écrits des maîtres bouddhistes de Chine et du Japon  ? Dans tous les cas, cela équivaut à observer les branches plutôt que la racine, à s'intéresser à l'ombre plutôt qu'au corps lui-même, à oublier la source pour ne voir que le courant. C'est mettre de côté un passage de sutra parfaitement clair pour aller chercher la réponse dans des traités et des commentaires. Si un quelconque commentaire postérieur contredisait le passage du Sutra original, devrions-nous pour autant rejeter le Sutra et suivre le commentaire ?

Toutefois, pour répondre à votre demande, je vais vous citer quelques exemples. On lit, dans le neuvième volume du Hokke Mongu*  : "Les débutants dans la pratique peuvent parfois se laisser distraire par des préoccupations secondaires qui font obstacle à la pratique essentielle. Il est alors préférable qu'ils se consacrent totalement à la croyance dans le Sutra ; c'est la forme de don la plus élevée. Même en s'abstenant des pratiques formelles mais en persévérant dans la méditation sur le principe essentiel, les bienfaits seront nombreux et immenses."

Dans ce passage de commentaire, "les préoccupations secondaires" désignent les cinq paramitas. Si ceux qui n'aspirent que depuis peu à l'Éveil essaient de pratiquer les cinq paramitas en même temps [qu'ils adhèrent au Sutra du Lotus], cela peut entraver leur pratique principale, qui est la foi. Ils seront comparables à une petite barque surchargées d'objets précieux s'élançant pour la traversée de l'océan. La barque et ses trésors sombreront ensemble. Et les mots "qu'ils se consacrent totalement à la croyance dans le Sutra" ne concernent pas le Sutra dans sa totalité. Ils désignent uniquement la croyance en daimoku [le Titre du Sutra] à l'exclusion de tout autre passage. Même la récitation de la totalité du Sutra n'est pas autorisée. D'autant moins alors, la pratique des cinq paramitas !

"En s'abstenant des pratiques formelles, mais en persévérant dans la méditation sur le principe essentiel" signifie que l'on doit rejeter l'observance des préceptes et les autres pratiques spécifiques [des cinq paramitas] pour adhérer exclusivement au principe du daimoku. Le commentaire "les bienfaits seront nombreux et immenses", souligne que si le débutant essayait de se consacrer aux autres pratiques en même temps qu'à celle du daimoku, ses bienfaits seraient totalement perdus.

On lit encore dans le Hokke Mongu*  : "Question - Selon vous, croire dans le Sutra du Lotus est le premier de tous les préceptes. Pourquoi donc [en décrivant la quatrième étape de la pratique] le Sutra du Lotus parle-t-il de ceux "qui maîtrisent l'observance des préceptes" ?

Réponse - C'est pour mieux clarifier, par contraste, en quoi consistent les premières étapes de la pratique. [Il ne faut pas reprocher à des personnes débutant dans la pratique de ne pas respecter des exigences ne concernant que les étapes ultérieures]."

Les lettrés bouddhistes, de nos jours, ignorant ce passage de commentaires, voudraient placer au même niveau les ignorants de l'époque des Derniers jours du Dharma et les deux sages Huisi et Zhiyi*. Ils commettent une erreur extrêmement grave !

Zhanlan* souligne encore ce point en écrivant : "Question - S'il en est ainsi, à quoi bon ériger concrètement des stupas pour abriter les reliques du Bouddha  ? Pourquoi observer formellement les préceptes  ? Et pourquoi faire des dons à des moines effectuant les pratiques spécifiques [des six paramitas]  ? "(réf.)

Le Grand-maître* Saicho* déclara  : "J'ai immédiatement rejeté les deux cent cinquante préceptes  ! "(réf.) Et le Grand-maître* Saicho* ne fut pas le seul à agir ainsi. Joho et Dochu, disciples de Ganjin, ainsi que les moines des sept temples principaux de Nara (note), tous les rejetèrent de la même façon. De plus, le Grand-maître* Saicho* laissa cette mise en garde pour les époques à venir  : "S'il y avait, à l'époque des Derniers jours du Dharma, des personnes observant les préceptes, ce serait un phénomène extrêmement rare, aussi étrange que l'apparition d'un tigre sur la place d'un marché. Qui pourrait le croire  ? "(réf.)

Question : Pourquoi n'encouragez-vous pas la méditation sur le principe des trois mille mondes en un seul instant de vie (ichinen sanzen), mais uniquement la récitation du daimoku ?

Réponse : Les deux caractères qui composent le mot Nihon (Japon) représentent à eux seuls tous les êtres humains, tous les animaux et toutes les richesses des cinquante-six provinces du pays sans la moindre exception. Et les deux caractères qui forment le mot Gashi (Inde) n'évoquent-ils pas l'ensemble des soixante-dix régions de l'Inde  ? Zhanlan* écrivit  : "Lorsque, sous forme abrégée, nous mentionnons le Titre du Sutra, c'est le Sutra dans son intégralité qui est évoqué."(réf.) Et aussi : "Lorsque, par souci de concision, nous parlons des dix mondes-états ou des dix modalités, ce sont les trois mille mondes qui sont implicitement évoqués."(réf.)

Quand le bodhisattva Manjushri et le Vénérable* Ananda entreprirent la compilation de tous les enseignements dispensés oralement par le Bouddha aux trois Assemblées pendant huit années [durant lesquelles le Sutra du Lotus fut enseigné], ils écrivirent le titre Myoho Renge Kyo, et pour indiquer qu'ils avaient bien compris [que le Sutra tout entier est contenu dans ces cinq caractères], ils le firent précéder des mots : "Ainsi ai-je entendu".

Question : Si une personne se contente de réciter Namu Myoho Renge Kyo sans en comprendre le sens, obtiendra-t-elle les mêmes bienfaits que se elle en avait la compréhension ?

Réponse : Un nourrisson ne sait pas ce qui donne son goût au lait qu'il boit, mais, lorsqu'il tête, naturellement, son corps s'en nourrit. Quelqu'un a-t-il jamais cherché à connaître la composition des merveilleux remèdes de Jivaka avant de les prendre  ? L'eau n'a pas de conscience, elle n'en a pas moins le pouvoir d'éteindre le feu. Le feu consume ce qu'il rencontre mais pouvons-nous dire qu'il le fait intentionnellement  ? Je ne fais que répéter ici les explications que donnaient déjà Nagarjuna et Zhiyi*.

Question : Pourquoi dites-vous que le Titre contient tous les autres enseignements ?

Réponse : voici ce qu'écrivit Guanding* : "Désormais [l'explication du titre par Zhiyi* dans] la préface exprime le sens profond du Sutra. Le sens profond correspond au coeur du texte, et le coeur du texte comprend l'ensemble des enseignements théoriques* et essentiel*." Et Zhanlan* écrit  : "En s'appuyant sur le coeur du texte du Sutra du Lotus, il est possible de comprendre la valeur respective de tous les autres sutras du Bouddha."(réf.)

Une eau boueuse n'a pas de conscience, mais elle peut réfléchir la lune et devenir ainsi naturellement claire. Les plantes et les arbres n'ont guère conscience de recevoir la pluie, mais cela les empêche-t-il de fleurir  ? Les cinq caractères de Myoho Renge Kyo ne représentent ni un passage particulier du Sutra, ni son sens littéral. Ils expriment l'intention profonde du Sutra dans son ensemble. Ainsi, même s'ils n'en comprennent pas le sens, ceux qui débutent dans la recherche de la bodhéité, en pratiquant ces cinq caractères, s'accorderont naturellement avec l'intention profonde du Sutra.

Question : Quand vos disciples récitent simplement Namu Myoho Renge Kyo sans rien comprendre aux mots que leur bouche prononce, à quel niveau d'accomplissement se trouvent-ils ?

Réponse : Non seulement ils dépassent le plus haut niveau des quatre saveurs ou des trois enseignements, et l'étape à laquelle on pouvait parvenir par la pratique de l'enseignement parfait* exposé dans les sutras antérieurs au Sutra du Lotus, mais ils surpassent des millions et des milliards de fois les fondateurs du Shingon et des diverses autres écoles du bouddhisme - Shubhakarasimha*, Zhiyan, Cien, Jizang, Daoxuan, Bodhidharma et Shandao.

Habitants de ce pays, je vous en conjure, ne méprisez pas mes disciples  ! Si l'on s'interroge sur leur passé, [on verra que] ce sont de grands bodhisattvas qui ont fait des offrandes aux bouddhas pendant quatre-vingt myriades de millions de kalpa et qui ont pratiqué sous la direction de bouddha aussi nombreux que les grains de sable du Hiranyavati et du Gange. Et à l'avenir, ils obtiendront les bienfaits se transmettant jusqu'à la cinquantième personne, supérieurs à ceux que peuvent procurer des dons à tous les êtres vivants pendant une période de quatre-vingts ans. Ils sont comme un empereur nouveau-né Yama emmailloté dans ses langes, ou comme un grand dragon qui vient de naître. Ne les méprisez pas  ! Ne les rabaissez pas !

Zhanlan* écrivit  : "Ceux qui humilient ou font souffrir [les pratiquants du Sutra du Lotus] auront la tête brisée en sept morceaux (réf.), tandis que ceux qui leur font des dons goûteront une bonne fortune supérieure aux dix titres honorables."(réf.) Le roi Udayana méprisa le vénérable Pindolabharadvaja, et moins de sept ans après, il perdit la vie. Le seigneur de Sagami condamna Nichiren à l'exil et dans les cent jours qui suivirent une rébellion armée éclata dans son domaine. (note)

Dans le Sutra du Lotus il est dit  : "Si quelqu'un, voyant une personne qui croit en ce Sutra et le pratique, essaie d'exposer ses défauts ou ses mauvaises actions, qu'il dise vrai ou non, il souffrira dans sa vie présente de lèpre blanche... et de diverses maladies graves de nature maligne."(réf.) Il y est dit aussi  : "Vie après vie, il renaîtra sans yeux."(réf.)

Myoshin et Enchi-bo, de leur vivant, contractèrent la lèpre blanche et DoAmidabutsu perdit la vue. Les épidémies qui frappent notre pays sont des punitions comparables à celle qui consiste à avoir "la tête brisée en sept morceaux". Et si les bienfaits doivent être de la même importance que les rétributions négatives, alors il ne fait aucun doute que mes disciples jouiront d'une bonne fortune supérieure aux dix titres honorables. (réf.)

Le bouddhisme fut pour la première fois introduit au Japon sous le règne du trentième souverain, l'empereur Kimmei. Au cours des vingt règnes qui suivirent, et pendant les plus de deux cents ans qui s'écoulèrent jusqu'au règne de l'empereur Kammu, il y eut bien ce que l'on appelle les six écoles bouddhiques au Japon, mais la supériorité relative des divers enseignements bouddhiques ne fut pas clairement établie. Puis, durant l'ère Enryaku [782-805], un sage apparut dans ce pays, qui fut connu sous le nom de Grand-maître* Dengyo (Saicho). Il réfuta les enseignements des six écoles, déjà propagés avant lui, et tous les moines des Sept Temples principaux de Nara devinrent ses disciples. Avec le temps, il établit un temple sur le Mont Hiei qui devint Temple principal, et les autres temples du pays y furent rattachés. C'est ainsi que les enseignements bouddhiques du Japon furent unifiés en une seule école. La société, de même, ne fut plus divisée, et le gouvernement appliquant des règles claires, le mal disparut d'un pays purifié. Si nous voulions évaluer les mérites de Saicho*, nous devrions dire qu'ils découlent tous de sa fidélité au passage [déclarant que le Sutra du Lotus est le plus élevé de tous les sutras] "que j'ai enseignés, que j'enseigne maintenant et que j'enseignerai à l' avenir."(réf.)

Dans la période qui suivit, les trois Grands-maîtres Kukai*, Ennin* et Enchin*, en prétendant s'appuyer sur des enseignements faisant autorité en Chine, soutinrent l'idée que le Sutra Vairocana* et les deux autres principaux sutras du Shingon étaient supérieurs au Sutra du Lotus. De plus, ils qualifièrent d'"école" les enseignements Shingon, terme que le Grand-maître* Saicho* n'avait délibérément jamais utilisé. Le Shingon fut donc reconnu comme la huitième école bouddhique du Japon. Chacun de ces trois hommes obtint de l'empereur qu'il promulgue un édit [en faveur des enseignements du Shingon] et ils propagèrent leur doctrine dans tout le Japon, de sorte que tous les temples s'opposèrent ensemble au Sutra du Lotus. Ainsi, ils rejetèrent totalement le passage [établissant que le Sutra du Lotus est le plus élevé de tous les sutras] "que j'ai enseignés, que j'enseigne et que j'enseignerai." Ils devinrent les grands ennemis de Shakyamuni, de Taho et des autres bouddhas des dix directions.

Dès lors, le bouddhisme a décliné peu à peu et les lois de la société sont devenues de plus en plus inefficaces. Tensho Daijin*, le bodhisattva Hachiman et les autres divinités protectrices qui résident au Japon depuis si longtemps ont perdu leur pouvoir, et Bonten, Taishaku et les quatre Rois du Ciel ont déserté notre pays qui est déjà au bord de la ruine. Quelle personne sensible pourrait ne pas s'en attrister et ne pas déplorer une telle situation ?

Les doctrines erronées propagées par ces trois maîtres sont généralement disséminées à partir de trois lieux : To-ji, Soji-in sur le Mont Hiei, et Onjo-ji. Si des mesures ne sont pas prises pour interdire les activités de ces trois temples, le pays sera inévitablement détruit et ses habitants tomberont dans les mauvaises voies. Comprenant bien toute la situation, j'en ai informé le souverain. Mais personne n'a tenu le moindre compte de mes conseils. Que c'est triste  ! Comme c'est regrettable !

ARRIERE-PLAN - "Les Quatre Étapes de la foi et les Cinq Etapes de la pratique" fait partie des Dix Écrits principaux de Nichiren Daishonin. Ce gosho pourrait avoir été écrit le 10e jour du 4e mois de 1277, mais les opinions varient à ce sujet. Toki Jonin, l'un des plus érudits et des plus fervents disciples de Nichiren Daishonin, lui avait fait parvenir une lettre par l'intermédiaire de Ben Ajari Nissho, l'un des Six Moines aînés. Toki se demandait tout d'abord comment effacer ses oppositions à la Loi passées et comment pratiquer de manière correcte, et il avait ajouté à cela une liste de questions spécifiques.(Commentaire ACEP)

En anglais : On the Four Stages of Faith and the Five Stages of Practice

- http : //www.sgilibrary.org/view.php?page=783&m=1&q=Four%20Stages%20of%20Faith%20and%20the%20Five%20Stages
- commentaires : http : //nichiren.info/gosho/bk_4StagesFaith5StagesPractice.htm
- http : //www.sgilibrary.org/view.php ?page=790&m=0&q=

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