I. Calcul des 3000 conditions de vie
(sanzen)
1) Les dix
mondes (jikkai)
dix sortes de "mondes" auxquels appartiennent chacun des êtres
: le monde de l'enfer, le monde des esprits
affamés, le monde des animaux,
le monde des asura,
le monde des hommes, le monde des esprits
célestes (ou Ciel), le monde des auditeurs-shravakas,
le monde des pratyekabuddhas (Éveil pour
soi), le monde des bodhisattvas, le monde
des bouddhas. = 10
2) inclusion
mutuelle des dix mondes-états (jikkai
gogu)
chacun des dix mondes manifeste, de façon
plus ou moins apparente, la présence des neufs autres mondes.
= 100
3) dix
ainsi ou dix modalités d'expression
de la vie (ju nyoze) tous les phénomènes
(dharma) relèvent des modalités
suivantes : apparence(so), nature (sho),
corporéité (tai)
l'énergie (riki), la production (sa),
la cause latente (in) la condition
(en), 1'effet (ka),
rétribution (ho) la cohérence* de 1'origine jusqu'à la fin (hon
maku kyo to)
= 1000
4)trois
principes de différenciation
(sanseken) : chacun des 1000 mondes-états
s'inscrit obligatoirement dans les domaines suivants
- le domaine des cinq agrégats-skandha indique les différences
de qualité des cinq skandha (goon)
: la
forme, la perception (ou sensation), la conception (ou pensée),
la volition (ou acte) et la conscience
- le domaine des êtres montre les différentes sortes
d'êtres - chacun d'eux étant constitué
par les cinq agrégats - qui vivent dans les dix
mondes.
- le domaine des
territoires représente1'espace où vivent les êtres.
II. Le
concept d'ichinen sanzen est contenu de façon
implicite dans le Sutra du Lotus. Un premier pas est fait par
Kumarajiva qui dans sa traduction en chinois
développe le chapitre II (Moyens salvifiques) par l'exposition
des dix ainsi.
C'est essentiellement Zhiyi, fondateur de l'école
Tiantai qui systématise et rend explicite
le contenu philosophique du Sutra du Lotus. Au moment où
le bouddhisme pénètre au Japon, d'âpres discussions
ont lieu autour des idées de Nagarjuna
sur la non-substantialité (ku) et
la Voie du milieu (chudo)
ainsi que sur leur conséquence quant au concept même de bodhéité.
Le principe d'ichinen sanzen est récupéré
par les écoles ésotériques, telles que le Shingon
et fortement altéré par l'adjonction de pratiques magiques
faisant appel à un bouddha extérieur. Nichiren s'élève
avec véhémence contre une telle mésinterprétation.
Il rappelle, sans se lasser, l'enjeu d'une compréhension correcte
du Sutra du Lotus et surtout conçoit la mise en pratique
d'ichinen sanzen par la récitation
du Titre du Sutra du Lotus, (ji
no ichinen sanzen), une façon d'activer et faire
vivre les principes contenus dans ce Sutra.
III. Les enjeux du concept d'ichinen
sanzen
Ichinen sanzen repose sur un certain nombre de présupposés
qui distinguent le bouddhisme des 'autres courants philosophiques (les
quatre sceaux du Dharma). Ce sont : - l'impermanence
des multiples dharmas (multiples mouvements)
- les multiples dharma sont sans substance
(non-substantialité, vacuité, ku)
- tous les mouvements sont souffrance
- le nirvana est sérénité
et pureté.
Ichinen sanzen conforte cette approche et
en même temps jette un éclairage nouveau sur ces présupposés.
L'atemporalité, exposée dans le chapitre XVI du Sutra
du Lotus, implique qu'à tout moment, la pensée de l'être
humain possède, à l'état latent, le monde-état
de bouddha. La souffrance n'est pas plus permanente que le bonheur. L'Éveil
du pratiquant dépend de lui-même sans manipulation d'un guru
ou l'intervention d'un bouddha-sauveur après la mort. Ce même
principe d'atemporalité, se combinant à l'expression de
la vie décrite dans ichinen sanzen,
rend tous les êtres égaux en possibilités latentes.
Sont ainsi abolies les ségrégations : les déshérités,
les incultes, les artistes, les ascètes,
les savants et même les femmes (!) peuvent atteindre la bodhéité sans changer d'apparence (sans avoir à renaître en tant que
bodhisattva de la dernière naissance).
On peut comprendre qu'une telle conception de la société
choquait énormément des classes dirigeantes japonaises (religieuses
et laïques) au XIIIe siècle !
Voir le commentaire de la Soka Gakkai
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