| Préface  Voilà plusieurs années que je donne des cours sur le Sutra du Lotus. Parfois, ce sont des  commentaires pour un petit nombre de personnes et parfois pour un public plus  important. Quelques personnes ont eu l’occasion d’assister à plusieurs cours  mais elles n'ont jamais eu la totalité des chapitres. J’ai pensé qu’il serait  utile de rassembler les extraits les plus importants de tous mes petits  exposés.  J’ai rencontré le Sutra  du Lotus en 1969, alors que je venais juste d’obtenir le certificat de  formation initiale dans les Marines. J’avais alors une notion très vague du  bouddhisme : quelques cours au lycée et en fac et, maintenant, je peux  dire qu’il n'y a pas de différence entre ce que je savais et rien. En quelques  années, j’appris beaucoup plus que tout ce que j’aurais pu imaginer quand je  suis allé à ma première réunion de discussion dans le sangha. Le Sutra du Lotus m’a apporté beaucoup de joie dans la vie. Avec le temps, j’ai acquis une grande  tendresse pour ce magnifique enseignement. C’est cet amour que je voudrais  communiquer au lecteur. Je précise que je n’ai nullement l’ambition de faire œuvre  savante ni d’écrire un traité théorique, d’autres sont plus qualifiés pour  cela. Mon intention est de donner vie à cet enseignement parfois déconcertant  et de partager avec le lecteur ma compréhension et ma joie. Je ne présenterai donc pas le Sutra de façon linéaire mais plutôt circulaire, en empruntant des  méandres, en citant un chapitre tantôt ici et tantôt là. Je parlerai d’un même  sujet à partir de points de vue différents. Pour découvrir les secrets du Sutra, je préfère m'en approcher de  façon thématique. Cela ne signifie pas que ma méthode soit meilleure que  l’analyse chapitre par chapitre ; c’est simplement qu’elle me convient  davantage. De plus, les récits non linéaires sont fort appréciés dans le sud  des États-Unis d'Amérique. C’est toujours pour moi une grande joie de parler du Sutra du Lotus et cet essai n’a pas fait  exception. J’espère que vous l’aborderez comme deux amis assis sur le pas de la  porte en train de discuter de quelque chose qui leur tient à cœur. 
 
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Avant de commencer l’analyse du Sutra du Lotus, il n’est pas inutile de préciser certains  fondamentaux, les bases qui le sous-tendent.  Commençons par le plus important : le titre que porte cet  enseignement. En anglais, tout comme dans d’autres langues, ce sutra est connu  sous son appellation abrégée, la version complète étant Dharma Merveilleux du sutra de la fleur de lotus. Il serait plus correct, je pense, de l’appeler “plante du  lotus”, et non pas “fleur”. Mais n’étant pas linguiste, je m’en tiendrai à la  traduction habituelle ; le choix du mot “fleur” s’explique certainement par le  fait qu’en Chine et en Inde, où fut élaboré le texte, cette image est largement  évocatrice.  Ici, en Occident, aux USA, où la fleur de lotus n’est pas  très connue, il est normal que son évocation ne suggère rien de spécial.  Lorsque nous voyons cette admirable fleur qui flotte sur l’eau nous ne pensons  pas à la plante qui naît dans la boue du fond de l’étang.  Dans la vie, nous sommes souvent trompés par la beauté  extérieure et ignorons ce qui se cache au plus profond. Prenons conscience de  cela.  Le lotus est souvent associé à  l’atteinte de la bodhéité par le simple mortel (bompu). La comparaison convient aussi  bien au processus de l’Éveil qu’à la pratique du Sutra du Lotus.   Nos vies sont encombrées ; y mettre de l’ordre prend  beaucoup de temps. Dans la pratique bouddhique, quelle qu’en soit l’école, il  n’existe pas de bouton-poussoir à effet instantané. De même que le lotus a  besoin d’un cycle entier pour fleurir, nous avons besoin de beaucoup de travail  sur nous-mêmes pour faire éclore les fleurs de notre vie. On peut dire que le Sutra  du lotus est la fleur que le Bouddha fit apparaître au terme d'une vie  d’enseignement. Tout son parcours, son Éveil et son enseignement, aboutissent à  la phase finale : la révélation de la Vérité fondamentale que connaissent tous  les bouddhas. De même, l'enseignement du Sutra  du lotus nécessitait tous les enseignements antérieurs préparatoires.  Beaucoup de ceux qui entendent pour la première fois le Sutra du lotus ou d’autres textes  bouddhiques, ignorent leur contexte et les liens qui les unissent. Peut-être  savent-ils juste que tel sutra fait partie d’une collection donnée et qu’il  n’est que l’un des milliers de sutras existants ; on dit par hyperbole  qu'il y a 80.000 enseignements. Il est important de connaître le contexte dans  lequel un sutra apparait, ainsi que le lien qu’il a avec les autres textes.  Aussi, on ne tient pas compte des gens à qui cet enseignement fut prodigué, de  la personne qui l’a consigné et dans quelles circonstances. On néglige ce qui a  précédé le sutra et quel en fut l'impact. C’est à ce genre de problèmes que furent confrontés les  Chinois quand le bouddhisme fut introduit dans leur pays, petit à petit et un  peu au hasard. À la différence de ce qui s’était passé en Asie du Sud-Est, où  le canon pali était parvenu dans sa globalité avec tout un vocabulaire  liturgique universel, les sutras pénétrèrent en Chine par divers points  géographiques dans une langue qui n'avait rien de commun avec le chinois. Plus se multipliaient les sutras et moins les Chinois  comprenaient le pourquoi et le comment de tant de disparité et, surtout, quelle  était la cohérence de l'enseignement bouddhique. Plus on analysait les textes  et plus on constatait des contradictions pour, finalement, aboutir à une grande  confusion.  Au VIe siècle de notre ère, plusieurs érudits bouddhistes  chinois tentèrent d’y mettre un peu d’ordre. L’un d’eux,   Zhiyi (538-597),  proposa une classification, appelée les cinq périodes, des enseignements du  Bouddha. D’autres classifications circulaient déjà, mais la sienne finit par  s’imposer ; elle fut adoptée au Japon, notamment par Nichiren qui fit du Sutra du lotus le phare de tous les  sutras. Nichiren est fort justement connu comme étant l’adepte le plus fervent  de ce sutra qu’il considérait supérieur à tous les autres. Le système de    Zhiyi classe les sutras selon la période de la  vie où le Bouddha les avait enseignés. Dans la terminologie japonaise, les cinq périodes sont : Kegon, Agon, Hodo, Hanya et Hokke-Nehan.  J’admets que l’on puisse ne pas être d’accord avec le  classement de    Zhiyi ni avec les conclusions qu’en a tirées Nichiren. Mais les  religions établies ont ceci de bien qu’elles permettent la discussion et la  controverse. Personnellement, je ne tiens aucun compte des classements. Ils  n’ont pas d’influence ni sur ma foi ni sur ma prédilection pour le Sutra du lotus. Voyons donc brièvement ces cinq périodes que    Zhiyi relie  chronologiquement aux étapes de la vie de Shakyamuni.  La première période d’enseignement du Bouddha, le Kegon,  qui se situe tout de suite après son Éveil, dura 21 jours. Les enseignements de  cette période ne s’adressaient pas à l’humanité mais aux êtres célestes et  déités qui avaient supplié le Bouddha de leur délivrer le Dharma quand il aura  atteint l’Éveil. C’est le Sutra de la  guirlande de fleurs (Avatamsaka).  Ensuite, il y a la période Agon, celle des premiers sutras theravada. Cette période est de 12 ans,  jusqu’à l’âge de 42 ans du Bouddha. On y trouve les sutras Agon (Agama), dont  le Sutta Nipata  (Dépôt  des sermons). Ces  sutras sont faciles à comprendre car ils s’adressaient au commun des mortels.
 Puis, il y a la période Hodo (Période de Déploiement, Vaipulya) où l’on trouve les premiers sutras mahayana. Cette période est de 8 ans.    Zhiyi y place des sutras  comme le Yuima (plus connu en Occident sous le nom de Sutra de Vimalakirti), le Kan Muryoju-kyo (Amitayur-dhyana Sutra, Méditation  sur le bouddha de la vie infinie), le Konkomyo kyo*, et le Daijikkyo.  Mahasamnipatasutra, Sutra de la Grande Assemblée).
 
 Les sutras que le Bouddha prêcha entre sa 50ème  et sa 72ème année, furent classés dans la période Hannya (Période de  la Perfection de la Sagesse). C’est la période où le Bouddha révéla  qu'il s'agissait de dépasser les enseignements du Theravada et du début du  Mahayana. On y trouve le Sutra du Cœur (Prajnaparamita Hrdaya) et le Sutra Dai Hannya (Sutra de la Grande sagesse,  Mahaprajnaparamita-sutra).
 La dernière période selon    Zhiyi est appelée Hokke-Nehan ;  elle couvre les dernières 8 années du Bouddha qui mourut à 80 ans.    Zhiyi estime  que, puisque la compréhension de ses disciples était devenue plus profonde, le  Bouddha pouvait enfin révéler la Vérité ultime de son Éveil dans le Sutra du Lotus. Cette période comprend  également le Sutra du Nirvana. Notons que le classement de    Zhiyi est basé sur des passages  du Sutra du Lotus où le Bouddha dit  explicitement que ce sutra est la Vérité ultime.  J’espère ne pas vous avoir ennuyés jusqu’ici. Tout ceci est  très technique – et peut-être fastidieux – mais il est important de connaître  l’origine du classement qui permit aux Chinois de trier les textes. Sept cents  ans plus tard, ce classement fut déterminant pour Nichiren lorsqu'il étudia le  bouddhisme au Japon. C'est également important pour nous parce que l’étude du Sutra du Lotus présuppose que l’on  connaisse déjà les autres enseignements du Bouddha. À bien des égards, nous  sommes dans la même situation que les Chinois du VIème siècle.  Encore quelques mots avant de conclure. Quinze siècles se  sont écoulés depuis    Zhiyi ; aujourd’hui nous avons accès à bien plus  d’informations que Nichiren lui-même. De nos jours, nous connaissons d’autres  versions et d'autres traductions du Sutra  du Lotus que celles auxquelles avaient accès    Zhiyi et Nichiren.  Énumérons-les rapidement.  La plus connue est, sans conteste, la traduction que fit  Kumarajiva au Ve siècle de notre ère (406). C’est sur cette traduction que     Zhiyi et Nichiren s’appuient généralement. La façon dont elle fut réalisée ne  manque pas d’intérêt.   Les origines de Kumarajiva, dont le père travaillait en  Chine, lui permirent de bénéficier pleinement de deux cultures très  différentes. Non seulement les langues et les écritures de l’Inde et de la  Chine n’avaient rien de commun, mais leurs modes de pensée et leur  interprétation de la vie divergeaient presque en tout. Imprégné des deux  cultures depuis l’enfance, Kumarajiva était particulièrement désigné pour  transposer magnifiquement les textes d’une mentalité à l'autre. La tradition dit que Kumarajiva s’était entouré d’un comité  de traduction où l'on discutait chaque terme pour tenter non seulement de  trouver le plus approprié, mais aussi le plus agréable à l’oreille chinoise et  le plus facile à comprendre. Sa traduction du sutra – qui se prononce en  japonais Myohorengekyo — est merveilleusement cohérente et raffinée. C’est la  version qu'utilisa Nichiren. La transcription en caractères sino-japonais du  titre indien Saddhama Pundarika Sutra est devenu le   mantra que nous  récitons aujourd’hui et que nous appelons daimoku. Deux autres versions existent : l'une, qui est bien  antérieure à celle de Kumarajiva, faite par Jiku Hogo (en 286) que l'on appelle ho Hokke KyoS, et une autre,  postérieure, faite par Shankutta Dharma Gi en 601, intitulée Tenbo Myoho Renge Kyo. Pour finir, notons qu’il n’existe pas d’original sanskrit  complet des traductions dont je viens de parler. C’est important à savoir car  ce que nous connaissons n’est pas le texte-source. Le grand spectacle  Il est certain que le Sutra  du Lotus est fort théâtralisé.  Tout  ce qui s’y passe prend des proportions démesurées. Au XXIème siècle, nous  pouvons être quelque peu blasés à force de films à grand spectacle, de  graphismes sur nos ordinateurs et de nouvelles technologies. Les voyages à  travers le temps, bien qu’encore impossibles, ne troublent plus notre vision du  monde.  Mais faisons un saut de quelques 2500 ans en arrière. Il  n’existe aucun confort moderne, pas d’électricité, pas de téléphone et, bien  évidemment, pas d’internet. En ce temps-là, nous ne sommes pas habitués à voir  des choses qui, normalement, ne se produisent pas dans la nature. À l’ouverture du Sutra  du Lotus, nous sommes en présence du Bouddha assis en méditation au milieu  d’une grande foule. Et quand je parle d'une grande foule, c’est à l'échelle du  XXIème siècle : stade avec écrans géants, Times Square ou New  Year’s Eve, une télédiffusion mondiale.  Pour nous, c’est devenu banal ou, en tous cas, pas  inhabituel, alors qu’il y a 2500 ans, une telle foule était difficilement  imaginable. Les différentes catégories d’êtres étaient impressionnantes, même  pour nos esprits imprégnés de science-fiction. Dans les premières lignes du Sutra du Lotus, c’est cette immense  Assemblée qui nous est décrite. Le Bouddha, quant à lui, reste immobile et  serein, en méditation-samadhi*.  Voilà un autre point qui peut, pour quelqu’un qui ne connaît  pas le contexte, au mieux, être déconcertant et, au pire, rebutant. Aucune  information ne nous est donnée sur la façon dont le Bouddha en est arrivé là,  ni ce qu’il avait fait auparavant pour que tout ce monde s’agglutine autour de  lui tandis qu'il est plongé en méditation. Ce sont les textes précédents qui  nous apprennent que le Bouddha vient juste d’enseigner le Muryogi Kyo, le Sutra des  Sens Infinis, qui est généralement associé au Sutra du Lotus en guise d’introduction. À la fin de son prêche, le  Bouddha était entré en méditation ; c’est à ce moment-là que débute le Sutra du Lotus.  Prédictions À partir du chapitre II, Moyens  appropriés ( Hoben pon), le  Bouddha commence ce que nous pouvons considérer comme un exposé ou un sermon.  Pratiquement d’emblée, il entreprend de nous donner des instructions formelles.  Dans le chapitre II, elles ne sont pas très longues car le Bouddha  s’arrête soudainement.  Le lecteur  s'interroge pour comprendre de quoi il s’agit. Et pourtant, j’ai lu quelque  part que le Sutra du Lotus était le  plus long sermon jamais prêché.  C’est au lecteur de chercher la signification indirecte de  ce sermon. On découvre qu'elle transparaît dans les diverses prédictions quant  à la bodhéité future de certains personnages. On peut interpréter ces prédictions  de diverses façons. Il est possible que beaucoup les trouvent fastidieuses et  pensent qu’on peut facilement en faire l’impasse ou bien les résumer en une  seule. On peut être tenté de sauter ces prédictions et porter son  attention aux paraboles également incluses dans ces chapitres du début du Sutra. J’aime toutefois les examiner  séparément et n’y manquerai pas au cours de cet essai. Mais j'y reviendrai plus  loin lorsque je détaillerai chaque prédiction. N’oubliez pas que cet exposé  n’est pas linéaire !  Je n’ai pas toujours été convaincu de l’importance de ces  prédictions. Je les trouvais ennuyeuses et ne valant pas que l’on s’y attarde.  Ce n’est que récemment que j’ai eu un déclic et que tout s’est mis en place.  J’ai poussé comme un « eurêka ! » Maintenant, je suis capable de  les apprécier ; je trouve qu’elles sont vraiment importantes. C’est pourquoi je  vais les traiter ici en leur consacrant une place à part.  Pour l’instant je me contenterai de faire remarquer que  chaque personne ou chaque groupe concernés par ces prédictions représente, dans  ses grandes lignes, les conditions de vie potentielles telles qu’elles  apparaissent dans la doctrine des dix mondes-états.  Dans le chapitre II, Shakyamuni déclare qu’il n’y a pas  trois pratiques différentes pour conduire à l’Éveil. Cette déclaration étant  nouvelle pour ses disciples, certains la trouvent tellement choquante qu’ils se  lèvent et quittent l’Assemblée. Mais la majorité reste pour écouter ce que le  Bouddha souhaite leur communiquer. Nous apprenons ainsi deux choses fondamentales. D’abord que  le nirvana n’est pas le but ultime mais qu’il s’agit de parvenir à l’anuttarasamyaksambodhi (Éveil complet et  parfait sans supérieur). Le Bouddha nous fait savoir que le nirvana n’était  proposé qu’en tant qu’étape préparatoire.  Deuxièmement, Shakyamuni dit qu’il n’y a pas trois pratiques  mais une seule. Il n’y a pas une pratique spécifique pour les auditeurs-shravakas, une pour les pratyekabuddhas et une pour les bodhisattvas.  En d’autres termes, les auditeurs qui écoutent uniquement  avec leur intellect et les pratyekabuddhas, qui sont des bouddhas solitaires,  devront pratiquer comme des bodhisattvas.   Cette pratique a pour but de sauver tous les êtres ; tous ceux qui  aspirent à un Éveil semblable à celui des bouddhas devront s’y consacrer.  Réciproquement, ceux qui pratiquaient déjà comme des bodhisattvas devront  s’adonner à la pratique des auditeurs-shravakas et des pratyekabuddhas et ne pas se  considérer comme des êtres à part. Cette dernière directive signifie, en fait,  qu'il ne s'agit pas de négliger notre façon de vivre sous prétexte d’aider les  autres.  Apparition du Bouddha  Maints-Trésors         Continuons notre survol du Sutra du Lotus.  Dès que nous l’aurons terminé, je reviendrai sur certains détails et nous  pourrons voir alors quelques interprétations de l’extraordinaire histoire  contée dans ce sutra et nous demander ce qu’elle nous apprend.   Au chapitre XI, nous voyons apparaitre un grand stupa. Le  stupa est une pagode, une tour-reliquaire d’un personnage important ; ici il  s'agit de reliques d’un bouddha. Il existe des reliquaires de taille et de  formes très variées mais, avec le temps, les artistes ont conféré au stupa du  Sutra du lotus certains standards de représentation. C’est donc une énorme  Tour-aux-Trésors qui apparaît dans les Airs et reste suspendue au-dessus des  quatre congrégations assemblées sur le Pic du Vautour.  Nous apprenons que cette Tour contient les reliques d’un  bouddha des temps anciens venu d'un univers lointain. Ce bouddha a fait le vœu  de faire apparaitre son stupa partout où serait enseigné le Sutra du Lotus. Son nom est  Maints-Trésors – Taho Nyorai en japonais et Prabhutaratna en sanskrit. Alors  que la Tour-aux-Trésors reste suspendue dans les Airs, l’Ainsi-Venu Taho  adresse des louanges à Shakyamuni parce que ce dernier accomplit une grande  œuvre en enseignant le Sutra du Lotus.   Tout cela est totalement incroyable et si j’avais été  présent, il est certain que j’en serais resté sans voix. Mais, dans la foule,  il y eut certains personnages qui ont vite retrouvé la parole pour demander à  Shakyamuni ce que signifiait ce phénomène fantastique. Ils demandèrent même  s’il leur était possible de voir le bouddha qui se trouvait à l’intérieur de  cet édifice. Le Bouddha se mit alors à rappeler vers lui toutes ses émanations,  tous les bouddhas des différents univers. Nous apprenons ainsi pour la première  fois que les différents bouddhas qui prêchent dans l’univers sont des  émanations du Bouddha. Je reviendrai là-dessus. Bien évidemment, chacun de ces  bouddhas émanés – ils étaient fort nombreux – est venu au Pic du Vautour  accompagné d’une nombreuse suite, un vrai cortège de supporters.  N’oublions pas qu’il y avait déjà une foule de centaines de  milliers de personnes et que seuls 500 moines arrogants étaient partis. Nous  sommes donc en présence d’une gigantesque Assemblée à laquelle viennent se  joindre les émanations du Bouddha avec leurs suites, si bien que notre monde  est devenu trop petit pour contenir cette foule.   Ne voulant oublier personne, le Bouddha fit un tour de  passe-passe et ajouta quelques mondes au nôtre. Il fallait, bien entendu, que  tout soit prêt avant l’arrivée des invités et l’Ainsi-Venu procéda à quelques  purifications liminaires. La première adjonction d’un monde ne procurant pas encore  assez de place, le Bouddha dut recommencer plusieurs fois cette extension ainsi  que les purifications nécessaires. Une fois tous les participants bien installés, Shakyamuni se  place en position pour l’ouverture de la Tour-aux-Trésors. Les grandes portes  s’ouvrent en effet et le Bouddha Taho (Maints-Trésors) invite Shakyamuni à  venir s’asseoir à son côté dans ce stupa aux dimensions phénoménales.  Nous voici donc en présence d’un immense reliquaire suspendu  au-dessus du Pic du Vautour avec une foule massée sur d’innombrables mondes.  Les deux bouddhas se tiennent côte-à-côte à l’intérieur du stupa. Mais les  êtres restés sur terre ne peuvent pas voir les deux bouddhas réunis et  demandent à l’Ainsi-Venu  de les élever jusqu’à lui. Shakyamuni accède à leur demande et toute  l’Assemblée est élevée au niveau du stupa.   Les  bodhisattvas Surgis-de-Terre  De l’intérieur de la Tour-aux-Trésors, le Bouddha demande à  l’Assemblée qui, parmi eux, veut faire le vœu de propager le Sutra du Lotus dans ce monde, notre monde,  celui des hommes ordinaires. Il précise deux points : cette propagation devra  se faire après son parinirvana, dans  les Derniers jours du Dharma et elle devra s’adresser aux êtres de notre monde.  Après quelques hésitations, deux groupes s’esquissent. Mais  le premier groupe est volontaire seulement pour le premier point : propager le Sutra du Lotus mais pas dans notre monde  car ce serait trop difficile. Le Bouddha le remercie et décline cette  proposition. Il fait de même avec le second groupe car ce ne sont pas des  humains de notre monde. Il leur dit, en substance, qu’ils ne sont pas faits  pour cela, n’ayant pas de liens avec les humains, lesquels ne pourront pas être  réceptifs à leurs enseignements. La pratique pour se perfectionner et atteindre  l’Éveil se fait en relation avec les autres, y compris les enseignants. Or nous  autres, les humains, nous préférons être en relation avec des gens qui sont,  autant que possible, comme nous.  Après avoir récusé ceux qui s’étaient portés volontaires, le  Bouddha annonce qu’il a d’autres disciples qui sont plus à même d'accomplir  cette tâche. À ce moment-là, « les terres de notre monde se fendent et de  leur sein surgissent simultanément d'innombrables  bodhisattvas-mahasattvas ».   Souvenons-nous que toute l’Assemblée se trouve au niveau du stupa, face  aux deux bouddhas. Les nouveaux-venus sont donc en-dessous de ce qui ce passe  dans les Airs. Le Sutra utilise  divers qualificatifs pour ces nouveaux volontaires. Juste pour en citer  quelques-uns : ils ont fière allure, se conduisent noblement et leur corps est  de la couleur de l'or. De plus, chacun est soit accompagné d'une grande  multitude ou d’un petit groupe, soit sans suite de disciples soit tout seul.  Bien sûr, tous les participants de la Grande-assemblée  veulent savoir qui sont ces mystérieux inconnus. À leurs questions, le Bouddha  répond que ce sont là de grands bodhisattvas qu’il avait lui-même formés au  cours de vies antérieures. Pour les disciples qui avaient suivi Shakyamuni  depuis que celui-ci avait commencé à dispenser son enseignement, cela parait  absurde ; ils disent alors au Bouddha que ses paroles n’ont aucun sens. Ces  disciples qui, dès le début, avaient accompagné Shakyamuni pas à pas sont  totalement incapables de croire que le Bouddha avait lui-même formé ces  nouveaux-venus, ces bodhisattvas surgis des profondeurs de la terre.  Durée de vie de l’Ainsi-Venu  Pour éclaircir sa relation avec les bodhisattvas  Surgis-de-Terre et pour dissiper les doutes de ses contemporains, Shakyamuni  entame le chapitre XVI par une explication de la véritable durée de sa vie. Ce  chapitre nous apprend que le personnage historique que nous considérons comme  le Bouddha, maitre des compagnons et disciples de Shakyamuni, n’est pas limité  par la durée de sa vie physique lors d’une seule existence.  C’est une information complètement nouvelle, surprenante et  peut-être même choquante. Il se peut que certains de ceux qui lisent ces lignes  soient familiers de cette notion de la durée de vie du Bouddha. Il se peut  aussi que les nouveaux lecteurs ne soient pas particulièrement surpris,  estimant que cela va de soi. Mais cette annonce n’a certainement pas le même  impact sur nous qu’elle eut sur les disciples de Shakyamuni. Voici encore une  information qui nous parvient incomplète si elle est prise hors du contexte.  Aussi, nous ne réalisons pas à quel point elle fut révolutionnaire pour les  disciples du Bouddha.  En fait – et nous approfondirons ce point – Shakyamuni  déclare à ses disciples qu’il n’est pas du tout ce ou celui qu'ils croient.  Il leur dit que sa manifestation physique  actuelle n’est qu’un des aspects de ce qu’est le Bouddha. Puis il leur apprend  que sa mort future n’est qu’une apparence pour que les gens ne croient pas que  la présence d'un bouddha parmi eux est définitive. C’est aussi, en quelque  sorte, un encouragement pour qu’ils ne pleurent pas sa mort quand elle  surviendra. À l’hôpital, j’ai souvent entendu des gens en fin de vie consoler  leurs proches en leur promettant qu’ils seraient toujours avec eux. Shakyamuni  fait de même ici, mais ce qu'il dit est fondé sur sa nature de bouddha.   D’habitude, lorsque je fais un cours sur le Sutra du Lotus, j’arrête ici le récit du  grand spectacle alors qu’il y a encore tant à dire. Mais je préfère garder des  choses pour plus tard.  Pour l’instant,  je me suis contenté de faire entrevoir les côtés les plus spectaculaires du Sutra. Je pense qu’introduire le lecteur  d’emblée dans la partie la plus théâtralisée du Sutra prépare le terrain pour la compréhension de son enseignement  final. Les moments-clés du  parcours individuel dans le Sutra du  Lotus  Plus je lis le Sutra  du Lotus et plus je découvre des choses fascinantes. Chaque fois, c’est  comme si je le lisais pour la première fois. J’ai déjà prévenu que je n’allais  pas suivre la succession des chapitres, tant d’autres l’ont déjà fait. Ma façon  d’aborder le Sutra est moins contingente et s’organise chaque fois autour d’une  notion spécifique. Aborder le Sutra sous des angles différents me donne la possibilité de le comprendre chaque fois  autrement. C’est un peu comme un prisme qui disperse la lumière blanche en un  arc-en-ciel coloré. En utilisant différents prismes, vous pouvez acquérir  différents regards sur le Sutra du Lotus et donc le comprendre de multiples façons. C’est du moins ce que je souhaite  partager avec vous. Une de ces approches thématiques est celle du spectacle  grandiose que je viens de décrire. Une autre possibilité est d'observer les  transitions qui jalonnent le Sutra.  Il y a comme des passerelles qui introduisent quelque chose de tout à fait  nouveau. Elles sont très ténues et pas clairement perceptibles mais je les  trouve pleines de signification. Alors, je m’amuse à les repérer. Justement, en  écrivant cela, quelques nouvelles transitions me sont apparues alors que je ne  les avais pas encore repérées. Voyons donc ce qu’elles ont à nous dire.  Le Sutra du Lotus lui-même est une transition. Souvenez-vous qu'en parlant du spectacle  grandiose, j’ai dit qu’il était facile de faire l’impasse sur l’image du  Bouddha qui médite en silence alors que la foule, assise autour de lui, le  regarde. Le Sutra du Lotus commence  comme une passerelle entre la conclusion du Sutra  des Sens Infinis et l’exposé du Lotus.  Le Bouddha clôt un enseignement et en ouvre un autre.  Le chapitre II marque une transition importante lorsque le  Bouddha annonce que, pour atteindre l’Éveil, il n’y a ni deux, ni trois  véhicules différents mais une seule voie du Bouddha, un Véhicule unique. C’est  quelque chose d’énorme qui choque son auditoire et jette le doute chez bon  nombre de participants. Soulignons une fois de plus que, pour un lecteur  moderne, surtout s’il n’a pas eu connaissance des sutras précédents, il n’est  pas facile de se représenter à quel point cette révélation ébranlait les  mentalités. Nous verrons plus tard la portée de cet enseignement mais, pour  l’instant, je veux seulement attirer l’attention sur son côté  bouleversant : il fit l’effet d’un tremblement de terre.  Tout aussi troublante fut la révélation que  le nirvana n’est pas le but de la pratique bouddhique, que c'est seulement une  étape et non pas ce à quoi aspirent tous les bouddhas. Cela aussi est énorme et  déstabilisant. Au chapitre X, nous trouvons la transition qui souligne  l’importance de vénérer les reliques du Bouddha et ses enseignements. Ici, le  corps du Bouddha est placé au même niveau que son enseignement. Ce que le  Bouddha révèle ainsi c'est que les bouddhas ne sont pas des entités qui doivent  être des objets de vénération mais que c’est leur enseignement qui importe.   Bien qu’il ne s’agisse pas d’un moment de transition à  proprement parler, j’aimerais inclure ici les six actions difficiles et les  neufs actions aisées (rokunan-kui).  Je pense qu’elles résument le message que Shakyamuni transmet à différents endroits du Sutra du Lotus, à savoirque  sa pratique est difficile, très-très difficile. Le Bouddha revient sans cesse  sur la difficulté de garder le Sutra du  Lotus, de pratiquer le Sutra du Lotus et de transmettre le Sutra du Lotus « dans les Âges mauvais après son parinirvana ».  C’est d’ailleurs cette difficulté que les contemporains de Nichiren  reprochaient à ce sutra et pourquoi ils l'ont remplacé pas d’autres  enseignements. Nichiren répondait alors que la difficulté était réelle, que le  Bouddha lui-même le reconnaissait, mais que c’était une raison de plus pour  considérer ce sutra comme l’enseignement le plus approprié pour  l’après-parinirvana.  Nous ne devons pas être surpris qu’il soit difficile de  pratiquer et d’enseigner le Sutra du  Lotus. Pourtant, j’ai rencontré pas mal de gens qui, quand on dit à quel  point c’est difficile, ont soit oublié le message de Shakyamuni soit ne le  croient pas.  C’est pourquoi j’aimerais parler ici des neuf pratiques  aisées et des six pratiques difficiles.   Et aussi parce que cela me fait toujours sourire de constater que l’on  considère certaines pratiques comme aisées car, en fait, elles sont très  difficiles elles aussi.  Voyons donc en quoi consistent ces pratiques aisées en  gardant à l’esprit qu’elles sont faciles si l'on compare avec la pratique du Sutra du Lotus de nos jours. 1-  Il est facile « de propager les autres sutras ». 2- Il est plus facile « de s'emparer du Mont Sumeru et de le  projeter au loin ». Le Mont Sumeru  est une montagne mythique au centre  d’un système de mondes. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas une mince affaire. Je  m’imagine mal m’emparer d’une montagne et encore moins du centre d’un univers.
 3- Il est facile « d’envoyer de l’extrémité d’un orteil un monde majeur  dans un autre kalpa ». Pas sûr en ce qui me concerne, mes pieds sont trop  petits. Mais il est dit que ce serait plus facile que d’enseigner et de  pratiquer le Sutra du Lotus.
 4- Il est facile se tenir au sommet du Ciel Akanishtha pour prêcher les sutras  autres que le Sutra du Lotus.
 5- Mettre la terre sur un orteil ! C’est aussi vraisemblable que de  déplacer des montagnes ou des mondes. Peu probable !
 6- Attraper le ciel et le porter à bout de bras » serait plus facile  que d’exposer le Sutra du Lotus.
 7- Parmi toutes ces choses faciles, ma préférée est « de porter sur son  dos une botte d’herbe sèche sans être brûlé par le grand feu de la fin de  kalpa ». J’aime beaucoup l’image que cela évoque.
 8- Les deux dernières choses faciles sont : « faire obtenir aux  auditeurs-shravakas les six pouvoirs mystiques en leur prêchant les 80000  enseignements ».
 9-Faire parvenir la foule innombrable au stade d'arhat possédant les six  pouvoirs mystiques.
  En d’autres termes, il est beaucoup plus facile de suivre les enseignements  des sutras antérieurs que de pratiquer le Sutra  du Lotus. C’est précisément l’argument qu’avancent les autres maîtres  bouddhistes qui trouvent que le Lotus est trop difficile pour les hommes.  Les six choses difficiles concernent toutes la pratique telle qu’elle est  exposée dans le Sutra du Lotus pour  les époques après le parinirvana du Bouddha. Il sera difficile de :1) propager largement le Sutra  du Lotus,
 2) le copier ou le faire copier,
 3) le réciter ne serait-ce qu'un court instant,
 4) l'enseigner ne serait-ce qu'à une seule personne,
 5) l'écouter, l'accepter et s'enquérir de sa signification,
 6) garder la foi en ce sutra.
 Il ne faut pas s’étonner que des obstacles surgissent pour  nous décourager et nous inciter à tout laisser tomber. Ce n’est pas surprenant  non plus de constater à quel point il est facile d’arrêter la pratique ou la  relâcher petit à petit pour qu’elle s’épuise d’elle-même. Tout cela est  parfaitement prévisible et pourtant les gens l’oublient ou n’y accordent pas  d’importance. Allons plus loin. Dans le chapitre XV, la transition porte  sur les pratiques bouddhiques – y compris les pratiques lotusiennes – qui  seraient considérées comme des activités uniquement spirituelles ou  intellectuelles. Il ressort de ce chapitre que la pratique du Sutra du Lotus requiert un engagement  dans le monde physique. Il ne suffit pas de travailler à  l’auto-perfectionnement, il faut également agir sur le monde où nous  travaillons, vivons ou jouons. La valeur de cette pratique ne prend de sens  qu’en se concrétisant dans le vécu. Lorsque, dans le chapitre XV, les bodhisattvas surgissent de  la Terre, je trouve significatif qu’à l’inverse des bodhisattvas contemporains  de Shakyamuni qui lui ont tous demandé quelque chose, ces nouveaux-venus lui  demandent comment il se porte, quelle est sa condition et s’il n’est pas  fatigué par l’enseignement du Dharma. Ce qui motive ces nouveaux bodhisattvas  ne sont prioritairement leurs besoins personnels mais ceux des autres. Cela  indique que leur pratique s’étend à tous, y compris les auditeurs-shravakas et  les pratyekabuddhas, ces « bouddhas-pour-soi ».   Le dernier moment de transition est le passage du présent  (la vie du Bouddha) au futur (notre vie à nous). Le Sutra du Lotus commence en parlant des disciples contemporains.  Lorsque, dans le chapitre XV, Shakyamuni demande qui propagera le Sutra du Lotus après sa mort, notre  attention est orientée vers le futur. Il devient alors évident que le véritable  message du Sutra du Lotus n’est pas  destiné à ceux qui se trouvaient là au moment du prêche, pas plus qu’aux émanations  de l’Ainsi-Venu, mais bien aux bodhisattvas Surgis-de-Terre, c’est-à-dire nous.  Que nous nous reconnaissions comme tels dépend de notre  pratique. Je pense qu’en pratiquant nous découvrons ce qui nous connecte au Sutra du Lotus, la transition entre le  document ancien et l’enseignement qui nous est adressé en particulier. Cette  transition est contenue dans les profondeurs du Sutra et, à la différence de ce qui est dit de façon explicite,  elle demande à être montrée dans nos actions. C’est une passerelle entre la  compréhension théorique de l’enseignement et son vécu effectif.  Les paraboles du Sutra du Lotus  À propos du Sutra du  Lotus, on a dit qu’il était haut en couleur, amplement théâtralisé et qu’il  faisait appel à l’imaginaire. C'est en partie à cause des paraboles qui  illustrent la doctrine, paraboles qui sont exposées tant par le Bouddha que par  différents groupes de la Grande-assemblée. Parfois c’est Shakyamuni qui veut  illustrer une notion par un exemple, parfois ce sont les auditeurs qui reformulent  ce qu’ils viennent d’entendre pour montrer qu'ils ont compris.    Considérant les différentes paraboles, il me semble  pertinent de les diviser en trois catégories. La première catégorie  contiendrait les paraboles qui enseignent un nouveau concept comme la parabole  de la maison en feu ou la parabole des herbes médicinales. La deuxième serait  celle des paraboles qui mettent en lumière la découverte de ce qui a toujours  existé ; une prise de conscience si on peut dire. Je mettrais ici la  parabole du fils pauvre, celle du joyau dans la doublure, du joyau sans prix  dans la chevelure et peut-être celle du médecin habile et de ses enfants  malades. La dernière catégorie porterait sur la difficulté de pratiquer et  serait illustrée par la parabole de la cité magique.  Ce découpage, même s’il est quelque peu arbitraire, n’a rien  de fixe ou définitif, ce n’est qu’un classement que je trouve commode. S’il ne  vous est d’aucune utilité n’en tenez pas compte ; le mieux serait que vous  trouviez votre propre approche. La parabole la plus connue est l’histoire de la maison en  feu. Tous les bouddhistes la connaissent, même s’ils ignorent qu’elle vient du Sutra du Lotus. Il y a comme ça pas mal  d'images connues qui sont utilisées par d’autres écoles bouddhiques sans savoir  qu’elles viennent du Lotus.  Structure du Sutra du Lotus Aucune présentation ou commentaire du Sutra du Lotus ne seraient complets sans un regard sur les  différentes façons dont ce sutra peut être découpé ou subdivisé.  L’intérêt d’une telle analyse est de mettre à  jour la façon dont nous voyons les différents enseignements qui nous sont  proposés. Sachant à quelle section appartient un enseignement, nous pouvons  comprendre en quoi il est rattaché aux autres concepts du Sutra.  La division la plus importante et la plus fréquente est  celle en shakumon (enseignements  préparatoires) et  honmon (enseignement  essentiel). Les chapitres de I à XIV sont considérés comme shakumon (préparatoires) et les chapitres de XV à XXVIII comme honmon (essentiels). Si l'on divise ainsi, une première moitié contient les  causes de l’atteinte de l’Éveil complet, parfait, sans supérieur tandis que la  seconde contient le bienfait (kudoku),  le résultat de la pratique de la première moitié. Il y a d’autres façons d’aborder le Sutra en considérant  l’endroit où se déroule l’exposé et à qui il s’adresse. Nous avons alors  « deux lieux et trois Assemblées (nisho-san'e) ». 
      Le message est différent selon le lieu et l’auditoire.   La première Assemblée est la foule présente au début du Sutra. Elle restera inchangée — à  l’exception des 500 moines outrecuidants qui la quittent. Le message que cette  Assemblée reçoit est principalement que les trois véhicules sont remplacés par  un seul.  Dans la deuxième Assemblée viennent s’ajouter à cette foule  les émanations du Bouddha. Ici, le message porte sur les deux phases de  propagation : l’enseignement aux contemporains du Bouddha et la propagation  dans l’avenir, après sa mort. Cela nous mène à l’apparition des bodhisattvas  Surgis-de-Terre.  Et c’est la troisième Assemblée. Pour cette assemblée  élargie, le message est celui de la nature atemporelle de l’Ainsi-Venu et la  transmission de la tâche de propagation dans l’avenir. Tout cela se passe en deux lieux : la terre du Pic du  Vautour – où débute le sermon du Lotus (avec  l’assemblée d’origine puis les émanations du Bouddha) – et les Airs lorsque le  Bouddha élève l’Assemblée jusqu’à la Tour-aux-Trésors afin qu’elle puisse voir  les deux bouddhas assis côte-à-côte. Enfin, le Bouddha fait redescendre toute l’Assemblée  sur terre et les émanations retournent à leur lieu de résidence habituelle.  Je reconnais que cela peut paraître compliqué. En étudiant  le Sutra du Lotus, je suppose que ce  qui compte pour vous ce ne pas tant la théorie que les implications qu’il peut  avoir dans votre vie et le sens qu’il peut donner à votre existence. C’est  peut-être bien agréable d’apprendre qu’il y a tous ces découpages mais ce qui  compte c’est l'intérêt que cela peut avoir pour la pratique quotidienne. Dans  un premier temps, vous pouvez ressentir un lien personnel plus profond avec le Sutra et vouloir approfondir votre  compréhension de l’origine de notre pratique, connaitre les raisons qui ont  poussé Nichiren à adopter ce texte comme objet de vénération et choisir les  deux chapitres II et XVI à l’exclusion de tout autre.  Lorsque nous commençons notre périple à l’intérieur du Sutra du Lotus, le plus important, me  semble-t-il, est de comprendre ce qui, en ce moment, améliore notre pratique,  nous encourage et approfondit notre relation avec le Sutra du Lotus. Je pense que c’est la joie qui doit être à la base  de tout. Même si le Sutra du Lotus parait parfois compliqué et impossible à comprendre, je suis sûr qu’il peut  faire naitre la joie. Ce qui importe, c’est que notre vie s'emplisse de plus en  plus de joie. Plus vous ressentirez de la joie et plus on vous appréciera et  cela augmentera encore votre joie. Comme pour tout message doctrinal complexe,  c’est la joie et la gratitude qui sont au cœur même du Sutra du Lotus.  
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