Sur
les cérémonies d'urabon
(La cérémonie pour les ancêtres défunts) Lettres
et traités de Nichiren Daishonin. ACEP - vol. 7, p. 213; SG* p. 824. |
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Pour les présenter au Bouddha, j'ai placé sur l'autel le sac de riz, le riz séché, les melons, les aubergines et autres dons que vous m'avez fait parvenir. Concernant l'origine des cérémonies appelées urabon : il y eut, parmi les disciples du Bouddha, un homme du nom de vénérable Maudgalyayana. Sa maîtrise sans égale des pouvoirs transcendantaux le mettait, parmi les disciples, sur le même plan que Shariputra, sans égal par la sagesse. Tous deux étaient comparables au soleil et à la lune côte à côte au-dessus du Mont Sumeru, ou aux ministres de la Gauche et de la Droite, au service d'un grand roi. Le père de Maudgalyayana s'appelait Kissen Shishi, et sa mère Shodai-nyo. Parce qu'elle avait été dominée par l'avidité et l'avarice, elle était tombée, après sa mort, dans le monde des esprits faméliques*, mais le vénérable Maudgalyayana parvint à l'en libérer et c'est là l'origine des cérémonies d'urabon. Voici comment cela se passa. Sa mère étant tombée dans le monde de l'avidité, elle subissait de grandes souffrances, mais Maudgalyayana, simple mortel, n'avait aucun moyen de le savoir. Il était entré à un très jeune âge, dans l'école d'un maître brahmane et avait étudié très sérieusement les quatre Vedas et les dix-huit écrits principaux qui constituent la totalité des textes sacrés du brahmanisme. Mais il était toujours incapable de savoir dans quel monde sa mère défunte s'était de nouveau manifestée. Plus tard, à l'âge de treize ans, Shariputra
et lui allèrent ensemble rendre visite au Bouddha Shakyamuni
et devinrent ses disciples. Dès lors, Maudgalyayana
parvint à se libérer des illusions
de la pensée et à progresser jusqu'à la première
étape de la sagesse
(note) ; puis il se détacha
des illusions du désir et devint un arhat,
obtenant de ce fait les Trois pouvoirs de perception et les six
pouvoirs mystiques. Ayant acquis la vision divine, il pouvait
voir tout ce qui se passe dans l'ensemble d'un système
majeur de mondes, avec autant de clarté que si cela se reflétait
dans un miroir limpide. Son œil percevait ce qui a lieu sous la
terre et il pouvait voir dans les trois
mauvaises voies [les états d'enfer, d'avidité et d'animalité]
aussi facilement que lorsque, les yeux posés sur l'eau gelée
d'un étang, nous voyons les poissons nager sous la glace, éclairés
par le soleil du matin. Ainsi, en baissant les yeux, il vit que sa mère
était prisonnière du monde des esprits
faméliques*. Elle n'avait rien à boire ni à manger. Sa chair ressemblait à celle d'un faisan après qu'il ait été plumé, ses os étaient pareils à des cailloux ronds placés cote à cote. Sa tête, aussi grosse qu'un ballon contrastait avec son cou, fin comme un fil, et son ventre était gonflé comme le grand océan. En ouvrant la bouche et en joignant les mains pour quémander de la nourriture, Shodai-nyo ressemblait à une sangsue affamée ayant perçu l'odeur d'un être humain. Rien ne pourrait décrire sa physionomie, son expression vorace ou ses larmes lorsque son regard se posa sur celui qui avait été son fils dans une vie antérieure. Quelle tristesse dut être alors celle de Maudgalyayana ! Le moine Shunkan, administrateur du temple Hossho-ji, fut exilé sur l'île de Iogashima. Nu, les cheveux détachés dissimulant son cou, il marchait, maigre et affaibli, le long du rivage, nouant des algues autour de sa taille. Soudain, voyant un poisson, il l'attrapa de la main droite et allait le porter à sa bouche au moment où l'aperçut un jeune homme, autrefois à son service et venu jusque là pour lui rendre visite. Je me demande qui offrait l'apparence la plus misérable, ce moine ou la mère de Maudgalyayana ? J'aurais tendance à penser que la mère de Maudgalyayana offrait une vision encore plus pitoyable que celle du moine. À la vue de sa mère, Maudgalyayana ressentit une si grande tristesse qu'il fit immédiatement usage de ses grands pouvoirs surnaturels pour faire apparaître du riz. Sa mère en fut ravie et, saisissant un peu de riz de la main droite, tout en cachant le reste avec sa main gauche, elle porta précipitamment le riz à sa bouche. Qu'advint-il alors ? Le riz se changea en feu et se mit à flamber ! Il se changea en flammes, comme si l'on avait disposé un tas de buches, et tout le corps de sa mère se craquela et se couvrit de brulures. Voyant cela, Maudgalyayana, terrifié et perplexe, employa de nouveau ses pouvoirs surnaturels pour faire jaillir une grande quantité d'eau. Mais l'eau se changea en brindilles qui alimentèrent les flammes et brulèrent encore plus gravement le corps de sa mère. Quelle ne fut pas alors la douleur du fils ! Comprenant que ses pouvoirs surnaturels étaient incapables de remédier à la situation, Maudgalyayana se rendit en un instant auprès du Bouddha et lui présenta sa requête désespérée. «Je suis né dans une famille de brahmanes, dit-il, mais je suis devenu par la suite un disciple du Bouddha. Parvenu à l'état d'arhat, je me suis libéré du cycle des renaissances dans le monde des trois plans, et j'ai acquis les Trois Pouvoirs de perception et les six pouvoirs mystiques qui sont l'apanage des arhat. Mais maintenant, lorsque j'essaye de sauver ma propre mère des grandes souffrances qui l'accablent, je ne fais que provoquer chez elle une agonie encore plus grande. C'est pour moi une grande peine et mon cœur est empli de regrets. Le Bouddha répondit : «Votre mère a commis de graves mauvaises actions. Seul, vous n'aurez pas le pouvoir de la sauver. Personne ne le peut : ni les divinités du Ciel, ni celles de la terre, ni les brahmanes, ni les moines taoïstes, ni les quatre rois du Ciel, ni les divinités Taishaku et Bonten. Par conséquent, le 15e jour du 7e mois, vous devrez rassembler tous les moines sages des dix directions, et préparer des offrandes de nourriture et de boisson de cent saveurs différentes. C'est ainsi que vous pourrez soulager votre mère de ses souffrances.» Maudgalyayana suivit précisément les instructions du Bouddha, et il en résulta que sa mère fut libérée du monde des esprits faméliques* dans lequel elle était condamnée à souffrir pendant un kalpa. Tel est le récit que l'on trouve dans l'écrit appelé Sutra Urabon. Voilà pourquoi, après la disparition du Bouddha, et de nos jours encore, en cette époque des Derniers jours du Dharma, les gens célèbrent cette cérémonie le 15e jour du 7e mois, et cette pratique est maintenant devenue coutumière. Moi, Nichiren, j'ai bien réfléchi à cela, et voici ce que j'ai à en dire. Parmi les dix mondes-états, Maudgalyayana était parvenu à celui d'auditeur-shravaka. Il observait les deux cent cinquante préceptes avec la solidité d'un roc, et son respect des trois mille règles de conduite (note), sans la moindre exception, était aussi parfait que la pleine lune dans la nuit du 15e jour du mois. Sa sagesse brillait autant que le soleil, ses pouvoirs surnaturels lui permettaient de faire quatorze fois le tour du Mont Sumeru et même de soulever cette énorme montagne. Mais, même pour un sage comme lui, il était difficile de s'acquitter de sa dette de reconnaissance envers sa mère. Pire, en s'efforçant de le faire, il n'avait fait qu'aggraver les souffrances de cette mère. Comparons donc cela aux moines d'aujourd'hui, qui font semblant d'observer les deux cent cinquante préceptes dans le seul but de tromper les autres. Ils n'ont pas l'ombre d'un pouvoir surnaturel - un rocher gigantesque pourrait plus facilement accéder au ciel qu'ils ne pourraient manifester de tels pouvoirs. Leur sagesse est du niveau de celle d'un bœuf, identique à celle d'un mouton. Même un rassemblement de mille ou de dix mille d'entre eux ne parviendrait pas à soulager leurs parents disparus de la plus infime souffrance. Pour quelle raison Maudgalyayana ne parvenait-il pas à sauver sa propre mère des souffrances ? Parce qu'il avait foi dans les enseignements du bouddhisme hinayana et se consacrait à l'observance des deux cent cinquante préceptes. C'est pourquoi, dans le Sutra Vimalakirti [sutra Jomyo], le laïc Vimalakirti critique Maudgalyayana en disant : «Ceux qui vous font l'aumone tomberont dans les trois mauvaises voies.» Ce passage indique que, bien que le vénérable Maudgalyayana fut un homme du plus grand mérite observant les deux cent cinquante préceptes, ceux qui lui feraient des offrandes renaîtraient dans l'une des trois mauvaises voies. Et cela ne vaut pas pour le seul Maudgalyayana, mais pour tous les auditeurs-shravakas, et tous ceux qui, en cette époque des Derniers jours du Dharma, accordent la plus haute importance à l'observance des préceptes. Comparé au Sutra du Lotus, ce Sutra Vimalakirti que je viens de citer n'est rien de plus qu'un serviteur de bas étage, d'un rang bien inférieur à celui des courtisans. En réalité, le vénérable Maudgalyayana n'avait pas encore atteint la bodhéité. Et s'il n'était pas lui-même bouddha, comment aurait-il pu soulager les souffrances de ses parents ? A plus forte raison, comment aurait-il pu sauver les autres ? Plus tard, cependant, en suivant l'enseignement du Sutra du Lotus qui préconise de "rejeter sincèrement les enseignements provisoires", (réf.) le vénérable Maudgalyayana s'écarta immédiatement des deux cent cinquante préceptes du Hinayana et récita Namu Myoho Renge Kyo. Par la suite, Maudgalyayana atteignit la bodhéité et reçut le nom de Tamaraba Sendanko (Bouddha répandant le parfum du bois de santal Tamalapattra). Et à ce moment-là, son père et sa mère atteignirent également la bodhéité. Car, comme il est dit, dans le Sutra du Lotus : "Alors nos vœux seront exaucés et les aspirations de la multitude des autres seront également satisfaites." (réf.) Maudgalyayana hérita son corps de ses parents. Par conséquent, quand son corps (et son esprit) parvinrent à la bodhéité, le corps de ses parents y parvint également. [On connaît d'autres cas semblables.] Il y eut, par exemple, Kiyomori, chef militaire du clan Taira et gouverneur d'Aki, qui vécut sous le règne du 81e souverain, l'empereur Antoku. De bataille en bataille, Kiyomori vainquit tous les ennemis du pays. Il parvint ainsi peu à peu au poste le plus élevé du gouvernement, celui de Premier ministre de l'État. Il avait pour petit-fils l'empereur Antoku. Tous les membres de son clan étaient admis au palais et avaient obtenu des positions importantes. Kiyomori gouvernait à sa guise le Japon tout entier, avec ses soixante-six provinces et ses deux îles, et les gens se pliaient à sa volonté comme les plantes et les arbres s'inclinent sous un grand vent. Mais, devenu arrogant et bouffi d'orgueil, il en vint à mépriser les divinités et les bouddhas, et voulut soumettre les gardiens des sanctuaires et les moines bouddhistes. Ainsi, les moines du Mont Hiei et des sept temples principaux de Nara devinrent ses ennemis. Finalement, le 22e jour du 12e mois de la 4e année de l'ère Jisho (1180), il alla jusqu'à faire incendier deux de ces sept temples, Todai-ji et Kofuku-ji. La rétribution de cette faute grave ne tarda pas à se manifester dans le corps même du grand ministre et moine-laïc. L'année suivante, 1ère année de l'ère Yowa, le 4e jour du 2e mois intercalaire, [ayant contracté de la fièvre], il se mit à brûler comme un morceau de charbon, son visage émettant des flammes, comme si son corps était devenu combustible. Pour finir, ce fut comme si tout son corps avait pris feu et il mourut de cette fièvre. Les effets de son grand crime retombèrent ensuite sur son deuxième fils, Munemori. On l'avait cru noyé dans la mer de l'Ouest [au cours de la bataille navale de Dan-no-ura], mais son bateau réapparut à l'horizon, toujours flottant, à l'est ; et il fut capturé, enchaîné et contraint de s'agenouiller devant le général de la Droite, Minamoto no Yoritomo. Le troisième fils de Kiyomori, Tomomori, se jeta dans la mer et mourut noyé, son corps se confondant avec les excréments de poissons. Quant à son quatrième fils, Shigehira, il fut fait prisonnier et ligoté, et, après avoir été traîné à travers tout Kyoto et Kamakura, il fut finalement livré aux sept temples principaux de Nara. Là, une grande foule, près de cent mille adeptes de ces temples, se rassembla. L'un après l'autre, en le traitant d'ennemi du Bouddha, chacun lui donna un coup de sabre. Les mauvaises actions les plus graves ont des conséquences qui n'affectent pas seulement la personne qui les commet. Leurs effets rejaillissent sur leurs enfants, leurs petits-enfants, et ainsi de suite jusqu'à la septième génération. Et le même principe vaut pour les plus grandes actions de bonté. Le vénérable Maudgalyayana eut foi dans le Sutra du Lotus, expression du bien suprême, si bien que non seulement il put lui-même atteindre la bodhéité mais il permit à son père et sa mère d'y parvenir aussi. Plus encore, ses ancêtres et descendants des sept générations précédentes et des sept générations suivantes, et même d'innombrables vies antérieures et à venir, aussi étonnant que cela puisse paraître, parvinrent à la bodhéité. De plus, leurs fils, leurs époux ou leurs épouses, leurs serviteurs, leurs soutiens et d'innombrables autres, non seulement s'échappèrent des trois mauvaises voies mais parvinrent tous à la première étape de sécurité, puis à la bodhéité, étape de l'illumination parfaite. C'est pourquoi il est dit, dans le troisième volume du Sutra du Lotus : "Nous demandons humblement que les mérites liés à ces dons se répandent largement et soient partagés avec tous, afin que nous, accompagnés de tous les autres êtres vivants, puissions entrer ensemble sur la voie du Bouddha". (réf.) En pensant à tout cela, je me souviens que vous avez un petit-fils, Jibubo, qui est moine bouddhiste. Il n'observe pas les préceptes et il est dépourvu de sagesse. Il ne respecte aucun des deux cents cinquante préceptes, ni la moindre des trois mille règles de conduite (note). Son manque de sagesse pourrait le faire entrer dans la catégorie des bœufs ou des chevaux, et son inobservance des règles de conduite pourrait l'apparenter à un singe. Mais il vénère le Bouddha Shakyamuni et croit dans l'enseignement du Sutra du Lotus. Il est donc comparable à un serpent saisissant un joyau dans sa gueule, ou à un dragon portant sur sa tête des reliques sacrées. Les glycines, en s'enroulant autour d'un pin, peuvent s'élever jusqu'à mille pieds, et une grue, grâce à ses ailes, peut parcourir plus de dix mille lieues. Ce ne sont pas leurs seules forces qui leur permettent d'y parvenir. Il en va de même pour votre petit-fils, le moine Jibu-bo. Même s'il est lui-même semblable à la glycine, parce qu'il s'accroche au pin qu'est le Sutra du Lotus, il pourra gravir la montagne de l'illumination parfaite. Grâce aux ailes du Véhicule unique, il pourra prendre son essor dans le ciel de la lumière paisible. Avec de pareilles ailes, il sera un moine capable, par sa prière, d'apporter du réconfort non seulement à ses parents et à ses grands-parents mais aussi à tous ses ascendants jusqu'à la septième génération. Quelle chance que d'avoir pour petit-fils un tel trésor ! La fille du Roi-Dragon, grâce au don qu'elle fit du joyau qu'elle possédait, obtint la bodhéité. Vous avez fait don de votre petit-fils pour en faire un pratiquant du Sutra du Lotus, et cela vous vaudra d'obtenir la bodhéité. J'ai trop à faire dans divers domaines en ce moment et dois arrêter ici cette lettre. Je vous écrirai encore. Avec tout mon respect, Le 13e jour du 7e mois. ARRIERE-PLAN - Nichiren Daishonin envoya
cette lettre le 13e jour du 7e mois de 1279, à la grand-mère
de Jibu-bo Nichii qui était l'un de ses disciples. Il l'écrivit
en réponse aux offrandes qu'elle avait faites juste avant le
festival annuel d'Urabon. Ce gosho est aussi connu sous le titre de
"Lettre à la grand-mère de Jibu-bo", et Nichiren
Daishonin y donne une explication détaillée de l'origine
de ces cérémonies. D'autres dates sont parfois avancées
concernant la rédaction de ce gosho. Selon certains, il aurait
été écrit en 1277, selon d'autres en 1280. En anglais : On the Urabon ou On Offerings for Deceased Ancestors - http : //www.sgilibrary.org/view.php?page=817&m=1&q=On%20Deceased%20Ancestors |
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