Commentaire
Lettre aux moines du temple Seicho-ji
Lettres et traités de Nichiren Daishonin. ACEP
Nichiren Shonin's Writings Study Series
Nichiren Buddhhist International Center - Hayward California 2004
Gosho Zenshu p. 893 - Seicho-ji Daishuchu

Minobu, le 11 janvier 1276 aux moines du temple Seicho-ji sur le Mont Kiyosumi


L’ARRIERE PLAN

Nichiren écrivit cette lettre sur le Mont Minobu, le 11 janvier 1276, aux moines résidents du temple Seicho-ji. Il avait alors 55 ans.

Treize pages de la lettre originale ont été conservées au temple Kuon-ji, sur le Mont Minobu. Cependant, l’original fut perdu dans l’immense incendie qui ravagea le Mont Minobu en 1875. Selon des sources très précoces, le texte original avait, en fait, quatorze ou quinze pages, mais les deux dernières pages furent perdues avec le temps.

La Lettre aux Moines du Seicho-ji s’ouvre par les vœux de Nouvel An et poursuit avec une requête en vue d’emprunter des documents concernant les écoles Shingon et Tendai. La lettre continue avec les deux passages suivants :

"Un certain nombre de moines Shingon ont, récemment, vociféré violemment contre moi, tandis qu’ils organisent un débat religieux. J’ai besoin de ces documents afin de me préparer au débat. C’est pourquoi je vous demande cette faveur"

et celui-ci,

"Cette année, la question de savoir, parmi tous les enseignements bouddhiques lesquels sont corrects et lesquels erronés sera définitivement résolue."

On pense que c’est vers cette époque que Nichiren a commencé à révéler les erreurs qu’il avaient trouvées dans les doctrines et la philosophie du bouddhisme Shingon.

En 1274, deux ans avant la rédaction de la Lettre aux Moines du Seicho-ji, 25 000 soldats mongols et coréens se rassemblèrent en une force alliée au large de la côte du Japon méridional et poursuivirent leur route en direction des îles japonaises qu’ils voulaient envahir. Ce fut l’un des moments les plus périlleux de l’histoire japonaise. Cependant, en raison de vents torrentiels subits, les forces alliées furent obligées de battre en retraite et le Japon fut épargné. Cet épisode de l’histoire japonaise est connu sous le nom d’Evénements de Bunei.

L’année suivante, l’empire mongol chercha une nouvelle fois à envahir le Japon. A ce moment là, les Mongols envoyèrent un émissaire pour que les Japonais se soumettent à leur autorité. Le gouvernement japonais répondit aux demandes en faisant décapiter l’émissaire sur le terrain d’exécution de Tatsunokuchi. Le shogunat organisa à la hâte des préparatifs militaires pour faire face à une attaque. Tandis que commençait l’année 1276, le gouvernement rassembla les troupes sur la côte du Japon méridional et éleva une barrière le long de la côte pour se préparer à une confrontation avec les Mongols.

L’inquiétude s’empara de tout le pays devant la menace imminente d’une autre invasion par les Mongols. Cette lettre fut composée dans le contexte d’une société qui était à ce point perturbée.

Le gouvernement shogunal de Kamakura ordonna à tous les temples et sanctuaires du pays – en particulier les temples Shingon – de prier pour la protection du pays contre une invasion. Nichiren critiqua l’ordre donné par le gouvernement et prévint que des prières basées sur des doctrines erronées seraient non seulement sans utilité, mais qu’elles attireraient la ruine du pays. En conséquence, on pense que Nichiren attendait que les moines Shingon le défient dans un débat puisqu’il avait auparavant condamné leurs pratiques face à l’invasion attendue.

Le 25 octobre 1275, l’année précédant celle à laquelle cette lettre fut écrite, un moine Shingon nommé Gonin avait adressé une pétition à Nichiren avec des questions difficiles et l’avait défié en vue d’un débat privé. En réponse, Nichiren dit qu’il n’y aurait pas de mérite à un débat privé. Il suggéra, à la place, qu’un débat soit tenu dans un forum public organisé par des voies officielles. Dans cette réponse, la Réponse à la Pétition de Gonin (écrite le 26 décembre 1275 – le manuscrit original existe toujours), Nichiren soulignait le caractère correct des doctrines du Sutra du Lotus et les erreurs du Shingon et des doctrines ésotériques Tendai.

Dans la lettre d’accompagnement du Hoonsho (Traité sur la Dette de Reconnaissance), intitulée Ho-on-sho Somon, datée du 26 juillet 1276, Nichiren écrivait : ..."depuis que j’ai entendu dire, par des cercles privés, qu’il pourrait y avoir un débat religieux, j’ai rassemblé beaucoup de monde pour parcourir tous les sutras et les différents commentaires pour moi".

En outre, il explique, dans la Lettre aux Moines du Seicho-ji, la corrélation qui existe entre le fait de propager le Sutra du Lotus et celui de souffrir la persécution, et il met en garde les moines du Seicho-ji. On pense que Nichiren avait aussi l’intention d’exposer ses doctrines aux moines du Seicho-ji parce qu’il a écrit en post-scriptum : "Faites, je vous prie, que cette lettre soit lue à haute voix par les moines Sado-ko Niko dono et Suke Ajari Go-bo devant la statue du bodhisattva Kokuzo pour que tous les moines du Seicho-ji l’entendent.".

On pense pour cette raison que le but de Nichiren en écrivant cette lettre était de rassembler les documents nécessaires pour le débat à venir et d’instruire les moines du Seicho-ji. Il exposait aussi clairement dans cette lettre, .ses critiques de l’école Shingon.

Nichiren et ses relations avec le temple Seicho-ji

Nichiren devint novice, puis fut ordonné moine au temple de Seicho-ji. C’est là aussi qu’il fonda son enseignement et son école du bouddhisme.

Le temple Seicho-ji est situé dans les montagnes et domine le village de Kominato dans l'actuelle préfecture de Chiba. Il fut fondé, à l’origine, par un moine nommé Fushigi, en 771, et il fut restauré par le Grand-maître* Jikkaku Ennin* pendant l’ère Jowa (838-847).

Nichiren entra pour la première fois au temple Seicho-ji en 1233, à l’âge de douze ans. Son maître était Dozen-bo. On pense que le temple Seicho-ji appartenait, à cette époque, au lignage Yokawa de l’école Tendai du bouddhisme basée au Mont Hiei. A l’âge de seize ans, Nichiren fut ordonné sous le nom de Zensho-bo Rencho. A l’âge de dix-sept ans, il quitta le Seicho-ji pour la ville de Kamakura, afin d’étudier les doctrines des écoles Zen et de la Terre pure. Après être revenu brièvement au temple Seicho-ji à l’âge de 21 ans, il partit pour la région du Kansai afin de poursuivre ses recherches. Il visita tous les principaux temples à Kyoto, Osaka, et dans les autres villes du Kansai. Pendant qu’il était là, il étudia en profondeur les doctrines de toutes les six écoles traditionnelles du bouddhisme de Nara (les écoles Kusha, Jojitsu, Sanron, Ritsu, Hosso, et Kegon), ainsi que les doctrines ésotériques de l’école Shingon du Mont Koya, les doctrines du Véhicule unique de l’école Tendai du Mont Hiei, et d’autres. En 1253, il revint à nouveau au temple Seicho-ji.

Le 28 avril de cette année là, sur l’allée sud du Hall de prières qui porte le nom de Jibutsudo, Nichiren s’adressa à une salle comble pour annoncer ce qu’il avait découvert être le dessein véritable du Bouddha Sakyamuni, et proclama sa foi pure en la doctrine de Namu Myoho Renge Kyo. L’école Nichiren commémore ce jour comme l’anniversaire de la proclamation des enseignements de Nichiren et de la fondation de l’école Nichiren.

Le seigneur local Tojo Kagenobu, et plusieurs autres, devinrent furieux en entendant cette profession de foi dans le Sutra du Lotus et chassèrent Nichiren du Seicho-ji. En outre, il fut désavoué par son maître Dozen-bo.

Malgré cela, Nichiren continua à exprimer un profond respect et un sentiment d’estime pour son maître. Plusieurs années plus tard, en 1276, quand Nichiren vivait au Mont Minobu, il apprit que son maître Dozen-bo était mort. Il composa immédiatement son Hoonsho (Traité sur la Dette de Reconnaissance). Il envoya son disciple [Mimbu Niko] au Seicho-ji avec cette lettre, et la lui fit lire sur la tombe de Dozen-bo comme offrande à son maître bien aimé.

Nichiren continua ses relations avec les moines du temple Seicho-ji, en particulier avec deux d’entre eux qui avaient été, à un moment, ses aînés. Ces deux moines, Joken-bo et Gijo-bo, enseignèrent les doctrines de Nichiren au Seicho-ji et facilitèrent les échanges entre le temple et Nichiren.

Après la mort de Nichiren, le temple s’affilia à l’école Shingon du bouddhisme. Toutefois, le 16 février 1947, le Seicho-ji devint un temple de la Nichiren Shu et fut rendu au bouddhisme de Nichiren. Depuis lors, la Nichiren Shu a fermement protégé la sainteté de ce complexe religieux en tant que lieu de l’ordination de Nichiren en qualité de moine et lieu où il révéla pour la première fois ses enseignements et fonda son école de bouddhisme.

LA PREPARATION A LA CONFRONTATION PUBLIQUE

Il n’y a personne qui ait aussi activement débattu avec les autres écoles bouddhistes que Nichiren. Son désir d’éclaircir la vérité concernant la doctrine et la tradition bouddhistes correctes se voit dans ses quatre maximes : les enseignements du Nembutsu mènent à l’enfer des souffrances incessantes, le bouddhisme Zen est l’œuvre du Roi-Démon du sixième Ciel, le Shingon détruit le pays, et le Ritsu est déloyal.

En développant ces idées, Nichiren lut et réunit, de façon quotidienne, de l’information provenant de différentes sources tels que les sutras et autres traités bouddhiques. Nombre d’écrits de Nichiren furent composés pour contester ces institutions religieuses. Pourquoi Nichiren a-t-il tant travaillé pour réfuter les autres écoles bouddhistes  ? Cela peut nous aider de se rappeler qu’il a créé le concept de "pays pacifique et stable grâce à l’établissement du bouddhisme correct", ou Rissho Ankoku, qui affirme que le bien et le mal que rencontre une société sont un résultat direct du fait que l’on embrasse des doctrines bouddhiques correctes ou erronées. Il demanda au gouvernement de Kamakura d’autoriser un débat public sur ces questions. La réalisation de ces débats publics devint, pour Nichiren, l’un de ses plus importants objectifs.

La Lettre aux moines du Seicho-ji dit :

"Permettez moi de vous transmettre mes plus chaleureuses félicitations pour la nouvelle année qui arrive. Comme vous ne m’avez pas rendu visite au Mont Minobu l’année dernière, j’étais devenu inquiet que quelque chose de malheureux ait pu vous arriver. Cependant, il a dû y avoir une raison importante pour laquelle vous n’avez pas pu venir. Si vous avez la possibilité de venir visiter le Mont Minobu, pourriez vous, je vous prie, emprunter, au moine Ise-ko, le Jujushin Ron*, le Hizo Hoyaku*, le Nikyo-ron*, et d’autres commentaires de l’école Shingon, et me les apporter ?

Un certain nombre de moines Shingon ont, récemment, vociféré violemment contre moi, tandis qu’ils organisent un débat religieux. J’ai besoin de ces documents afin de me préparer au débat. C’est pourquoi je vous demande cette faveur. De plus, j’ai entendu dire qu’il possède aussi d’autres œuvres. Je retournerai ces écrits dès que possible et j’apprécierais que vous puissiez les lui emprunter pour moi. Cette année sera, sans aucun doute, une année au cours de laquelle les enseignements véritables et erronés du bouddhisme seront clairement exposés."

Les chemins qui se divisent et qui montent,
Et qui conduisent au pied de la montagne, sont nombreux.
Mais est-ce que la lune peut être vue aussi bien
Depuis les différents pics élevés  ?

Comme ce poème didactique le dit, l’idée est largement répandue selon laquelle toutes les religions partent du même point et y arrivent. En d’autres termes, on pense souvent que toutes les religions sevalent. Nichiren n’acceptait pas ce point de vue, comprenant que "dans les différentes doctrines bouddhistes à travers le monde, il existe à la fois des enseignements véritables et erronés.". Il comprit en outre que "Le Sutra du Lotus est le Roi de tous les sutras.". En conséquence, Nichiren débattit souvent publiquement avec les moines des autres écoles bouddhistes, en tentant de corriger leurs opinions fausses. Par suite de cela, il eut à subir de nombreuses persécutions. C’est un point dont nous devons tenir compte.

Note :

Le Débat de Tsukahara eut lieu le 16 janvier 1272, l’année suivant l’arrivée de Nichiren à l’île de Sado, pendant son exil à cet endroit. Les bouddhistes de la Terre Pure arrivèrent au débat en s’écriant : "Tuez l’exilé Nichiren  ! ". Le seigneur Shigetsura admonesta les moines bruyants, en disant : "Si vous êtes vraiment des moines bouddhistes, alors essayez de l’emporter sur Nichiren dans un débat religieux."

De nombreux moines de la Terre Pure se rassemblèrent devant le Sanmaido (note), criant : "Laissez moi avec ce Nichiren, je vais le coincer." Cependant, après avoir écouté leurs explosions de cris, Nichiren les mit en garde d’une voix forte  : "Du calme  ! N’êtes vous pas venus ici pour participer à un débat afin d’examiner les doctrines du bouddhisme  ? ". Comme douchée, la foule devint soudain silencieuse. Le débat commença. Tous ceux qui regardaient notèrent l’entrée courageuse de Nichiren. Aussi aisément qu’une épée tranchante transperce un melon, ou qu’un grand typhon fait courber l’herbe, Nichiren subjugua les autres débatteurs.

En essayant de reconstituer ce qui a pu être discuté au cours du débat, en dehors de points de la doctrine bouddhique, on pense que l’échange suivant s’est sans doute produit. Quand un moine Shingon déclara  : "le Sutra Mahavairocana explique les enseignements du Bouddha Vairocana* qui est beaucoup plus grand que le Bouddha Sakyamuni", Nichiren répondit  : "Dites moi les noms des parents du bouddha du Vairocana, son lieu de naissance, et là où il est mort." Ces débats mettaient souvent en scène des réponses humoristiques comme celles-ci. Nichiren présentait des réfutations rapides, laissant ses adversaires embarrassés pour répondre.

En anglais Letter to the Priests of Seicho-ji
- commentaires : http : //nichiren.info/gosho/LetterPriestsSeichoji.htm

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