Un bouddhisme pour notre temps

Une interprétation moderne du Triple Sutra du Lotus par
Niwano Nikkyo
traduit de A Buddhism for today (Kosei Publishing Co - 2006)

Voir : SUTRA DU LOTUS - CHAPITRE XIII

Exhortation à rester ferme

En japonais ce chapitre est appelé Kanji-hon. Kan signifie exhorter les autres à l'enseignement, tandis que ji signifie tenir ou recevoir et garder. Ce chapitre raconte comment de vertueux bodhisattvas qui, grâce aux sermons du Bouddha, avaient bien compris à quel point l'enseignement du Sutra du Lotus était précieux, prirent la ferme résolution de propager ce Sutra dans des pays étrangers après le parinirvana du Bouddha. Ce chapitre raconte aussi comment, devant le Bouddha, ils émirent le vœu de mettre le Sutra en pratique. Avant d'exhorter les autres, nous devons nous-mêmes être fermement résolus à exposer l'enseignement. Il est remarquable que le titre Exhortation à rester ferme ne concerne pas l'exhortation des autres mais la résolution et le vœu des bodhisattvas eux-mêmes. C'est un point que nous devons garder à l'esprit.

Dans ce chapitre, le Bouddha prédit l'Éveil Parfait de deux femmes, Gautami et Yashodhara. Gautama était la soeur de la mère du Bouddha, Mahamaya; celle-ci mourut peu après avoir donné naissance à Siddharta, et Gautami éleva le petit garçon. Son affection pour lui fut celle d'une mère véritable et elle fut appelée Bhiksuni (moniale) Mahaprajapati (voie de la grande affection). Bhiksuni Yashodhara avait été l'épouse de Siddharta et la mère de Rahula. Lorsque le roi Suddhodana, mourut, ces deux femmes souhaitèrent sincèrement devenir les disciples immédiats du Bouddha. Elles accumulèrent les pratiques religieuses comme des bhiksunis irréprochables.

Dans ce chapitre, le Bouddha prédit l'Éveil Parfait à deux femmes, Gautami et Yashodhara. Gautami était la sœur de la mère du Bouddha, Mahamaya qui mourut peu après avoir donné naissance à Siddharta ; Gautami éleva le petit garçon. Elle l'aima comme une mère véritable et reçut le nom de bhikshuni Mahaprajapati (moniale Voie de la grande affection). Bhikshuni Yashodhara était l'épouse de Siddharta et la mère de Rahula. Lorsque le roi Suddhodana, mourut, ces deux femmes souhaitèrent sincèrement devenir les disciples directs du Bouddha. Elles accumulèrent les pratiques religieuses comme des bhikshunis irréprochables.

On peut s'étonner que le Bouddha les ait nommées seulement à la fin de ses prédictions, après la fille du Roi-Dragon, une fillette âgée de seulement huit ans, une disciple indirecte puisqu'elle avait été instruite par Manjushri. Cette priorité peut s’expliquer. D'abord, comme déjà indiqué dans l'explication de la prédiction du Bouddha concernant les personnes les plus proches du Bouddha : Ananda et à Rahula, la bhikshuni Mahaprajapati qui l'avait élevé depuis qu'il était bébé et la bhikshuni Yashodhara qui avait été sa femme et qui était la mère de son fils, cette intimité risquait d'être plutôt un obstacle plutôt qu'une aide à leur pratique. Le Bouddha nous enseigne que la fille du Roi-Dragon, qui ne vit pas dans l'entourage du maître, peut facilement recevoir le Dharma, alors que de grandes difficultés peuvent surgir quand il s'agit d'enseigner aux proches, comme des parents ou un conjoint. Mais la prédiction plus tardive du Bouddha à Mahaprajapati et à Yashodhara ne signifie pas qu'elles étaient considérées comme inférieures à la fille du Roi-Dragon.

Toutes les créatures deviendront bouddhas

Ce texte signifie aussi que tant que l'enseignement est transmis correctement et tant qu'il est reçu avec humilité, n'importe qui peut obtenir l'Éveil. Si une personne reçoit l'enseignement juste, elle peut être sauvée. Que l'on soit un disciple direct de Shakyamuni ou qu'on soit né après son parinirvana, ou si l'on vienne d'un pays étranger, personne n'est privé de la possibilité de devenir bouddha. La fille du Roi-Dragon, âgée de huit ans, représente l'esprit réceptif d'un enfant. Elle montre l'immensité infinie de l'enseignement du Bouddha ; cela nous dit que tous peuvent être sauvés à égalité sans tenir compte de la nationalité et qu'ils soient des êtres humains ou non. Les déclarations du Bouddha relatées dans ce chapitre ont une signification bien plus profonde que la seule révélation que les femmes aussi peuvent atteindre l'Éveil.

Il semble qu'à l'époque actuelle, les femmes soient bien plus proches de la religion que les hommes. Il y a diverses raisons à cela, mais la plus profonde et la plus importante est que les femmes engendrent la génération suivante, elles donnent la vie. La plupart des hommes sont harcelés par leur travail. On peut dire que l'homme doit travailler le plus possible pour entretenir sa famille tandis que la femme se consacre à perpétuer ce pourquoi l'homme travaille. Les femmes pensent instinctivement à la vie future et à la vie éternelle, même si elles n'en ont pas conscience. Leur sentiment religieux en est donc naturellement plus fort.

Les femmes pratiquent les disciplines religieuses avec beaucoup de zèle. Elles ont une grande patience dans des tâches qui demandent à être souvent répétées. Elles ne se lassent pas de tricoter mille fois maille après maille. La discipline n'est rien d'autre que la patiente répétition de ce que l'on estime profitable au corps ou à l'esprit.

Il ne faut pas croire pour autant que les hommes manquent complètement de ces qualités féminines. Lors de mon service dans la marine japonaise, je tricotais à bord avec d'autres marins. J'étais capable de tricoter des gants et des chaufferettes abdominales aussi bien que les femmes. Lorsque les circonstances l'exigent, les hommes peuvent déployer autant de patience que les femmes. Mais si notre patience n'égale pas celle des femmes, il ne faut pas se décourager. Comme dit dans le chapitre 5, hommes et femmes ont tous la possibilité d'être sauvés, quelles que soient leurs différences individuelles.

Venons en maintenant au sujet principal du chapitre XIII. Toute la Grande assemblée fut profondément émue par la scène bouleversante de la Fille du Roi-dragon devenant un bouddha.

« A ce moment, le bodhisattva-mahasattva Bhaishajyaraja* (Yakuo) ainsi que le bodhisattva-mahasattva Mahapratibhana*, en compagnie d'une suite de vingt mille bodhisattvas, firent tous ce serment devant le Bouddha: "Notre seul souhait est que le Bhagavat ne s'inquiète pas; après le parinirvana du Bouddha, nous sauvegarderons, lirons, réciterons et exposerons ce Sutra. Les êtres des âges mauvais (tojo kengo) qui viendront plus tard verront leurs racines de bien aller diminuant et croître leur outrecuidance; avides d'offrandes lucratives, ils s'accroîtront en racines néfastes et s'éloigneront de la délivrance. Il sera difficile de les convertir par l'enseignement, et pourtant nous susciterons en nous une grande force de patience pour lire et réciter ce texte, le garder, le prêcher, le recopier, lui faire offrande de toutes manières sans ménager notre vie corporelle."»

La devise des disciples du Sutra du Lotus "N'épargne ni ton corps ni ta vie pour la cause du Dharma" vient de ce passage.

« Ensuite, les cinq cents arhats de l'Assemblée et les huit mille apprentis et ceux qui étaient au-delà de l'étude firent ce voeu: "Bhagavat*, nous aussi nous prêcherons largement ce Sutra en d'autres univers. Pourquoi cela? C'est que les hommes, en ce monde Saha, abondent en vices; ils ont l'outrecuidance au coeur et bien minces sont leurs mérites, coléreux, corrompus, flagorneurs, tortueux qu'ils sont, car leur pensée est sans réelle consistance."»

Alors, la tante du Bouddha, bhikshuni Mahaprajapati, ainsi que six mille bhikshunis, novices et au-delà de l'étude se levèrent de leur siège, joignirent les mains et se tournèrent avec dévotion vers le visage vénéré sans en détacher les yeux. Le Bhagavat s'adressa alors à Gautami :

« "Pourquoi fixes-tu l'Ainsi-Venu, l'air si contrarié? Ne serait-ce pas que tu te dis en ton coeur que je n'ai pas cité ton nom en conférant les prédictions (note) d'Éveil complet et parfait sans supérieur*? Gautami (note), j'ai commencé par expliquer de façon générale que c'est à l'ensemble des auditeurs-shravakas* que la prédiction était conférée"».

Quiconque désire obtenir l'Éveil et se consacrer au Dharma deviendra certainement un bouddha indépendamment du fait d'être un homme ou une femme.

Parlant ainsi, le Bouddha conféra sa prédiction de l'Éveil Parfait à la bhikshuni Mahaprajapati et aux six mille bhikshunis novices et au-delà de l'étude.

La mère de Rahula, bhikshuni Yashodhara, pensa alors :

« Dans les prédictions qui ont été conférées, il n'y a que mon nom que le Bhagavat n'ait pas prononcé.»

Mais elle était déterminée à s'efforcer de pratiquer la voie de bodhisattva aussi fort que possible. Elle voulait vraiment que le Bouddha lui prédise l'Éveil Parfait. Alors, le Bhagavat, percevant ses pensées, lui conféra immédiatement la prédiction de l'Éveil. Ensuite bhikshuni Mahaprajapati et bhikshuni Yashodhara accompagnées de leur suite se réjouirent grandement et le remercièrent sincèrement. Les bhikshunis déclarèrent au Bouddha qu'elles s'efforceraient de propager le Sutra du Lotus dans les autres pays.

« A ce moment, le Bhagavat fixa du regard les huit cent mille myriades de milliards de bodhisattvas-mahasattvas. Ces derniers, qui étaient tous parvenus à l'étape de non-régression, ayant mis en branle l'irréversible roue du Dharma, ayant acquis les formules détentrices (dharani), se levèrent aussitôt de leur siège, arrivèrent devant l'Éveillé et, d'un seul coeur, les paumes jointes, se firent cette réflexion: "Si le Vénéré du monde nous ordonne de préserver et de prêcher ce Sutra, nous propagerons amplement ce Dharma conformément à l'enseignement du Bouddha. Si le Seigneur Honoré nous commandait d'observer et d'exposer ce Sutra nous proclamerions à l'étranger ce Dharma tel que le Bouddha l'a enseigné. Le Bouddha est maintenant silencieux. Il ne nous ordonne pas ; qu'allons-nous faire?"

« Alors les bodhisattvas, dans leur docile respect de l'intention du Bouddha, désireux en même temps d'accomplir eux-mêmes leur voeu originel, émirent devant l'Éveillé leur rugissement de lion et prononcèrent ce serment: "Bhagavat, après le parinirvana de l'Ainsi-Venu, nous parcourrons les mondes des dix directions, pérégrinant afin de pouvoir mener les êtres à copier et recopier ce Sutra, à l'accepter, le préserver, le lire, le réciter, à en comprendre et exposer le sens, à le pratiquer conformément au Dharma, à le garder correctement en mémoire; tout cela grâce à l'autorité puissante du Bouddha. Notre seul souhait est que le Bhagavat, qui sera ailleurs, nous surveille et nous protège de loin.

« Alors les bodhisattvas élevèrent la voix de concert et s'exprimèrent en stances :

« Ne te fais point de souci, c'est notre seul souhait :
après le passage du Bouddha en parinirvana,
dans un âge mauvais et effrayant,
nous prêcherons amplement.
Il y aura des ignorants
pour nous calomnier, nous insulter,
nous agresser par le sabre et le bâton,
mais nous les prendrons en patience.
Dans les âges mauvais, les bhiksus*
auront la sagesse pervertie, leur pensée sera tortueuse ;
ils estimeront avoir obtenu ce qu'ils n'ont pas encore
et seront remplis d'orgueil.
Il y aura aussi des ermites aranyaka (note)
vêtus de haillons, dans des lieux déserts,
qui s'estimeront pratiquants de la vraie voie
et mépriseront les hommes;
dans leur avidité d'offrandes lucratives,
ils exposeront le Dharma aux "habits blancs" (note),
afin d'être respectés du monde
comme des arhats aux six pouvoirs.
Ces gens auront au coeur de mauvaises pensées,
toujours préoccupés des viles affaires du monde,
ils emprunteront le nom d'aranyaka (note)
et se plairont à faire ressortir nos fautes,
tenant des propos tels que ceux-ci.»

Les trois grands ennemis

D'après les paroles des bodhisattvas, on distingue trois sortes d'arrogance.

- Premièrement, certaines personnes irresponsables maudissent et persécutent les disciples du Sutra du Lotus, même s'ils ne connaissent rien de l'enseignement. Ce sont "les personnes d'arrogance séculière" (zokushu-zojoman).
- Deuxièmement, certains religieux présument que même un enseignement sans valeur est bon, se moquent du Sutra du Lotus et entravent ceux qui le prêchent. Ce sont les "personnes d'arrogance religieuse" (domon-zojoman).
- Troisièmement, certains religieux, nourrissant le désir de renom et de richesse, s'affublent d'un air grave de sainteté. Comme ils prétendent avoir transcendé le niveau mondain, beaucoup de personnes influentes les suivent. Leur vie spirituelle et leurs enseignements sont négatifs.  C'est pourquoi le Sutra du Lotus les gêne car c'est un enseignement positif destiné à sauver des gens ordinaires ; ils essayent donc de persécuter les disciples du Sutra et d'entraver sa propagation. Ceux-ci sont les "personnes d'arrogance excessive" (sensho-zojoman ) face aux disciples du Sutra du Lotus. Ce troisième groupe est le plus virulent.

Peu importe comment ces Trois grands ennemis peuvent persécuter les disciples du Sutra du Lotus, ces derniers doivent le transmettre largement sans quitter l'état de perfection qu'ils ont atteint. Cette détermination s'exprime par les paroles suivantes des bodhisattvas :

« Ne te fais point de souci, c'est notre seul souhait :
après le passage du Bouddha en parinirvana,
dans un âge mauvais et effrayant,
nous prêcherons amplement.
Il y aura des ignorants
pour nous calomnier, nous insulter,
nous agresser par le sabre et le bâton,
mais nous les prendrons en patience.
Dans les âges mauvais, les moines
auront la sagesse pervertie, leur pensée sera tortueuse ;
ils estimeront avoir obtenu ce qu'ils n'ont pas encore
et seront remplis d'orgueil.
Il y aura aussi des ermites aranyaka (note)
vêtus de haillons, dans des lieux déserts,
qui s'estimeront pratiquants de la vraie voie
et mépriseront les hommes;
dans leur avidité d'offrandes lucratives,
ils exposeront le Dharma aux "habits blancs" (note),
afin d'être respectés du monde
comme des arhats aux six pouvoirs.
Ces gens auront au coeur de mauvaises pensées,
toujours préoccupés des viles affaires du monde,
ils emprunteront le nom d'aranyaka (note)
et se plairont à faire ressortir nos fautes.

« Mais nous, par respect du Bouddha,
tant que nous sommes, nous supporterons ces maux ;
en butte à leur dénigrement, quand ils nous diront :
"Vous êtes certes tous des bouddhas"
ces paroles méprisantes,
nous les supporterons tous avec patience.
En un kalpa souillé, en un âge mauvais,
nombreux seront les sujets de frayeur :
le corps possédé de mauvais démons,
ils nous insulteront et nous aviliront.
Dans notre foi pleine de respect envers l'Éveillé,
nous revêtirons l'armure de la patience
et, pour prêcher ce Sutra,
nous endurerons ces difficultés.
Nous ne ménagerons pas notre vie corporelle
car nous ne tenons qu'à la Voie insurpassable.
Dans les âges à venir,
nous préserverons ce que l'Éveillé nous a confié.
Le Bhagavat doit lui-même le savoir
les mauvais moines de l'âge souillé
ne sauront point que l'Éveillé, en ses moyens appropriés (hoben)
prêche le Dharma en fonction des dispositions ;
ils en médiront, fronceront les sourcils,
et l'on verra encore et encore des expulsions
et bannissements des viharas* et monastères.
De maux aussi nombreux,
parce que nous aurons à l'esprit les directives du Bouddha,
nous endurerons tous l'accomplissement.
Dans les villages et dans les villes,
s'il en est qui recherchent le Dharma,
nous irons tous auprès d'eux
et leur prêcherons le Dharma confié par l'Éveillé.
Nous sommes les envoyés du Bouddha du monde,
nous n'aurons pas peur au milieu des foules;
nous prêcherons le Dharma avec maîtrise.
Nous le souhaitons: que l'Éveillé demeure soulagé !
En présence du Bhagavat
et des bouddhas venus des dix directions,
nous prononçons les paroles de ce serment;
l'Éveillé lui-même connaît notre coeur.»

Ces paroles de confiance et de courage sont vraiment comme un rugissement de lion.

« Dans notre foi pleine de respect envers l'Éveillé,
nous revêtirons l'armure de la patience
et, pour prêcher ce Sutra,
nous endurerons ces difficultés.»

Lorsque les disciples lisent ou récitent ce passage final du chapitre XIII, ils reprennent du courage au fond de leur cœur. Ces vers sont vraiment importants pour tous les disciples du Sutra du Lotus.

Suite

Chapitre XIII du Sutra du Lotus

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