Le Bouddha dit encore : "Par le passé, je fus le roi d'un
grand État sur ce continent de Jambudvipa.
Je m'appelais Sen'yo
et j'aimais et vénérais les écrits du Mahayana.
Mon coeur était pur et bon et ne montrait aucune trace de méchanceté,
ni de jalousie ou d'avarice. Hommes de foi sincère, à cette
époque-là, je révérais les enseignements du
Mahayana dans mon coeur. Un jour
où j'entendis des brahmanes calomnier ces enseignements, je les
mis à mort sur-le-champ. Hommes de foi sincère, il résulta
de cette action que plus jamais je ne suis retombé en enfer."
On peut lire dans un autre passage : "Par le passé, quand
le Tathagata était le souverain
du pays et pratiquait la voie de bodhisattva, il mit à mort un
certain nombre de brahmanes."
Il y est dit encore : "Il y a trois degrés dans le meurtre
: mineur, moyen et majeur. Le degré mineur correspond au meurtre
des animaux, du plus petit comme la fourmi jusqu'au plus gros. Seul le
meurtre d'un bodhisattva qui a délibérément choisi
de naître en tant qu'animal est exclu de cette catégorie.
En commettant un meurtre de ce genre, on tombe dans les voies de l'enfer,
de l'avidité ou de l’animalité, où l’on
subit inévitablement les rétributions qu'entraîne
ce genre d'action. Pourquoi cela ? Parce que même les animaux
possèdent les racines du bien, aussi insignifiantes soient-elles.
C'est pourquoi une personne qui tue de telles créatures doit subir
la pleine rétribution de son offense. Le degré moyen est
constitué par le meurtre d'une personne, depuis un simple mortel jusqu'à un anagamin. Un tel meurtre
aura pour conséquence d'entraîner celui qui le commet dans
les voies de l'enfer, de l'avidité ou de l'animalité où
il subira inévitablement les souffrances propres au degré
moyen. Le meurtre de degré majeur est celui d'un parent, d'un arhat,
d'une personne ayant atteint l'état de pratyekabuddha,
ou bien encore d'un bodhisattva parvenu, au terme de ses efforts, à
un état d'où il ne régresse plus. Pour un tel crime,
on tombera dans l'enfer des souffrances
incessantes. Hommes de foi sincère, si quelqu'un venait à
tuer un icchantika, un tel meurtre
ne tomberait dans aucune de ces trois catégories. Hommes de foi
sincère, ces brahmanes étaient tous des icchantika."
[...]
Le visiteur dit : «
Si nous devons en terminer avec ceux qui s'opposent au Dharma et nous
débarrasser de ceux qui violent les interdits du Bouddha, alors,
devons-nous les condamner à mort comme cela est dit dans les passages
des sutras que vous venez de citer ? Et si nous le faisons, ne nous
rendrons-nous pas nous-mêmes coupables de meurtre, et n'en subirons-nous
pas les conséquences. Dans le Sutra
Daijuku, le Bouddha dit : "Si une personne se rase la tête
et revêt la robe de moine, alors les divinités aussi bien
que les hommes doivent lui faire des offrandes,
qu'elle observe ou transgresse les préceptes. Car, ainsi, c'est
à moi qu'ils font des offrandes puisque cette personne est mon
enfant. Mais si on la frappe et la maltraite, c'est mon enfant que l'on
frappe, et si on la maudit et l'insulte, c'est moi que l'on rabaisse."
Par conséquent, nous devons savoir que tout religieux qu'il soit
bon ou mauvais, qu'il ait raison ou tort, qu'il soit supérieur
ou simple moine, est digne de recevoir offrandes et nourriture. Car, comment
pourrait-on frapper et insulter l'enfant sans causer peine et douleur
au père ? Les brahmanes qui ont tué Maudgalyayana,
le disciple du Bouddha, à coups de bâtons, sont tombés
pour longtemps au fond de l'enfer des souffrances incessantes. Pour avoir
tué la nonne Utpalavarna,
Devadatta suffoqua interminablement
dans les flammes de l'enfer avici.
Ces exemples du passé sont parfaitement clairs, et, aux époques
qui suivent, c'est l'offense qu'il faut redouter plus que tout. Vous parlez
de punir ceux qui s'opposent au Dharma. Une telle action transgresserait
les interdits du Bouddha. J'ai peine à croire que cela soit correct,
comment peut-on le justifier ? "
L'hôte répondit : "Même en voyant clairement les
passages des sutras que j'ai cités, vous posez une telle question
! Est-ce au-delà de ce que votre esprit peut comprendre ? Ou est-ce leur logique qui vous échappe ? Je n'ai certainement
pas l'intention de supprimer les enfants du Bouddha. La seule chose que
je réprouve, c'est l'offense le
Dharma. Dans les enseignements des bouddhas précédant
Shakyamuni, les moines qui s'opposaient au Dharma étaient passibles
de mort. Mais, selon les sutras exposés depuis sa venue, il suffit
d'empêcher que des moines de ce genre reçoivent des offrandes.
Si, aujourd'hui, l'ensemble des Quatre
sortes de croyants à l'intérieur des quatre
mers et des dix mille pays cessait simplement de faire des offrandes
aux mauvais moines pour, au contraire, se consacrer à ce qui est
correct, comment de nouveaux fléaux pourraient-ils survenir et
comment pourrions-nous être confrontés à des désastres ? "
Rissho Ankoku ron (Kamakura-Matsubagayatsu,
juillet 1260)
Toutefois,
alors que ces préceptes font du meurtre un crime d'une extrême
gravité, il est dit que mettre à mort un ennemi du Sutra
du Lotus est un acte extrêmement méritoire. Et si
tel est le cas, comment pourrait-on faire des dons et offrir son soutien à une personne de ce genre ? C'est
pour cela que le roi Sen'yo* fit exécuter cinq cents maîtres brahmanes,
que le moine Kakutoku fit mettre
à mort d'innombrables opposants
au Dharma correct, et que le grand roi Ashoka condamna à mort 108000 non bouddhistes. Ces rois étaient
considérés comme les plus valeureux de tout le Jambudvipa,
et ce moine comme le plus sage parmi ceux observant les préceptes.
Le roi Sen'yo renaquit par
la suite sous la forme du Bouddha Shakyamuni ; le moine Kakutoku sous celle du bouddha Kashyapa,
et le grand roi Ashoka fut reconnu comme ayant atteint la Voie.
Lettre à
Akimoto (Minobu,
le 27 janvier 1280, à Akimo to)
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