Les Trois Dharmas Cachés Ryuei Michael McCormick |
|
Je vais commencer par le Gohonzon (Objet suprême de vénération), qui est représenté derrière moi, sous la forme d'un mandala calligraphié. Ce mandala-ci a été inscrit par le Vénérable Shingaku Oikawa, le fondateur de ce temple, prenant modèle sur les mandalas que Nichiren a créés pour représenter le Gohonzon. De nombreux bouddhistes ont un mandala semblable, enchâssé chez eux, en tant que point d'encrage et de concentration de leur pratique quotidienne. Ainsi donc qu'est le Gohonzon et pourquoi utilisons-nous des mandalas pour le représenter ? Tout d'abord le Gohonzon n'est pas une chose, un objet, mais un événement. C'est la transmission du Dharma Merveilleux par le Bouddha AtemporelShakyamuni durant la Cérémonie dans les Airs. Celle-ci est l'événement central décrit dans le Sutra du Lotus. Le temps me manque pour décrire ici en détail cette Cérémonie, mais il faut savoir que pendant celle-ci le Bouddha révèle que sa vie illuminée transcende les catégories de naissance et mort, soi et les autres, et que cet enseignement a été confié à tous les êtres dans tout l'univers afin qu'ils puissent atteindre l'éveil en se fiant à cet enseignement. En d'autres termes, notre pratique spirituelle dépend de la manifestation dans nos vies de la vie illuminée du Bouddha qui transcende le temps et l'espace, les distinctions entre soi et les autres et qui est à notre disposition à tout moment, pour peu que nous voulions ouvrir les yeux. Nichiren va plus loin en identifiant l'unité de nos vies avec celle illuminée du Bouddha avec les cinq caractères Myohorengekyo qui est le titre du Sutra du Lotus. Myo, Ho, Ren, Ge, Kyo signifie Enseignement (kyo) du Dharma (ho) Merveilleux (myo) de la Fleur (ge) du Lotus (ren). Ces cinq caractères ne sont rien d'autre que la vie éternelle du Bouddha en tant qu'elle n'est en rien différente de la nôtre, et que notre vie n'est en rien différente de celle du Bouddha. Cependant tant que nous n'en prenons pas conscience et n'y accordons notre foi, cela ne nous aide en rien. Notre esprit et notre cœur doivent s'éveiller à la vérité profonde que le Sutra du Lotus essaie de nous faire réaliser. C'est pour cela que nous récitons Namu Myoho Renge Kyo, c'est à dire le Titre Sacré, Daimoku. Namu signifie "je me fie à" ou "je me réjouis dans". Ainsi lorsque nous psalmodions Namu Myoho Renge Kyo, nous confirmons et exprimons notre foi dans les Enseignements Merveilleux du Sutra de la Fleur du Lotus. Nous nous ouvrons à la véritable nature de la réalité en tant qu'elle est la vie illuminée du Bouddha, différente en rien de la nôtre. Par cette confiance nous devenons capables de découvrir la sagesse parfaite et l'immense compassion de la réalité du don de soi dépourvu d'égotisme, qui est le véritable self pur, éternel et pleinement heureux. Ainsi donc la calligraphie sur ce mandala est une description de la transmission par le Bouddha atemporel Shakyamuni à tous les êtres de l'univers, du Dharma Merveilleux qui est Namu Myoho Renge Kyo, écrit au centre en gras caractères. Le nom de Shakyamuni se trouve tout en haut, à gauche du Daimoku, alors que sur la droite se trouve le bouddha Taho, un bouddha primordial qui apparaît dans le Sutra du Lotus pour témoigner de la véracité des enseignements de Shakyamuni. Le reste des idéogrammes du mandala calligraphié représente les noms des personnes de la congrégation qui a assisté à la Cérémonie dans les Airs et qui symbolisent tous les êtres à travers tout l'univers illuminés par la vie éveillée du Bouddha grâce à la pratique de daimoku. Puisque le Gohonzon est la continuité de la transmission du Dharma Merveilleux à chacun de nous, il se trouve tout autour de nous et peut être représenté de plus d'une façon. Par exemple, vous pouvez noter que, dans le temple, il figure sous la forme d'une Tour aux trésors gravée du Daimoku et entourée par les statues de Shakyamuni et de Taho. En face d'eux se trouve la statue de Nichiren, puisqu'il a réalisé ces enseignements dans sa vie et qu'il nous en a fait la transmission. Le deuxième des Trois Grands Dharmas Cachés est Daimoku et je viens justement de le décrire. Daimoku est Namu Myoho Renge Kyo qui signifie "Je prends refuge dans les Enseignements Merveilleux du Sutra de la Fleur du Lotus. C'est l'expression de notre confiance profonde dans les enseignements du Bouddha et notre joie de recevoir les qualités illuminées de la vie du Bouddha dans nos propres vies, permettant à notre nature de bouddha de briller de plus en plus clairement. Le troisième des Trois Grands Dharmas Cachés est le Kaidan, qui désigne l'estrade des préceptes. A l'époque de Nichiren, il fallait se rendre sur une estrade officiellement consacrée et là prendre les trois refuges et accepter les préceptes (ou mode de vie) des pratiquants bouddhistes. C'était la seule façon pour devenir officiellement un disciple du Bouddha en tant que moine ou nonne. Toutefois, Nichiren a enseigné que l'estrade des préceptes devait être basée sur Daimoku quel que soit l'endroit où l'on se trouve et sans distinction entre moines et laïcs. Ce matin, je vous ai parlé des Trois Refuges et du Triple entraînement. J'aimerais les aborder de nouveau dans l'optique des Trois Grands Dharmas Cachés. En regardant le Gohonzon, nous prenons refuge dans le Bouddha, non pas en tant que personne qui a atteint l'Éveil en Inde il y a 2500, ans mais en tant que Bouddha dont la vie illuminée transcende le temps et l'espace et la dualité du soi et des autres. Le Gohonzon est également le point central de notre méditation. Il est la vérité intérieure que nous pouvons discerner en réfléchissant profondément à notre vie. Lorsque nous récitons daimoku, nous prenons refuge dans le Dharma, non pas en tant qu'un ensemble de principes abstraits, mais en tant que véritable nature de la réalité à laquelle nous devons nous éveiller. Daimoku est également la pratique qui développe la sagesse, car c'est l'expression concise de l'Éveil suprême du Bouddha, lequel va au delà de quelque enseignement discursif que ce soit. Lorsque nous activons le Kaidan (lieu de réception des préceptes) par la perpétuation du Dharma Merveilleux, nous prenons le refuge dans le Sangha, non pas en tant que communauté religieuse mais communauté de tous les êtres illuminés par Namu Myoho Renge Kyo. Le Kaidan se manifeste en tout lieu où nous vivons en accord avec le véritable esprit du Dharma Merveilleux ; ainsi, il est la réalisation de la discipline éthique du bouddhisme. En réalité, la pratique du bouddhisme de Nichiren consiste à vivre en étant centré sur le Gohonzon, garder daimoku en toutes circonstances et considérer tout lieu comme un kaidan. C'est, en résumé, transformer toute notre façon de vivre par la foi dans le Dharma Merveilleux du Sutra du Lotus. Cette transformation prend sa source dans la compréhension que l'Éveil du Bouddha est aussi notre propre Éveil. Cependant, cette pratique implique également que l'on consacre certains moments et certains endroits pour prendre une certaine distance par rapport l'agitation trépidante de notre quotidien et pour se ressourcer avec le Dharma Merveilleux. C'est pourquoi les bouddhistes nichireniens enchâssent un mandala-Gohonzon dans leur maison et récitent daimoku matin et soir, avec la lecture des passages clé du Sutra du Lotus ainsi qu'avec certains textes de dévotion qui précisent la signification de notre pratique. Si vous feuilletez notre livret de pratique, vous constaterez que ces diverses prières, dévotions et invocations expriment les thèmes que nous avons abordés aujourd'hui et nous rappellent ce qu'est une vie basée sur le Dharma du Bouddha. Les textes du Sutra du Lotus comportent le premier passage en prose du chapitre II dans lequel le Bouddha révèle pour la première fois l'unité fondamentale de tous les êtres et leur potentialité d'atteindre l'Éveil, ainsi que le chapitre XVI où le Bouddha Shakyamuni révèle que sa vie transcende les naissances/morts. Ces deux passages nous préparent à la récitation de Namu Myoho Renge Kyo. Dans un certain sens, la récitation de Namu Myoho Renge Kyo est le véritable joyau de notre pratique et les autres textes sont là pour mettre ce joyau en valeur. La Cérémonie dans les Airs Pour expliquer le mandala-Gohonzon, voici un bref résumé de la Cérémonie dans les Airs, l'événement central du Sutra du Lotus. En gros, pendant la première moitié du Sutra, Shakyamuni explique que tous les êtres possèdent la capacité potentielle de s'éveiller, tout comme lui, à la véritable nature de la réalité et que tous ses enseignements précédents ont pour seul but l'exposé de cette vérité. Pendant son discours, une grande tour surgit de terre et s'élève dans les Airs. Dans cette tour, est assis un autre bouddha, celui des temps primordiaux et dont le nom est Taho, Maints-Trésors. Celui-ci témoigne que tout ce que Shakyamuni a dit est vrai. Il faut souligner que le Sutra du Lotus n'est ni un enseignement philosophique ni une série d'injonctions éthiques. C'est la symbolisation du drame cosmique et qui peut toucher nos sensibilités et notre imaginaire, tout en s'adressant à notre esprit. A ce moment, tous les êtres innombrables présents, incluant non seulement les humains mais les incalculables existences qui peuplent éventuellement l'univers, demandent à voir ce bouddha primordial. Cependant, pour ouvrir cette tour aux trésors Shakyamuni doit faire venir tous les nombreux bouddhas qui enseignent à travers l'univers, car ce sont en réalité des émanations du Bouddha Shakyamuni. Pour cela il doit d'abord purifier le monde pour en faire la Terre Pure où ils pourront venir. Une fois qu'ils sont réunis, Shakyamuni ouvre la tour aux Trésors et révèle le bouddha Taho. Ce dernier invite Shakyamuni à venir le rejoindre dans la tour. Les deux bouddhas sont maintenant assis côte à côte. Toutes les congrégations sont ensuite élevées dans les Airs, tout autour de la Tour aux trésors. C'est l'événement central du drame cosmique des êtres du Sutra du Lotus. Les nombreux bodhisattvas (ces hommes qui ont cherché à devenir bouddha pour pouvoir sauver tous les êtres), depuis la Terre Pure jusqu'aux confins de l'univers, font la promesse de propager le Dharma Merveilleux afin que tous parviennent à l'Éveil. Mais Shakyamuni leur annonce qu'il existe un autre groupe de bodhisattvas qui va propager son enseignement après sa mort, dans une époque où le véritable esprit de son enseignement sera perdu. Ces autres disciples surgissent alors de la Terre et ils sont tous des égaux du Bouddha dans leur dignité et magnificence. Ils révèlent qu'ils sont en fait les disciples du Bouddha Atemporel (honbutsu) et qu'ils existent depuis le passé infini. Cela étonne beaucoup de personnes des congrégations car pour eux Shakyamuni est devenu l'Éveillé il y a quarante ans sous l'arbre bodhi. Shakyamuni explique alors qu'en réalité il a atteint l'Éveil dans un passé inimaginablement lointain et que sa vie illuminée transcende le concept de vie/mort. Ensuite, le Bouddha enseigne que si on fait confiance en son enseignement et se réjouit de cela ne serait-ce qu'un instant, alors les mérites et les vertus du Bouddha feront partie de leur vie. Enfin, il confie cet enseignement aux bodhisattvas Surgis-de-Terre et à tous les autres êtres présents à la Cérémonie dans les Airs. |
SUITE : Qu’est ce que le Gohonzon ? |