Un bouddhisme pour notre temps

Une interprétation moderne du Triple Sutra du Lotus par
Niwano Nikkyo
traduit de A Buddhism for today (Kosei Publishing Co - 2006)


 (Fugen kyo )
abréviation de
Sutra de l’enseignement du Bouddha quant à la méthode de contemplation du bodhisattva Samantabhadra (Taisho Tripitaka 0277)
Voir : Sutra de la méditation du bodhisattva Samantabhadra

Fugen kyo

On ignore quand et par qui a été compilé ce sutra que l’on considère comme la conclusion du Sutra du Lotus. En tous cas, nous pouvons être fort reconnaissants à celui ou ceux qui l’ont fait. Ce sutra est indiciblement puissant et on peut y entendre la voix du Bouddha qui continuerait à prêcher le Sutra du Lotus, nous enseignant comment le mettre en pratique dans la vie quotidienne.

Le Sutra du bodhisattva Samantabhadra est une méthode de contrition. Il est souvent appelé "Sutra de repentance", au sens de prise de conscience de ses fautes par rapport au Dharma (sange ou zange = reconnaître ses erreurs, deshana ou kshama = pardon).

Les deux sens et les deux méthodes de sange

Le mot japonais "sange" a deux sens et deux applications.  Le premier sens est celui général du regret de ses mauvaises actions passées (en pensées, en paroles et en actions). Faire "sange", c’est se purifier l’esprit de ce qui est une transgression à l’égard de la vie et en ressentir un grand soulagement par le fait de le reconnaitre publiquement.  Il est impossible de citer tous les cas de pratiquants de la Rissho Kosei Kai qui, ayant recouvré la santé ou juste résolu des problèmes familiaux ont parlé ensuite de leurs erreurs lors de cessions de groupes. Les psychothérapeutes, et particulièrement les psychanalystes, appliquent cette catharsis pour aider les personnes perturbées.

Guérir d’une maladie en prenant conscience de nos erreurs consiste en réalité à ouvrir notre nature de bouddha (buddha-dhatu). Grâce au Sutra du Lotus nous avons compris que tous les hommes ont la nature de bouddha et que nous possédons tous le joyau inestimable de l’Éveil. On peut dire que le Sutra du Lotus est l’enseignement qui nous confronte à notre bodhéité. 

Mais une gemme qui vient d’être extraite d’une mine est recouverte de gangue et ne peut montrer tout son éclat. Elle ne révèle sa valeur qu’après avoir été débarrassée de ses impuretés et polie. Le premier sens de sange est comme le travail sur une gemme et consiste à nettoyer la surface de notre nature de bouddha des illusions accumulées tout au long de notre vie présente. Reconnaitre ses erreurs c’est comme débarrasser une pierre précieuse de tout ce qui la recouvre.

Admettre ses torts vis-à-vis d’autrui est le premier niveau de sange dans son sens général. Ce travail est nécessaire mais pas suffisant. Quand notre foi s’approfondit nous pouvons prendre conscience de nos fautes à l’égard du Dharma. Nous découvrons alors nos conceptions erronées et tous nos manquements au regard de la Vie. En étudiant les doctrines du Bouddha et en méditant sur leur portée profonde, notre esprit s’élève jusqu’au véritable sange, le rejet de nos fausses conceptions au bénéfice de "vues justes". C’est le second sens de sange, le polissage persévérant du joyau de notre nature de bouddha. Il ne suffit pas de débarrasser une gemme de sa gangue pour qu’elle brille. Sa surface est ternie par des dépôts minéraux et des incrustations qui doivent être éliminés pour que la pierre puisse étinceler de ses feux. Il en est de même pour le polissage de notre nature de bouddha par sange dans son deuxième sens.  

Comme nous l’avons vu dans le chapitre XX à propos du bodhisattva Sadapaributha (Fukyo), pour faire apparaitre la nature de bouddha des autres, il faut commencer par la respecter, ne mépriser personne. Pour cela il convient d’être plus exigeant à l’égard de soi-même, nettoyer et polir sa nature de bouddha. Verser de l’eau froide sur notre corps et le frotter vigoureusement avec un gant de crin n’est pas spécialement agréable ; de même nous arrivera-t-il d’avoir du mal à nettoyer notre nature de bouddha. Mais elle finira toutefois par briller. 

C’est le second sens de sange qu'enseigne le Bouddha dans le Sutra de Samantabhadra. Voyons donc ce qu'il a à nous dire.

« En un temps où le Bouddha se trouvait dans la salle des conférences au pavillon à étages du Grand Ermitage forestier* , dans le royaume de Vaishali ; il déclara aux bhikshus : ‘‘Dans trois mois d'ici je passerai dans le nirvana complet.’’  Le vénérable Ananda se leva alors de son siège, ajusta sa robe et salua ; les paumes jointes, il fit trois fois le tour de l'Éveillé pour lui rendre hommage ; il s'agenouilla et, les paumes jointes, contempla en toute lucidité l'Ainsi-Venu sans le quitter un instant des yeux. Mahakashyapa l'Ancien et le bodhisattva-mahasattva Maitreya, se levèrent aussi de leur siège, joignirent les paumes pour lui rendre hommage et regardèrent avec adoration le visage vénéré.

« À ce moment, des trois bouches différentes de ces trois seigneurs sortit le même son et ils s'adressèrent à l'Éveillé : ‘‘Bhagavat, comment, après le parinirvana de l'Ainsi-Venu, les êtres concevront-ils la pensée de bodhisattva pour mettre en pratique le Ho do (sk. Vaipulya) et réfléchir en attention correcte au domaine de l'unique réalité ? Comment feront-ils pour ne pas perdre la pensée de l'Éveil (bodhicitta) insurpassable ? Comment encore pourront-ils, sans couper court aux passions (klesha) ni se débarrasser des cinq désirs, purifier leurs facultés sensorielles et effacer leurs oppositions au Dharma ou, avec l'œil ordinaire qui leur vient de leurs parents à la naissance, mais purifié, pourront-ils voir, les choses par-delà les obstacles sans couper court aux cinq désirs?’’

« L'Éveillé déclara à Ananda :

« ‘‘Écoute en toute lucidité, écoute en toute lucidité et réfléchis-y bien ! Jadis, au Pic du Vautour et dans les autres endroits où il demeurait, l'Ainsi-Venu a déjà amplement détaillé la voie de l'unique réalité. À présent, ici même, à l'intention des êtres des âges à venir qui désireront pratiquer le Dharma insurpassable du Grand Véhicule, de ceux qui voudront s'étudier à la pratique de Samantabhadra et de ceux qui la pratiqueront, je vais maintenant en exposer la méthode de commémoration. Je vais à présent vous détailler amplement le nombre des fautes effacées, que l'on voie ou non Samantabhadra.

« Ananda, le bodhisattva Samantabhadra est né dans le royaume Pur-Sublime, dans la direction de l'est ; l'aspect de son royaume a déjà été amplement détaillé dans le Sutra Avatamsaka. Je vais à présent l'expliquer ici brièvement : Ananda, que ce soient les bhikshus, les bhikshunis, les upasakas, les upasikas, les huit groupes des dieux, dragons et autres, l'ensemble des êtres, ceux qui récitent le Grand Véhicule, qui s'exercent au Grand Véhicule, qui déploient l'intention du Grand Véhicule, qui aspirent à la vision du corps formel du bodhisattva Samantabhadra, qui aspirent à la vision de la Tour du Bouddha Prabhutaratna, qui aspirent à la vision du Bouddha Shakyamuni, ainsi que des bouddhas émanés de son corps, qui aspirent à obtenir la purification des six facultés sensorielles, ils devront s'étudier à cette contemplation. Celle-ci, par ses mérites, éliminera les obstacles et montrera ces formes supérieurement sublimes ; sans entrer en samadhi*, en maintenant seulement leur récitation, ils consacreront leur pensée à l'exercice et, dans la succession de leurs pensées, ne quitteront point le Grand Véhicule : entre un jour et trois fois sept jours, ils obtiendront de voir Samantabhadra. Pour ceux qui ont des obstacles graves, c'est au bout de sept fois sept jours qu'ils pourront le voir. Ceux chez qui ils sont encore plus graves pourront le voir après une naissance. Dans les cas plus graves, ce sera après deux naissances. Dans les cas encore plus graves, ce sera après trois naissances. La variété des rétributions des actes explique en effet ces divergences. » (Robert, p. 429-430)

Ce passage comprend plusieurs points importants. Notons particulièrement la phrase "Comment encore pourront-ils, sans couper court aux passions ni se débarrasser des cinq désirs, purifier leurs facultés sensorielles et effacer leurs oppositions au Dharma ?" C’est, bien sûr, l’idéal de notre pratique et c’est ce qui est demandé aux moines bouddhistes. Mais c’est aussi proposé comme but aux laïcs, alors qu’il leur est tellement plus difficile de garder la foi tout en vivant et travaillant dans la société. Dans leur environnement, les situations générées par les cinq désirs sont chose courante et les passions (bonno, klesha) se manifestent communément chez tous ceux à qui ils ont à faire. Idéalement, ils devraient se libérer de leurs désirs destructeurs mais ce serait vraiment trop demander qu’ils y parviennent immédiatement. Et pourtant c’est le but ultime vers lequel ils devront tendre tout au long de leur carrière de croyants. Comment franchir l’abîme entre leur idéal et la réalité ? Ce sutra répond à cette question qui se pose aux hommes de notre époque dégénérée (mappo).

Comme un fil rouge, l’idée suivante traverse tout le sutra : ‘‘sans entrer en samadhi*, en maintenant seulement leur récitation, ils consacreront leur pensée à l'exercice et, dans la succession de leurs pensées, ne quitteront point le Grand Véhicule.’’ 

Seule une personne qui a suivi une solide formation religieuse peut concentrer son esprit sur un seul objet et entrer directement dans la représentation mentale de l'aspect réel de tous les phénomènes (shoho jisso). Celui qui n'a pas encore atteint ce stade, peut approcher petit à petit le bodhisattva Samantabhadra en récitant et gardant dans son cœur le Grand Véhicule. Certains viendront à cette pratique après trois fois sept jours, tandis que d'autres le feront seulement après trois renaissances. Mais dans les deux cas, l'assurance de parvenir, étape par étape, à cette compréhension est pour nous un grand encouragement.

Vertus et pouvoirs du bodhisattva Samantabhadra

Le Bouddha dit :

« Infinie est la mesure du corps du bodhisattva Samantabhadra. Infinie est sa voix. Infinies sont les images de sa forme. Quand il désire venir en ce royaume, il pénètre en ses souverains pouvoirs surnaturels et rapetisse son corps ; en raison de la gravité des trois obstacles chez les gens du continent Jambu, il apparaît, de par la force de sa sagesse, monté sur un éléphant blanc. Cet éléphant a six défenses et sept piliers qui le soutiennent sur le sol ; au pied de ces sept piliers naissent sept fleurs de lotus. La couleur de l'éléphant est un blanc éclatant, si remarquable que le cristal ou les Monts Neigeux ne sauraient s'y comparer. La longueur de son corps est de quatre cent cinquante yojanas, sa hauteur est de quatre cents yojanas. À l'extrémité des six défenses se trouvent six étangs ; dans chaque étang naissent quatorze fleurs de lotus parfaitement égales à l'étang. Ces fleurs s'épanouissent comme le roi des arbres célestes ; sur chacune d'elles se trouve une fille de jade au brillant visage rose surpassant les nymphes célestes ; en sa main apparaissent spontanément cinq harpes, chacune de ces harpes est accompagnée d'une suite de cinq-cents instruments. Il s'y trouve cinq-cents oiseaux : canards, oies sauvages, canards mandarins, tous d'une multitude de couleurs précieuses, qui naissent parmi les fleurs et les feuilles. L'éléphant a sur sa trompe une fleur ; sa tige est comparable à la couleur de la perle rouge ; la fleur, de couleur d'or, est en bouton et non encore éclose.

« Ayant vu cette chose, si l'on se livre en plus au repentir, si l'on réfléchit au Grand Véhicule en une lucide contemplation d'une pensée pleinement mobilisée et jamais défaillante, on voit alors la fleur s'épanouir en sa couleur d'or et son éclat d'or. Le calice de cette fleur de lotus est un joyau de Butea frondosa ; de sublimes perles mani brahmiques lui font une guirlande ; une perle de diamant constitue le cœur de la fleur. On voit un Éveillé métamorphique assis dans le calice de la fleur de lotus et une multitude de bodhisattvas assis dans le cœur de la fleur de lotus. D'entre les sourcils de l'Éveillé métamorphique surgit une lumière dorée qui entre dans la trompe de l'éléphant ; d'une couleur de lotus rouge, elle émane de la trompe pour entrer dans son œil ; elle émane de l'œil pour entrer dans son oreille ; elle émane de l'oreille pour éclairer le sommet de son crâne et le transformer en calice d'or. Sur la tête de l'éléphant se trouvent trois personnes métamorphiques : la première tient une roue d'or, la seconde a en main la perle mani, la troisième brandit un vajra de diamant dont elle excite l'éléphant ; celui-ci peut alors se mettre en mouvement, mais ses pattes ne touchent pas terre, il se déplace en foulant l'espace ; il est à sept pieds du sol, mais la terre reçoit son empreinte. Ces empreintes comportent la totalité d'une roue à mille rayons partant de son moyeu.

 « De chaque roue naît une grande fleur de lotus, de laquelle naît un éléphant métamorphique qui a également sept piliers (de soutien) et qui marche à la suite du grand éléphant. À chaque mouvement de ses pattes, il fait naître sept mille éléphants qui font un cortège au grand éléphant. La trompe de l'éléphant est de la couleur du lotus rouge ; sur lui se trouve un Éveillé métamorphique émettant un rai de lumière d'entre ses sourcils. Cette lumière est de couleur d'or et, comme précédemment, elle entre dans la trompe de l'éléphant, sort de la trompe pour entrer dans l'œil, sort de l'œil pour entrer ensuite dans l'oreille, sort de l'oreille pour arriver au sommet du crâne, d'où elle parvient graduellement au dos, où elle se transforme en selle d'or avec ses accessoires des sept matières précieuses. Aux quatre côtés de la selle se trouvent des colonnes des sept matières précieuses dont les nombreux et précieux ornements forment une terrasse de matière précieuse. Sur cette terrasse se trouve une fleur de lotus formée des sept matières précieuses. Le cœur de ce lotus est constitué de cent joyaux réunis et son calice est une grande perle mani.

« Il s'y trouve un bodhisattva, les jambes repliées et croisées ; il a nom Samantabhadra. Son corps a la couleur du jade blanc et brille de cinquante rais de lumière ; ces rais sont de cinquante couleurs, qui constituent son auréole. Des pores de son corps s'écoulent des rais de lumière dorée à l'extrémité desquels sont d'innombrables bouddhas métamorphiques ; des bodhisattvas métamorphiques constituent leur entourage. » (Robert, p. 430-432)

Suit une liste des vertus et des pouvoirs de Samantabhadra. Mais revenons sur quelques expressions du passage ci-dessus.

La phrase "Infinie est la mesure du corps du bodhisattva Samantabhadra. Infinie est sa voix. Infinies sont les images de sa forme" décrit la quantité insondable des vertus et des pouvoirs de ce bodhisattva. Si Samantabhadra apparaissait dans le monde Saha tel quel, complètement différent de ses habitants, ceux-ci se sentiraient mal à l’aise et ne pourraient pas suivre ses conseils. C’est pourquoi il prend une forme humaine car il peut alors se comporter en "avançant d’un demi-pas" comme nous en avons parlé au chapitre 8.

"Les trois poisons chez les gens du continent Jambu" sont l’arrogance, la convoitise* et l’ignorance. Puisque les hommes sont enchainés par ces trois terribles poisons ils doivent être guidés par des pratiques qui tiennent compte de leur contexte. C’est la tâche du bodhisattva Samantabhadra. C’est pourquoi il monte un éléphant blanc qui symbolise la pratique bouddhique et la pureté. Les six défenses sont à rapprocher des six organes des sens purifiés : les yeux, les oreilles, le nez, la langue, le corps et le mental. Les sept piliers peuvent être mis en parallèle avec l’absence des sept actions mauvaises : meurtre, vol, actes sexuels illicites, mensonge, bavardage irresponsable, calomnie, dissension.

Que le corps de l’éléphant soit décrit dans toute sa beauté renvoie à la beauté et à la grande valeur de la mise en pratique des enseignements bouddhiques. Puis vient la description d’une fille de jade dans chacun des lotus qui poussent dans les étangs au bout des défenses d’éléphant, d’instruments de musique et d’oiseaux. Cela signifie que si quelqu’un pratique les enseignements bouddhiques, tout et tous autour de lui seront purifiés.

Puis il est question d’un "éléphant qui a sur sa trompe une fleur ; sa tige est comparable à la couleur de la perle rouge ; la fleur, de couleur d'or, est en bouton et non encore éclose". C’est le symbole d’une foi qui, comme un bouton de fleur, n’est pas encore parvenue à son épanouissement et n’est pas encore l’Éveil. Mais si on prend conscience de cela, que l’on regrette ses offenses au Dharma et que l’on poursuit sincèrement la pratique de bodhisattva, on verra la fleur de la foi éclore aussitôt pour briller comme l’or. 

Le bouddha métamorphique assis dans le calice de la fleur de lotus et d'entre les sourcils duquel surgit une lumière dorée allant des yeux aux oreilles, puis à la tête, indique que l’esprit du Bouddha passe dans chaque action de celui qui pratique son enseignement. 
 
Ensuite vient l’expression : "Sur la tête de l'éléphant se trouvent trois personnes métamorphiques: la première tient une roue d'or, la seconde a en main la perle mani, la troisième brandit un vajra [une massue] de diamant". La roue d’or est l’emblème de la liberté avec laquelle on est capable de gouverner ; la perle mani est la sagesse par laquelle on peut discerner l’aspect réel des phénomènes (shoho jisso) et le vajra [la massue] de diamant est le pouvoir de réfuter les conceptions erronées, remportant la victoire sur le mal et les oppositions au Dharma. Ce sont là les pouvoirs qu’acquièrent progressivement ceux qui pratiquent les enseignements du Bouddha.

"Lorsque l’homme métamorphique brandit le vajra, l’éléphant peut se mettre en mouvement". Cette expression indique que la pratique doit commencer par la victoire sur le mal en soi et sur ses propres oppositions au Dharma. "Les pattes de l’éléphant ne touchent pas terre, il se déplace en foulant l'espace ; il est à sept pieds du sol, mais la terre reçoit son empreinte. Ces empreintes comportent la totalité d'une roue à mille rayons partant de son moyeu.'' Cette allégorie enseigne que lorsqu’on se dirige vers son idéal (l'éléphant qui flotte dans l'air), on reçoit les résultats de sa pratique correcte.

"De chaque roue naît une grande fleur de lotus, de laquelle naît un éléphant métamorphique qui a également sept piliers (de sou­tien) et qui marche à la suite du grand éléphant. À chaque mou­vement de ses pattes, il fait naître sept-mille éléphants qui font un cortège au grand éléphant. " Quelqu’un qui pratique le bouddhisme influence d’autres personnes qui se mettent à croire en ses enseignements et petit à petit suivent l’exemple de ses aînés et pratiquent elles-mêmes.

Le Bouddha poursuit :

« Calme et lucide, il marche lentement et fait tomber une pluie de grandes fleurs précieuses. Arrivé devant le pratiquant, l'élé­phant ouvre la bouche ; sur ses défenses les filles de jade des étangs jouent de la musique et chantent. Leur voix est sublime ; elles font l'éloge de la voie de l'unique réalité du Grand Véhicule. » (Robert, p. 432-433) 

"Faire l’éloge de la voie de l’unique réalité du Grand Véhicule" signifie que si quelqu’une se consacre à la pratique des enseignements du Bouddha il ne manquera pas de parvenir à l’Éveil.

« À cette vision, le pratiquant est en liesse et lui rend respectueuse­ment hommage ; de plus, il récite encore les fort profonds sutras , il rend hommage aux innombrables bouddhas des dix directions partout où ils sont, il rend hommage à la Tour aux Trésors de Prabhutaratna et au Bouddha Shakyamuni, en même temps qu'il rend hommage à Samantabhadra et aux grands bodhisattvas.

« Il prononce ce vœu : si j'ai des mérites de mes existences antérieures, puissé-je voir Samantabhadra ! Je souhaite que le vénérable Visvabhadra (autre nom pour Samantabhadra) me révèle son corps formel. » (Robert, p. 433)

Prononcer un vœu n’est pas une simple parole en l’air, encore faut-il consacrer tous ses efforts à sa réalisation. Cela ressort des paroles suivantes :

« Ayant fait ce vœu il rend hommage six fois jour et nuit aux bouddhas des dix directions et pratique la méthode du sange. Il récite les sutras du Grand Véhicule, il lit les sutras du Grand Véhicule, il réfléchit au sens du Grand Véhicule, il pense à l'œuvre du Grand Véhicule ; il rend respectueusement hommage et fait offrande à ceux qui gardent le Grand Véhicule ; il regarde l'ensemble des hommes tout comme il considérerait l'Éveillé, et les êtres comme il considérerait père et mère. » (Robert, p. 433)  

Lorsqu’une personne met toutes ses forces à réaliser son vœu, elle prend profondément conscience des vertus et des œuvres considérables du bodhisattva Samantabhadra. 

« Quand cette lumière apparaît, le bodhisattva Samantabhadra, en son aspect corporel aussi imposant qu'une montagne d'or empourpré, digne et sublime, se trouve pourvu des trente-deux marques sans exception. Tous les pores de son corps émettent de grands rayons lumineux. Ils éclairent son grand éléphant et lui donnent la couleur de l'or ; tous les éléphants métamorphiques prennent aussi la couleur de l'or, de même que les bodhisattvas métamorphiques. Cette lumière dorée éclaire les innombrables mondes en direction de l'est, qui prennent la même couleur d'or. Il en va de même au sud, à l'ouest, au nord, dans les quatre directions intermédiaires, au zénith et au nadir.

« Alors, dans chacune des dix directions, il se trouvera un bodhisattva monté sur le roi des éléphants, blanc et six défenses, égal au bodhisattva Samantabhadra, sans nulle différence. Cette infinité innombrable de mondes aux dix directions sera remplie d'éléphants métamorphiques ; grâce à ses pouvoirs surnaturels, le bodhisattva Samantabhadra fera en sorte que le pratiquant puisse les voir tous tant qu'ils sont. » (Robert, p. 433-434)

Une bonne action (un éléphant métamorphique) engendre encore davantage de bonnes actions (de nombreux éléphants métamorphiques). Ces bonnes actions croissent en progression géométrique jusqu’à en remplir toutes les directions.  Dans ce sutra, les croyants peuvent puiser l’espoir d’une société idéale dans le monde Saha.

« À ce moment, le pratiquant, voyant les bodhisattvas, a le corps et le cœur en liesse ; il leur fait révérence et s'adresse à eux : ‘‘Grands compatissants, grands miséricordieux, par pitié de moi, prêchez-moi le Dharma.’’  Quand il a ainsi parlé, les bodhisattvas, un même son sortant des différentes bouches, exposent chacun le Dharma du Grand. Véhicule purifié et, par hymnes et stances, font l'éloge du pratiquant. Voilà en quoi consiste le tout premier domaine, où l'on commence la contemplation du bodhisattva Samantabhadra. » (Robert, p. 434)

Voir Samantabhadra en rêve

Le Bouddha poursuit :

« Alors le pratiquant qui a vu ces choses fixe son attention sur le Grand Véhicule, sans le quitter jour ni nuit. En son sommeil, il voit en rêve Samantabhadra prêcher son Dharma, exactement comme s'il était éveillé. Il apaise et rassure son cœur en lui disant : ‘‘Dans ce que tu as récité et préservé, tu as oublié cette phrase, tu as oublié cette stance.’’ Le pratiquant, entendant alors le bodhisattva Samantabhadra lui prêcher le Dharma profond, en comprend le sens et la portée et la préserve en sa mémoire sans oubli. » (Robert, p. 434)

L’apparition de Samantabhadra en rêve, souvent mentionnée dans ce chapitre, a deux significations. Tout d’abord, même si à l’état de veille, on essaie consciencieusement de garder à l’esprit le Grand Véhicule, en dormant on en perd le contrôle. Même si on veut avoir un certain rêve ou si on décide de ne pas parler en dormant, pendant le sommeil on ne maitrise ni ses pensées ni ses actions. Mais si une personne approfondit véritablement sa foi il est possible qu’elle voie Samantabhadra en rêve. Ce bodhisattva pourrait lui apparaître avec des paroles d’encouragement : ‘‘Tu peux atteindre l’état mental d’un bodhisattva’’, ou bien avec de sages conseils : ‘‘N’oublie pas ce mot, tu as mal compris cette stance’’.

Deuxièmement, rêver de Samantabhadra signifie qu’une personne qui a vraiment progressé dans sa foi est capable de saisir par intuition la vérité de l’enseignement. C’est l’état mental de celui qui obtient une révélation directement du Bouddha ou de celui qui est parvenu à l’Éveil par lui-même. Cependant, même une révélation venue par intuition tout droit du Bouddha n’est qu’un rêve sans rien de concret. Si une personne examine soigneusement cette révélation sous tous les angles et se convainc de sa vérité, elle pourra en retirer un bienfait et ce sera un enseignement digne à être transmis aux autres.

Le Bouddha dit :

« Ainsi en va-t-il chaque jour et sa pensée en bénéficie graduellement. Le bodhisattva Samantabhadra lui enseigne à commémorer les bouddhas des dix directions et, en conséquence de la doctrine de Samantabhadra, il a pensée et mémoire correctes ; graduellement, avec son œil mental, il voit les bouddhas de l'est, le corps de la couleur de l'or, imposants et sublimes. Ayant vu un bouddha, il en voit un autre et ainsi, graduellement, il a la vision complète de tous les bouddhas de l'est. Grâce aux bienfaits de la représentation mentale, il a la vision complète de tous les bouddhas des dix directions. » (Robert, p. 434)

Dans les chapitres précédents, nous avons souvent rencontré les mots "est" et "direction de l’est".

Le soleil se lève à l’est et ce mot a une valeur de "commencement de toute chose". Alors que l’ouest est le lieu où le soleil se couche et signifie "fin de toute chose". C’est l’idée associée à la croyance que celui qui, d’un cœur sincère, invoque le nom du bouddha Amida, renaitra dans la Terre Pure de l’ouest. Qu’ici le croyant voie les bouddhas de l’est suggère qu’il est un débutant dans le bouddhisme.

 "Ayant vu un bouddha, il en voit un autre" nous rappelle que biens que la vérité soit Une, le pratiquant pourra voir se succéder de nombreuses manifestation de cette Vérité à partir du moment où il aura compris ce qu’est la Vérité unique. Si une personne peut voir tous les bouddhas partout dans l'est, elle sera capable de se remettre en question de façon beaucoup plus efficace et pourra donc voir tous les bouddhas dans toutes les directions. Parvenue à ce stade, sa joie spirituelle deviendra plus forte. Mais dans la phrase suivante, le Bouddha nous prévient que même si on a atteint cet état mental, il n’est pas question de s’en satisfaire mais qu’il faut continuer à travailler sur ses conceptions erronées. Nous pouvons donc voir que la pratique du sange ne se limite pas à la confession de nos manquements : il faut non seulement laver notre nature de bouddha mais également la polir.

Concrètement, quand devons-nous pratiquer sange ? Le Bouddha nous demande d’avoir cette attitude même si nous avons atteint le degré spirituel suivant :

« Les ayant vus, son cœur conçoit l'allégresse et il dit ces paroles : ‘‘C'est grâce au Grand Véhicule que j'ai pu voir les grands maitres; c'est par la puissance des grands maitres que j'ai pu voir les bouddhas. Bien que j'aie vu les bouddhas, je n'en ai pas encore l'entendement complet : quand je ferme les yeux, je les vois, quand j'ouvre les yeux, je les perds.’’

« Ayant ainsi parlé, il se prosterne, tous les membres contre terre, et salue l'ensemble des bouddhas des dix directions ; les ayant salués, il s'agenouille, joint les paumes et prononce ces paroles :  ‘‘ Ô Éveillés, Vénérés du Monde aux dix forces, à l'absence de crainte, aux dix-huit caractéristiques distinctives à la grande compassion, aux trois stabilités dans la méditation-smriti , demeurant constamment dans le monde, dans la forme et dominant la forme ! Quelle est donc ma faute, que je ne puisse vous voir ?’’» (Robert, p. 434-435)

Tout bouddhiste peut facilement reconnaitre les paroles : ‘‘quand je ferme les yeux, je les vois, quand j'ouvre les yeux, je les perds.’’

Les dix forces du Bouddha (ju-riki, dasabala)

Ces dix forces qui décrivent la compréhension parfaite des dix champs cognitifs qui sont l’attribut du seul Bouddha. Il est important que les croyants du Sutra du Lotus les connaissent. Ce sont :

1. la connaissance du possible et de l'impossible ; le pouvoir de distinguer ce qui est vrai de ce qui ne l'est pas,
2. la connaissance de la rétribution des actes ; le pouvoir de connaître la causalité karmique dans les vies de tous les êtres à travers le passé, le présent et le futur,
3. la connaissance des méditations ; le pouvoir de connaître toutes les étapes de concentration, d'émancipation et de méditation,
4. la connaissance du degré des facultés d'autrui ; le pouvoir de connaître la condition de vie de tous les êtres humains,
5. la connaissance des aspirations des êtres ; le pouvoir de connaître le désir profond de tous les êtres humains,
6. la connaissance des dispositions acquises ; le pouvoir de discerner la supériorité et l'infériorité des capacités de tous les êtres humains,
7. la connaissance de la route menant aux diverses destinées ; le pouvoir de connaitre les causes et les effets de tous les êtres humains dans tous les mondes,
8. la connaissance des existences antérieures, la connaissance de la mort et de la renaissance ; le pouvoir de savoir quand chaque personne naîtra et mourra, et dans quel royaume elle renaîtra
9. la connaissance par une intuition surnaturelle, 
10. la connaissance de la destruction des impuretés ; le pouvoir d'éliminer toutes les illusions.

Les dix-huit caractéristiques distinctives (avenika) sont les mérites qui n’appartiennent qu’au Bouddha :
1. corps sans défaut ; actions sans défauts,
2. parole sans défaut ; jamais de parole vaine,
3. mémoire-smriti sans défaut ; pleine conscience,
4. esprit-citta toujours en méditation,
5. impartialité parfaite, pleine de compassion sans se laisser distraire par des pensées futiles
6. abnégation parfaite après examen soigneux de la situation,
7. aspiration sans faille pour le salut des autres,
8. zèle infatigable pour sauver les autres,
9. mémoire infaillible des enseignements de tous les bouddhas du passé du présent et de l’avenir,
10. samadhi* parfait,
11. prajna parfaite,
12. pouvoir parfait de la délivrance-vimukti,
13. toutes les actions parfaitement en accord avec la sagesse-jnana,
14. toutes les paroles parfaitement en accord avec la sagesse-jnana,
15. toutes les pensées parfaitement en accord avec la sagesse-jnana,
16. connaissance parfaite du passé,
17. connaissance parfaite du futur,
18. connaissance parfaite du présent.

Les trois stabilités dans la méditation-smriti (nenjo) sont les attitudes contemplatives que le Bouddha adopte selon l’un des trois types d’êtres :

1. première stabilité de méditation, sho-nenjo : lorsque les êtres vivants louent les vertus du Bouddha, il apprécie davantage leur capacité de vénération plutôt que d’être loué.

2. deuxième stabilité de méditation, ni-nenjo : lorsque les êtres vivants blasphèment ou disent du mal du Bouddha, il ne se fâche jamais contre eux et n’est pas touché par leurs injures. Avec sa compassion profonde, il éprouve pour eux plutôt de la pitié.

3. troisième stabilité de méditation, san-nenjo : parmi les nombreux êtres vivants, certains prennent refuge dans les enseignements du Bouddha, mais d'autres non. Le Bouddha ne fait jamais de distinction mais montre une égale compassion pour les deux, parce que tous possèdent la nature de bouddha.

Ces trois attitudes ne sont attribuées qu’au Bouddha mais nous devrions suivre son exemple lorsque nous propageons son enseignement.

Le Bouddha poursuit :

« Ayant ainsi parlé, il (le pratiquant) se livre davantage encore au repentir. Quand il s'est purifié par le repentir, le bodhisattva Samantabhadra se présente encore à lui ; qu'il marche, reste sur place, s'asseye ou se couche, il ne quitte pas son côté et il va même jusqu'à lui prêcher constamment le Dharma en rêve. Cet homme, une fois réveillé, obtient l'allégresse heureuse du Dharma. Ayant ainsi passé jour et nuit trois fois sept jours durant, il finit par obtenir la dharanis de permutation, laquelle lui permet de préserver en sa mémoire le Dharma sublime prêchée par les bouddhas et les bodhisattvas sans rien en perdre. De même voit-il constamment en rêve les sept bouddhas du passé : seul le Bouddha Shakyamuni lui prêche le Dharma, tandis que les Vénérés du Monde font un à un l'éloge des sutras du Grand Véhicule.

« Alors le pratiquant se livre davantage encore à l'allégresse, au repentir et salue l'ensemble des bouddhas des dix directions ; lorsqu'il les a salués, le bodhisattva Samantabhadra demeure devant lui et lui enseigne la totalité des liens provenant des actes de ses vies antérieures, il met à découvert la totalité de ses œuvres coupables, noires et mauvaises. Face aux Vénérés du monde, il les dévoilera de sa propre bouche. » (Robert, p. 435)

Seul le Bouddha Shakyamuni prêche le Dharma

Ces paragraphes contiennent une expression intéressante : ‘‘De même voit-il constamment en rêve les sept bouddhas du passé : seul le Bouddha Shakyamuni lui prêche le Dharma’’. Tous les bouddhas du passé sont sacrés mais, dans le monde Saha, seul d’entre eux Shakyamuni nous transmet son enseignement. C’est grâce à lui que nous pouvons prendre connaissance de la Vérité atemporelle qui est la même depuis le fond des âges. C’est pourquoi nous devons prendre refuge en Shakyamuni, bien qu’à travers lui nous ayons aussi recours aux autres bouddhas, qui ne sont que diverses manifestations de la même Vérité. 

Voir des bouddhas en rêve veut dire que l'on acquiert la vague conscience de former un tout avec ces bouddhas. Ce début de lucidité, même si elle est floue, provoque une joie spirituelle encore plus grande qui nous pousse à saluer universellement les bouddhas dans toutes les directions. Après cela, Samantabhadra paraîtra devant le croyant et pour lui dire qu'il lui a été impossible de voir les bouddhas à cause de son karma négatif et des circonstances de ses vies antérieures et fera en sorte qu’il s’interroge sur toutes ses oppositions au Dharma (hobo). C’est donc grâce à Samantabhadra que l’on appréhende ses manquements ; c’est ce qu’on appelle la pratique de sange devant les bouddhas. Que devant eux il dévoile ses mauvaises actions ‘‘de sa propre bouche’’ implique que le repentir du croyant se fait mentalement.

Le Bouddha dit ensuite :

« Il obtiendra même en temps ordinaire la Contemplation d'apparition en face des bouddhas ; ayant obtenu cette contemplation, il voit le Bouddha Akshobhya à l'est, ainsi que sa terre Abhirati (Terre pure de la Joie), avec une complète netteté. Et ainsi, dans les dix directions, il voit chacune des sublimes Terres de bouddha avec une complète netteté.

« Ayant ainsi eu la vision des dix bouddhas, il voit en rêve un homme adamantin se trouvant sur la tête de l'éléphant, qui frappe de son vajra de diamant l'ensemble de ses six organes sensoriels. Quand il a ainsi fait, le bodhisattva Samantabhadra expose au pratiquant la méthode de repentir par purification des six sens. S'il se repent ainsi de un à trois fois sept jours durant, grâce à la force de la Contemplation d'apparition en face des bouddhas et grâce à l'ornement de la prédication du bodhisattva Samantabhadra, son ouïe entendra graduellement les sons au-delà des obstacles, son œil verra graduellement les formes au-delà des obstacles, son nez sentira graduellement les odeurs au-delà des obstacles, ainsi qu'il l'est amplement exposé dans le Sutra du Lotus du Dharma Merveilleux. » (Robert, p. 435-436) 

Le vajra était à l’origine une arme utilisée dans l’Inde ancienne. Dans le bouddhisme le vajra du diamant est considéré comme un symbole de la bodhicitta (esprit d’Éveil) parce qu’il peut détruire tous les "défilements" (bonno, klesha) et les conceptions erronées.  Ainsi, "frapper de son vajra de diamant l'ensemble de ses six organes sensoriels" signifie que le croyant peut détruire les défauts de ses six sens et témoigne des progrès vers un véritable sange.

L’expression "le bodhisattva Samantabhadra expose au pratiquant la méthode de repentir par purification des six sens" indique que le croyant qui prend conscience de ses oppositions au Dharma et s’en repend a immédiatement le sentiment d’avoir purifié le corps et l’esprit.

 « Ayant obtenu cette purification des six sens, il a le corps et le cœur en liesse et se trouve exempt des mauvais aspects. Son cœur est purement le Dharma et se fait adéquat à au Dharma. Il obtient encore cent, mille, dix mille, des millions de dharanis et encore il a la vision de cent, mille, dix mille, de millions d'innombrables bouddhas. Ces Vénérés du monde tendent chacun la main droite pour caresser la tête du pratiquant et lui disent ces paroles : ‘‘C'est bien, c'est fort bien, toi qui pratiques le Grand Véhicule, toi qui déploies la pensée du Grand Ornement, toi qui commémores le Grand Véhicule ! Lorsque nous avons, nous autres, déployé la pensée d'Éveil (bodhicitta), aux jours anciens, nous nous sommes tous, comme toi, appliqués sans manquement. C'est parce que nous avons, dans les âges antérieurs, pratiqué le Grand Véhicule que nous avons à présent réalisé le corps purifié de savoir correct et universel. Tu dois maintenant toi aussi t'appliquer sans relâche aux exercices. Ces sutras du Grand Véhicule sont le précieux réceptacle des bouddhas, l'œil des bouddhas des dix directions et des trois temps, le germe des Ainsi-Venus surgis dans les trois temps. Qui préserve ces sutras préserve le corps du Bouddha, pratique l'œuvre du Bouddha. Sache qu'un tel homme est l'envoyé des bouddhas, qu'il est recouvert de l'habit des bouddhas Vénérés du Monde, qu'il est l'authentique et réel enfant du Dharma des bouddhas Ainsi-Venus. Pratique le Grand Véhicule, n'élimine point le germe du Dharma. Contemple maintenant en toute lucidité les bouddhas de l'est.’’

« Quand ils ont ainsi parlé, le pratiquant voit alors tous les innombrables mondes vers l'est, au sol plat comme la paume, sans tertres, collines ni ronces ; le sol en est de béryl, les côtés en sont bordés d'or. Il en va de même des mondes des dix directions.

« Ayant vu cette terre, il aperçoit alors un arbre précieux, merveilleusement haut, de cinq mille yojanas. Cet arbre produit en permanence des ornements d'or, d'argent, des sept matières précieuses. Au pied de l'arbre existe spontanément un précieux trône léonin ; ce dernier est haut de deux mille yojanas. Du trône jaillit encore la lumière de cent joyaux. Ainsi de même pour les arbres et les autres trônes précieux : sur chacun des trônes précieux se trouve la lumière de cent joyaux, et de même pour les arbres et autres trônes précieux ; sur chacun de ceux-ci existent spontanément cinq-cents éléphants blancs, et sur tous les éléphants se trouve le bodhisattva Samantabhadra. (Robert, p. 436-437)

Si tous ceux qui approfondissent les enseignements et les sermons du Bouddha (ses arbres et les trônes précieux) et si sa doctrine est propagée universellement, alors tous les êtres, la société et le monde entier resplendiront de beauté.

Ensuite, le pratiquant, obéissant à Samantabhadra, dit :

« ‘‘Quelle est donc ma faute pour que je ne voie que les terres précieuses, les trônes précieux ainsi que les arbres précieux, et que je ne voie point les bouddhas?’’ » (Robert, p. 437)

Plus haut, nous avons vu que ‘‘grâce aux bienfaits de la représentation mentale, il (le pratiquant) a la vision complète de tous les bouddhas’’.  Le lecteur pourrait croire que cela est contredit par les paroles ‘‘je ne vois point les bouddhas’’.  Mais en réalité il n’y a là aucune contradiction.  Même si on a acquis une nette perception de notre coexistence avec les bouddhas, tant que nous n’avons pas l’état d’esprit d’un bodhisattva, ce sentiment s’estompe dès que notre attention est attirée par autre chose qui détourne notre vigilance.

« Quand il aura ainsi parlé, un Vénéré du monde se trouvera sur chacun des trônes : imposant et sublime, il sera assis sur le trône précieux. Ayant vu les bouddhas, il aura le cœur en grande liesse et récitera et apprendra derechef les sutras du Grand Véhicule. De par la force du Grand Véhicule, une voix, dans l'espace, fait son éloge : ‘‘C'est bien, c'est fort bien, fils de foi sincère! En pratiquant les causes et conditions méritoires du Grand Véhicule, tu es capable de voir les bouddhas. Or, alors que tu obtiens de voir les bouddhas Vénérés du Monde, tu ne peux apercevoir le Bouddha Shakyamuni, les bouddhas émanés de son corps ainsi que la Tour aux Trésors de Prabhutaratna’’.

« Ayant entendu la voix dans l'espace, il s'applique encore à réciter et apprendre les sutras du Grand Véhicule. Grâce sa récitation des Vaipulya, il voit alors en rêve le Bouddha Shakyamuni avec ses grandes multitudes sur le mont Pic du Vautour, prêchant le Sutra du Lotus du Dharma Merveilleux et exposant le sens de l'unique réalité. Après l'enseignement, il se repent et aspire à le voir. Il joint les paumes, s'agenouille vers le mont Pic du Vautour et prononce ces paroles : ‘‘Que l'Ainsi-Venu, le héros du monde demeurant en permanence dans le monde, prenne pitié de moi et me manifeste sa personne !’’»  (Robert, p. 437)

On pourrait s’étonner que le croyant dise ‘‘Que l'Ainsi-Venu, me manifeste sa personne !’’ alors qu’il "voit en rêve le Bouddha Shakyamuni sur le mont Pic du Vautour". C'est parce que le disciple veut saisir l'intention véritable du Bouddha plus clairement et plus profondément. Quand il applique la représentation du Mont Grdhrakuta à lui-même, il peut voir la magnifique scène suivante :

« Ayant ainsi parlé, il aperçoit le mont Pic du Vautour orné des sept matières précieuses, l'innombrable foule des bhikhsus et shravakas, les rangées d'arbres précieux et le précieux sol nivelé. Il y est de plus installé le trône léonin merveilleusement précieux. Le Bouddha Shakyamuni émet une lumière d'entre ses sourcils, laquelle éclaire universellement les mondes des dix directions. Elle franchit encore d'innombrables mondes dans les dix directions ; les bouddhas, émanés du corps de Shakyamuni dans les dix directions où parvient cette lumière, se rassemblent en même temps comme des nuées et prêchent amplement le Sutra du Lotus du Dharma Merveilleux. Chacun de ces bouddhas en corps d'émanation a la couleur de l'or empourpré et une taille infinie ; assis sur le trône léonin, il a pour entourage des centaines de myriades d'innombrables grands bodhisattvas. Chacun d'entre eux est égal en sa pratique à Samantabhadra ; il en est de même pour l'entourage de ces innombrables bouddhas et bodhisattvas des dix directions. Après que les grandes multitudes se sont rassemblées, il aperçoit le Bouddha Shakyamuni qui émet de tous les pores de son corps une lumière de couleur d'or. Dans chaque rai de lumière se trouvent des centaines de myriades de bouddhas métamorphiques ; les bouddhas en corps d'émanation émettent une lumière de la touffe blanche entre les sourcils qui est la marque du grand homme ; cette lumière s'écoule vers le sommet du crâne du Bouddha Shakyamuni et y pénètre. À la vue de cet aspect, les bouddhas en corps d'émanation produisent de tous leurs pores une lumière dorée, dont chaque rai comporte encore des bouddhas métamorphiques aussi nombreux que les particules des sables du Gange. » (Robert, p. 437-438)

Nous trouvons ici quatre points qui méritent notre attention. Tout d’abord les bouddhas émanés de Shakyamuni apparaissent dans un rayon de lumière qui part d'entre ses sourcils. Cela signifie que si quelqu’un prend refuge dans les enseignements du Bouddha, il communiquera mentalement avec tous les bouddhas. Autrement dit, s’il comprend la véritable pensée de Shakyamuni il comprendra aussi le véritable sens de tous les autres enseignements.

Deuxièmement, les bouddhas émanés prêchent la même doctrine que celle du Sutra du Lotus. C’est la démonstration que dans le Sutra du Lotus sont réunis tous les enseignements.

Troisièmement, la pratique de chacun parmi les "centaines de myriades d'innombrables grands bodhisattvas" est celle du bodhisattva Samantabhadra. Cela veut dire que la sainteté d’un bodhisattva lui vient avant tout de sa pratique.  

Quatrièmement, quand des rayons de lumière émis d’entre les sourcils des bouddhas émanés s'écoulent vers le sommet du crâne de Shakyamuni, les bouddhas émanés "produisent de tous leurs pores une lumière dorée, dont chaque rai comporte encore des bouddhas métamorphiques".

Cela signifie que les enseignements du Bouddha se propagent sans limites. La lumière de la Vérité arrive partout et tout ce qui est conforme à la Vérité brille en réfléchissant cette lumière. Mais ce qui est recouvert par les illusions et les offenses au Dharma ne brille pas, même si la lumière y parvient. Par conséquent, tant qu’une personne ne supprime pas les illusions et les conceptions erronées par la pratique de sange, son niveau spirituel reste bas.

« Alors le bodhisattva Samantabhadra émet encore d'entre ses sourcils, marque du grand homme, une lumière qui pénètre l'esprit du pratiquant. Dès que son esprit est ainsi pénétré, le pratiquant se rappelle de lui-même les sutras du Grand. Véhicule préservés et récités par d'incalculables centaines et mil­liers de bouddhas du passé et il voit lui-même ses anciens corps en pleine clarté, exactement comme s'il avait le pouvoir extraordinaire de réminiscence des existences antérieures. Il a brusquement la grande compréhension, obtient la dharanis de permutation et la porte des centaines, milliers, myriades de dharanis. » (Robert, p. 438-439)

"Il a brusquement la grande compréhension" n’est pas l’Éveil et ne signifie pas que l’on peut cesser la pratique de sange. Bien loin de là. Même si nous pensons que nous avons atteint la bodhéité, il y a une grande différence entre celle du Bouddha et la nôtre. C’est tout au long de notre vie que nous devons poursuivre le polissage de notre nature de bouddha.

Les six objets de réflexion-smriti

Le Bouddha poursuit :

« Émergeant de son samadhi*, il voit face à face l'ensemble des bouddhas en corps d'émanation assis sur leur trône léonin au pied des arbres précieux ; il voit encore le sol de béryl, de sublimes fleurs de lotus surgissant de la partie inférieure de l'espace et, parmi chaque fleur, des bodhisattvas nombreux comme les particules, assis les jambes repliées et croisées. Il aperçoit les bodhisattvas émanés du corps de Samantabhadra qui, dans la foule, font l'éloge du Grand Véhicule ; à ce moment, les bodhisattvas [êtres d'Éveil], un même son venant des diverses bouches, apprennent au pratiquant à purifier les six organes sensoriels.

« Certains lui disent : ‘‘Il te faut garder à l’esprit le Bouddha.’’
Certains lui disent : ‘‘Il te faut garder à l’esprit le Dharma .’’
Certains lui disent : ‘‘Il te faut garder à l’esprit le Sangha. ’’
Certains lui disent : ‘‘Il te faut garder à l’esprit les Préceptes.’’
Certains lui disent : ‘‘Il te faut garder à l’esprit le Don.’’
Certains lui disent : ‘‘Il te faut garder à l’esprit les Cieux.’’ »

Et le sutra précise :

« Ces six méthodes sont la pensée d'Éveil (bodhicitta), ce sont les méthodes qui donnent naissance aux bodhisattvas. Tu dois maintenant dévoiler tes fautes antérieures devant les bouddhas et te repentir avec la plus grande sincérité. » (Robert, p. 439)

Les bodhisattvas disent alors au croyant ce qu’il doit faire pour purifier ses six organes. Le croyant examine ses imperfections et y réfléchit à la lumière de la pratique de bodhisattva dans les sutras du Grand Véhicule. C’est comme s’il entendait des voix.

La première voix lui dit de réfléchir à sa relation au Bouddha : ‘‘Tu penses avoir trouvé le refuge dans le Bouddha, mais ton attitude n’est pas parfaite. Tu ne peux pas devenir un croyant authentique si tu ne te consacres pas plus à la vénération du Bouddha. Une autre voix lui dit de réfléchir au Dharma : ‘‘Peux-tu vraiment te vanter de ton assiduité et d’avoir compris correctement les enseignements du Bouddha ? Ne serait-ce point là faire preuve d’arrogance ? Même si vous étudiez sérieusement les enseignements et en avez une bonne connaissance, ce n’est pas pour autant que vous les avez vraiment compris.’’ Une troisième voix lui parle de la communauté bouddhique, le Sangha, et lui fait ce reproche : ‘‘L’unité et l’harmonie des croyants est indispensable à la propagation du bouddhisme dans le monde. En quoi as-tu contribué à les renforcer ? Tes efforts ont-ils été suffisants ? Efface de ton esprit tout égoïsme et collabore avec les membres de ta communauté.’’  Une quatrième voix lui demande s’il respecte bien les préceptes instaurés par le Bouddha. Une cinquième s’enquiert de sa paramita du don. Et pour finir, une sixième voix lui demande s’il est parvenu jusqu’à l’état d’esprit des cieux, c’est-à-dire s’il s’est totalement libéré des illusions et des souffrances.

Les voix lui disent ensuite qu’il parviendra à l’Éveil quand il aura réalisé ces six conditions qui sont incontournables pour devenir un bodhisattva. Le disciple doit donc reconnaitre ses imperfections devant les bouddhas et rectifier sincèrement sa pratique.

Les oppositions au Dharma par les yeux

L’esprit du repentir-sange apparait dans les paroles suivantes :

« En d'innombrables existences, en raison de l'organe oculaire, tu as convoité les formes ; à cause de ton attachement aux formes, tu as convoité avec appétence la poussière des passions ; à cause de l'appétence pour la poussière passionnelle, tu as reçu un corps de femme. D'âge en âge, là où tu es né, tu as été égaré par l'attachement aux formes. Les formes t'ont détérioré l'œil et tu es devenu esclave des afflictions humaines. C'est pourquoi les formes t'ont fait passer par les trois mondes ; ce périple épuisant t’aveugle : tu ne vois plus rien. À présent, tu récites les sutras vaipulya du Grand Véhicule ; il est dit dans sutras que le corps formel des bouddhas des dix directions ne disparaît point et tu as pu maintenant les voir : en est-il réellement ainsi ou non ? Un organe oculaire malsain te cause beaucoup de dommage ; suis donc nos paroles, fais retour aux bouddhas et au Bouddha Shakyamuni, expose les fautes et oppositions au Dharma de ton organe oculaire : ‘‘Bouddhas et bodhisattvas, de l'eau du Dharma de votre œil de sagesse, veuillez me laver et me mener à la pureté !’’

« Ayant ainsi parlé, salue l'ensemble des bouddhas des dix directions, et dis aussi ces paroles au Bouddha Shakyamuni et aux sutras du Grand Véhicule : ‘‘Les lourdes fautes de l'organe ocu­laire dont je me repens maintenant sont des obstacles et des souillures, elles m'aveuglent et je ne vois plus rien. Veuille le Bouddha en sa grande compassion avoir pitié de moi et me protéger! Le bodhisattva Samantabhadra, à bord du grand navire du Dharma, fait passer l'ensemble des êtres, accompagné des innombrables bodhisattvas des dix directions. Qu'il veuille seulement m'écouter avec commisération me repentir de mes fautes, des mauvais actes de mon organe oculaire malsain, obstacle au Dharma.’’

« Ayant ainsi dit par trois fois, prosterne-toi à terre de tous tes membres et garde fermement et correctement à l’esprit le Grand Véhicule, sans l'oublier en pensée. Voilà en quoi consiste la méthode de repentir des fautes de l'organe oculaire.

« Celui qui invoque le nom des bouddhas, brûle de l'encens, dis­perse des fleurs, déploie l'esprit de Grand Véhicule, suspend peintures, bannières et dais, expose les erreurs et afflictions de l’œil, se repent de ses fautes, celui-là verra en la présente existence le Bouddha Shakyamuni ainsi que les innombrables bouddhas émanés de son corps ; pendant d'incalculables quantités d'âges cosmiques, il ne tombera pas dans les mauvaises voies. De par la force du Grand Véhicule, de par la force du vœu du Grand Véhicule, il sera toujours dans leur entourage, en compagnie de tous les bodhisattvas aux dharanis. Celui qui agit ainsi garde correctement sa pensée ; fixer son attention sur autre chose constitue une pensée incorrecte. Voilà en quoi consiste l'aspect du premier stade pour la purification de l'organe oculaire. » (Robert, p. 439-440)

Le Bouddha enseigne ensuite au croyant qu’il ne doit pas se satisfaire de la purification de son organe oculaire mais s’exercer d’avantage au repentir-sange. Il lui indique comment il doit s’y prendre :

« Ayant purifié l'organe oculaire, il continue de réciter et lire les sutras du Grand Véhicule ; six fois jour et nuit, il se livre, agenouillé, au repentir et prononce ces paroles : ‘‘Comment se fait-il qu'à présent je n'aperçoive que le Bouddha Shakyamuni et les bouddhas émanés de son corps, et que je ne voie pas la Tour aux Trésors du bouddha Prabhutaratna avec la relique de son corps entier ? La Tour aux Trésors du bouddha Prabhutaratna demeure toujours et ne disparaît pas. Moi qui ai l'œil souillé par le mal, je ne la vois donc point.’’ Ayant prononcé ces paroles, il poursuit son repentir. » (Robert, p. 440-441)

Nous avons vu au chapitre XI du Sutra du Lotus que le bouddha Prabhutaratna apparait pour témoigner de la véracité de tout ce que dit Shakyamuni. Aussi, l'adepte doit-il être sévère envers lui-même et ne pas se mentir. S’il ne connait pas bien les enseignements du Bouddha, c’est à lui-même qu’il doit en faire le reproche et prendre la décision de corriger cela. Au bout de sept jours son sange va être récompensé :  

« La Tour aux Trésors du bouddha Prabhutaratna surgit de terre. Le Bouddha Shakyamuni, de la main droite, en ouvre alors la porte : il voit le bouddha Prabhutaratna plongé dans le samadhi* d'universelle apparition des formes corporelles. De chacun de ses pores s'écoulent des rayons de lumière aussi nombreux que les particules des sables du Gange. Chacun de ces rais comporte des centaines, milliers, dizaines de milliers, millions de bouddhas métamorphiques. À l'apparition de ces aspects, lorsque le pratiquant en liesse aura prononcé des stances d'éloge et fait sept tours complets de la Tour aux Trésors, l'Ainsi-Venu Prabhutaratna donnera de sa grande voix et dira cet éloge : ‘‘Fils du Dharma ! Tu es à présent réellement capable de pratiquer le Grand Véhicule ; en obéissance à Prabhutaratna, tu as exercé le repentir sur l'organe oculaire. C'est pour cette raison que j'arrive à toi afin de porter témoignage sur toi.’’

« Ayant ainsi parlé, il dit cet éloge : ‘‘C'est bien, c'est fort bien ! Le Bouddha Shakyamuni est capable de prêcher le Grand Dharma, de faire tomber la grande pluie du Dharma, et de mener à l'accomplissement les êtres souillés par le mal.’’

« À ce moment le pratiquant, ayant eu la vision de la Tour aux Trésors de Prabhutaratna, retourne auprès du bodhisattva Samantabhadra, lui rend hommage les paumes jointes, et s'adresse à lui : ‘‘Que le Grand Maître m'apprenne le repentir des fautes.’’ » (Robert, p. 441)

La "samadhi d'universelle apparition des formes corporelles" est celle où les "corps" (formes) de Prabhutaratna apparaissent partout. Si nous arrivons au niveau mental permettant de comprendre la Vérité absolue des enseignements du Bouddha, nous pourrons voir Prabhutaratna en tout et tout le temps.

Les oppositions au Dharma par les oreilles

« Samantabhadra reprend la parole : ‘‘En raison de ton organe auditif, tu as, au cours de nombreux kalpas, poursuivi les voix de l'extérieur. Quand tu entendais des sons sublimes, tu concevais en ton cœur égarement et attachement ; quand tu entendais des sons mauvais, tu suscitais les dommages malfaisants des cent-huit passions. En rétribution pour avoir ainsi prêté l'oreille au mal, tu obtenais les choses du mal ; à toujours entendre les voix du mal, tu faisais naître les objets à saisir ; pour avoir écouté dans l'aberration, tu tombais dans les mauvaises voies, les contrées des marches, les vues erronées, là où l'on n'entendait pas le Dharma.

« Aujourd'hui, tu as récité et préservé le réceptacle océanique de mérites qu'est le Grand Véhicule ; pour cette raison tu vois les bouddhas des dix orients, la Tour aux Trésor du bouddha Prabhutaratna apparaît pour te rendre témoignage. Tu dois de toi-même relater tes erreurs et te repentir de tes fautes.’’ » (Robert, p. 441-442)

Ce sont là de bons conseils qui devraient profiter à tout le monde. Les gens ont la regrettable habitude de mal prendre les paroles des autres. Et ils écoutent les ragots. Lorsque nous voyons le mal dans le discours de l’autre notre pensée tourne autour de préjugés, de la haine et du rejet.

Dans la vie quotidienne, il faut être particulièrement vigilent pour s’en prémunir.

« À ce moment, le pratiquant, ayant entendu ces propos, joint encore les paumes, se prosterne à terre de tous ses membres et dit ces paroles : ‘‘Vénéré du monde, au savoir correct et universel, apparais pour me rendre témoignage ! Par les sutras vaipulya du Mahayana, tu es le maître de la compassion. Veuille seulement me considérer et écouter ce que je dis : depuis de nombreux kalpas jusqu'à ce présent corps, en raison de mon organe auditif, j'ai entendu des voix auxquelles, égaré, je me suis attaché comme à de l'herbe collante. En entendant le mal j'ai suscité le poison des passions ; partout je m'y suis attaché, égaré, sans un instant de répit. L'émission de ces voix vicieuses m'a affligé la conscience, m'a fait chuter dans les trois voies. À présent, je m'en rends enfin compte : face aux Vénérés du Monde je me dévoile et me repens.’’

« Dès lors qu'il s'est repenti, il voit le bouddha Prabhutaratna émettre une grande lumière. Celle-ci, de couleur d'or, éclaire universellement l'est, ainsi que les mondes des dix directions. D'innombrables bouddhas au corps de la couleur du vrai or, dans l'espace de l'orient, proclament en chœur : ‘‘Ce bouddha (Samantabhadra) Vénéré du monde est appelé Mérite de Bien ; il y a aussi d'innombrables bouddhas émanés de son corps assis sur leur trône léonin au pied de l'arbre précieux, les jambes repliées et croisées. Ces Vénérés du Monde sont tous entrés dans le samadhi* d'universelle apparition des formes corporelles et ils prononcent ensemble cet éloge : ‘‘C'est bien, c'est fort bien, fils de foi sincère ! Tu lis et récites à présent les sutras du Grand Véhicule, ce que tu récites est le domaine de l'Éveillé." (Robert, p. 442)

S’étant repenti de la sorte, l’adepte purifie son esprit et arrive finalement à la compréhension qu’il suit le chemin vers l’esprit de bouddha. Mais son sange ne s’arrête pas là. Le bodhisattva Samantabhadra continue de l’exhorter :

« ‘‘Au cours des innombrables kalpas de tes existences antérieures, tu as, à cause de ton avidité pour les odeurs, établi des discriminations dans tes états de conscience et tu t'es partout attaché avec avidité ; tu as chuté dans les vies et les morts. À présent, tu dois contempler la cause du Grand Véhicule ; cette cause, c'est l'aspect réel des phénomènes (shoho jisso).’’

« Ayant entendu ces paroles, il se prosterne de tout son corps et se repent encore. S'étant repenti, il dira ces paroles : ‘‘Namu au Bouddha Shakyamuni ! Namu à la Tour aux Trésor du bouddha Prabhutaratna! Namu aux bouddhas émanés du corps du Bouddha Shakyamuni dans les dix orients !’’

« Ayant ainsi parlé, il salue universellement les bouddhas des dix orients : ‘‘Namu au bouddha Mérite de Bien à l'est ainsi qu'aux bouddhas émanés de son corps !’’ Il salue en son cœur chacun des bouddhas comme s'il les voyait de ses yeux, et leur fait offrande d'encens et de fleurs. Ayant fait offrande, il s'agenouille les paumes jointes et fait en stances variées l'éloge des bouddhas. Ayant fait ces louanges, il expose les dix actes de mal et se repent de ses fautes. S'étant repenti, il prononce ces paroles: ‘‘Au cours des innombrables kalpas de mes existences antérieures, j'ai perpétré une multitude de maux par avidité pour les odeurs, les saveurs, le toucher. Pour cette raison, j'ai constamment reçu, depuis d'innombrables existences, des corps malsains d'être infernal, d’esprit famélique, d’animal, d'habitant des marches, d'être aux vues erronées. Je dévoile aujourd'hui ces actes mauvais, je me tourne vers les bouddhas, souverains du Dharma correct, expose mes fautes et m'en repens.’’

« S'étant repenti, sans paresse de corps ni de cœur, il poursuit récitation et lecture des sutras du Grand Véhicule. De par la force du Grand Véhicule, une voix dans l'espace proclame : ‘‘ Fils du Dharma ! Tu dois à présent faire l'éloge du Grand Véhicule pour les bouddhas des dix directions et, devant eux, exposer de toi-même tes propres erreurs. Les bouddhas Ainsi-Venus sont ton père compatissant. » (Robert, p.442-443)

Que les Ainsi-Venus soient appelés "père compatissant" est très significatif. Dans son repentir, le pénitent du sutra est très sévère à l’égard de lui-même et cela peut angoisser certains lors d’une lecture superficielle. D’autres voient dans ce pénitent un pauvre hère, tremblant et se prosternant devant un souverain, scrutant ses péchés, se confessant et implorant le pardon. Rien n’est plus faux. L’attitude des bouddhas qui cherchent seulement le salut des êtres vivants est celle de la compassion paternelle. Ils se réjouissent de notre prise de conscience et nous louent car petit à petit nous éradiquons les afflictions (bonno sk. klesha) de notre esprit. Ce n’est nullement par crainte que nous pratiquons sange mais parce que nous cherchons l’approbation des bouddhas dont nous connaissons le désir profond de nous venir en aide. 

Les oppositions au Dharma par la langue

Suit une description du repentir des fautes de la langue. Notre bouche, mue par des pensées destructrices, cause toute sorte d’actes négatifs. En rectifiant nos paroles nous rectifions en même temps notre pensée, alors que des paroles en l’air contribuent souvent à développer de mauvaises pensées. Il faut être particulièrement vigilent avec la langue : parole et pensée peuvent être la cause, mais aussi l'effet du mal.

« Tu exposeras de toi-même les actes mauvais et malsains commis par l'organe de la langue : ‘‘Cet organe de la langue, mû par les notions provenant des actes mauvais, profère des propos erronés, des paroles spécieuses, des médisances, des doubles discours, des calomnies, des mensonges, des aberrations ; il loue les vues erronées, tient des propos inutiles. Ainsi, par une multitude variée d'actes mauvais sont provoqués luttes, confrontations, désordres dommageables ; le Dharma est prêché comme non-Dharma. De telles fautes, si nombreuses, je m'en repens à présent totalement.’’ (Robert, p. 443-444)

Les "propos inutiles" ne sont généralement pas considérés comme pernicieux. Toutefois se livrer au bavardage émousse l’esprit et à la longue on perd l’habitude de s’entretenir de problèmes sérieux. 

« Ayant prononcé ces paroles devant les héros du monde, il se prosterne, tout le corps contre terre, et salue universellement les bouddhas des dix directions. Les paumes jointes, longuement agenouillé, il dira ces paroles : ‘‘ Innombrables et infinies sont les erreurs et afflictions de la langue ; les épines des actes mauvais ont pour racine l'organe de la langue ; c'est de cette langue que provient l'interruption de la roue de du Dharma correct. Telle qu'elle est ainsi, la mauvaise langue coupe les germes des mérites, elle impose ses dires à tout bout de champ dans l'insensé, elle loue les vues erronées comme on remet du bois à brûler dans le feu et elle cause autant de dommages aux êtres qu'un féroce incendie. Comme celui qui a bu du poison meurt sans pustules ni bubons, les rétributions de telles fautes sont le mal, le corrompu, le malsain. Je tomberai dans les mauvaises voies pendant des centaines et des milliers de kalpas ; à cause des propos erronés, je chuterai dans les enfers. Je fais à présent retour vers les bouddhas du sud pour leur dévoiler mes fautes et mes erreurs.’’

« Lorsqu'il a eu cette pensée, il y a dans l'espace une voix : ‘‘Il se trouve en direction du sud un bouddha appelé Mérite de Santal ; ce bouddha a lui aussi d'innombrables émanations corporelles. Ensemble des bouddhas prêchent tous le Grand Véhicule et suppriment le mal des fautes. La multitude de ces fautes, dévoile-les en leur noirceur face aux innombrables bouddhas des dix directions, aux Vénérés du Monde grands compatissants, et repens-toi d'un cœur sincère.’’

« Après ces paroles, il se prosterne à terre de tout son corps et salue encore les bouddhas. À ce moment les bouddhas émettent encore une lumière qui illumine le corps du pratiquant et le met spontanément en liesse de corps et de cœur, il déploie une grande compassion et se livre à une réflexion universelle. 

« Alors les bouddhas prêchent amplement, à l'intention du pratiquant, la grande compassion et la méthode de renoncement joyeux. Ils lui enseignent également les propos aimables et l'exercice des six modes de respect harmonieux.  Alors le pratiquant, entendant ces préceptes, a le cœur en grande liesse ; il poursuit sa récitation et son étude sans jamais de paresse ni de répit. » (Robert, p. 444-445)    

La joie partagée (sk. mudita) et l’équanimité (sk. upeksha) sont deux des quatre bienveillances infinies du Bouddha. La mudita consiste à se réjouir du bonheur des autres et upeksha c’est ne pas s’attacher aux bienfaits que l’on procure aux autres et accepter d’un cœur serein le mal qui vient de nos ennemis. L’union de mudita et d’upeksha dénotent un détachement de l’ego au bénéfice des autres. Les "propos aimables" sont l’une des quatre vertus du bodhisattva. Les "six modes de respect harmonieux" désignent six pratiques par lesquelles les croyants s’exercent à créer l’harmonie et le respect mutuel sur le chemin vers l’Éveil.

Les oppositions au Dharma par le corps et le mental

« De nouveau, dans l'espace, une voix merveilleuse émet ces paroles : ‘‘Il te faut à présent faire le repentir du corps et du cœur ; pour le corps, c'est le meurtre, le vol, la fornication, pour le cœur, c'est l'attention au malsain. Quand on a perpétré les dix actes mauvais et les cinq forfaits sans rémission, ils font tout comme le singe, ou encore comme le gluau, et s'attachent partout avec avidité ; ils envahissent l'ensemble des six facultés sensorielles. Les actes des six organes foisonnent comme branches, fleurs et feuilles, et emplissent complètement les trois mondes, les vingt-cinq états d'existence, l'ensemble des lieux où l'on prend naissance ; ils sont capables d'augmenter l'ignorance, la vieillesse, la mort, les douze phénomènes de douleur. Des huit erreurs et huit états difficiles, il n'est rien par où tu ne passeras. Il te faut à présent te repentir de ces actes mauvais et malsains.’’ » (Robert, p. 445)

Les cinq forfaits sans rémission sont : tuer son père, tuer sa mère, tuer un arhat, blesser un bouddha, créer la dissension dans le Sangha. Ceux qui les commettent connaissent l’enfer incessant avici.

Les vingt-cinq modes d’existence sont :
a) Les quatre mondes-états inférieurs : enfer, animalité, esprits faméliques, asuras) ;
b) Les humains des quatre continents ;
c) Les six
ciels dans le plan des désirs ;
d) Les sept ciels de la forme ;
e) Les quatre ciels du plan du sans-forme.

Les huit erreurs sont le contraire de l'Octuple noble chemin : vue erronée, pensée erronée, parole erronée, action erronée, mode de vie erroné, activité erronée, esprit erroné, concentration erronée.

Les huit états difficiles sont ceux où il est difficile de voir le Bouddha ou d’entendre le Dharma :
1) l’enfer,
2) l’animalité,
3) les esprits faméliques,
4) le ciel de la longue vie ( une partie du quatrième ciel de la méditation dans le monde de la forme et les quatre ciels du monde du sans-forme où la vie des êtres dure longtemps ;
5) Uttarakuru, le continent dont les habitants goûtent d'innombrables plaisirs ;
6) l'obstruction des organes des sens (cécité, surdité, etc.) ;
7) les préjugés ou les conceptions erronées liés à l'attachement aux connaissances profanes ;
8) la période qui précède la naissance d'un Bouddha et celle qui suit sa mort.

« Alors le pratiquant, ayant entendu ces paroles, demande à la voix dans l'espace : ‘‘En quel endroit pratiquerai-je maintenant la méthode du repentir ?’’ La voix dans l'espace lui tient alors ces propos : ‘‘Shakyamuni a nom Vairocana, l'Omniprésent. Ce bouddha demeure en un endroit appelé Terre de la lumière toujours paisible (jakko-do) ; c'est un endroit réalisé par la perfection de Permanence, c'est un endroit fermement établi par la perfection de Moi, c'est un endroit où la perfection de Pureté détruit les aspects de l'existence, c'est un endroit où la perfection de Félicité ne demeure point dans les aspects corporels et psychiques et où l'on ne voit pas les entités sous l'aspect d'existence ou de non-existence. Si y règnent ainsi apaisement, délivrance et jusqu'à la perfection de la prajna, c'est parce que les entités y demeurent éternellement en leur forme. C'est ainsi que tu dois contempler les bouddhas des dix directions.’’ » (Robert, p. 445)

Les expressions "Vairocana, l'Omniprésent", "Terre de la lumière toujours paisible", etc. indiquent le dépassement de toutes les limitations de l’espace-temps en s’appuyant sur le concept de ku (sk. shunyata), la non-substantialité. Plus prosaïquement, il s’agit de l’universalité du Bouddha et du monde de Bouddha.

« À ce moment, les bouddhas des dix directions étendent chacun la main droite et caressent la tête du pratiquant en lui disant ces paroles : ‘‘C'est bien, c'est fort bien, fils de foi sincère ! Parce que tu récites à présent les sutras du Grand Véhicule, les bouddhas des dix directions t'expliqueront la méthode du repentir. La pratique des bodhisattvas n'est pas de couper court aux attractions/répulsions entravants, ni de demeurer dans l'océan passionnel. C'est à partir des notions produites sur les aberrations qu'ils contemplent la pensée comme absence de pensée ; ces dispositions mentales proviennent des notions erronées. De même que le vent dans l'espace n'a pas de lieu où s'appuyer, ces entités en leur aspect ne naissent ni ne disparaissent. Qu'est-ce alors que la faute, qu'est-ce alors que le mérite ? La pensée de Moi étant en soi vide, faute et mérite n'ont pas d’existence. Ainsi en est-il de l'ensemble des entités : elles n'ont ni demeure ni destruction. En pratiquant ainsi le repentir, on contemple la pensée comme absence de pensée ; les entités ne demeurant pas dans les entités, elles sont délivrance, relèvent de la vérité sur la destruction, sont apaisées et tranquilles. Une telle notion constitue le grand repentir, le repentir de grand ornement, le repentir sans aspect de fautes, le repentir d'abolition de la conscience. Celui qui pratique ce repentir est purifié de corps et de cœur et ne demeure plus dans les entités, tout comme l'eau courante. À chaque opération de pensée, il obtient de voir le bodhisattva Samantabhadra et les bouddhas des dix directions.

« À ce moment, les Vénérés du Monde, de par la lumière de leur grande compassion, prêchent le principe d'absence d'aspect à l'intention du pratiquant. Celui-ci entend l’exposé de la vacuité primordiale ; l'ayant entendue, il ne s'étonne plus ni ne craint en son cœur. Au temps propice, il pénétrera aux degrés de bodhisattva proprement dits. » (Robert, p. 445-446)

La notion bouddhique d’ "attachement/répulsion" s’applique aux bonno (sk. klesha) ou désirs dévorants qui enchainent les hommes dans des cycles répétitifs de renaissances et de souffrances. La Voie du milieu (shudo) que pratique le bodhisattva est un moyen terme entre l’austérité et le laisser-aller.

La "pensée de Moi étant en soi vide" fait référence à la notion fondamentale du bouddhisme, celle de vide d’une existence propre, indépendant et substantielle.  Le mot sanskrit shunya ou shunyata signifie non-substantiel et aussi non-attachement.  "Faute et mérite n'ont pas d’existence" sous-entend la shunyata dans le sens de non-attachement. Lorsqu’on atteint cet état d’esprit le clivage entre le bien et le mal cesse d’exister.

« L'Éveillé déclara à Ananda : ‘‘C'est en une telle pratique que consiste le repentir. Ce repentir est la méthode de repentir que pratiquent les bouddhas et les grands bodhisattvas des dix directions.’’

« L'Éveillé déclara à Ananda : ‘‘Après le parinirvana de l'Éveillé, si les disciples de l'Éveillé ont à se repentir de leurs actes mauvais et malsains, ils n'auront qu'à réciter et lire les sutras du Grand Véhicule. Ces vaipulya sont l'œil de bouddha, c'est par eux que les bouddhas ont obtenu la totalité des cinq sortes de vision, les trois sortes de corps de bouddha naissent des vaipulya. Ce sceau du grand Dharma scelle l'océan du nirvana ; dans un tel océan peuvent prendre naissance les trois sortes de corps purs de bouddha. Ces trois corps de bouddha sont des champs de mérites pour les hommes et les dieux, les plus éminents des arhats. Quand quelqu'un récite les grands vaipulya, il faut savoir que celui-là se pourvoit de la totalité des mérites de bouddha , les maux disparaissent pour lui à jamais et il prend naissance de la sagesse de bouddha. » (Robert, p. 446-447)

Les cinq sortes de vision sont :

1. Œil du corps matériel des simples mortels ;
2. Œil divin ou la capacité qu’ont les êtres célestes à voir l’essentiel dans le monde de la forme ;
3. Œil de la sagesse ou la capacité qu'ont les auditeurs-shravakas et les pratyekabuddhas à percevoir la non-substantialité de tous les phénomènes ;
4. Œil du Dharma qui permet aux bodhisattvas de pénétrer tous les enseignements afin de sauver les hommes ;
5. Œil du Bouddha est l'œil de la compassion. Il inclut les quatre autres facultés de perception.

Ensuite le Bouddha répète l’essentiel de son enseignement en stances.

« S'il existe un mal dans l'organe oculaire
faisant que empêché par son karma [Acte], est impur,
il n'y aura qu'à réciter le Grand Véhicule
et réfléchir au principe Primordial :
en cela consiste le repentir sur
qui vient à bout des karmas négatifs.
L'organe auditif entend les voix du désordre ;
elles endommagent et perturbent le sens de l'union harmonieuse,
de là surgit le désordre de la folie,
tout comme le singe en sa sottise.
Il n'y aura qu'à réciter le Grand Véhicule,
contempler le Dharma comme non-substantiel et sans aspect ;
en venant définitivement à bout de l'ensemble des maux,
l'oreille céleste entendra les dix direction.
L'organe du nez s'attache aux odeurs,
il suscite les contacts au gré des contaminations ;
ce nez ainsi égaré dans la folie
fait naître, au gré des contaminations, la poussière des passions.
Si l'on récite les livres canoniques du Grand Véhicule,
en contemplant les phénomènes comme la Réalité,
on se débarrasse à jamais du mauvais karma,
sans plus prendre naissance dans les âges ultérieurs.
L'organe  de la langue provoque les cinq sortes
d'actes malsains et calomnieux,
si l'on désire le tempérer soi-même et le rendre docile,
il faut s'appliquer à la pensée compatissante,
penser aux entités sous leur sens d'apaisement authentique,
exemptes des aspects discriminatoires.
L'organe mental est comme le singe,
qui ne connaît pas le moindre moment de répit ;
si on désire le plier et le soumettre,
il faut s'appliquer à la récitation du Grand Véhicule,
commémorer le corps grandement éveillé de l'Éveillé,
réalisé par sa force et son assurance.
Le corps est le principal sujet des fonctions organiques ;
comme la poussière tourbillonne au gré du vent,
il se promène au sein des six facultés malfaisantes,
souverain, sans obstacle.
Si l'on désire détruire ce mal,
se débarrasser à jamais de la gêne des poussières,
résider perpétuellement dans la ville du nirvana,
être paisiblement dans la commodité du cœur,
il faut réciter les livres canoniques du Grand Véhicule,
commémorer la mère des bodhisattvas.
Les innombrables et excellents expédients,
on les obtiendra en réfléchissant à l'aspect réel (jisso shinnyo).
Ces six méthodes, telles qu'elles sont,
constituent les six organes sensoriels.
Tous les obstacles des actes, un océan,
prennent naissance dans les notions erronées. » (Robert, p. 447-448)

L’essence du repentir bouddhique est résumée dans les stances suivantes :

« Si l'on désire exercer le repentir,
que l'on s'asseye droit, ayant à l'esprit l'aspect réel (jisso shinnyo);
la foule des fautes est comme la gelée et la rosée
que le soleil de la sagesse est capable de dissiper. » (Robert, p. 448)

Ces vers sont tellement importants qu’on devrait les connaitre par cœur et les garder constamment à l’esprit.

Les mérites du repentir

Ayant dit ces stances, l'Éveillé déclara à Ananda :

« Préserve à présent cette méthode de contemplation du bodhisattva Samantabhadra par le repentir sur les six organes, prêche-la amplement et en détail aux dieux et aux hommes des dix directions de l'univers. Après le parinirvana de l'Éveillé, s'il se trouve des disciples de l'Éveillé pour recevoir et garder, lire, réciter, interpréter les sutras vaipulya, ils devront, dans un endroit tranquille — que ce soit dans un sépulcre, au pied d'un arbre de la forêt, en anachorètes —, réciter les sutras vaipulya, réfléchir au sens du Grand Véhicule. Par la force de leur réflexion-smriti [commémoration], ils obtiendront de me voir en personne ainsi que la Tour aux Trésors du bouddha Prabhutaratna, les innombrables bouddhas émanés dans les dix directions, le bodhisattva Samantabhadra, le bodhisattva Manjushri,  le bodhisattva Bhaishajyaraja, le bodhisattva Baishajyasamudgata. Parce qu'ils auront révéré le Dharma, ils demeureront dans l'espace, tenant de merveilleuses fleurs, louant et révérant ceux qui pratiquent et maintiennent le Dharma. Parce qu'ils n'auront fait que réciter les sutras du Grand Véhicule, les bouddhas et les bodhisattvas feront jour et nuit offrande à ces mainteneurs du Dharma.

« L'Éveillé déclara à Ananda :

« Moi-même, les bodhisattvas des kalpas vertueux et les bouddhas des dix directions, parce que nous avons réfléchi au sens authentique et réel du Grand Véhicule, nous avons éliminé les fautes de centaines, milliers, millions de quantités incalculables de naissances et morts. Grâce à cette excellente et sublime méthode de repentir, nous avons chacun obtenu de devenir bouddha dans les dix directions. Si l'on désire réaliser rapidement l'Éveil complet et parfait sans supérieur, si l'on désire voir en ce présent corps les bouddhas des dix directions et le bodhisattva Samantabhadra, il faut se purifier par des ablutions, revêtir des habits propres, brûler force encens de renom, se tenir en un endroit isole et calme où l'on devra réciter les sutras du Grand Véhicule et réfléchir au sens du Grand Véhicule.

« L'Éveillé déclara à Ananda :

« S'il se trouve des êtres qui désirent contempler le bodhisattva Samantabhadra, ils devront se livrer à cette contemplation. Cette contemplation constitue la contemplation correcte ; les autres constituent des contemplations erronées. Si, après le parinirvana du Bouddha, les disciples de l'Éveillé pratiquent le repentir en conformité avec ses paroles, sache que ces gens pratiquent la pratique de Samantabhadra. Ceux qui pratiquent la pratique de Samantabhadra ne verront pas les aspects du mal, ni la rétribution du karma négatif. S'il se trouve des êtres pour saluer jour et nuit six fois les bouddhas des dix directions, réciter les sutras du Grand Véhicule, réfléchir ai Dharma primordial et fort profond de la vacuité, ils élimineront en l'espace d'un claquement de doigts les fautes de centaines, milliers, millions de quantités incalculables de naissances et morts. Ceux qui pratiquent ainsi sont véritablement les enfants du Bouddha, ils naissent de l'Éveillé et les bouddhas des dix directions ainsi que les bodhisattvas seront leurs instructeurs. Voilà en quoi consiste la réception complète des commandements de bodhisattva ; nul besoin de cérémonie de confession pour qu'elle s'accomplisse spontanément. Ils seront dignes de recevoir l'offrande de l'ensemble des hommes et des dieux. » (Robert, p. 448-450)

Un "instructeur" est un maitre qui octroie les préceptes à celui qui devient moine lors d’une cérémonie où le novice prononce ses vœux. Ici c’est la confirmation que tous les bouddhas des dix directions et les bodhisattvas seront les instructeurs d’un véritable fils de Bouddha parfait dans l’observance des préceptes de bodhisattvas.

La "cérémonie de confession" (sk.) jnapti-karman est un rituel lors duquel une personne confesse ses transgressions à l’égard des règles de discipline prescrites pour les moines et les nonnes. Ici le Bouddha affirme que son véritable fils fera pour lui-même son autocritique et réalisera les prescriptions de bodhisattva qui le rendront digne de louanges comme un arhat.

Ensuite, le Bouddha enseigne au fidèle comment pratiquer le repentir-sange s’il veut réaliser parfaitement les préceptes de bodhisattva.

« Alors, si le pratiquant désire recevoir les préceptes complets de bodhisattva, il devra, les paumes jointes, dans un endroit isolé et calme, saluer universellement les bouddhas des dix directions et se repentir de ses fautes ; il exposera ses propres erreurs puis, en un endroit tranquille, s'adressera aux bouddhas des dix directions en ces termes : ‘‘Éveillés, Vénérés du Monde qui restez perpétuellement au monde ! À cause de l'obstacle de mon karma [mes actes], malgré ma foi, je ne peux voir pleinement les bouddhas ; je prends maintenant refuge en eux. Veuille seulement Shakyamuni, le Vénéré du monde au savoir correct et universel, être mon instructeur ! Veuille Manjushri, pourvu de la grande compassion, me conférer en sa sagesse le pur Dharma des bodhisattvas ! Que le bodhisattva Maitreya, l'excellent soleil de la grande compassion, par pitié de moi, m'autorise aussi à recevoir le Dharma de bodhisattva ! Que les bouddhas des dix directions apparaissent pour me rendre témoignage ! Que les grands bodhisattvas, ces grands et excellents guides, invoqués chacun par son nom, protègent les êtres et nous viennent en aide ! Je reçois aujourd'hui les sutras vailpulya. Dussé-je perdre la vie, même si je tombe dans les enfers pour y subir d'innombrables souffrances, jamais je ne calomnierai le Dharma correct des bouddhas. En ces circonstances, par la force de ces mérites, que le Bouddha Shakyamuni soit mon instructeur, que Manjushri soit mon éducateur, veuille Maitreya, celui qui est à venir, me conférer le Dharma ! Veuillent les bouddhas des dix directions attester de me connaître ! Veuillent les bodhisattvas de grande vertu être mes compagnons! À présent, fort du sens profond et sublime des sutras du Grand Véhicule, je prends refuge dans le Bouddha, je prends refuge dans le Dharma, je prends refuge dans le Sangha.’’ (Robert, p. 450-451)

Le Bouddha dit de répéter cela trois fois. Cela résume la foi et le but des bouddhistes. Dans le chapitre XVI, nous avons vu la signification de ces Trois Trésors.

Les expressions "Que les bouddhas apparaissent pour me rendre témoignage !" et "Veuillent les bouddhas attester de me connaître !" sont l’équivalent de "J’appelle les bouddhas comme témoins que je mets en pratique mes vœux". Les "grands et excellents guides" sont, bien sûr, les bodhisattvas. "Même si je tombe dans les enfers pour y subir d'innombrables souffrances, jamais je ne calomnierai le Dharma" traduit l’état d’esprit du véritable croyant. Quand, à cause d’un karma négatif, les gens n'obtiennent pas des bienfaits en réponse à leur pratique religieuse, ils ont tendance à dénigrer Dieu ou Bouddha. Ce faisant, ils lâchent la bouée qui peut les sauver de la souffrance. Celui qui croit en le Dharma Correct du Bouddha ne peut tomber en enfer. Mais même si cela arrivait, il devra maintenir sa détermination à persévérer jusqu'à la fin. Une telle personne, ayant un esprit pur consacrée à sa foi, sera naturellement libérée de ses souffrances.

Dans l’invocation "que Manjushri soit mon éducateur", le terme "éducateur" désigne un prêtre confirmé qui assiste l’instructeur lors de la cérémonie au cours de laquelle le novice reçoit les préceptes bouddhiques. "Veuille Maitreya, celui qui est à venir, me conférer le Dharma" traduit le désir du disciple de recevoir le Dharma de la bouche de Maitreya censé apparaitre dans le monde Saha 5.670.000.000 ans après le parinirvana de Shakyamuni.

"Veuillent les bodhisattvas de grande vertu être mes compagnons !" exprime le souhait de partager avec ces bodhisattvas leur expérience de la bodhéité.

Le Bouddha continue :

« Il dit ainsi trois fois et, ayant pris refuge dans les Trois Trésors, il devra ensuite faire lui-même serment de recevoir les six lois graves. Ayant reçu les six lois graves, il devra ensuite s'appli­quer sans obstacle à la conduite brahmique, déployer la pensée de vaste salut des êtres et recevoir les huit lois graves. Ayant fait ce serment, dans un endroit isolé et calme, il brûlera force encens de renom et dispersera des fleurs en offrande à tous les bouddhas, les bodhisattvas et les vaipulya du Grand Véhicule, et il dira ces paroles : ‘‘Je déploie en ce jour la bodhicitta (pensée d'Éveil) ; de par ces mérites, puissé-je assurer le salut universel !’’

« Ayant dit ces paroles, il saluera encore profondément tous les bouddhas et les bodhisattvas, il réfléchira au sens du Grand Véhicule ; de un jour jusqu'à trois fois sept jours, qu'il ait quitté la famille ou qu'il soit en famille, il n'aura pas besoin d'instructeur, n'aura pas recours à des maîtres, ne prononcera pas de cérémonie de jnapti-karman. Par la force de la préservation et de la récitation des sutras du Grand Véhicule, et parce que le bodhisattva Samantabhadra l'aidera à développer sa pratique, ce sera par l'œil du Dharma Correct des bouddhas des dix directions, grâce à ce Dharma, qu'il mènera spontanément à accomplissement le Corps du Dharma* en ses cinq parties que sont les préceptes-sila, le dhyana, la sagesse-prajna, la délivrance-vimukti, le savoir (jnana) et vision de délivrance (vimukti-jnana). Les bouddhas Ainsi-Venus prennent naissance de ce Dharma et obtiennent la prédiction dans les sutras du Grand Véhicule. (Robert, p. 451)

Les "six lois graves" sont les six préceptes-silas bouddhistes : ne pas tuer, ne pas voler, ne pas avoir de rapports sexuels illicites, ne pas mentir, ne pas consommer d’intoxicants et ne pas parler des fautes des autres.

Les "huit lois graves" sont les six préceptes-silas précédents auxquels on ajoute ceux de ne pas dissimuler ses erreurs et de ne pas mettre l'accent sur les défauts des autres au lieu de mettre en avant leurs mérites.

Jnapti-karman” a la double signification de ses composés : jnapti signifie information ou déclaration et karman signifie cérémonie, en l’occurrence une procédure lors d'une Assemblée de bouddhistes. Ce rituel a lieu lors de l’ordination du novice où celui-ci confesse ses fautes passées et déclare ses vœux pour suivre les enseignements bouddhiques. 

Le repentir-sange dans les trois grandes classes

Le Bouddha décrit le repentir-sange des trois grandes classes ; 1. les shravakas (moines), 2. les upasakas (laïcs) et 3) tous les autres : rois, ministres, brahmanes, citoyens, doyens, fonctionnaires et ainsi de suite.

« C'est pourquoi, ô Sage, si un shravaka viole les trois refuges, les cinq préceptes, les huit préceptes, les préceptes de bhikshus, les préceptes de bhikshunis, les préceptes de shramaneras, les préceptes de shramanerikas, les préceptes des shikshamanas ainsi que les rites de bonne conduite ; si, à cause d'un esprit sot, malsain, mauvais et fautif, il transgresse abondamment préceptes et rites de bonne conduite, s'il désire éliminer erreurs et afflictions et s'en trouver exempt, retourner à l'état de bhikshu et se pourvoir des attributs de shramanera, il devra s'appliquer à la lecture des sutras vaipulya, réfléchir au Dharma primordial et fort profond de la vacuité et faire en sorte que cette sagesse du vide soit en adéquation avec sa pensée. Sache que pour un tel homme, toutes les souillures des fautes prendront fin en l'espace d'une unité de pensée (ichinen), ce à tout jamais et sans qu'il en reste rien; il sera réputé totalement pourvu des rites de shramanera en même temps que des règles de bonne conduite et sera digne de recevoir toutes les offrandes des hommes et des dieux. » (Robert, p. 451-452)

Les cinq préceptes sont : ne pas ôter la vie, ne pas voler, se garder des relations sexuelles illicites, ne pas mentir, ne pas consommer d’intoxicants. Les huit préceptes sont : les cinq précédents plus trois autres : éviter les parfums, la danse et le théâtre ; ne pas s’asseoir ni dormir sur une chaise ornée ; ne pas manger après midi.

Un shramanera est un novice qui a reçu les dix préceptes et qui peut désormais devenir shramana, un moine ascète. Un shikshamana est une novice femme entre dix-huit et vingt ans qui observe les cinq préceptes plus celui de ne pas manger en dehors des heures réglementaires.

Le Bouddha poursuit :

« Si un upasaka transgresse les règles de conduite et commet les œuvres malsaines — commettre les œuvres malsaines consiste à exposer les fautes et les maux du Dharma de Bouddha, à exposer les œuvres mauvaises perpétrées par les quatre congrégations, à n'avoir ni honte ni vergogne du vol et de la fornication —, s'il désire se repentir et faire disparaître ces fautes, il devra s'appliquer à réciter les sutras du Grand Véhicule et à réfléchir au sens primordial.

« Si un roi, un ministre, un brahmane, un maître de maison (griha-pati), un riche, un mandarin ou tel autre homme, en leur quête avide et inlassable, commettent les cinq forfaits, calomnient les vaipulya, se chargent des dix actes de mal, ils auront pour rétribution de ces grands maux de chuter dans les mauvaises voies avec une violence dépassant les tempêtes; ils tomberont à coup sûr dans l'enfer avici. S'ils désirent éliminer les obstacles de ce karma, ils devront concevoir honte et vergogne et se repentir de leurs fautes.

« En quoi consiste la méthode de repentir des kshatriyas et des maîtres de maison (griha-pati) ? La méthode de repentir des guerriers et des maîtres de maison ne consiste qu'à rester en pensée correcte, sans calomnier les Trois Trésors, sans faire obstacle aux bhikshus, sans créer difficultés ni empêchements à ceux qui pratiquent la conduite brahmique. Ils devront s'exercer aux six méthodes de réflexion-smriti en toute présence d'esprit et fourniront aussi vivres et offrandes à ceux qui préservent le Grand Véhicule ; ils leur rendront immanquablement hommage ; ils devront commémorer le Dharma fort profond des sutras et la vacuité de sens primordial. Réfléchir à ce Dharma constitue le premier repentir exercé par les kshatriyas et maîtres de maison (griha-pati).

« Le second repentir, c'est exercer la piété filiale envers père et mère et respecter maîtres et aînés ; voilà en quoi consiste l'exercice de la seconde méthode de repentir.

« Le troisième repentir, c'est gouverner le royaume par le Dharma Correct et ne pas oppresser le peuple ; voilà en quoi consiste l'exercice du troisième repentir.

« Le quatrième repentir, c'est promulguer les six jours de jeûne sur le territoire et, partout où son pouvoir s'étend, ne pas laisser pratiquer le meurtre ; exercer une telle méthode constitue l'exercice du quatrième repentir.

« Le cinquième repentir, c'est simplement croire profondément aux causes et effets, croire en la voie de la Réalité unique, savoir que le Bouddha ne disparaît pas ; voilà en quoi consiste l'exercice du cinquième repentir. » (Robert, p. 452-453)

Les six méthodes de réflexion-smriti portent sur six notions essentielles : le Bouddha, le Dharma, le Sangha, les préceptes, la paramita du don et les "ciels". Dans ce contexte, "ciels" veut dire que l’on n’est pas perturbé par les troubles terrestres.  Les six jours de jeûne sont des jours de purification où l’on consacre des offrandes aux défunts. Ces jeûnes ont lieu sont le huitième, le quatorzième, le quinzième, le vingt-troisième, le vingt-neuvième et le trentième jour du mois, pendant lesquels laïcs observent les huit préceptes. En japonais on les appelle roku sainichi pendant lesquels on s’abstient de tuer quelque créature que ce soit.

Les "causes et effets" du cinquième repentir se réfèrent au principe selon lequel si on sème des graines du bien on récoltera le bien et si on sème les graines du mal on récoltera le mal. Bien que la rétribution puisse être plus ou moins différée, on reçoit inévitablement le résultat de ses actions. Si on a profondément compris ce principe, on ne peut plus commettre de mauvaises actions.

Dans l’expression "voie de la Réalité unique" il s’agit de la Vérité de l’existence unique immuable du Bouddha parmi les innombrables phénomènes changeants de l’univers.

« L'Éveillé déclara à Ananda : ‘‘ Si, dans les âges à venir, il s'en trouve pour exercer une telle méthode de repentir, sache que ces gens revêtiront l'habit de la honte et de la vergogne, qu'ils seront protégés des bouddhas et qu'avant longtemps ils réaliseront l'Éveil complet et parfait sans supérieur.’’

« Quand il eut ainsi parlé, dix fois mille fils de dieux obtinrent la purification de l'œil de Dharma ; le bodhisattva Maitreya et les grands bodhisattvas, ainsi qu'Ananda, entendant ce que prêchait le Bouddha, le mirent en pratique dans l'allégresse. » (Robert, p. 451-452)

C’est sur ces paroles que se termine le Sutra de la méditation du bodhisattva Samantabhadra. Peut-être que certains l’on trouvé un peu dur, en partie à cause de son contenu difficile à comprendre.  Mais nous pouvons dire en conclusion que le véritable repentir est d’étudier les enseignements du Grand Véhicule et de les mettre en pratique. Se repentir c’est refuser tout compromis avec soi-même, exclure toute attitude équivoque ou indulgente ; c’est polir sa nature de bouddha pour éliminer progressivement toutes les illusions et les défilements-bonno de son esprit. La pratique du repentir est une pratique de bodhisattvas par laquelle on ne se contente pas de nettoyer sa nature de bouddha mais on se met au service des autres. Le repentir est indispensable à toute vie religieuse. On peut espérer que tout le monde aura à cœur de se remettre en question en lisant et relisant ce sutra et en comprenant comment intégrer son sens profond dans notre vie quotidienne.

Ici s’achève le commentaire du Triple Sutra du Lotus. En parcourant ces chapitres, vous avez pu vous examiner à la lumière de ses enseignements et peut-être avez-vous trouvé votre état tellement déplorable qu’il semblait désespéré et que vous vous sentez découragés. J’ai entendu dire que certaines personnes, après avoir lu le Sutra du Lotus, ne voulaient plus y toucher le trouvant beaucoup trop profond pour elles. Je peux comprendre qu’on se sente intimidé par la puissance de ce sutra. Mais je pense que ce sentiment vient d’une lecture superficielle et que si on le lit et relit inlassablement avec l’esprit de recherche, on verra à quel point c’est un enseignement qui peut conduire tout le monde à la délivrance. Notre pratique peut commencer par un tout petit enseignement du Sutra du Lotus et par une toute petite action dans la vie de tous les jours. Le sutra lui-même nous exhorte à ne pas penser qu’il est au-dessus de nos capacités.  

Je voudrais conclure par une histoire relatée dans le Sutra des Cent Paraboles (Hyakuyu-kyo). Il était une fois un homme vraiment très stupide. Alors qu’il mourrait de soif, il cherchait désespérément de l’eau. Il finit par arriver à la rivière Sindh. Mais au lieu de se précipiter pour boire il resta debout sur la rive. Un ami bienveillant lui demanda : « Pourquoi ne buvez-vous pas l’eau de la rivière ». Et l’homme répondit : « Je meurs de soif. Mais il y a tant d’eau dans la rivière, que je ne pourrais jamais la boire toute. »

J’espère sincèrement que personne d’entre vous n’aura cette idée folle à l’égard du Sutra du Lotus.

 

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