Réponse à Dame Myoichi

Myoichi nyo Gohenji

Lettres et traités de Nichiren Daishonin.

Minobu, mai 1275 à Myoichi

 

Vers la deuxième décade du mois de juillet dernier, j’ai commenté dans les grandes lignes la doctrine de l’Éveil sous sa forme présente* selon le Shingon et selon le Lotus. Sans doute que par la suite, vous avez utilisé uniquement l’Éveil sous sa forme présente selon le Sutra du Lotus. Si ce n’est pas le cas, ce sera, comme pour les gens de notre époque, l’Éveil sous sa forme présente sans obtenir la voie*. Cela m’inquiète. Vous devez lire avec toute votre attention la doctrine dont je vous ai parlé l’autre jour. La doctrine appelée "devenir Bouddha dès cette existence-ci"*, tous les lettrés reconnus de ce monde, la considèrent comme l’affaire la plus importante. En particulier, mes disciples doivent prêter attention uniquement à cette question, en laissant toute autre de côté. Depuis la cinquième année de Kencho (1253) jusqu’à présent cette troisième année de Koan, pendant vingt-sept ans, les doctrines dont j’ai parlé dans tous les lieux où je me suis trouvé sont nombreuses, cependant, leur finalité se résume à cela.

Parmi les lettrés de ce monde, ceux de la lignée du Shingon considèrent que l’abhiseka célébrant l’intronisation des bodhisattvas de l’enseignement particulier*, dans les trois sutras dont le Dainichikyo, incorporés aux quatre saveurs, trois eseignements* prêchés par Shakyamuni, est l’ultime Éveil dès ce corps*. Il s’agit en fait de l’attestation de l’obtention de la Terre de la joie par les bodhisattvas des dix bhumi parmi les sept degrés. Il ne s’agit nullement de la doctrine Éveil dès ce corps* de l'enseignement parfait*. (note) Même si l’on objecte que c’est dans le sutra, les bienfaits* attestant de la pratique de la joie (note) sont déterminés en fonction de la condition (des bodhisattvas). Il s’agit uniquement de la pratique de la cause par les bodhisattvas des dix degrés. Les bodhisattvas à partir des dix développements* jusqu’à l’Éveil d’indifférenciation* ignorent les effets. Si j’en parle de façon strictement rigoureuse, avec l’esprit de l'enseignement parfait*, sokushin (sans changer d'apparence) est semblable à la Une pensée (ichinen) des identités de dénomination* et de contemplation* au sein des six identités. Et si l’on en parle avec moins de rigueur, il s’agit alors de la fusion harmonieuse du factuel et du principiel* de l’identité de contemplation*, et non pas de la contemplation du principe par la sagesse*. Même en se référant au Bodaishin ron ou aux trois sutras de Vairocana, ce n’est nullement l’Éveil dès ce corps. C’est une doctrine largement inférieure à l’obtention du degré de l’endurance de son corps vivant. Ainsi, mystifiés (note) par les phrases du Bodaishin ron affirmant que l’Éveil dès ce corps se trouve uniquement dans l’enseignement du Shingon, les gens de ce monde pensent que devenir Bouddha dès ce corps ne se limite qu’à l’école du Shingon. Pour cette raison, ils disent que le Sutra du Lotus, qui prêche de manière correcte l’Éveil dès ce corps, est une plaisanterie. Le cinquième volume du Maka Shikan   indique : "Par exemple, même celui qui est dégoûté du monde se complait dans un véhicule vulgaire et s’accroche aux branches et aux feuilles. Le chien s’habitue au serviteur, on respecte un babouin comme si c’était Taishaku, on vénère un caillou pensant que c’est un joyau. Comment de tels hommes, plongés dans l’obscurité peuvent-ils enseigner la voie"  ? C’est la même chose. Quelle tristesse que les savants-maîtres* du Kegon, du Shingon, du Hosso, perdent leur temps en vain et s’écartent de la doctrine de l’Éveil dès ce corps.

En premier lieu, la doctrine sokushin jobutsu (devenir bouddha dès ce corps) selon le Sutra du Lotus est attestée par la fille du Roi-Dragon. Le chapitre Daibadatta* (XII) dit : “En l’espace d’un instant réaliser l’Éveil correct”. Il dit encore : “Elle se transforma et devint un homme”. Il énonce encore “elle se dirigea vers le monde immaculé en direction du sud”. Le Grand-maître* Saicho* dit : “La fille du Roi-Dragon qui enseigna, n’avait pas pratiqué pendant des kalpas ; les êtres à qui elle enseigna n’avaient pas pratiqué non plus pendant des kalpas. L’enseignante comme les enseignés n’ont pas pratiqué pendant des kalpas. Le pouvoir du Sutra du Dharma merveilleux est de permettre de devenir bouddha dès ce corps”. Il existe par ailleurs deux formes d’Éveil dès ce corps dans le Sutra du Lotus : la doctrine éphémère enseigne l’Éveil dès ce corps principiel et la doctrine origielle l’Éveil dès ce corps factuel. Concluant que l’Éveil dès ce corps de la doctrine primordiale (honmon) est l’identité du degré actuel (note) et de la merveille, sans modifier ce qui est à l’origine, on peut dès lors appeler Ainsi-venu aux Trois Corps sans artifice (musa), présent à l’origine, le corps de chair tel qu’il est. Cette doctrine est absente des sutras enseignés par le Bouddha au cours de sa vie. Dans le Hokke Mongu* il est dit  : “Au sein de tous les sutras, ceci est tenu secret, sans être divulgué”.

Il existe par ailleurs deux périodes où le Sutra du Lotus se propage  : ce sont l’époque du Bouddha et la fin du Dharma. L’ascèse également montre deux significations  : du vivant de l’Éveillé, c’était l’unique l'enseignement parfait*, alors que le temps présent, fin du Dharma (mappo) après le parinirvana du Bouddha, est le temps où uniquement la doctrine primordiale doit être propagée (note). Cela fait désormais plus de deux cents ans que le temps de la propagation de la doctrine éphémère est révolu. Seuls Zhiyi* et Saicho* étaient capables de la propager. Or, tous deux sont entrés dans le parinirvana. Nichiren a compris le temps. Ne doit-il pas propager la doctrine primordiale dont il a reçu la transmission  ? La prédisposition, l’enseignement et le temps de l’éphémère et ceux de l’originel sont très différents.

Question : Nichiren est-il le seul à savoir cela  ?

Réponse : Vasubandhu, Nagarjuna voyaient clairement à l’intérieur d’eux-mêmes”. Le Grand-maître* Zhiyi* disait  : “la dernière période de cinq cents ans sera largement humectée par la voie merveilleuse”. (réf.) Le Grand-maître* Saicho* disait  : “Les période du Dharma correct et du Dharma formel sont déjà passées et terminées. La fin du Dharma est extrêmement proche. C’est véritablement le temps, à présent, de la prédisposition au Véhicule unique de la Fleur du Dharma. Comment peut-on le savoir  ? Le chapitre Pratiques paisibles indique  : "Dans l’ère finale, lorsque le Dharma disparaîtra…"(réf.) Ces maîtres des traités, ces maîtres hommes savaient que la période de luttes et de controverses que sera la période de la fin du Dharma, sera le temps où le bodhisattva sortira de terre pour propager Namu Myoho Renge Kyo, cœur essentiel de la doctrine primordiale. Ils en soupiraient (note), c’est pourquoi, ils faisaient de tels commentaires. En ce qui concerne l’Éveil dès ce corps, la doctrine éphémère en est la porte d’entrée. La doctrine primordiale en exprime la signification véritable. Les hommes qui obtinrent la voie (tokudo) grâce à la doctrine éphémère (note) obtinrent l’Éveil par la graine (busshu) catégorielle ou la graine relative. Dans les deux cas, la signification véritable n’existe que dans le chapitre Durée de la vie de la doctrine primordiale. C’est pourquoi, constamment, vous devez faire l’observation de la pensée (shikan) en vous appuyant sur ce point. Ce sera l’observation juste.

Alors que de tels excellents hommes des temps anciens étaient embarrassés par l’Éveil dès ce corps, que vous, une femme, m’interrogiez sur une telle doctrine n’est pas ordinaire. Le vénéré Shakyamuni aurait-il pénétré votre corps  ? Avez-vous pris la relève de la fille du Roi-Dragon  ? Ou bien la femme nommée Gautami serait-elle revenue  ? Je ne le sais pas. Vous appréciez la lune de l’Éveil de la lumière paisible (note) en dissipant les nuages des cinq entraves.

Je vous en dirai encore d’avantage.

Le cinquième jour du dixième mois de la troisième année de Koan (1280).

Nichiren

Traduit du japonais par Gérard Purec (Nichren Shoshu) :

http : //www.hokkeko.de/ecole_fuji/myoichi_no_gohenji.htm

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