|
Extraits de gosho sur |
|
|
Mont
Minobu |
|||
Cette
région s'appelle le Mont Minobu
: au sud, se trouve la province de Suruga, et, du littoral d'Ukishima-gahara (note) dans cette province jusqu'au domaine d'Hakiri, sur le Mont Minobu, dans la province de Kai, il y a plus de cent ri. Ce trajet est plus difficile à effectuer que dix fois la même distance sur une autre toute. La rivière Fuji, connue pour être la plus rapide du Japon, coule du nord au sud. A l'est et à l'ouest de cette rivière, de hautes montagnes s'élèvent, formant des vallées profondes dans lesquelles d'énormes rochers s'entassent comme de hauts paravents. Les eaux de la rivière coulent dans la vallée aussi rapidement qu'une flèche tirée dans un tube par un puissant archer. Le courant est si rapide et tant de rochers encombrent son parcours que parfois un bateau vient s'écraser en longeant les rives ou en essayant de traverser de l'une à l'autre. Une fois franchie cette passe dangereuse, on arrive à une grande montagne appelée le Mont Minobu. J'ai bien
reçu le katabira,
le sac de sel et les cinq sho
d'huile que vous avez envoyés. Les vêtements nous protègent
du froid et de la chaleur, cachent notre nudité et nous servent
de parure. On lit dans le chapitre Yakuo
(XXIII), dans le septième volume du Sutra
du Lotus : "Comme une personne nue obtenant un vêtement."
Ce passage compare la joie ressentie en recevant le Sutra du Lotus
à celle d'une personne sans vêtement à qui l'on donne
de quoi se vêtir. [On dit que] parmi les successeurs
du Bouddha, il y en eut un, Shanavasa,
qui naquit tout habillé, pour avoir dans une vie antérieure fait don d'un vêtement au Dharma bouddhique. Le Sutra du Lotus
mentionne également "la robe de douceur et de persévérance."
(note) Il n'y a pas de simples cailloux
sur le Mont Kunlun, ni de sel sur
le Mont Minobu. N'importe quelle
pierre ordinaire, là où l'on n'en trouve aucune, a plus
de valeur que des joyaux ; et là où il ne s'en trouve pas,
le sel est encore plus précieux que le riz.
Alors que
le bruit courait que je serais décapité d'un jour à
l'autre, j'ai passé quatre années sur l'île de Sado
(note).
Le quatorzième jour du deuxième mois de la onzième
année de Bun'ei (1274),
signe cyclique kinoe-inu, je
fus gracié. Le vingt-sixième jour du troisième mois
de la même année, je revins à Kamakura
et, le huitième jour du quatrième mois, j'eus une entrevue
avec Hei no Saemon. Je lui ai dit
beaucoup de choses et notamment que les Mongols envahiraient certainement
le Japon dans l'année. Puis, le douzième jour du cinquième
mois, j'ai quitté Kamakura
pour m'installer dans cette montagne [Minobu]. Comme je m'y
attendais depuis le début, mes avertissements ne furent pas entendus.
Un vieil adage dit que, si le gouvernement rejette trois fois l'avertissement
d'un sage, ce dernier devrait quitter
la région. Prenant ce parti, je quittai Kamakura
le douzième jour du cinquième mois [12 mai], et vins ici,
au Mont Minobu. Au sud de
cette montagne, champs et collines en friche s'étendent sur plus
de cent ri. Au nord, se dresse très
haut le Mont Minobu qui se poursuit
plus loin par les sommets du Mont Shirane. A l'ouest, s'élève
le pic abrupt de Shichimen, couvert de neige toute l'année. Il
n'y a pas la moindre habitation autre que la mienne dans la région.
Les seules visites que je reçoive, et je regrette qu'elles soient
si brèves, sont celles des singes qui viennent en se balançant
par la cime des arbres. A l'est, coulent les flots rapides de la rivière
Fuji, semblables aux tourbillons de sable du Takla-Makan. De plus, pour
venir de la province de Totomi jusqu'ici, sur le Mont Minobu,
au village d'Hakiri dans la province de Mii, il faut faire un voyage de
plus de trois cents ri, et les conditions
de logement, chemin faisant, sont très précaires. Vous avez
escaladé les montagnes en baignant dans la lumière du soleil
et de la lune, mais en descendant dans les ravins, vous avez sans doute
eu l'impression de tomber dans un gouffre. L'eau des torrents coule avec
la rapidité d'une flèche, et les énormes rochers
qu'ils charrient en interdisent la traversée aux hommes et aux
chevaux. Même les bateaux sont aussi dangereux que des petits bouts
de papier jetés sur l'eau. Les hommes que l'on rencontre au cours
d'un tel voyage sont de grossiers bûcherons et les femmes ressemblent
à des ogresses de la montagne. La piste est aussi étroite
qu'une corde, et les arbres aussi denses que de l'herbe. J'ai quitté Kamakura
et je vis depuis sept ans dans cette montagne. En Inde centrale,
un voyageur souffrant se rendit un jour au lac Munetchi pour éteindre
le feu de l'angoisse qui brûlait dans son coeur. Il proclama que
les eaux du lac comblèrent tous ses désirs, tout comme l'eau
fraîiche et claire d'un étang comble la soif. Bien que le
lac Munetchi et cet endroit [où je réside] soient différents,
le principe est exactement le même. Ainsi, le Pic
du Vautour en Inde se trouve maintenant ici, au Mont Minobu.
Cela fait longtemps que je ne vous y ai pas vu. |
|||
Retour au dictionnaire |