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Bodaishin Ron
 
 

J'ai ici un exemplaire d'un ouvrage en un volume intitulé Bodaishin Ron, que l'on dit écrit par le bodhisattva Nagarjuna. On y lit : "Seuls les enseignements du Shingon permettent d'atteindre la bodhéité sans changer d'apparence. C'est pourquoi le Shingon enseigne la manière d'accéder au samadhi*. Ce principe fait défaut à tous les autres sutras et n'est mentionné nulle part ailleurs." Comme cette affirmation éveillait mes doutes, j'ai fait des recherches dans les sutras. J'ai découvert que même si l'on trouve [dans les sutras du Shingon] les termes "atteindre la bodheité sans changer d'apparence" (sokushin jobutsu) aucun exemple de personne y étant parvenue n'en apportait la preuve. Et même si c'était le cas, puisque ce principe est également enseigné dans le Sutra du Lotus, il n'est pas juste de dire "ce principe fait défaut à tous les autres sutras et n'est nulle part ailleurs mentionné". C'est une grossière erreur. En réalité, ce traité n'est pas l'oeuvre de Nagarjuna. Je reviendrai sur ce point en une autre occasion. Pourtant, même si c'était l'oeuvre du bodhisattva Nagarjuna, une erreur reste une erreur. Dans le Daichido Ron*, Nagarjuna établit une distinction de grande importance parmi les enseignements exposés de son vivant par Shakyamuni lorsqu'il écrit : "Les sutras Hannya* ne sont pas des enseignements ésotériques, parce qu'ils ne mentionnent pas la possibilité d'atteindre la bodhéité pour les personnes des deux véhicules.
[...] Si l'on croit véridique le passage du Bodaishin Ron, il contredit le Daichido Ron* de Nagarjuna et, d'un point de vue plus général encore, il s'oppose à la seule grande raison de la venue de tous les bouddhas en ce monde. Nagarjuna, Vasubandhu et d'autres sont tous apparus en ce monde pour propager l'enseignement du Bouddha Shakyamuni. Nagarjuna fut l'un des 24 successeurs du Bouddha. Aurait-il pu réellement être l'auteur d'une interprétation aussi erronée  ?
Réponse à Hoshina Goro Taro (5 décembre 1267 à Hoshina)

Une pensée (ichinen) des identités de dénomination (myojisokui) et de contemplation (kangyosoku) au sein des six identités. Et si l’on en parle avec moins de rigueur, il s’agit alors de la fusion harmonieuse du factuel et du principiel (ji ri wayu) de l’identité de contemplation, et non pas de la contemplation du principe par la sagesse (ri e soo). Même en se référant au Bodaishin Ron ou aux trois sutras de Vairocana, ce n’est nullement l’Éveil dès ce corps. C’est une doctrine largement inférieure à l’obtention du degré de l’endurance de son corps vivant. Ainsi, mystifiés (note) par les phrases du Bodaishin Ron affirmant que l’Éveil dès ce corps se trouve uniquement dans l’enseignement du Shingon, les gens de ce monde pensent que devenir Bouddha dès ce corps ne se limite qu’à l’école du Shingon.
Réponse à Dame Myoichi (Minobu, mai 1275 à Myoichi)

Question : A la fin de la dynastie Tang, le grand lettré Amoghavajra* introduisit en Chine un traité en un seul volume intitulé Bodaishin Ron qu'il présenta comme l'oeuvre du bodhisattva Nagarjuna. Le Grand-maître Kukai* a dit à ce propos : "Ce traité est le coeur même des mille ouvrages de Nagarjuna."(réf.) Que pensez-vous de cela  ? Réponse : Ce traité comporte sept feuilles et de nombreux passages qu'il semble impossible d'attribuer à Nagarjuna. C'est pourquoi, dans les catalogues des textes bouddhiques, cet ouvrage est attribué tantôt à Nagarjuna, tantot à Amoghavajra*. L'auteur n'en a jamais été précisément déterminé. De plus, ce traité ne prend pas en compte tous les enseignements de Shakyamuni et il comprend de nombreuses affirmations inexactes. A commencer par la phrase qui prétend que : "Seul l'enseignement du Shingon peut conduire à la bodhéité." C'est une erreur, puisque cela nie la possibilité d'atteindre la bodhéité sans changer d'apparence grâce aux enseignements du Sutra du Lotus, un fait largement établi par les preuves scripturales aussi bien que par des événements concrets.
[...] Mais il [Kukai*] comprit que, s'il se contentait de l'affirmer, comme le faisaient les maîtres de l'école Kegon, personne ne le croirait. C'est pourquoi il modifia à sa manière le raisonnement du Kegon (note) en disant : "Je propage en réalité la véritable doctrine contenue dans le Sutra Vairocana*, dans le Bodaishin Ron du bodhisattva Nagarjuna et dans l'enseignement du maître du Shingon Shubhakarasimha* ", consolidant ainsi sa position à grand renfort de mensonges absurdes. Mais, malgré cela, les moines de l'école Tendai n'ont pas su fermement le contredire.
Le choix en fonction du temps (Minobu, 10 juin 1275 ; adressé à Yui)

Après la mort de Shubhakarasimha* et Vajrabodhi*, Amoghavajra* fit un voyage en Inde et rapporta en Chine un traité appelé Bodaishin Ron, et l'école Shingon exerça une influence encore plus grande.
[...] De plus, si l'on étudie attentivement le Daichido Ron*, il devient évident que son auteur, le bodhisattva Nagarjuna, considéré comme le fondateur de l'école Shingon, était du même avis. Mais malheureusement, le Bodaishin Ron, ouvrage de Amoghavajra*, est pétri d'erreurs et a égaré tous ceux qui l'ont lu, provoquant la confusion qui règne actuellement.
Traité sur la dette de reconnaissance (Minobu, le 21 juillet 1276, à Joken-bo et Gijo-bo)

Toutefois, on lit dans le Bodaishin Ron  : "[le principe de l'atteinte de la bodhéité sans changer d'apparence] se trouve uniquement dans les enseignements du Shingon." A quel "uniquement" pouvons nous faire confiance  ? C'est le Bodaishin Ron qui doit se tromper. Il est dit dans le Sutra Muryogi : "Durant les quarante et quelques années qui viennent de s'écouler, je n'ai pas encore révélé la vérité."(réf.) Et on lit dans le Sutra du Lotus  : "L'Honoré du monde expose ses enseignements depuis longtemps et doit maintenant révéler la vérité."(réf.)
La persécution par le sabre et le bâton (Minobu, 20 avril 1279 à Nanjo Tokimitsu)

Si l'on croit véridique le passage du Bodaishin Ron, il contredit le Daichido Ron* de Nagarjuna et, d'un point de vue plus général encore, il s'oppose à la seule grande raison de la venue de tous les bouddhas en ce monde. Nagarjuna, Vasubandhu et d'autres sont tous apparus en ce monde pour propager l'enseignement du Bouddha Shakyamuni. Nagarjuna fut l'un des 24 successeurs du Bouddha. Aurait-il pu réellement être l'auteur d'une interprétation aussi erronée  ? [...] De plus, le Bodaishin Ron [sur lequel s'appuie l'argumentation de Kukai*] n'est même pas un sutra. Fonder ses arguments sur un commentaire, c'est commettre l'erreur de rabaisser ce qui est supérieur et préférer ce qui est inférieur. C'est transgresser aussi l'exhortation du Bouddha à "suivre le Dharma et non les personnes."(réf.)
[...] Question - Mais rejeter le Bodaishin Ron, n'est-ce pas rejeter Nagarjuna  ? Réponse - Il est probable que c'est le traducteur qui a déformé le sens originel en le pliant à ses conceptions personnelles.
Le principe de l'atteinte de la bodhéité sans changer d'apparence (Minobu, en 1280   ? , à Myoichinyo)

 

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