Commençons aujourd’hui par lire les passages suivants du Sutra du Lotus2 :

Cessez, fils de foi sincère, il ne vous sera pas nécessaire de protéger ce Sutra. Pourquoi cela ? Ce monde Saha qui est le mien recèle des bodhisattvas-mahasattvas en nombre égal aux sables de soixante mille Gange ; chacun d'entre eux a une suite égale aux sables de soixante mille Gange. Tous ces gens seront capables, après mon passage en parinirvana, de sauvegarder, lire, réciter et amplement prêcher ce Sutra.

Quand l'Éveillé eut dit cela, les terres du monde Saha tremblèrent toutes et se fendirent ; de leur sein surgirent simultanément d'innombrables millions de myriades de bodhisattvas-mahasattvas. Ces bodhisattvas avaient tous le corps couleur d'or, portant les trente-deux marques, brillant d'une lumière incommensurable. Ces bodhisattvas, ayant entendu la voix du Bouddha Shakyamuni alors qu'il prêchait, se déployèrent des régions inférieures ; chacun d'entre eux était à la tête ; était le guide d'une grande multitude ; menait une suite nombreuse comme les sables de soixante mille Gange. Et combien plus encore ceux qui menaient une suite nombreuse comme les sables de cinquante mille, de quarante mille, de trente mille, de vingt mille, de dix mille Gange. Et combien plus encore ceux qui étaient comme les sables d'un seul Gange, d'un demi-Gange, ou d'un quart, voire d'un dix millionième de myriadième de milliardième. Et combien plus encore ceux aux suites de dix millions de myriades de milliards. Et combien plus encore ceux aux suites de dix mille myriades. Et combien plus encore ceux de dix millions, d'un million, voire de dix mille. Et combien plus encore ceux de mille, de cent, voire de dix. Et combien plus encore ceux qui menaient cinq disciples, quatre, trois, deux ou un seul. Et combien plus encore ceux qui venaient seuls. Une telle quantité, nul nombre, nulle limite, nul décompte ou comparaison n'aurait pu en donner une idée.

Ces bodhisattvas, quand ils eurent surgi de Terre, se rendirent chacun auprès de l'Ainsi-Venu Taho et du Bouddha Shakyamuni dans la merveilleuse Tour des sept matières précieuses suspendue dans les Airs ; une fois arrivés, tournés vers les deux Vénérés du monde, ils les saluèrent en inclinant la tête jusqu'à leurs pieds. Ils allèrent aussi auprès des bouddhas sur leurs trônes léonins au pied des arbres de matières précieuses, leur rendirent à tous hommage en faisant trois circumambulations vers la droite en signe de respect et chantèrent leurs louanges en une variété d'hymnes de bodhisattva, pour demeurer ensuite sur ce côté ; pleins d'espoir et de joie, ils regardaient avec adoration les deux Vénérés du monde.

Pendant que ces bodhisattvas-mahasattvas surgissaient de Terre et louaient les bouddhas en une variété d'hymnes de bodhisattva, il s'écoula cinquante kalpa mineurs. Durant ce temps, le Bouddha Shakyamuni restait assis en silence ; les quatre congrégations aussi restèrent silencieuses pendant cinquante kalpa mineurs. Grâce aux pouvoirs mystiques du Bouddha, les vastes multitudes purent croire que ce n'était qu'une demi-journée.

Alors les quatre congrégations, grâce encore aux pouvoirs mystiques du Bouddha, virent les bodhisattvas emplissant l'espace d'innombrables millions de myriades de royaumes. Il y avait quatre dirigeants à la tête de cette multitude de bodhisattvas : le premier s'appelait Jogyo, le second Muhengyo, le troisième Jyogyo, le quatrième Anryugyo. Ces quatre bodhisattvas étaient, parmi la multitude, des maîtres et guides éminents ; se tenant devant les vastes multitudes, chacun joignant les paumes de concert, ils contemplèrent le Bouddha Shakyamuni et le saluèrent en ces mots : « Vénéré du monde, peu de maladies, peu de soucis pour vous ! Pratiquez-vous en toute commodité ? Ceux que vous devez sauver reçoivent-ils facilement votre enseignement ? Ne causent-ils pas gêne et fatigue au Vénéré du monde ? »

* * *

Ces grand protecteurs,
cette foule de bodhisattvas pleins de zèle,
qui donc leur a prêché le Dharma,
les a convertis par l'enseignement, les a menés à l'accomplissement ?
Grâce à qui déployèrent-ils pour la première fois leur pensée ?
De quel Éveillé exaltèrent-ils le Dharma ?
De qui ont-ils reçu, gardé et pratiqué le Sutra ?
À la voie de quel Éveillé s'exercent-ils ?
Des bodhisattvas tels que ceux-ci,
aux pouvoirs mystiques, à la grande force de sagesse,
qui, tandis que la terre dans les quatre orients tremble et se fend,
surgissent de son sein :
Vénéré du monde, jamais auparavant
je n'avais vu telle chose.
Expliquez-nous, c'est mon souhait, d'où ils viennent,
le nom de leur royaume.
Moi qui parcours constamment les royaumes,
jamais je ne vis cette multitude ;
dans cette foule,
je ne reconnais même personne.
Ils ont surgi brusquement de terre ;
veuillez nous en expliquer les raisons.
Dans cette grande assemblée d'aujourd'hui,
les innombrables centaines de milliers de myriades
de bodhisattvas qui sont ici
désirent tous connaître ces choses,
et les causes originales et finales
qui mènent ces bodhisattvas.
Vénéré du monde aux innombrables mérites,
résolvez donc, c'est mon seul souhait, cette multitude de doutes.

* * *

Sache-le, ô Invincible,
ces grands bodhisattvas,
depuis d'innombrables kalpas,
s'exercent à la sagesse de bouddha ;
ils furent tous tant qu'ils sont convertis par moi,
qui leur ai fait déployer la grande pensée de la Voie.
Ce sont mes enfants,
qui habitent en ce monde,
y pratiquent constamment les dhutas.
Ils aspirent aux endroits tranquilles,
ont renoncé aux tumultes des grandes foules,
ne se complaisent dans de prêches verbeux ;
De tels enfants
s'exercent au Dharma de la voie qui est mienne ;
car jour et nuit, toujours, avec zèle,
ils recherchent la Voie de bouddha.
Dans le monde Saha,
en l'espace du nadir ils demeurent ;
fermes dans la force de leur détermination,
ils recherchent toujours la sagesse avec application,
ils exposent le Dharma merveilleux en sa diversité,
leur esprit est assuré.
Moi, en cette ville de Gaya,
assis au pied de l'arbre bodhi,
j'ai pu réaliser la Voie suprême et correcte,
mettre en branle la roue du Dharma insurpassable,
C'est alors que je les ai enseignés et convertis,
leur ai fait pour la première fois déployer la pensée de la Voie ;
ils demeurent tous maintenant dans l'état de non-régression,
ils pourront tous tant qu'ils sont réaliser l'état de bouddha.
Le discours que je tiens à présent est véridique,
croyez-le de tout cœur :
cela fait bien longtemps
que j'enseigne et convertis ces multitudes.

* * *

Autrefois, l'Éveillé, de la race des Shakya,
quitta sa famille, alla près de Gaya,
s'assit à l'arbre bodhi,
cela ne fait pas si longtemps ;
or les fils du Bouddha, que voici,
sont en nombre incalculable,
pratiquent depuis fort longtemps la Voie de bouddha,
demeurent dans la force de leurs pouvoirs mystiques,
apprennent bien la voie de bodhisattva,
ne se souillent pas des entités mondaines,
de même que la fleur de lotus dans l'eau ;
voici qu'ils surgissent de terre,
concevant tous une pensée pleine de respect,
ils demeurent devant le Vénéré du monde ;
cette chose est difficilement concevable,
comment pourrions-nous la croire ?
Cela fait fort peu que l'Éveillé a fait sienne la Voie,
et fort abondants sont ses accomplissements ;
nous souhaitons qu'il dissipe la multitude de nos doutes,
qu'il explique et distingue comme il en est réellement.
C'est comme si, par exemple, un homme jeune,
ayant tout juste vingt-cinq ans,
montrait aux gens un fils centenaire,
aux cheveux blancs, au visage ridé :
"Voici celui que j'ai engendré",
tandis que le fils explique en retour que c'est son père :
un père jeune et un fils chenu,
cela soulève l'incrédulité du monde.
Il en va de même pour le Vénéré du monde :
cela fait fort peu qu'il a fait sienne la Voie,
et les bodhisattvas que voici,
à la ferme volonté, dépourvus de faiblesse,
depuis d'innombrables kalpas,
pratiquent la voie de bodhisattva ;
habiles dans les questions et réponses difficiles,
leur cœur est plein d'assurance,
leur esprit d'adhésion patiente est déterminé.
Dignes et majestueux,
ils sont loués par les bouddhas des dix directions ;
ils sont bien capables de prêcher en distinctions ;
ils ne se plaisent pas à résider parmi les foules,
préférant être constamment en méditation,
dans leur quête de la Voie de bouddha,
ils demeurent dans l'espace au nadir.
Nous n'avons pas de doute sur cette chose,
l'ayant entendue du Bouddha.
Ce que nous souhaitons, c'est que pour l'avenir,
il l'expose et la fasse comprendre en la révélant.
S'il s'en trouve qui, sur ce Sutra,
conçoivent doute et incrédulité,
ils tomberont dans les mauvaises voies ;
nous souhaitons qu'il explique maintenant
comment ces innombrables bodhisattvas,
en si peu de temps,
ont été enseignés et convertis, menés à déployer leur pensée
et à demeurer dans la terre de non-régression.

Pour des raisons de compréhension, je vous ai donné à lire aujourd’hui plusieurs passages d’un même chapitre que je ne voulais pas diviser. J’espère que la lecture n’en fut pas trop longue. Bien que j’en aie volontairement omis une grande partie, vous venez d’en découvrir les points principaux, objectif que s’est assigné ce guide de 35 jours.

Consacrez maintenant le reste de votre temps à réciter Namu Myoho Renge Kyo en vous efforçant de vous rappeler les images qui ont pu surgir en vous pendant votre lecture.

À quoi ou que pensiez-vous en lisant ces passages ? Vous posiez-vous les mêmes questions que les personnes de la congrégation ? Qui sont ces gens surgis du sol, apparus soudainement ?

Permettez-moi maintenant d’attirer votre attention sur certains points : le premier concerne les quatre dirigeants à la tête de la multitude des bodhisattvas. Ces dirigeants figurent également sur le mandala Gohonzon sous forme de statue ou de nom calligraphié : sous forme statuaire, ce sont quatre statues identiques dont les robes sont d’une couleur légèrement différente ; sous forme calligraphiée, leurs noms apparaissent sur la première ligne du mandala, encadrant ceux des Bouddhas Shakyamuni et Taho (Maints-Trésors).

Le deuxième point que j’aimerais souligner est la manière dont ces personnes surgissant du sol ont approché le Bouddha. Il existe en effet une différence frappante entre leur comportement et celui des disciples contemporains du Bouddha. Contrairement à ces derniers qui demandent à leur maître de leur prédire personnellement l'Éveil, ces gens venus des profondeurs de la terre s’enquièrent de sa santé et de son bien-être.

Autrement dit, les Bodhisattvas Surgis-de-Terre ne demandent rien qui soit égoïste, mais se préoccupent du Bouddha. Alors que les disciples contemporains sont au contraire proches de lui, ils restent cependant centrés sur eux-mêmes, ne s’inquiétant pas de savoir comment il se porte. Il y a donc là un net changement de préoccupation que vous aviez peut-être remarqué : un groupe se préoccupe de lui-même ; l'autre se soucie d’autrui.

En lisant ces passages, nous constatons que ces personnes qui surgissent de terre ressemblent à bien des égards au Bouddha. Lors de leur apparition se produisent également des phénomènes identiques à ceux qui se produisirent lorsque le Bouddha commença à enseigner le Sutra du Lotus : la terre, entre autres, trembla. Nous constatons aussi que ces bodhisattvas ont des pouvoirs divins et surnaturels : ils sont donc bien différents des contemporains du Bouddha. En outre, nous apprenons que ces bodhisattvas entretiennent depuis fort longtemps une relation avec lui, que celui-ci les a formés et qu’ils ont eux-mêmes pratiqué assidument avec lui pendant une très longue période, à tel point que le Bouddha les appelle ses fils.

Enfin, j’aimerais également souligner le fait que le Bouddha décline l’offre des diverses personnes qui s’étaient présentées à lui pour répandre le Dharma dans les âges suivant sa mort, et qu’il confie cette responsabilité à ce nouveau groupe de personnes. C’est un point essentiel qui relie ces Bodhisattvas Surgis-de-Terre à ceux d’entre nous qui pratiquons le Sutra du Lotus aujourd’hui.

Puisque nous vivons à l’époque qui suit la mort du Bouddha, que nous pratiquons, étudions et enseignons ce Sutra tout comme le Bouddha nous l'enseigne, à qui ressemblons-nous donc le plus parmi tous les gens dont parle le Sutra du Lotus ? Le Bouddha dit que ce sont les Bodhisattvas Surgis-de-Terre qui seront les personnes qui pratiqueront, étudieront et enseigneront le Sutra du Lotus dans les âges qui suivront sa mort. Se pourrait-il alors que nous représentions ces Bodhisattvas Surgis-de-Terre ? Ne serions-nous donc pas, en fait, les personnes que le Bouddha a lui-même formées depuis le passé le plus lointain pour transmettre son enseignement ?

La démarche qui consiste à s’interroger et à trouver des réponses dans sa propre vie, débutant dès ce chapitre et se prolongeant dans les chapitres suivants, fait en réalité partie du transfert des responsabilités que pose la protection du Sutra du Lotus. Au fur et à mesure que nous poursuivons notre pratique et développons une meilleure compréhension du Sutra, notre relation à lui change, passant d'une perspective historique à une relation actualisée, personnalisée. Il ne s'agira en effet plus d'un enseignement vieux d’environ 3000 ans, mais de l’histoire-même de notre vie.

Une telle démarche fait partie du processus d'approfondissement, de compréhension et d’acceptation du Sutra du Lotus : au moment où nous découvrons ce Sutra, il nous semble être d’abord le récit de ce qui se passait bien auparavant pour devenir peu à peu le récit de ce qui est en train de se passer dans notre vie personnelle. Bien que cela vous échappe peut-être encore, soyez conscient du fait que le Sutra du Lotus est en réalité une histoire concernant votre vie et votre relation à long terme avec le Bouddha puisqu’elles s'étendent sur le passé, le présent et le futur.

Il y a beaucoup à assimiler aujourd'hui… démarche, qui plus est, dure toute une vie et correspond à une prise de conscience de plus en plus profonde !

Comme les jours précédents, continuez de réciter Namu Myoho Renge Kyo quand vous le pouvez au cours de la journée, et continuez de travailler sur les trois voies justes ainsi que sur votre relation aux autres.

À bien des égards, c'est aujourd'hui qu'émerge votre vraie vie : même si vous avez pratiqué la récitation de Namu Myoho Renge Kyo jusqu'à ce jour, vous ne saviez peut-être pas quelle était votre véritable place, ou quelle place vous donnait le Sutra du Lotus. Sachez maintenant que vous êtes en fait l'objet de ce chapitre et que c’est ici que commence votre histoire.


1Source accessible sur https://ryusho.org/blog/?p=3087

2Traduction en français accessible sur http://www.nichiren-etudes.net/lotus/lotus-15.htm