12. Lignée du Mont Fuji
Ryuei Michael McCormick |
|
|||||
L'histoire de la lignée Fuji de Nikko est extrêmement complexe. Elle est très importante car elle a donné naissance à la Nichiren Shoshu et, à travers elle, à l'organisation laïque Soka Gakkai par laquelle les enseignements de la Nichiren Shoshu ont été diffusés, à l'intérieur et à l'extérieur du Japon, plus largement que les enseignements des autres écoles. De ce fait, les concepts idiosyncratiques (note) de la Nichiren Shoshu sont les seuls que l'on connaît en dehors du Japon alors que la majorité des écoles de Nichiren les considère comme des mésinterprétations des enseignements de Shakyamuni et de Nichiren. Une étude attentive de l'histoire et des affirmations de la Nichiren Shoshu révèle que ses enseignements sont, en fait, basés sur un enchevêtrement de prétentions non fondées. Ce singularisme ne peut pas être attribué à Nikko lui-même. Il faut cependant analyser l'histoire de la lignée Nikko et en particulier l'histoire du temple Taiseki-ji pour voir comment s'est constituée la Nichiren Shoshu. Rappelons qu'en 1290, le Seigneur d'Ueno, Nanjo Tokimtsu, fit construire le temple du Taiseki-ji à Oishigahara pour Nikko qui avait quitté le Mt Minobu à cause des ses dissensions avec le Seigneur Hakii et Niko. Nanjo Tokimitsu, le Seigneur d'Ueno, était l'oncle de Nichimoku, disciple de Nikko. En 1291, Nikko partit pour la ville d'Omosu
dans le Kitayama et, avec l'aide de Nitcho,
y fonda, en février 1298, le temple Honmon-ji.
Il passa le reste de sa vie dans ce temple. Son lignage est connu comme
lignée Fuji. Nikko a désigné deux séries de six disciples aînés
pour lui succéder après sa mort : 1) Nikke, Nichimoku,
Nisshu, Nichizen,
Nissen et Nichijo.
Ils résidaient au Taiseki-ji et Nikko transmit ce temple à Nichimoku (1260-1333)
Les relations de Nikko avec les autres successeurs de Nichiren, Nissho, Nichiro et Niko étaient conflictuelles. Il reprochait ouvertement à Niko son laxisme et lui en voulait d'avoir été forcé de quitter le Mt Minobu en 1289. Il compatissait, bien sûr, aux difficultés de Nissho et Nichiro lorsqu' en 1284 ils furent persécutés à Kamakura, mais finit par les accuser de trahir Nichiren en revenant dans le giron du Tendai. Nichiro rendit visite à Nikko au Honmon-ji de Kitayama dans une tentative de réconciliation, mais sans succès. Après 1298, Nikko coupa tous les ponts avec Nissho et Nichiro. En ce qui concerne les deux autres disciples aînés, Nitcho rejoignit Nikko au Honmon-ji, quant à Nichiji, celui-ci partit propager daimoku au delà des mers et n'est jamais revenu. Nichizon (1265-1345) était un disciple de Nikko. Il partit pour Kyoto avec deux autres disciples de Nikko, Nichimoku et Nichigo. Malheureusement, Nichimoku mourut en chemin et Nichigo revint à Fuji avec ses cendres. Seul Nichizon alla à Kyoto. En 1339, il fonda le temple Jogyo-in. Lorsque Nichizon mourut, le temple revint à son disciple Nichi-in. Son autre disciple, Nichidai (autre que le disciple de Nikko), s'en sépara pour fonder le Juhon-ji en 1363. Ces deux temples ont été brûlés en 1536 pendant la persécution Tenmon. Ils furent reconstruits et réunis en tant que Yobo-ji en 1548. A la mort de Nikke (1252-1334) de la première série des disciples aînés de Nikko, Nanjo Tokimitsu transforma sa résidence de Shimojo en temple Myoren-ji. Lorsque Nichimoku partit pour Kyoto, il laissa la charge du Taiseki-ji à Nichido (1283-1341). Quand Nichigo (1272-1353) revint avec les cendres de Nichimoku, il espérait évidemment retrouver le contrôle du temple. Il s'ensuivit un conflit entre Nichigo et Nichido et finalement Nichigo fut obligé de quitter le Taiseki-ji. Il alla à Hota où il fonda le temple Myohon-ji, aux environs de 1343. Un autre conflit surgit au Honmon-ji de Kitayama car le mécène (dannotsu) du temple, Ishikawa Sanetada, voulait congédier Nichidai. Il a réussi à le remplacer par Nichimyo. Nichidai partit pour Nishiyama et, en1343, fonda un nouveau temple, le Nishiyama Honmon-ji, par opposition au Kitayama Honmon-ji. Pour supplanter le Kitayama Honmon-ji, le temple Myohon-ji créa, en 1406, le temple Kuon-ji dans la ville de Koizumi dans le district Fuji. Ainsi il y eut cinq temples principaux dans le district Fuji relevant de la lignée Nikko : Taiseki-ji, Kitayama Honmon-ji, Nishiyama Honmonji, Koizumi Kuon-ji et Shimojo Myoren-ji. On les appela collectivement les cinq temples Fuji. En dehors du district Fuji, il y avait trois autres temples importants de la lignée Fuji : Yanase Jitsujoji, Hota Myohonji et Yobo-ji à Kyoto (précédemment les temples Jogyo-in et Juhon-ji). Les doctrines singularistes, qui plus tard seront la caractéristique de la Nichiren Shoshu, apparurent sous Nichiu (1409-1482), le neuvième Grand-patriarche du Taiseki-ji. Tout a commencé par l'enseignement de Nichigen ( ? -1486) du Nishiyama Honmon-ji identifiant Nichiren Shonin au Bouddha tel qu'exposé dans le Gonin-shohasho-kenmon, écrit entre 1470 et 1479. Nichiu et Nichigen étaient des amis proches et il est fort probable que Nichiu acquit cette théorie de Nichigen. Puis ce fut la première mention des "Deux Documents de Transfert" dans un ouvrage appelé Hyaku-gojikka-jo, écrit au Taiseki-ji en 1480 par Nikkyo (1428-1489 ? ). Nikkyo était tout d'abord un prêtre du Juhonji, mais il vint au Taiseki-ji et devint un disciple de Nichiu. Les Deux Documents de Transfert sont le Ikegami Sojo et le Minobu Sojo. Dans ces écrits, attribués à Nichiren, celui-ci confie le Dharma au seul Nikko. Les autres écoles bouddhistes et les disciples indépendants considèrent ces documents de transfert comme des faux, tant à cause des contradictions dans le contenu et dans les prétentions du Taiseki-ji qu'en ce qui concerne la situation réelle à l'heure de la mort de Nichiren Shonin. En fin de compte, c'est seulement durant l'exercice de Nichiu en tant que Grand-patriarche qu'est apparu pour la première fois le Dai-Gohonzon. Nichijo ( ? - 1493), un contemporain de Nichiu et Grand-prêtre de Kitayama Honmon-ji accusa Nichiu d'avoir fabriqué le Ita-mandala (Dai-Gohonzon) ainsi que beaucoup d'autres écrits. Tout comme pour les documents de transfert, il existe un certain nombre de raisons pour lesquelles l'Ita-mandala ne soit pas authentique. Il n'est reconnu que par la Nichiren Shoshu et la Soka Gakkai, l'organisation laïque qui en est issue. Il faut souligner que les autres temples de la lignée Fuji n'acceptèrent pas les innovations doctrinales du Taiseki-ji. Le Yobo-ji, par exemple, signa, en 1466, les Accords de Kansho avec les autres temples de Kyoto sans du tout faire mention de la particularité des doctrines du Taiseki-ji. Cela vaut la peine de souligner que les grands-patriarches du Taiseki-ji entre 1617 et 1707 venaient tous du Yobo-ji. Il est peu probable que tous ces hauts personnages aient cru à la théorie du Vrai Bouddha Nichiren, au Dai-Gohonzon et aux Documents de transfert. Le Ita-mandala lui-même fut conservé dans une réserve jusqu'à la Restauration Meiji. Nichikan (1665-1726) était le 26e grand-patriarche du Taiseki-ji. Il est considéré comme celui qui a consolidé et systématisé les différentes doctrines de la Nichiren Shoshu, et en particulier la doctrine selon laquelle c'est Nichiren Shonin qui est le Bouddha Originel (Honbutsu) et non pas Shakyamuni. C'est Nichikan qui sépara le Taiseki-ji du Yobo-ji et c'est lui qui a restauré et développé les doctrines idiosyncratiques du Taiseki-ji qui étaient apparues sous Nichiu. En 1874, par décret du nouveau gouvernement Meiji, le Taiseki-ji devint une branche du bouddhisme nichirenien shoretsu.
En 1876, huit temples majeurs de la lignée Nikko se sont séparés des autres écoles shoretsu pour devenir le Komon-Ha. En 1899,
Komon-Ha devint la Honmon
Shu. En 1900, le Taiseki-ji se sépara
de la Honmon Shu et prit le nom de Nichiren
Shu Fuji-Ha. En 1912 il choisit
finalement de s'appeler Nichiren Shoshu.
La Honmon Shu se rallia à la Nichiren
Shu en 1941. En 1951 le Yobo-ji se
sépara de la Nichiren Shu sous l'appellation
de Nichiren Honshu. Nishiyama
Honmon-ji devint également indépendant. Shimojo
Myorenji et Hota Myohon-ji se joignirent
à la Nichiren Shoshu. Les temples
de Kitayama Honmon-ji, de Koizumi
Kuon-ji et de Yanase Jitsujo-ji sont
restés dans la Nichiren Shu. |
||
SUITE : Revendications de la Nichiren Shoshu : Transfert de documents ; Dai-Gohonzon ; Nichiren en tant que Bouddha Originel | ||