12. Revendications la Nichiren Shoshu
Ryuei Michael McCormick |
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II. Le Dai-Gohonzon ou Ita-Mandala La Nichiren Shoshu affirme que le 12 octobre 1279 Nichiren a inscrit le Dai-Gohonzon qui serait l'objet suprême de vénération pour le monde entier. Cependant personne en dehors de la Nichiren Shoshu et pas même les prêtres et les érudits des autres lignées Fuji de Nikko, n'adhère à cette affirmation. La légende dit qu'un Dai-Gohonzon aurait été inscrit par Nichiren après la persécution d'Atsuhara, après que de simples laïques aient donné leur vie pour Daimoku. Ce Dai-Gohonzon était dédié à une personne du nom de Yashiro Kunishige. Il avait été gravé dans un morceau de camphrier trouvé dans un ruisseau du Mt Minobu, par un disciple de Nichiren nommé Nippo. La référence de Nichiren à cette création du Dai-Gohonzon est censée se trouver dans son gosho Shonin Gonan Ji (Sur les persécutions subies par le Bouddha) où il dit :
Il n'y a rien dans ce gosho qui indique qu'en disant cela Nichiren fait référence à quelque mandala et encore moins à un Dai-Gohonzon. Le gosho Jogyo Shoden Sho fait mention de Nippo sculptant une statue de Nichiren dans un bois trouvé dans une rivière mais ils semblerait que ce gosho soit une pieuse contrefaçon. La légende du Dai-Gohonzon continue par le récit de Nikko quittant le Mt Minobu et emportant avec soi le bois gravé du Dai-Gohonzon. Plus exactement, il est dit que c'est un prêtre du nom de Hakken-bo, disciple de Nikko, qui l'a porté sur son dos et qu'ensuite il fut déposé au Taiseki-ji. Le problème est qu'il n'existe aucun écrit de Nikko qui fasse mention de cet Ita-mandala ou d'un quelconque Dai-Gohonzon particulier gravé pour toute l'humanité. En fait, les écrits de Nikko indiquent même qu'il n'approuvait pas les mandalas en bois, comme le Dai-Gohonzon. Dans le Fuji Isseki Monto Zonchi-no-koto déjà cité, Nikko exprime sa désapprobation à l'égard de honzons inscrits sur des planches de bois parce qu'ils déprécient les mandalas écrits à la main. Il regrette que l'on façonne de robustes copies en bois alors que les mandalas inscrits à la main sont négligés. Par ailleurs dans son Hara dono gohenji Nikko affirme que l'utilisation de mandalas n'était qu'un moyen approprié provisoire, jusqu'à la sculpture et la mise en place du Bouddha Atemporel entouré de ses quatre disciples primordiaux, les quatre chefs des bodhisattvas Surgis-de-Terre. Est-ce que Nikko aurait écrit des choses pareilles s'il avait été en possession du Dai-Gohonzon ? En outre, Nikko a laissé quatre mandalas de Nichiren authentiques à Kitayama Honmon-ji où il a passé la fin de sa vie. Ces mandalas ont été plus tard donnés aux autres temples de la lignée Nikko : Myokaku-ji à Kyoto, Honno-ji à Kyoto, Honmon-ji à Kyoto et Hokke-ji dans la préfecture de Kagawa. Sur ce dernier Nikko écrivit : "En l'accrochant au Honmon-ji on en fera le joyau inestimable des Derniers jours du Dharma." Le Honmon-ji dont il parle est de toute évidence le Kitayama Honmon-ji et nullement le Taiseki-ji. Il est également étrange que le Taiseki-ji, l'autre temple fondé par Nikko et proclamé par la Nichiren Shoshu comme étant le lieu de la lignée principale de Nikko, n'ait reçu aucun de ces quatre mandalas authentiques. En soi, cela ne prouve rien bien sûr, mais c'est juste une curieuse constatation sur l'attitude de Nikko à l'égard du Taiseki-ji. Certains suggèrent même qu'il a quitté le Taiseki-ji et fondé le Kitayama Honmon-ji parce qu'il ne voulait pas lier l'avenir de ses enseignements (en fait ceux de Nichiren) à la famille de Nanjo Tokimitsu qui contrôlait le Taiseki-ji le considérant comme temple familial. En tous cas, le tombeau de Nikko se trouve à Kitayama Honmon-ji et il n'est pas orienté vers le Taiseki-ji et le prétendu Dai-Gohonzon, mais vers le tombeau de Nichiren au Mt Minobu. La première mention du Dai-Gohonzon apparaît sous Nichiu, le neuvième Grand-patriarche du Taiseki-ji. Il aurait révélé son existence en 1488. Nichiu prétendait qu'il avait été donné au Taiseki-ji par Yashiro Kunishige à qui il est dédié. Mais Nichijo, un contemporain de Nichiu et supérieur du Kitayama Honmon-ji a accusé Nichiu d'avoir fabriqué ce Dai-Gohonzon lui-même. Et par ailleurs personne n'a été en mesure de déterminer qui était ce Yashiro Kunishige. Ce ne pouvait être l'un des paysans persécutés d'Atsuharaa car les paysans n'avaient pas de nom de famille. Et pourquoi Nichiren aurait-il inscrit un Dai-Gohonzon de toute l'humanité le dédiant à quelqu'un d'autre que l'un de ses disciples aînés ou, à la limite, le seigneur du pays ? En tous cas, l'histoire de Yashiro Kunishige destinataire du Dai-Gohonzon contredit la version selon laquelle il avait été conservé au Mt Minobu jusqu'à ce que Hakken-bo l'emporte sur son dos, partant avec Nikko pour les environs du Mt Fuji. Alors d'où provient cet Ita-mandala s'il n'est pas le Dai-Gohonzon inscrit pour toute l'humanité par Nichiren et confié à Nikko qui l'a apporté au Taiseki-ji ? Dans la période Muromachi, après 1333, des mandalas en bois comme cet Ita-mandala étaient en usage dans les Hokke Koshu (Assemblées de la Fleur de Dharma) qui suivaient les enseignements de Nichiren. En fait, sur l'Ita-mandala figure Hokke (Ko)shu à côté du nom de Yashiro Kunishige. Il est donc probable que cet Ita-mandala ait été gravé après 1333, au plus tôt. Il faut également se poser la question de savoir si cet Ita-mandala est au moins une copie d'un mandala de Nichiren. En 1910 une photographie a été prise de l'Ita-mandala avec la permission du Taiseki-ji. (Voir la photo). Cette photo a ensuite été analysée par Suzuki Ichiro et Yamanaka Kihachi qui ont étudié exhaustivement toute l'oeuvre écrite de Nichiren, les lettres et les mandalas. D'après eux, cet Ita-mandala daterait de 1280 et non pas de 1279. Ils se basent sur la dimension du Daimoku qui devient plus important dans les années 1280-1282. Ils remarquent que cet Ita-mandala serait identique au mandala authentifié comme étant celui de Nichiren et qui a été trouvé au temple Myokai-ji à Numatsu près du Mt Fuji. Puisque la Nichiren Shoshu proclame non pas que cet Ita-mandala est une copie gravée d'un mandala de Nichiren, mais le Dai-Gohonzon que tout le monde doit vénérer pour atteindre la bodhéité, la charge d'en fournir la preuve lui incombe. Cependant Nichiren n'a jamais fait mention d'avoir gravé ou fait graver quoi que ce soit de tel. Lorsque Nichiren parle de mandalas et d'arrangements de statues pour représenter le véritable objet de vénération (Gohonzon), il ressort de ses écritures qu'à l'instar des autres bouddhistes, il considérait celui-ci comme étant avant tout la Réalité du Bouddha et/ou du Dharma et que sa représentation plastique était secondaire. Ni Nikko ni les cinq autres disciples aînés, pas plus que leurs successeurs immédiats n'ont jamais fait mention de l'existence d'un Dai-Gohonzon qui serait supérieur aux autres mandalas inscrits et consacrés par Nichiren. Cela est particulièrement curieux car si Nikko avait emporté un tel trésor du Mt Minobu, on aurait pu s'attendre à une protestation ou du moins à un commentaire. Si l'Ita-mandala était réellement le Dai-Gohonzon d'une telle importance, il est étrange qu'aucune mention n'en soit faite jusqu'en 1488. De plus, le premier texte à en parler de façon un tant soit peu conséquente est le Kechu Sho qui date de 1662. Et même là, les passages qui touchent cette question auraient été déformés. En fin de compte, il se pourrait que le Ita-mandala soit un "Gohonzon" qui a été gravé en imitant un mandala de Nichiren authentique datant de 1280. Toutefois il n'y a aucune preuve concrète que ce soit le Dai-Gohonzon tel que le prétend la Nichiren Shoshu. Et les faits semblent indiquer qu'il ait été créé après l'époque de Nichiren et de Nikko. III Nichiren en tant que Bouddha de la Véritable cause des Derniers jours du Dharma |
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