Karma et renaissance


5. Actions délibérées et leurs conséquences

Ryuei Michael McCormick

Voyons maintenant ce que le Bouddha dit à propos de la loi du karma et de son mode de fonctionnement.  Comme nous venons de le voir, le Bouddha définit le karma comme actions, paroles et pensées intentionnelles - ou délibérés. Ces actes karmiques deviennent les graines qui parviendront à maturité de manière positive ou négative selon la nature de l’acte. Citant les vers d’anciens sages, Shakyamuni enseigne :
Selon la sorte de la graine plantée,
On récolte le genre de fruit :
Qui fait le bien récolte le bien ;
Qui fait le mal récolte le mal. (réf.)
En répondant aux questions, le Bouddha donne un aperçu de genres de conséquences qui résulteraient de diverses actions intentionnelles. Par exemple, dans le discours rapporté par le
Culakammavibhanga Sutta, le disciple brahmane Subha demande au Bouddha quelles sont les causes et les conditions qui font qu’un homme a plus de chance qu’un autre. 
« Vénéré Gautama, quelle est la raison, quelle est la cause de ce qu'on voit parmi les êtres humains et parmi la race humaine et la bassesse et l'excellence ? Car on peut voir des gens de longue et de courte durée de vie, des gens malades et des gens en bonne  santé, des laids et des beaux, certains n’ayant aucune influence et d'autres beaucoup, des pauvres et des riches, des mal-nés et des bien-nés, des gens stupides et des gens de discernement. Quelle est donc la raison, quelle est donc la cause, pour laquelle on peut voir parmi les êtres humains, parmi la race humaine et la bassesse et l'excellence ?» (réf.)  

Voilà une question que se posent beaucoup d’entre nous. Pourquoi y a-t-il tant d’inégalités et d’injustices dans le monde ? Aujourd’hui on peut répondre en se référant aux conditions génétiques ou sociales, ou à toute autre circonstance externe, mais les gens veulent savoir s’il y a à cela une cause plus profonde que celle de la loterie historique ou naturelle, tout particulièrement lorsqu’il s’agit de notre vie ou de ceux que nous aimons.  C’est pour ces gens que le Bouddha parle de la responsabilité karmique.

"Sache que les êtres sont propriétaires de leurs actions, héritiers de leurs actions, nés de leurs actions, mis en relation par leurs actions et ont leurs actions pour arbitre. L'action est ce qui différencie les êtres en termes de bassesse et d'excellence."(réf.)

Pour le Bouddha notre genre d’existence dépend de notre responsabilité dans la mesure où nous créons des causes karmiques qui se traduisent par des modifications de circonstances auxquelles nous sommes confrontés dans la vie. Notre corps et notre esprit changent d’un instant à l’autre,  notre durée de vie change d’une vie à l’autre en fonction du karma passé. Shakyamuni en parle dans les termes suivants.  « Et qu’est donc, bhiksus, le vieux karma ? L’œil est le vieux karma qu’il faut considérer comme produit et façonné par la volition, comme quelque chose devant être ressenti. L’oreille est le vieux karma, etc. Le nez est le vieux karma, etc. La langue est le vieux karma, etc. Le corps est le vieux karma, etc. Le mental est le vieux karma qu’il faut considérer comme produit et façonné par la volition, comme une quelque chose devant être ressenti. Voilà ce qu’on appelle le vieux karma.» (réf.)

A la demande de Subha, le Bouddha donne quelques exemples d’actions et attitudes bénéfiques et maléfiques, et décrit leurs effets correspondants. Dans ce discours, le Bouddha ne tient pas compte de causes relevant de la nature inanimée, de processus biologiques, de processus mentaux involontaires, de ce qui relève du Dharma mais se limite aux causes et effets relevant de l’activité karmique. Dans le cas d’actions négatives, le Bouddha affirme que ceux qui les commettent "renaîtront dans des vies misérables, malheureuses, dégradées et même en enfer" (réf.) ou alors dans des conditions qui correspondront aux souffrances causées par leurs méfaits. Inversement, en cas d’actions positives, ils renaîtront dans des circonstances bénéfiques et heureuses, et même dans le monde céleste. Voici la description de ces actions positives et négatives avec leurs conséquences sur la qualité de la vie.

«Il y a le cas, disciple, où une femme ou un homme est un assassin d'êtres vivants, brutal, les mains pleines de sang, adonné à tuer et assassiner, sans merci pour les êtres vivants. Du fait d'avoir adopté et accompli ce genre d'actions, au moment de la dissolution du corps, après la mort, elle/il réapparaît dans le plan de la privation, la mauvaise destination, les domaines inférieurs, l'enfer. Si au moment de la dissolution du corps, après la mort - au lieu de réapparaître dans le plan de la privation, la mauvaise destination, les domaines inférieurs, l'enfer - elle/il revient à l'état humain, alors elle/il a une vie brève partout où elle/il renaît. C'est là le chemin qui mène à une vie brève : être un assassin d'êtres vivants, brutal, les mains pleines de sang, adonné à tuer et assassiner, sans merci pour les êtres vivants.

«Mais ensuite, il y a le cas où une femme ou un homme, ayant cessé de tuer des êtres vivants, s'abstient de tuer des êtres vivants, et reste bâton posé, couteau posé, scrupuleux, miséricordieux et sympathique au bien-être de tous les êtres vivants. Pour avoir adopté et conduit de telles actions, au moment de la dissolution du corps, après la mort, elle/il réapparaît dans une bonne destination, dans un monde céleste. Si au moment de la dissolution du corps, après la mort - au lieu de réapparaître dans une bonne destination, dans le monde céleste - elle/il revient à l'état humain, alors elle/il a une vie longue partout où elle/il renaît. C'est là le chemin qui mène à une vie longue : avoir cessé de tuer des êtres vivants, s'abstenir de tuer des êtres vivants.

«Il y a le cas où une femme ou un homme est du genre à blesser les êtres avec ses poings, avec des mottes de terre, des bâtons ou des couteaux. Du fait d'avoir adopté et accompli ce genre d'actions, au moment de la dissolution du corps, après la mort, elle/il réapparaît dans le plan de la privation... Si au moment de la dissolution du corps, après la mort - au lieu de réapparaître dans le plan de la privation, la mauvaise destination, les domaines inférieurs, l'enfer - elle/il revient à l'état humain, alors elle/il est maladif partout où elle/il renaît. C'est là le chemin qui mène à une vie maladive : être du genre à blesser les êtres avec ses poings, avec des mottes de terre, des bâtons ou des couteaux.

«Mais ensuite, il y a le cas où une femme ou un homme n'est pas du genre à blesser les êtres avec ses poings, avec des mottes de terre, des bâtons ou des couteaux. Pour avoir adopté et conduit de telles actions, au moment de la dissolution du corps, après la mort, elle/il réapparaît dans une bonne destination... Si elle/il revient à l'état humain, alors elle/il a une vie saine partout où elle/il renaît. C'est là le chemin qui mène à une vie de bonne santé : ne pas être du genre à blesser les êtres avec ses poings, avec des mottes de terre, des bâtons ou des couteaux.

«Il y a le cas, où une femme ou un homme a mauvais caractère et est facilement vexé ; même si on la/le critique légèrement, elle/il s'offense, est provoqué, devient méchant et plein de ressentiment ; montre de l'ennui, de l'aversion, et de l'amertume. Du fait d'avoir adopté et accompli ce genre d'actions, au moment de la dissolution du corps, après la mort, elle/il réapparaît dans le plan de la privation... Si au moment de la dissolution du corps, après la mort - au lieu de réapparaître dans le plan de la privation, la mauvaise destination, les domaines inférieurs, l'enfer - elle/il revient à l'état humain, alors elle/il est laid partout où elle/il renaît. C'est là le chemin qui mène à la laideur : avoir mauvais caractère et être facilement vexé ; même si on la/le critique légèrement, s'offenser, se sentir provoqué, devenir méchant et plein de ressentiment ; montrer de l'ennui, de l'aversion et de l'amertume.

«Mais ensuite il y a le cas où une femme ou un homme n'a pas mauvais caractère et n'est pas facilement vexé ; même si on la/le critique légèrement, elle/il ne s'offense pas, ne se sent pas provoqué, ne devient pas méchant et plein de ressentiment ; ne montre pas de l'ennui, de l'aversion, et de l'amertume. Du fait d'avoir adopté et accompli ce genre d'actions, à la dissolution du corps, après la mort, elle/il réapparaît dans une bonne destination... Si elle/il revient à l'état humain, alors elle/il est beau partout où elle/il renaît. C'est là le chemin qui mène à la beauté : ne pas avoir mauvais caractère ni être facilement vexé ; même quand on la/le critique lourdement, ne pas s'offenser, ne pas se sentir provoqué, ne pas devenir méchant, ni plein de ressentiment, ne pas montrer d'ennui, d'aversion, ni d'amertume.

«Il y a le cas où une femme ou un homme est envieux. Elle/il envie, agit à contrecœur, et broie du noir à propos des gains des autres, des honneurs, du respect, de la révérence, des salutations ou de la vénération qu'on rend aux autres. Du fait d'avoir adopté et accompli ce genre d'actions, à la dissolution du corps, après la mort, elle/il réapparaît dans le plan de la privation... Si elle/il revient à l'état humain, alors elle/il n'obtient aucune éminence partout où elle/il renaît. C'est là le chemin qui ne mène à aucune éminence : être envieux, envier, agir à contrecoeur, et broyer du noir à propos des gains des autres, des honneurs, du respect, de la révérence, des salutations ou de la vénération qu'on rend aux autres.

«Mais ensuite il y a le cas où une femme ou un homme n'est pas envieux. Elle/il n'envie pas, ni n'agit à contrecœur, ni ne broie du noir à propos des gains des autres, des honneurs, du respect, de la révérence, des salutations ou de la vénération qu'on rend aux autres. Du fait d'avoir adopté et accompli ce genre d'actions, à la dissolution du corps, après la mort, elle/il réapparaît dans une bonne destination... Si elle/il revient à l'état humain, elle/il est éminent partout où elle/il renaît. C'est là le chemin qui mène à l'éminence : ne pas être envieux, ne pas envier, ni n'agir à contrecœur, ni ne broyer du noir à propos des gains des autres, des honneurs, du respect, de la révérence, des salutations ou de la vénération qu'on rend aux autres.

«Il y a le cas où une femme ou un homme n'est pas un donateur de nourriture, de boisson, de vêtements, de sandales, de guirlandes, de parfums, d'onguents, de lits, de logis ou d'éclairage à des moines ou des contemplatifs. Du fait d'avoir adopté et accompli ce genre d'actions, à la dissolution du corps, après la mort elle/il réapparaît dans le plan de la privation... Si elle/il revient à l'état humain, elle/il est pauvre partout où elle/il renaît. C'est là le chemin qui mène à pauvreté : ne pas être donateur de nourriture, de boisson, de vêtements, de sandales, de guirlandes, de parfums, d'onguents, de lits, de logis ou d'éclairage à des moines ou des contemplatifs.

«Mais ensuite il y a le cas où une femme ou un homme est un donateur de nourriture, de boisson, de vêtements, de sandales, de parfums, d'onguents, de lits, de logis et de lumière à des moines et des contemplatifs. Du fait d'avoir adopté et accompli ce genre d'actions, à la dissolution du corps, après la mort, elle/il réapparaît dans une bonne destination... Si elle/il revient à l'état humain, alors elle/il est riche partout où elle/il renaît. C'est là le chemin qui mène à la grande richesse : être un donateur de nourriture, de boisson, de vêtements, de sandales, de guirlandes, de parfums, d'onguents, de lits, de logis et de lumière à des moines et des contemplatifs.

«Il y a le cas où une femme ou un homme est obstiné et arrogant. Elle/il ne rend pas hommage à ceux qui le méritent, ne se lèvent pas devant ceux pour qui on devrait se lever, ne donnent pas de siège à ceux à qui on devrait en donner un, ne laissent pas passer ceux qu'on devrait laisser passer, n'adorent pas ceux qu'on devrait adorer, ne respectent pas ceux qu'on devrait respecter, ne vénèrent pas ceux qu'on devrait vénérer, ni n'honorent ceux qui devraient être honorés. Du fait d'avoir adopté et accompli ce genre d'actions, à la dissolution du corps, après la mort, elle/il réapparaît dans le plan de la privation... Si elle/il revient à l'état humain, alors elle/il est de basse naissance partout où elle/il renaît. C'est là le chemin qui mène à une basse naissance: être obstiné et arrogant, ne pas rendre hommage à ceux qui le méritent, ne pas se lever... ne pas donner de siège à... ne pas laisser passer... ne pas adorer... ne pas respecter... ne pas vénérer... ne pas honorer ceux qui devraient être honorés.

«Mais ensuite il y a le cas où une femme ou un homme n'est pas obstiné ni arrogant ; elle/il rend hommage à ceux qui le méritent, se lèvent ..., donnent un siège à ..., laissent passer ..., adorent ..., respectent ..., vénèrent... et honorent ceux qui doivent être honorés. Du fait d'avoir adopté et accompli ce genre d'actions, à la dissolution du corps, après la mort, elle/il réapparaît dans une bonne destination... Si elle/il revient à l'état humain, alors elle/il est de haute naissance partout où elle/il renaît. C'est là le chemin qui mène à une haute naissance: ne pas être obstiné ni arrogant, rendre hommage à ..., se lever... donner un siège à... laisser passer... adorer... respecter... vénérer... honorer ceux qui doivent être honorés.

«Il y a le cas où une femme ou un homme qui, en visitant un moine ou un contemplatif, ne demande pas : 'Qui est avisé, vénérable ? Qu'est-ce qui est digne de blâme ? Que faut-il cultiver ? Qu'est-ce qui, ayant été fait par moi, me sera, à long terme, cause de  tort et de souffrance? Ou qu'est-ce qui, ayant été fait par moi, me sera, à long terme, cause de bien-être et de bonheur ?' Du fait d'avoir adopté et accompli ce genre d'actions, à la dissolution du corps, après la mort, elle/il réapparaît dans le plan de la privation... Si elle/il revient à l'état humain, alors elle/il sera stupide partout où elle/il renaît. C'est là le chemin qui mène à la stupidité* : quand on visite un moine ou un contemplatif, ne pas lui demander : 'Qui est avisé?...Ou qu'est-ce qui, ayant été fait par moi, me sera, à long terme, cause de bien-être et de bonheur ?'

«Mais ensuite il y a le cas où une femme ou un homme qui, visitant un moine ou un contemplatif, lui demande : 'Qui est avisé, vénérable ? Qu'est-ce qui est malavisé ? Qu'est-ce qui est sans blâme Qu'est-ce qu'il ne faut pas cultiver ? Qu'est-ce qui, ayant été fait par moi, me sera, à long terme, cause de tort et de souffrance ? Ou qu'est-ce qui, ayant été fait par moi, me sera, à long terme, cause de bien-être et de bonheur ?' Du fait d'avoir adopté et accompli ce genre d'actions, à la dissolution du corps, après la mort, elle/il réapparaît dans une bonne destination... Si elle/il revient à l'état humain, alors elle/il est doté de discernement partout où elle/il renaît. C'est là le chemin qui mène au discernement: quand on visite un moine ou un contemplatif, de lui demander : ''Qui est avisé?...Ou qu'est-ce qui, ayant été fait par moi, me sera, à long terme, cause de bien-être et de bonheur?''

«Donc, disciple, le chemin qui conduit à la vie courte fait que les gens ont une vie courte, le chemin qui conduit à la longue vie fait que les gens vivent longtemps ; le chemin qui conduit à la maladie fait les gens maladifs et le chemin qui conduit à la santé fait les gens sains ; le chemin qui conduit à la laideur fait les gens laids, le chemin qui conduit à la beauté fait les gens beaux ; le chemin qui conduit au manque d'influence fait les gens sans influence, le chemin qui conduit à l'influence fait les gens influents ; le chemin qui conduit à la pauvreté fait les gens pauvres, le chemin qui conduit à la richesse fait les gens riches ; le chemin qui conduit à une basse naissance fait que les gens soient de basse naissance, le chemin qui conduit à une haute naissance fait que les gens soient de haute naissance ; le chemin qui conduit à la stupidité* fait les gens stupides, le chemin qui conduit au discernement fait que les gens ont du discernement.

«Les êtres sont propriétaires de leurs actions, héritiers de leurs actions, nés de leurs actions, mis en relation par leurs actions, et ont leurs actions pour arbitre. L'action est ce qui différencie les êtres en termes de bassesse et d'excellence.» (réf.)

Lors d’une autre occasion les brahmanes de Sala posent au Bouddha une question semblable :

« Lorsque ils se furent assis, ils dirent au Béni du Ciel : "Vénéré Gautama, quelle est la raison, quelle est la condition, pour laquelle certains êtres ici, à la dissolution du corps, après la mort, réapparaissent dans des états de privation, dans une destination malheureuse, dans la perdition, voire en enfer ; et quelle est la raison, quelle est la condition, pour laquelle certains êtres ici, à la dissolution du corps, après la mort, réapparaissent dans une heureuse destination, voire dans le monde céleste?"

Shakyamuni répond :

«Maîtres de maison (griha-pati), il y a trois sortes de conduite corporelle pas en accord avec le Dharma, inique conduite. Il y a quatre sortes de conduite verbale pas en accord avec le Dharma, inique conduite. Il y a trois sortes de conduite mentale pas en accord avec le Dharma, inique conduite.

«Et comment y a-t-il trois sortes de conduite corporelle pas en accord avec le Dharma, inique conduite ? Ici quelqu'un est un tueur d'êtres vivants : il est assassin, les mains pleines de sang, adonné aux coups et à la violence, et sans merci envers tous les êtres vivants. Il prend ce qui n'est pas donné : il prend comme un voleur le cheptel et la propriété d'autrui dans le village ou dans la forêt. Il s'adonne à la mauvaise conduite dans les désirs sexuels : il copule avec des femmes qui sont protégées par leur mère, leur père, leur parents, leur frère, leur sœur, qui ont un mari, qui sont frappées d'une pénalité, et aussi avec celles qui sont portent des guirlandes comme marque de fiançailles. C'est ainsi qu'il y a trois sortes de conduite corporelle pas en accord avec le Dharma, inique conduite. 

«Et comment y a-t-il quatre sortes de conduite verbale pas en accord avec le Dharma ; inique conduite? Ici quelqu'un parle faussement : lorsque convoqué à une cour ou à une assemblée, ou en présence de ses parents, ou à sa corporation, ou en présence de la famille royale, et questionné en tant que témoin comme suit : ’’Or donc, brave homme, dites ce que vous savez,’’ et puis, ne sachant pas, il dit : ‘’Je sais’’, ou sachant, il dit : ‘’Je ne sais pas’’, n'ayant pas vu, il dit : ‘’ J'ai vu’’, ou ayant vu, il dit :  ‘’Je n'ai pas vu’’; en toute connaissance de cause il parle faussement dans son propres intérêt ou celui d'autrui ou pour quelque insignifiante fin mondaine. Il parle méchamment : il répète ailleurs ce qu'il a entendu ici dans le but de causer des divisions entre ceux-ci, ou il répète à ceux-ci ce qu'il a entendu ailleurs dans le but de causer des divisions entre ceux-là, et il est de la sorte un facteur de division entre ceux qui sont unis, un créateur de divisions, qui profite de la discorde, se réjouit de la discorde, se régale dans la discorde, il est un diseur de paroles qui créent la discorde. Il parle durement : il profère des paroles qui sont brutales, dures, blessantes pour les autres, sévères pour les autres, au bord de la colère et qui ne conduisent pas à la concentration. Il fait des  commérages : comme quelqu'un qui raconte ce qui est hors de propos, ce qui n’est pas un fait, ce qui n’est pas bon, ce qui est pas le Dharma, ce qui est pas la Discipline, et il raconte hors de saison des choses qui ne méritent pas qu'on s'en rappelle, qui sont non-raisonnées, indéfinies et sans rapport avec le bien. C'est ainsi qu'il y a quatre sortes de conduite verbale pas en accord avec le Dharma ; inique conduite.

«Et comment y a-t-il trois sortes de conduite mentale pas en accord avec le Dharma, inique conduite? Ici quelqu'un est envieux : il envie le cheptel et la propriété d'autrui comme suit : ‘’Oh, que je voudrais que ce qui appartient à un autre soit mien!’’ Ou bien il a un esprit de mauvaise volonté, avec l'intention d'un esprit affecté par la haine comme suit : ‘’Puissent ces êtres se faire tuer et massacrer, puissent-ils être tranchés, périr, ou être annihilés!’’ Ou bien il a une opinion erronée, une vision distordue, comme suit : ‘’Rien n'est donné, rien n'est offert, rien n'est sacrifié, il n'y a ni fruit ni maturation de bon et mauvais karmas, ni ce monde, ni d'autres mondes, ni mère, ni père, ni d'êtres nés spontanément, ni moines et brahmanes bons et vertueux qui se soient eux-mêmes réalisé par connaissance directe et déclarent ce monde et l'autre monde.’’ C'est ainsi qu'il y a trois sortes de conduite mentale pas en accord avec le Dharma ; inique conduite.» (réf.)

Ensuite Shakyamuni énonce les dix sortes de conduite correcte qui consistent à s’abstenir des dix actes incorrects :
- meurtre, vol, inconduite sexuelle,
- mensonge, médisance, injures, commérages
- envie, mauvaise volonté, opinions erronées.

Les dix sortes de conduite correcte ne se limitent pas éviter le mal mais indiquent les comportements bénéfiques : les trois actes corporels
- actes de compassion et de protection de la vie,
- offrandes aux autres,
- sexualité chaste les quatre verbaux :
- parole honnête
- parole de paix et d’harmonie entre les êtres
- parole douce et agréable
- parole responsable et dite à bon escient. les trois actes mentaux
- générosité
- amour-empathie
- vues justes.

Le Bouddha a enseigné que les qualités morales d’un acte déterminaient non seulement les effets extérieurs immédiats perçus par nous et par les autres (par exemple tuer une personne ou sauver sa vie), mais que le plus important consistait dans les motivations internes nous poussant à agir ou ne pas agir dans une situation donnée.

«  Bhiksus, les actions ont trois origines. Quelles sont ces trois ? L'avidité est une origine des actions, l'aversion est une origine des actions et l'illusion est une origine des actions.

« Une action réalisée dans l'avidité, née de l'avidité, causée par l'avidité, mûrira où que l'individu renaisse. Et lorsqu'elle mûrit, l'individu récolte le fruit de cette action, que ce soit dans cette vie, dans la vie prochaine ou dans des vies suivantes.

« Une action réalisée dans l'aversion, née de l'aversion, causée par l'aversion, mûrira où que l'individu renaisse. Et lorsqu'elle mûrit, l'individu récolte le fruit de cette action, que ce soit dans cette vie, dans la vie prochaine ou dans des vies suivantes.

« Une action réalisée dans l'illusion, née de l'illusion, causée par l'illusion, mûrira où que l'individu renaisse. Et lorsqu'elle mûrit, l'individu récolte le fruit de cette action, que ce soit dans cette vie, dans la vie prochaine ou dans des vies suivantes.

« Bhiksus, c'est tout comme des graines restées intactes, qui n'on pas pourri, qui n'on pas été détériorées par le vent ou le soleil, qui sont bien plantées dans un bon champ, qui sont capables de germer, croîtront, pousseront et se développeront s'il y a beaucoup de pluie ; de même, toute action réalisée dans l'avidité... dans l'aversion... dans l'illusion mûrira où que l'individu renaisse. Et lorsqu'elle mûrit, l'individu récolte le fruit de cette action, que ce soit dans cette vie, dans la vie prochaine ou dans des vies suivantes.

« Voici, bhikkhus, les trois origines des actions.

« Bhiksus, les actions ont trois autres origines. Quelles sont ces trois? La non-avidité est une origine des actions, la non-aversion est une origine des actions et la non-illusion est une origine des actions.

« Si une action est réalisée dans la non-avidité, née de la non-avidité, causée par la non-avidité, apparue dans le non-avidité, une fois que l'avidité, l'avidité et l'illusion ont disparu, cette action est ainsi abandonnée, coupée à la racine, déracinée comme une souche de palmier, et effacée, de telle manière qu'elle ne réapparaîtra plus dans le futur.

« Si une action réalisée dans la non-aversion, née de la non-aversion, causée par la non-aversion, apparue dans le non-aversion, une fois que l'avidité, l'avidité et l'illusion ont disparu, cette action est ainsi abandonnée, coupée à la racine, déracinée comme une souche de palmier, et effacée, de telle manière qu'elle ne réapparaîtra plus dans le futur.

« Si une action réalisée dans la non-illusion, née de la non-illusion, causée par la non-illusion, apparue dans le non-illusion, une fois que l'avidité, l'avidité et l'illusion ont disparu, cette action est ainsi abandonnée, coupée à la racine, déracinée comme une souche de palmier, et effacée, de telle manière qu'elle ne réapparaîtra plus dans le futur.

«  Bhiksus, c'est tout comme des graines restées intactes, qui n'on pas pourri, qui n'on pas été détériorées par le vent ou le soleil, qui sont bien plantées dans un bon champ, qui sont capables de germer: si un homme les brûlait et les réduisait en cendres puis qu'il les dispersait dans un vent puissant, ou qu'il les laissait être emportées par un courant puissant, alors ces graines auraient été radicalement détruites, complètement éliminées, rendues incapable de germer et ne seraient plus capables de réapparaître dans le futur; de même, les actions réalisées avec non-avidité... non-aversion... non-illusion, une fois que l'avidité, l'avidité et l'illusion ont disparu, ces actions sont ainsi abandonnées, coupées à la racine, déracinées comme une souche de palmier, et effacées, de telle manière qu'elles ne réapparaîtront plus dans le futur.» (réf.)

Les actions négatives sont motivées par un esprit plein d’avidité et d’aversion qui naissent des illusions, elles-mêmes étayées par les vues erronées. La paresse, la négligence et l'insouciance sont également des actions mentales. Un accident peut donc avoir des causes karmiques activées par de  telles attitudes négatives. Les actes motivés par la cupidité, la haine et l’illusion ont pour but de gagner quelque chose pour soi, à court ou à long terme. C’est pourquoi ils perpétuent le cycle des renaissances, l’ego cherchant inlassablement leur satisfaction en dépit des souffrances engendrées par les causes négatives.

Quant aux actions positives, elles sont motivées par un état d’esprit tel que la compassion ou l’amour-empathie. Ce sont des graines karmiques dont la maturation se traduira par une renaissance dans un environnement favorable. Quant aux actions basées sur les vues correctes, elles sont même encore plus bénéfiques car elles ne reposent pas sur des illusions. Les actions dépourvues d’avidité, d’aversion et d’illusion ne s’accrochent pas à l’obtention d’un résultat et sont ainsi libérées de regrets, de frustrations, d’espoir et de crainte. Ainsi elles n’engendrent pas la perpétuation des cycles samsariques. 

Les  discours ci-dessus ne précisent pas si les actions du corps, de la parole et de l’esprit ont une importance équivalente ou bien si l’une d’elles a un impact plus fort que les autres. Le moine jaïn Digha* Tapassi* pose au Bouddha cette question. 

« Parmi ces types d’action exposées et distinctes, quel est, ami Gautama, celui que vous trouvez le plus répréhensible dans l'exécution d'une mauvaise action, dans la perpétration d'une mauvaise action : l'action corporelle, l'action verbale ou l’action mentale ?

« Parmi ces types d’action exposées et distinctes, Tapassi,  je trouve l’action mentale plus répréhensible dans l'exécution d'une mauvaise action, dans la perpétration d'une mauvaise action que ne l’est l'action corporelle ou l'action verbale.» (réf.)

Pour les jaïns les actions corporelles comptaient plus dans la formation du karma que les actions mentales. Ainsi, lorsqu’il entendit la réponse du Bouddha, son auditeur laïc Upali demanda des précisions sur cette assertion. Shakyamuni répondit que même pour les jaïns un ascète qui aspire à l’élévation est encore lié par son esprit, alors que l’ascète qui fait du tort  involontairement n’est pas tenu pour responsable, et que les ermites  et des brahmanes ont la réputation de causer plus de dommages par des activités mentales basées sur la haine  qu’un homme avec une épée.  Upali fut ainsi convaincu que les actions mentales étaient plus décisives que les actions corporelles ou verbales, car ces dernières dépendaient des motivations. L’intentionnalité est ainsi reconnue comme un élément clef de la formation du karma.

Si le karma est considéré comme une activité, alors la non-assistance à ceux qui sont dans la souffrance, sous prétexte de ne pas interférer dans l’expiation de leurs fautes karmiques, est une grave erreur. Ce qui compte c’est notre attitude à l’égard d’autrui. Si elle est faite d’indifférence et de méchanceté que l’on justifie par des rationalisations métaphysiques, alors le karma que nous générons est malsain, peu importe si les personnes que nous refusons d'aider souffrent à cause de la maturation de leur karma ou pour quelque autre raison. Il ne faut jamais oublier que le rôle du karma dans la souffrance des victimes n’est qu’un élément parmi d’autres. Alors si nous ne sommes pas en mesure d’offrir une assistance effective ou si par maladresse nous faisons empirer les choses, ce qui compte c’est l’authenticité de notre compassion. Bien évidemment il vaut mieux agir en connaissance de cause et avec habileté plutôt que sottement et sans discernement. L’intention d’aider ne doit pas s’arrêter aux beaux discours ni aux gestes accomplis dans la précipitation, sur une simple impulsion. Mais il faut savoir qu’éprouver de l’indifférence à l’égard de la souffrance des autres ou bien la provoquer, est une cause négative née de l’avidité, de l’aversion et de l’illusion ; alors, faire de notre mieux pour soulager les souffrances et mener habilement soi et les autres à la délivrance devient une cause salutaire enracinée dans la générosité, la bonté et la sagesse des vues justes.

Jusqu’à présent, nous avons parlé uniquement des intentions individuelles. Mais il convient également d’évoquer le concept de karma collectif sous l’angle du karma en tant qu’intention. Un individu faisant partie d’un groupe peut plus ou moins en partager les intentions. Mais en participant activement aux activités du groupe il coopère à la réalisation de ses intentions. A la rigueur, il peut rester à l’écart avec l’intention ni de participer ni de faire obstacle à l’action du groupe. S'il s'agit d'une activité salutaire, sa non-participation est regrettable. S'il s'agit d'une activité malsaine motivée par la cupidité, la haine, l'illusion, cet individu partage aussi une certaine responsabilité s’il n’essaie pas de l'empêcher ou, tout au moins, s’il n’élève pas une voix de désapprobation, dans le cas où la prévention n'est pas possible.

On trouve un bon exemple de karma collectif avec le clan Shakya. Vers la fin de la vie du Bouddha, le roi Virudhaka a massacré le clan Shakya prétextant une insulte subie dans sa jeunesse. Le commentaire du verset 47 du Dhammapada reprend l’explication que le Bouddha donna sur les raisons de ce massacre : dans une vie antérieure le groupe des Shakya tua un grand nombre de poissons en empoisonnant une rivière.

Le Petavatthu  (Histoires de pretas), parle du "transfert des mérites" à propos d’une multitude d’esprits faméliques (pretas), pour lesquels leurs descendants vivants ont fait des offrandes. Ces pretas ont pu partager les mérites de ces offrandes parce qu’elles étaient faites avec l’intention de se joindre à eux par un acte fait en leur nom. Grâce au bienfait de ces actes mentaux salutaires les pretas ont pu, plus tard, renaître dans le monde céleste. Bien qu’il soit techniquement impossible de transférer le karma à une autre personne, les offrandes faites au Bouddha, au Dharma et au Sangha au nom des autres, tout particulièrement les défunts, permettent de partager les bienfaits grâce à une fusion avec ces personnes. 

SUITE : La compexité du karma

Début

Retour

haut de la page