Renjo sho
ou
Zenshu mondo sho

Dialogue avec les écoles du Zen

Lettres et traités de Nichiren Daishonin. 1255

Traduction Nichiren Shoshu

 

Les écoles du Zen disent : “Au moment du nirvana final, le Vénéré du monde montant sur l'estrade de prédication prit une fleur qu’il montra à la multitude. Un sourire apparut sur le visage de Mahakashyapa. L’Éveillé dit alors : je possède le trésor de la vision du bon Dharma. Le nirvana est un cœur merveilleux. L’aspect réel (jisso-shinnyo) est dépourvu de caractère particularisant. C’est une doctrine subtile et merveilleuse. Elle se situe au-delà des mots, elle fait l’objet d’une transmission particulière en dehors des enseignements. Je la transmets uniquement à Mahakashyapa”.

Je demande : Ces phrases, de quel sutra viennent-t-elles  ?

Les écoles du Zen répondent : Ce sont les phrases du Sutra des Questions du Roi Mahabrahman au Bouddha et l’éclaircissement de ses doutes.

Je demande : Quel tripitaka a réalisé la traduction dudit sutra  ? On n’en trouve nulle trace ni dans l’inventaire de Zhenyuan, ni dans celui de Kaiyuan. Qu’en est-il   ?

Les écoles du Zen répondent : Ce sutra est un livre secret. Pour cette raison, seules les phrases furent transmises de l’Inde.

Je demande : Par quel saint, quel maître ce sutra a-t-il été introduit en Chine  ? Aucune trace ne subsiste. Ce sutra n’a jamais été mentionné dans aucun des inventaires anciens. Ce sont des inventaires récents qui le mentionnent. Ce sutra représente les fondements des écoles du Zen. Il aurait dû figurer dans les plus anciens inventaires. Sachez-le, il s’agit d’un livre apocryphe.

Les écoles du Zen disent : Le "Sutra du Nirvana final" indique : “A présent je transmets l’intégralité du Dharma sans supérieur que je détiens à Mahakashyapa”. Que dites-vous de cette phrase  ?

Je réponds : Bien que l’expression "sans supérieur" ressemble au vocabulaire du Mahayana, elle indique le Hinayana. Comparé aux enseignements des voies extérieures, même le Hinayana est dit être le Dharma correct. Par exemple, lorsqu’on dit que le grand Dharma a été transmis progressivement à l’est, Zhenlan en parle dans ses commentaires comme d’une “désignation globale des enseignements du Bouddha”. Il désigne ainsi l’ensemble du Mahayana et du Hinayana, du véritable et du provisoire en les nommant le grand Dharma. Vis-à-vis des voies extérieures, même le Hinayana est qualifié de grand, comme il peut arriver qu’un roturier soit appelé Messire, comme si l’on s’adressait à un noble. Dans le troisième rouleau du Sutra du Nirvana final, il est écrit : “Si je transmettais le trésor du Dharma à Ananda et aux nombreux moines, il ne persisterait pas longtemps. Pour quelle raison  ? Parce que tous les auditeurs-shravakas et Mahakashyapa sont impermanents. C’est comme un vieillard qui recevrait des dons. Pour cette raison, il faut véritablement effectuer la transmission du Dharma sans supérieur du Bouddha, aux bodhisattvas. Fertile en débats des bodhisattvas, le trésor du Dharma pourrait demeurer éternellement et faire ainsi bénéficier des bienfaits et de la quiétude les êtres au cours de milliers de vies innombrables, ces bienfaitss augmentant de manière intense. C’est comme un adulte dans la force de l’âge qui recevrait des dons. C’est en ce sens que les bodhisattvas posent des questions”. Il apparaît clairement que le Mahayana et le Hinayana font l’objet d’une transmission différente.

Dans le dixième rouleau du même sutra, il est dit : “Sachez-le, Manjushri doit véritablement prêcher largement le grand Dharma aux quatre congrégations. Je vais à présent effectuer la transmission de ce sutra. (…) Si Mahakashyapa et Ananda viennent, je leur ferai encore la transmission de ce bon Dharma de la même manière”. On peut donc le savoir : la transmission du grand Dharma fut faite à Manjushri et Mahakashyapa. Ce Dharma, objet de la transmission par l’Éveillé est le Hinayana.

Le Discours sur la nature de l’Éveil (réf.) dit : “Si un homme s'éveille en son cœur, il obtiendra la voie de la bodhéité. C'est pourquoi, on l'appelle l'Éveillé.

Il y a cinq niveaux de bodhéité. Duquel s’agit-il donc  ? Il y a par ailleurs diverses formes d’obtention de la voie. De quelle voie s’agit-il donc  ? Ce que les autres sutras prêchent n’est pas la grande bodhéité. Ce n'est pas non plus la Voie sans supérieure. Le sutra dit  : “Pendant plus de quarante ans je n’ai pas encore révélé la vérité.”(réf.)

Question : Noble ou vulgaire, homme ou femme, quelle voie peut-on obtenir par le Lotus  ?

Je réponds : "Que tous deviennent bouddha même à l’aide d’une seule stance est indubitable"(réf.). Il est dit encore : "Rejetez honnêtement les moyens salvifiques  ! Je vais à présent prêcher la voie sans supérieure."(réf.) Ici, on peut le savoir, il s’agit de la bodhéité sans supérieure. C'est, “pendant un bref instant l’ écouter, alors on obtient la bodhéité ultime, parfaite et infinie."(réf.) Obtenir cette bodhéité est le bienfait (kudoku) de pouvoir entendre cette doctrine même un bref instant.

Question : Pour ce qui est d’un bref instant, trente brefs instants couvrent un jour et une nuit. L’instant dont il est question dans “pendant un bref instant l’écouter”(réf.) désigne-t-il cette durée   ?

Je réponds : C’est comme il l’a été dit auparavant. Dans le deuxième fascicule du Maka Sikan de Zhiyi* il est écrit  : “Ne rejetez pas même pendant un bref instant”. Dans la “Décision de propager ”, il est précisé  : “Il n’est pas permis de rejeter ne serait-ce qu’un instant. C’est pourquoi il est dit un bref instant. C’est pourquoi un instant représente un moment immédiat”.

Question : Etre fondé sur le champ originel de sérénité représente l’envergure du Zen.

Je réponds : Qu’est ce que le champ originel de sérénité  ? Et dans quel sutra est-ce donc mentionné  ? Seul le Sutra du Lotus qui est le champ de félicité des hommes et des cieux peut l’enseigner aux hommes et aux êtres célestes. C’est pour cette raison que l’Éveillé est le maître des hommes et des dieux. Celui qui a foi en ce Sutra voit non seulement le Bouddha dans son propre cœur, mais également les bouddhas des trois phases  ; c’est comme regarder le pur cristal et y voir des images colorées. Dans le Sutra, il est dit  : “c’est comme voir toutes les images colorées dans un clair et pur miroir”.

Les écoles du Zen rétorquent  : “Ce cœur est le Bouddha ; le corps est le Bouddha”.

Je réponds : “Dans le Sutra, il est dit  : “Le cœur est notre plus grand ennemi. Cet ennemi est le plus mauvais. Cet ennemi peut parfaitement attacher les hommes et les envoyer jusque chez le roi Yama. Tu seras seul à tomber en enfer et en raison de ton mauvais karma, ta femme et tes enfants que tu nourris, tes frères et même tes parents ne pourront te sauver”. Le Sutra du Nirvana exhorte  : “même si par vœu vous devenez le maître de votre cœur, ne faites pas de votre cœur votre maître”. Prétendre à l’identité du cœur et du Bouddha avec notre cœur stupide et éhonté n’est-ce pas là prétendre avoir obtenu ce que l’on n'a pas encore obtenu, penser attester de ce que l’on n'a pas encore prouvé  ?

Question : Quelle est la pensée de l’école du Lotus (Hokkeshu)  ?

Je réponds : Le sutra établit : “Dotés des trente-deux traits distinctifs, ce sera alors l’extinction authentique.”(réf.) Il dit encore  : “réaliser rapidement le corps de bouddha.”(réf.) Les écoles du Zen respectant le Bouddha en sa nature principielle, pensent être l’égal du Bouddha et tombent dans l’outrecuidance, en faisant des criminels voués à l’enfer avici. Pour cette raison, le Sutra du Lotus stipule : “Les moines outrecuidants tomberaient dans le grand puits."(réf.)

Les écoles du Zen disent : Il est dit qu’il faut fouler le sommet du crâne de Vairocana (note)

Je dis : Mais qui est donc Vairocana  ? S’il s’agit du Corps du Dharma* du monde des dharmas environnants, les montagnes, les rivières et la terre sont aussi le Corps et la Terre de Vairocana. Il s’agit alors de la nature principielle de Vairocana. Les chiens et les renards foulent aussi ce Corps et cette Terre. Cela ne rentre pas dans le cadre des écoles du Zen. Si en vérité, il faut fouler le sommet du crâne du Bouddha, on peut dire que même Brahma n’en voit pas le sommet. Comment, dès lors, la Terre de la minceur pourrait-elle bien le fouler. L’Éveillé est doté des trois vertus de souverain, de maître et de parents pour tous les êtres. Celui qui piétinerait son père compatissant aux grandes vertus bienfaisantes serait un grand sot commettant la faute cardinale d’impiété filiale, un mauvais homme. Ce genre d’homme est rejeté par les livres de Confucius, à plus forte raison le sont-ils par le bon Dharma de l’Ainsi-Venu. Comment le fait de louer de tels hérétiques et leurs enseignements hétérodoxes pourrait-il ne pas constituer un lourd crime. Alors que du vivant de l’Éveillé, Kashyapa le saluait de la tête pour lui rendre hommage, l’obscur Zen lui marche sur le crâne ; quelle horreur  !

Les écoles du Zen disent qu’il existe une transmission particulière en dehors des enseignements et qui se situe au-delà des mots.

Je dis en réponse : En général, on peut considérer qu’il existe trois formes d’enseignements répandus en ce monde. La première est le confucianisme. Il en existe ici vingt-sept sortes. La deuxième est le taoïsme. Ici, il y a vingt-cinq courants. La troisième est les douze procédés d’écritures bouddhiques. L’école du Tendai, elle, énonce quatre enseignements et huit enseignements. Est-ce que vous les classez en dehors des enseignements  ? Dans le Dharma des médecins, ceux qui sont extérieurs à la voie fondamentale sont appelés “médecins des livres extérieurs”. Dans le langage humain, celui qui ne succède pas à son nom est appelé “famille extérieure”. Dans l’enseignement du Bouddha, ce qui s’éloigne des sutras et des discours est appelé voie extérieure (gedo). Le Sutra du Nirvana précise : “S’il y a des hommes qui ne suivent pas ce que prêche l’Éveillé, il faut le savoir, ces hommes sont des féaux du démon”. Dans le neuvième rouleau de la “Détermination à propager”, il est écrit : “(ceux qui s’attachent encore aux) sutras antérieurs au Lotus sont des disciples des voies extérieures”.

Les écoles du Zen rétorquent : “Pas de transmission de l’Éveillé et des patriarches" (busso fuden).” (note)

Je réponds en disant : S’il en est ainsi, pourquoi déterminez vous vingt-huit patriarches sous le ciel de l’ouest et six patriarches sur la terre de l’Est (note)  ? Niez-vous le principe de la transmission à Mahakashyapa ? Que dites-vous sur cette contradiction   ?

Les écoles du Zen disent : Les saints n’ont pas transmis la voie unique vers l’élévation.

Je réponds : S’il en est ainsi, même les écoles du Zen ne peuvent la comprendre et la réaliser. Si elles ne la comprennent pas, est-ce parce qu’elle ne fait pas partie du Zen  ? En général, on chante l’élévation parce que l’on demeure dans l’orgueil. On est fier de sa vision de la nature alors qu’on n’a pas encore soigné son cœur troublé. Le fait que la prédisposition et l’enseignement sont opposés justifie le plus mon reproche. Quoi qu’il en soit, vous entravez le rite. Vos erreurs sont très nombreuses. En effet, tout en soutenant (que la transmission se déroule) en dehors des enseignements, vous étudiez ce qui est en dehors des enseignements. Tout en prenant plaisir à l’écriture, vous pronez la vanité des écrits. Vos paroles et votre cœur sont en discordance. N’est-ce pas là le signe de votre appartenance au démon du Ciel  ? N’êtes-vous pas disciples des voies extérieures  ? Le Bouddha sauve les êtres par les mots.

Question : Quelle en est la preuve  ?

Je réponds : Dans le quinzième fascicule du Sutra du Nirvana il est écrit : “Ce que je souhaite est que vous, les êtres, receviez et gardiez les mots extra mondains”. Dans le Zobo Ketsugi “ il est dit : “C’est parce que j’ai recours aux mots que je peux sauver les êtres et qu’ils obtiennent l’éveil”. Sans les mots, comment l’Éveillé pourrait-il accomplir son œuvre  ? N’est-ce pas par des paroles que les écoles du Zen se font connaître aux gens  ? Bodhidharma, venu du sud de l’Inde, écrivit un commentaire en cinq fascicules sur les quatre rouleaux du Sutra Lankavatara. Lorsqu’il fit la transmission à Huike, il lui dit : “Quand je vois la terre de Chine, il n’y a que ce sutra qui puisse sauver les gens. C’est par lui que tu sauveras le monde”. Dès lors, pourquoi donc parlez-vous à la légère de transmission en dehors des enseignements  ?

Ensuite, parvenant aux paroles concernant la non transmission, il dit : “Nous sommes les seuls à pouvoir connaître et distinguer les deux alternatives du chaud et du froid.” (note) Est-ce que là, il se réfère aux mots  ? Il applique la compréhension du chaud et du froid après avoir fait la transmission. De cela, le  Sutra du Lotus préconise  : “Rejetez vos mauvaises connaissances et rapprochez-vous des amis de bien."(réf.) Le Maka Shikan indique  : "Si l’on ne rencontre pas le maître, la sagesse pervertie, de jour en jour augmentera et la vie et la mort, de mois en mois, s’aggravera. Comme tirer un arbre tordu d’une forêt dense, jamais on ne pourra en sortir”. En général, les décisions de ce monde sont prises en concertation avec d’autres personnes. A plus forte raison, comment peut-on ne se fonder sur soi-même en ce qui concerne les profonds principes extra mondains  ? Pour cette raison, le sutra indique : “Ne pas pouvoir voir ce qui est proche, comme les cils des hommes, ne pas pouvoir voir ce qui est éloigné, comme les traces que laissent les oiseaux dans le ciel”. Je laisserai pour l’instant de côté les racines supérieures et la prédisposition supérieure de la méditation assise. Les écoles du Zen actuelles sont comme celui qui reçoit une jarre et (ne la voit pas parce qu’il) est tourné face à un mur. Le sutra dit : “Aveugles, ils ne voient rien. Ils ne recherchent pas les nombreux bouddhas ni le Dharma qu’ils proposent pour interrompre la souffrance. Profondément pénétrés de vues erronées, ils tentent de se débarrasser de la souffrance par la souffrance”. Dans la Détermination à propager il est dit : “Sans même connaître les mots de ce monde, comment pourraient-ils connaître le principe lointain de la Voie du milieu  ? Comment, d’autant plus, pourraient-ils connaître les enseignements secrets habituels ?” Les écoles actuelles du Zen sont toutes un ramassis de grands hérétiques. En particulier parce qu’elles utilisent les recueils de paroles d’hommes ordinaires n’ayant pas interrompu les trois illusions et négligent les paroles de l’Ainsi-Venu doté des quatre sagesses claires et parfaites. Je le répète, véritablement, ils sont dans l’erreur. Il n’y a pas de remède avant la maladie. Il n’y a pas d’enseignement avant la prédisposition. Même les bodhisattvas parvenus à l’Éveil égal utilisent le sutra. Pourquoi alors, de vils stupides n’y croient-ils pas  ? De fait, lorsque l’école du Zen se développa en Chine, le pays fut immédiatement détruit. Il y a suffisamment de maîtres Zen ignorants (du bouddhisme) en ce pays pour présager de sa destruction. Le Maka Shikan indique : “C’est le funeste présage de la destruction du Dharma ; c’est le funeste présage de la fin d’une époque”.

Les écoles du Zen disent : La Hokkeshu réfute le principe de l’inutilité des mots. Pour quelle raison alors, l’Éveillé a-t-il enseigné sans un seul mot (note) ?

Je réponds : vous citez le Sutra Lankavatara  ? Ne connaissez-vous donc pas les deux doctrines du Dharma présent à l’origine et du Dharma attesté  ? Si vous ne les connaissez pas il faut les étudier. De plus, l’autre sutra [Le Sutra des Sens infinis] réfute en disant “je n’ai pas encore révélé la vérité”. Pourquoi, dans ce cas me donner ces indications   ?

Question : Dans le Zobo Ketsugi il est dit : “Je n’ai jamais vu l’Éveillé prêcher une seule stance du Dharma”. Qu’en dites-vous  ?

Je réponds : Cette parole est celle du bodhisattva Joze. Dans le Sutra du Lotus, il est dit : “Les bodhisattvas, entendant ce Dharma seront tous débarrassés des rets du doute. Les mille deux cents arhats aussi, pourront véritablement devenir Bouddha (note).”(réf.) Quatre vingt mille bodhisattvas et mille deux cents arhats, tous assis alignés, écoutèrent, entendirent et se réjouirent. Seul Joze n’a rien vu. Sur quel postulat faut-il se fonder  ? Le nom de Joze n’apparaît pas parmi les bodhisattvas cités comme étant présents dans le Lotus. Qu’il n’ait pas vu est logique. A plus forte raison, de ce qui suit  : “Les êtres voyant que je nais et meurs, je leur prêche le Dharma afin de les sauver”. Pourquoi s’arrêter à la seule stance du non enseignement et perdre ainsi le principe merveilleux enseigné. Les doctrines que vous pronez sont toutes de grandes vues erronées. Corrigez votre attachement et prenez refuge et consacrez-vous au Lotus. Si vous ne le faites pas, ne sera-ce pas là un manque d’esprit de recherche  ?

 

Ce gosho fut écrit par Nichiren en la septième année de Kencho (1255), soit juste deux ans après la fondation de l’école. Il avait alors trente quatre ans. Traduction de la Nichiren Shoshu.
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