Le guide suprême du monde

(Le héros du monde)

Lettres et traités de Nichiren Daishonin. ACEP - vol. 3, p. 259; SG* p. 842.
Gosho Zenshu p. 1165 - Shijo Kingo Dono Gohenji (Seo gosho)

Minobu, le 25 juin 1277, à Shijo Kingo

 

En parcourant votre lettre, j'ai ressenti le même soulagement que lorsque le soleil se lève après une longue nuit, ou lorsque l'on rentre chez soi au terme d'un long voyage.

Le bouddhisme est sanctionné par la victoire ou la défaite, tandis que la vie sociale est régie par le principe de la récompense ou de la punition. C'est pourquoi l'on appelle le Bouddha "le guide suprême du monde"(réf.), et le roi "celui qui gouverne en toute liberté"*. On appelle l'Inde le pays de la lune (note) et notre pays, celui du soleil levant. Parmi les 80000 pays qui forment le continent du Jambudvipa, l'Inde est l'un des plus grands et le Japon l'un des plus petits. Mais, pour ce qui est de l'importance suggérée par leur nom, le Japon vient en premier et l'Inde en second. Le bouddhisme est né au pays de la lune ; il demeurera au pays du soleil. Il est dans l'ordre naturel que la lune apparaisse à l'ouest (note) et que son lever progresse vers l'est tandis que le soleil se lève à l'est et se déplace vers l'ouest. C'est une vérité aussi indiscutable que le fait qu'un aimant attire le métal ou que la fleur zoge s'épanouit quand le tonnerre gronde. Qui pourrait prétendre le contraire ?

Etudions de quelle manière le bouddhisme fut introduit au Japon. Il y eut d'abord le règne de sept générations de divinités du Ciel, et celui de cinq générations de divinités de la terre. Puis ce fut le règne des empereurs humains, dont le premier fut l'empereur Jimmu. Le trentième empereur s'appelait Kimmei et régna pendant trente-deux ans. A l'ouest du Japon se trouvait ce qu'on appelait alors la province de Paekche. Elle était placée sous la suzeraineté de l'empereur japonais et était gouvernée par un roi du nom de Songmyong. Quand ce roi envoya son tribut annuel au Japon, le treizième jour du dixième mois de la treizième année du règne de l'empereur Kimmei [552], il y joignit une statue en bronze doré du Bouddha Shakyamuni, plusieurs sutras, et fit accompagner ces dons par des moines et des nonnes. L'empereur en fut très heureux et demanda conseil à ses ministres sur l'opportunité de vénérer le Bouddha venu des pays de l'Ouest.

L'un de ses ministres les plus haut placés, Soga no Iname, déclara : "Tous les pays de l'Ouest vénèrent ce Bouddha. Pourquoi le Japon seul refuserait-il de le faire  ? " Mais Mononobe no Okoshi, un autre ministre de haut rang, du clan Mononobe, ainsi que Nakatomi no Kamako et d'autres, donnèrent le conseil inverse : "Traditionnellement, les empereurs qui règnent sur notre pays ont toujours, au printemps comme en été, à l'automne comme en hiver, honoré par des rituels les divinités du Ciel et de la terre, les dieux des champs et de l'agriculture, et de nombreuses autres divinités. Si nous nous mettons maintenant à vénérer le dieu venu de l'Ouest, les divinités de notre pays se mettront en colère." Ne sachant trop que décider, l'empereur finit par décréter, à titre d'essai, que seul Soga no Iname aurait le droit de vénérer le Bouddha, interdisant à tout autre de le faire. Le ministre Soga no Iname fut très heureux de recevoir cet ordre. Il prit la statue du Bouddha Shakyamuni et l'enchâssa dans sa résidence d'Ohada, suscitant ainsi la colère de Mononobe no Okoshi qui déclara le fait inacceptable.

A la même époque, une terrible épidémie se déclara au Japon, emportant dans la mort plus de la moitié des habitants du pays. Puisqu'il semblait que la population tout entière allait disparaître, Mononobe no Okoshi saisit l'occasion pour exhorter l'empereur à détruire la statue du Bouddha. L'empereur ordonna que le bouddhisme, religion venue de l'étranger, soit immédiatement abandonné. Mononobe no Okoshi, agissant au nom de l'empereur, confisqua la statue du Bouddha, la fit fondre sur du charbon de bois et écraser à coups de marteau. Il fit raser le temple dans lequel la statue du Bouddha avait été était enchâssée et fit fouetter les moines et les nonnes bouddhistes. Alors, sans aucun nuage annonciateur dans le ciel, un ouragan s'éleva et la pluie se mit à tomber. Le palais impérial brûla dans un incendie allumé par le feu venu du ciel. Les trois hommes, l'empereur, Mononobe no Okoshi et Soga no Iname, furent frappés par l'épidémie. Ils connurent des souffrances aussi terribles que s'ils avaient été amputés ou brûlés vifs. Finalement, Mononobe no Okoshi mourut, tandis que Soga no Iname et l'empereur parvinrent à survivre. Mais, ensuite, dix-neuf ans s'écoulèrent sans que quiconque adopte la foi bouddhique.

Le trente et unième empereur, Bidatsu, était le deuxième fils de Kimmei. Il régna pendant quatorze ans avec l'aide de deux grands ministres. L'un d'eux était un fils de Mononobe no Okoshi, du nom de Yuge no Moriya, qui avait hérité de la fonction de son père. L'autre était un fils de Soga no Iname qui s'appelait Soga no Umako. C'est sous le règne de cet empereur [Bidatsu] que naquit le prince Shotoku, fils de l'empereur Yomei et neveu de l'empereur Bidatsu. Un jour du deuxième mois de l'année, alors qu'il était âgé de deux ans, il se tourna vers l'est, tendit le majeur et récita Namu Butsu [dévotion au Bouddha] et l'une des reliques de Shakyamuni se matérialisa dans la paume de sa main. C'était la première fois que quiconque au Japon invoquait le nom du Bouddha.

A l'âge de huit ans, le prince Shotoku déclara : "Ceux qui, à l'époque des Derniers jours du Dharma, vénéreront l'image du Bouddha Shakyamuni, le sage des pays de l'Ouest, pourront écarter les calamités, et accumuleront de la bonne fortune. Ceux qui la mépriseront provoqueront des désastres, et leur vie sera écourtée."

[En entendant cela] Mononobe no Moriya et les autres se mirent en colère et dirent à l'empereur : "Les membres du clan Soga ont transgressé le décret impérial interdisant de rendre un culte à des dieux étrangers." L'épidémie frappa de plus belle, emportant dans la mort presque toute la population. Mononobe no Moriya rapporta, une fois encore, le fait à l'empereur. Après quoi l'empereur promulgua un décret qui disait : "Soga no Umako a pratiqué le bouddhisme. Il faut cesser de pratiquer cette religion."

[Exécutant l'ordre impérial] Moriya, en compagnie de Nakatomi no Katsumi, attaqua le temple. Ils rasèrent la salle de pratique et la pagode, brûlèrent et détruisirent les statues du Bouddha et incendièrent le temple. Ils dépouillèrent de leur robe les moines et les nonnes et les firent fouetter. Après cet incident, l'empereur ainsi que Mononobe no Moriya et Soga no Umako furent touchés par l'épidémie, éprouvant les mêmes souffrances que si leur corps était brûlé vif ou coupé en morceaux. De plus, leur peau se couvrit des pustules de cette maladie appelée variole. Soga no Umako s'écria, au désespoir : "Nous devrions vénérer les Trois trésors  ! " Un décret de l'empereur fut promulgué, permettant à Umako seul de le faire mais l'interdisant aux autres. Umako s'en réjouit grandement et fit construire un temple où il put vénérer les Trois trésors.

L'empereur Bidatsu mourut le quinzième jour du huitième mois de l'année où le prince Shotoku atteignit l'âge de quatorze ans. Yomei devint le trente-deuxième empereur et son règne dura deux ans. Il était le fils de l'empereur Kimmei et le père de Shotoku. Au cours du quatrième mois de la deuxième année de son règne [587], il tomba malade, victime d'une épidémie. Après quoi il exprima le désir de se convertir et de vénérer les Trois trésors. Le ministre Soga veilla à ce que la volonté impériale soit respectée et fit pour la première fois pénétrer un moine au palais impérial. Ce moine s'appelait Toyokuni. Mononobe no Moriya et quelques autres furent saisis de rage et, furieux, déclarèrent que la pratique du bouddhisme était une malédiction qui se retournerait contre l'empereur. Finalement, l'empereur mourut.

Au cours du cinquième mois de la même année, Mononobe no Moriya et les hommes de son clan se retranchèrent dans sa résidence de Shibukawa et y rassemblèrent des troupes nombreuses. Le prince Shotoku et Soga no Umako marchèrent sur les positions ennemies et les attaquèrent. Quatre batailles eurent lieu, au cours des cinquième, sixième et septième mois. Par trois fois, le camp du prince Shotoku fut vaincu. Avant la quatrième bataille, le prince Shotoku fit le voeu d'élever un stupa pour y conserver les reliques du Bouddha Shakyamuni, et de construire le temple Shitenno-ji. Soga no Umako fit un voeu lui aussi, celui de construire un temple pour y enchâsser la statue du Bouddha Shakyamuni envoyée de Paekche.

Quand la bataille commença, Moriya cria au prince : "Ce n'est pas moi qui lance cette flèche, c'est la divinité de mes ancêtres, la grande divinité (note) enchâssée à Futsu que nous vénérons depuis des générations." La flèche vola au loin et atteignit l'armure du prince Shotoku qui riposta alors, en criant : "Ce n'est pas moi qui lance cette flèche, ce sont les quatre Rois du Ciel ! " Et il fit décocher une flèche par un courtisan nommé Tomi no Ichihi. La flèche vola très loin et toucha la poitrine de Mononobe no Moriya. Hata no Kawakatsu fondit sur lui et le décapita. Cet incident se produisit dans la période intermédiaire entre la mort de l'empereur Yomei et avant l'arrivée au pouvoir de l'empereur Sushun.

Après que Sushun fut devenu le trente-troisième empereur, le prince Shotoku fit construire le temple Shitenno-ji dans lequel il déposa les reliques du Bouddha Shakyamuni. Umako fit construire un temple appelé Gango-ji dans lequel fut vénérée la statue du Bouddha Shakyamuni envoyée de Paekche. Il n'y a pas de plus grande tromperie au monde que la statue du Bouddha Amida enchâssée de nos jours au temple Zenko-ji et que l'on fait passer pour l'objet de vénération primordial. C'est parce qu'ils s'étaient opposés au Bouddha Shakyamuni que les trois empereurs et le clan des Mononobe périrent. Le prince Shotoku fit sculpter et enchâsser une statue du Bouddha Shakyamuni au temple Gango-ji. C'est l'objet de vénération maintenant enchâssé au temple Tachibanadera. Ce fut la première statue du Bouddha Shakyamuni jamais faite au Japon.

En Chine, dans la septième année de Yung-ping [64 av. notre ère], le deuxième empereur de la dynastie des Han postérieurs, Ming, vit en rêve un personnage doré. Après quoi il envoya en Inde dix-huit émissaires, parmi lesquels les lettrés Cai-Yin et Wang-Zun, pour y rechercher le bouddhisme. Pour cette raison, dans la dixième année de Yung-ping, deux sages du centre de l'Inde, Kashyapa Matanga et Zhu Falan furent invités en Chine et traités avec le plus grand respect. Des milliers d'adeptes du confucianisme et du taoïsme, qui avaient jusqu'alors présidé aux cérémonies impériales en Chine, les jalousèrent et se plaignirent auprès de l'empereur. Ce dernier décréta qu'un débat public aurait lieu le quinzième jour du premier mois de la quatorzième année de Yung-ping. Les taoïstes s'empressèrent d'élever un autel en prenant cent divinités chinoises comme objet de vénération. Et les deux sages venus d'Inde [Matanga et Zhu Fan-lan] prirent pour objet de vénération les reliques du Bouddha, une peinture représentant Shakyamuni et cinq sutras (note).

D'après les documents de ce temple, la statue qui y était enchâssée était celle que le roi Songmyong avait envoyée à l'empereur Kimmei. Les documents prétendent que cette statue fut transportée à Nagano par Honda Zenko et enchâssée en 642 dans un temple qui devait devenir le Zenko-ji. Toutefois, d'après le Nihon Shoki (Chroniques du Japon), la statue envoyée par le roi était celle de Shakyamuni. Il est concevable que, avec l'émergence de l'école Jodo, la statue d'origine ait été remplacée par une statue du bouddha Amida. Comme c'était la coutume dans les rituels conduits en présence de l'empereur, les taoïstes apportèrent les écrits de leur école, ainsi que les Trois Recueils, les Cinq Canons, et les écrits des Deux Sages* et des Trois Augustes, et en déposèrent quelques uns sur des brindilles qu'ils enflammèrent. Lors de cérémonies semblables, par le passé, les textes avaient toujours résisté aux flammes, mais cette fois, ils furent réduits en cendres. D'autres écrits, placés sur l'eau, cette fois-ci coulèrent au fond, alors qu'ils avaient autrefois flotté en surface. Les taoïstes s'efforcèrent d'invoquer les démons, mais ils n'apparurent pas. Tous ressentirent cela comme une humiliation insupportable et certains d'entre eux, comme Chu Shan-xin et Fei Shu-cai, en moururent de honte. Par contre, quand les deux sages du bouddhisme exposèrent le Dharma, les reliques du Bouddha s'envolèrent vers le ciel en émettant une lumière assez brillante pour faire pâlir même la lumière du soleil. Des rayons lumineux émanèrent de l'image peinte, du milieu du front du Bouddha Shakyamuni. Plus de six cents taoïstes, parmi lesquels Lu Huitung, se convertirent au bouddhisme sur-le-champ et entrèrent dans l'ordre bouddhique. Dix temples furent construits dans les trente jours qui suivirent cette confrontation.

Le Bouddha Shakyamuni est d'une totale impartialité en distribuant les récompenses comme les punitions. Parce qu'ils s'opposèrent au Bouddha Shakyamuni, les trois empereurs [Kimmei, Bidatsu et Yomei] et leurs deux sujets [Mononobe no Moriya et Nakatomi no Katsumi] périrent et tombèrent dans les mauvaises voies dans leurs vies suivantes.

Il en va de notre époque comme de la leur. Les taoïstes Chu Shan-xin et Fei Shu-cai, en Chine, et Moriya, au Japon, en croyant aux divinités, grandes et petites, de leur pays respectif, s'opposèrent au Bouddha Shakyamuni. Mais parce que ces divinités elles-mêmes obéissent au Bouddha, ces croyants allèrent tous à leur perte. Ce qui se passe de nos jours est identique. L'image du bouddha introduite au Japon en provenance du royaume de Paekche était celle du Bouddha Shakyamuni. Pourtant les moines d'autres écoles mentent maintenant aux Japonais en leur disant que c'était celle d'Amida. Autrement dit, ils ont substitué Amida au Bouddha Shakyamuni. Il y a une différence entre les taoïstes et Moriya d'une part, et les moines de notre époque de l'autre en ce sens que, lors de l'introduction du bouddhisme, ils ont préféré les divinités du Shinto à Shakyamuni, alors qu'aujourd'hui, à l'époque de Kamakura, c'est le bouddha Amida qu'ils préfèrent au Bouddha Shakyamuni. Mais leur attitude de rejet de Shakyamuni est la même. C'est pourquoi il ne fait aucun doute que notre pays court à la ruine. C'est un enseignement qui n'a jamais été révélé à personne jusqu'à ce jour. Gardez-le secret.

Ceux qui, parmi mes disciples, auraient une foi peu profonde et trahiraient l'enseignement de Nichiren connaîtraient le même destin que le clan Soga. Voici pourquoi. C'est grâce aux efforts du père et du fils, Soga no Sukune et Soga no Umako, que le bouddhisme fut introduit et adopté au Japon. Ils avaient peut-être protégé le bouddhisme en remplissant le rôle de Bonten et de Taishaku du temps où Shakyamuni vivait en ce monde. En éliminant Mononobe no Okoshi et son fils Moriya, les membres du clan Soga devinrent le seul clan influent du pays. Ils parvinrent aux positions les plus élevées, gouvernèrent le pays entier et leur famille connut une grande prospérité. Mais Umako, par la suite, devint si arrogant qu'il fit assassiner l'empereur Sushun et tuer de nombreux princes. De plus, son petit-fils, Soga no Iruka, fit mettre à mort par ses serviteurs vingt-trois enfants du prince Shotoku. Après quoi l'impératrice Kogyoku, sur le conseil de Nakatomi no Kamako, fit sculpter une statue du Bouddha Shakyamuni et lui adressa des prières ferventes. Cela eut pour effet que Soga no Iruka, son père, leurs serviteurs et tous les membres de leur clan périrent aussitôt.

Vous devriez bien méditer cet exemple. Ceux qui, parmi mes disciples, auraient une foi faible et ne persévéreraient pas jusqu'au bout, encourraient une punition de la part du Bouddha. Mais même alors, il serait inutile d'en faire reproche à Nichiren. Souvenez-vous du destin réservé à [ceux qui renièrent leur foi, comme] Shofu-bo, Noto-bo et les autres (note).

Soyez extrêmement prudent et, pour l'instant, ne vous engagez à rien par écrit, dans quelque domaine que ce soit. Si furieux que paraisse un feu, avec le temps, il finit par s'éteindre. Par contre l'eau peut sembler avancer lentement mais son flot ne tarit pas facilement. Parce que vous êtes coléreux, votre caractère est comparable au feu, et les autres profiteront sans doute de cette faiblesse. Il suffira que votre seigneur vous parle avec douceur pour que vous soyez aisément amadoué, comme un feu sur lequel on jette de l'eau. L'acier non forgé fond rapidement dans un foyer brûlant, comme un morceau de glace fond dans l'eau chaude. Mais un sabre, même exposé aux flammes, résiste à la chaleur pendant un certain temps parce qu'il est en acier forgé. En vous mettant ainsi en garde, je m'efforce de forger votre foi.

Le bouddhisme s'accorde avec la raison. Le bon sens sera plus fort qu'une décision arbitraire de votre seigneur. Si chère que vous soit votre femme, et si désireux que vous soyez de ne jamais la quitter, lorsque vous mourrez, il faudra bien vous séparer d'elle. Si attaché que vous soyez à votre domaine, après votre mort, il deviendra la propriété d'un autre. Depuis longtemps déjà vous jouissez de ce domaine et de la prospérité. Soyez prêt à l'abandonner sans le moindre regret.

Comme je vous l'ai déjà écrit, vous courez un grand danger en ce moment. Soyez mille fois, cent mille fois plus vigilant qu'auparavant.

Depuis mon plus jeune âge, moi, Nichiren, je n'ai jamais prié pour les bienfaits de ce monde. Je n'ai eu qu'un seul désir, celui d'atteindre la bodhéité. Mais, pour vous, je ne cesse d'adresser des prières au Sutra du Lotus, au Bouddha Shakyamuni et à la divinité du Soleil parce que je sais qu'en vous se continue la vie du Sutra du Lotus. Faites bien attention à n'avoir de conflits avec personne, ne tenez pas de réunions en dehors de votre propre maison. Aucun des gardiens de nuit (note) n'est entièrement digne de confiance. Mais leurs maisons ont été confisquées parce qu'ils avaient foi dans le Sutra du Lotus et vous devriez, dans la vie de tous les jours, rester en bons termes avec eux. Ils n'en seront que plus prudents dans leurs rondes de nuit et vous protégeront d'autant mieux. Même si les vôtres commettent de légères fautes, faites comme si vous ne les aviez ni vues ni entendues.

Quand bien même votre seigneur vous demanderait de lui parler de l'enseignement bouddhique, ne vous réjouissez pas trop vite et ne vous précipitez pas chez lui. Répondez-lui avec calme que vous n'êtes pas certain d'avoir la capacité de le faire et que vous allez consulter certains de mes disciples. Si vous laissez paraître la joie sur votre visage en vous laissant tromper par ce grand désir qu'il manifeste d'entendre l'enseignement, tous vos efforts seront ruinés, aussi inévitablement qu'un incendie dévore tout ce qui peut brûler ou que la pluie tombe du ciel.

Si, dans des circonstances défavorables, le besoin s'en faisait sentir, adressez à votre seigneur la requête (voir le gosho) que j'ai écrite en votre nom. Parce qu'elle soulève des points importants, elle aura certainement des effets.

Respectueusement,
Nichiren

ARRIERE-PLAN - Vers 1277, époque à laquelle cette lettre fut écrite, Shijo Kingo se trouvait dans une situation extrêmement dangereuse car il avait encouru la disgrâce de son seigneur, Ema Chikatoki. L'hostilité d'Ema à son égard datait du débat de Kuwagayatsu qui avait eu lieu, en juin 1277, entre un disciple de Nichiren Daishonin, Sammi-bo, et un moine du nom de Ryuzo-bo.
Ryuzo-bo avait d'abord vécu au temple Enryaku-ji, sur le Mont Hiei, temple principal de l'école Tendai, mais enavait été expulsé sur des allégations de cannibalisme. Il avait cherché refuge à Kamakura, où il avait obtenu la protection de Ryokan, le supérieur du temple Gokuraku-ji. En juin 1277, il participa à un débat religieux avec Sammi-bo à Kuwagayatsu, un quartier de Kamakura. En cette occasion, il fut vaincu par Sammi-bo devant ses propres disciples. Pour masquer cette humiliation, de connivence avec Ryokan, il utilisa la présence de Shijo Kingo, l'un des principaux disciples de Nichiren Daishonin, pour faire un faux rapport au seigneur Ema, affirmant que Shijo, avec des hommes armés, avait perturbé le débat en faisant usage de la force. Des samouraïs du même rang que Shijo Kingo et jaloux de lui virent aussi dans ces circonstances une occasion de lui nuire. Ema, furieux, exigea que Shijo Kingo fasse serment par écrit de renier sa foi dans le Sutra du Lotus. Shijo Kingo informa Nichiren Daishonin qu'il n'écrirait jamais un tel serment, même si son domaine lui était confisqué.
Nichiren Daishonin fut ravi de cette résolution de Shijo Kingo et, le 25 juin, écrivit une requête au seigneur Ema en son nom. Dans ce texte, Nichiren Daishonin décrivait en détail le débat qui avait eu lieu entre Sammi-bo et Ryuzo-bo, et démontrait la fausseté des accusations portées par ce dernier. Il critiquait sévèrement les actes de Ryokan et de Ryuzo-bo, et s'efforçait de prouver que la confiance accordée par Ema à ces deux moines était mal placée. De plus, il soulignait la loyauté de Shijo Kingo en définissant un vassal fidèle comme celui qui fait des remontrances à son seigneur pour lui démontrer ses erreurs. Nichiren Daishonin envoya cette requête à Shijo Kingo en l'instruisant sur la meilleure manière de la présenter à son seigneur. C'est la "requête" dont il est question dans la dernière partie de cette lettre, qui fut sans doute écrite peu après. Cette requête fut conservée par Shijo Kingo et, en définitive, il ne la remit jamais à son seigneur. (Commentaire ACEP)

En anglais : The Supreme Leader of the World ou The Hero of the World

- http : //www.sgilibrary.org/view.php?page=835&m=1&q=The%20Hero%20of%20the%20World
- http : //nichiren.info/gosho/bk_SupremeLeaderWorld.htm

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