7 février 2021

Nature de Bouddha

Pratique pps   ou  GONGYO


Suite et fin de l’étude du texte sur la «  nature de bouddha  » par le Révérend
McCormick

Lecture alternée à partir du paragraphe commençant par ces mots :

    • « Ce concept d’une conscience pure libre de toute impureté (klesha, bonno) telles les graines imparfaites et souillées stockées dans la conscience-alaya était déjà présent dans les enseignements du canon pali.
    • « Moines, cet esprit est lumineux, mais il est souillé par les pensées adventices. Le mondain inculte ne comprend pas ces choses, telles qu’elles sont ; c'est pourquoi je dis au mondain inculte qu’aucun développement de l’esprit n’est possible. »
    • « Moines, cet esprit est lumineux, et il est dépourvu de toute pensée adventice. Le noble disciple qui en est instruit comprend ces choses, telles qu’elles sont. Par conséquent, je dis au noble disciple qu’il est possible de développer l’esprit». (Bodhi, p.97)

Réactions et commentaires

Est-ce le Tiantai qui a mis au point la théorie des dix mondes-états ?

    • Le Tiantai a effectivement rassemblé ces dix mondes en un seul et même ensemble qui réunit les dix différentes manières de percevoir le monde autour de nous. Il s’inspira de ce qui figurait dans les écrits hinayanas, où l’on parlait déjà des six premiers mondes-états.
    • Le Tiantai a donc relié ces six premiers avec les quatre derniers mondes-états, appelés aussi quatre nobles mondes-états. 

Que signifie véritablement « bonno » ? 

    • « Bonno » correspond à la façon dont la langue japonaise prononce les caractères chinois utilisés pour traduire le mot sanskrit « klesha ». En anglais, la meilleure traduction qui soit de « klesha » correspondrait à « pensées adventices » ou « affliction, détresse ». Quoi qu’il en soit, les mots « bonno » ou « klesha » font référence à des émotions inappropriées, inadaptées telles que l’avidité ou la haine, ou encore à des conceptions erronées (comme par exemple celle de ne pas accepter la loi de causalité), autrement dit à des émotions qui nous envahissent et perturbent notre esprit.   
    • Ces « bonno » ne font pas partie ou ne sont pas seulement des « mondes » parce que et leurs sujets (note), sont également affligés par l’avidité et les mauvaises conceptions (quoique ni la haine ni la colère ne puissent réellement les affecter du fait que d’une part, ces êtres célestes vivent dans le monde-état du ciel qui est un lieu bien agréable et que, d’autre part, ils ont su au préalable cultiver la compassion).
    • Autrement dit, ces six mondes-états qui incluent les dieux célestes sont affectés par les bonno (klesha). Le Bouddha a cependant réalisé que même si quelqu’un atteint un état de conscience temporaire extrêmement raffiné, ce quelqu’un possède encore de façon latente l’avidité, la haine et les illusions. Même les dieux sont affectés par ces « bonnos », bien qu’il soit plus difficile de les détecter parce que ces sentiments sont plus enfouis en eux, plus cachés.
    • Le Mahayana enseigne qu’aucun phénomène ne possède une nature en soi, que tout phénomène est vide. Cela signifie que les kleshas, les pensées adventices, sont eux aussi vides. Si nous-mêmes les observons et les prenant pour objet de méditation y réfléchissons, nous pouvons nous aussi prendre conscience de leur vacuité et faire en sorte que cette prise de conscience devienne source de notre propre éveil.

En tant qu’objet de méditation, nos « kleshas » peuvent nous guider vers l’éveil. Dire donc que « bonno soku bodai », à savoir que ces pensées adventices sont en elles-mêmes l’éveil, ne signifie toutefois pas s’abandonner, voire suivre ces pensées perturbatrices, mais les utiliser comme objet de méditation pour percevoir leur véritable nature. Autrement dit, nous pratiquons pour percevoir leur vraie nature et œuvrer en fonction, mais certainement pas dans le but de les satisfaire ou de les combler.

    • D’un autre point de vue, ces pensées correspondent à des énergies que nous pouvons canaliser ou rediriger de sorte qu’elles travaillent pour nous plutôt que contre nous. Ce qui veut dire que pour y arriver, nous ne devons pas les laisser nous contrôler, mais les maîtriser grâce à notre pratique du Odaimoku.

Il semblerait qu’il y ait une contradiction entre le concept de « bonno soku bodai » et le second grand vœu d’un bodhisattva puisque celui-ci stipule que « nos passions sont sans fin, je fais le vœu de les apaiser toutes »

    • C’est effectivement contradictoire. Voici ce que disent les caractères chinois. (note)
      • 煩悩無數誓願斷
      • 煩悩 Bonno
      • 無數 illimités, inextinguibles
      • 誓願 Je fais le vœu
      • en finir, couper/interrompre, amputer/enlever, résoudre

    • Les verbes « couper/interrompre » et « amputer/enlever » signifient que nous nierions ou voudrions nous débarrasser de ces pensées ou kleshas, alors que le verbe anglais « résoudre », qui est également utilisé pour traduire ce caractère, peut signifier « trouver une issue », sens qui est plus porteur et que personnellement je préfère.
    • Ainsi, le second vœu d’un bodhisattva pourrait se lire : « Les pensées adventices sont illimitées, je fais vœu de toutes les résoudre », voire « incalculables » puisque ce caractère 無數 signifie « innombrable ».

A propos de la polysémie des caractères chinois, peut-on faire un parallèle avec le Yi King, un grand livre de la culture chinoise classique, qui propose lui aussi différentes interprétations à une réponse ?

    • Le Révérend ne se permettrait pas un tel parallèle. Le Yi King est un instrument de divination qui grâce aux diverses combinaisons de ses idéogrammes permet à chacun de rechercher la réponse qui lui semble la plus appropriée.
    • Il ne faut donc mélanger ces fonctions divinatoires avec la fonction d’une transmission écrite dans laquelle les mots ont une signification précise dont le sens doit être décrypté (note).

Comment réagir face à nos bonnos ou à ceux des autres ? (note) Peut-on s’en servir comme d’une source ou d’un mécanisme qui déclencherait le changement ?

    • Tous les kleshas-bonnos représentent des énergies liées à nos émotions ou aux idées, aux conceptions, que nous avons. Ces énergies forment donc le terreau du travail que nous avons à faire : bien que partant de ce terreau, nous devons nous efforcer de faire mûrir et d’élaguer, de trier ces émotions. C’est la raison de notre pratique bouddhique. Même dans les enseignements pré-mahayana, un bouddhiste pouvait transformer ses passions en dévotion, un sentiment de colère en esprit critique. Il pouvait se servir de ses émotions négatives et s’entrainer à ce qu’elles deviennent positives.
    • Voici d’ailleurs la traduction de l’original anglais (angl.) des Quatre Grands vœux que la Nichiren Shu devrait à mon avis utiliser :
      • Les êtres vivants sont innombrables
        Je fais le vœu de les libérer/sauver tous.
      • Les pensées adventices sont incalculables
        Je fais le vœu de les résoudre (note) toutes.
      • Les portes du Dharma sont incommensurables
        Je fais le vœu de les connaitre toutes.
      • La voie du Bouddha est insurpassable
        Je fais le vœu de la devenir/d’être cette Voie.
    • Leur traduction initiale date en effet des XVI-XVIIe siècles, ce qui ne correspond pas à ce que disent les caractères chinois qui sont de plus polysémiques. Il existerait également une légère différence entre les versions utilisées dans le bouddhisme zen, la Nichiren Shu et l’école Tiantai, divergence dont je cherche l’origine. 

Puisque nous sommes animés par des souhaits et des désirs, comment reconnaitre ceux qui sont « bonno » ? Est-ce parce qu’ils nous font souffrir ou souffrir autrui ?

    • Nous les reconnaissons effectivement parce qu’ils nous perturbent, qu’ils nous causent du tort, en tout cas qu’ils sont source de problème dans notre vie. Quant aux êtres qui nous entourent, ils en sentiront les répercussions, comme une réaction en miroir.
    • Les bonnos étant inhérents à la vie lui sont donc nécessaires : il s’agit de trouver une voie du milieu, de rechercher par exemple un état d’esprit apaisé, calme face à une souffrance, une douleur, de sorte que nous ne soyons plus sous leur emprise et ainsi capables d’agir de façon à pouvoir aider plutôt que blesser. Souvent nous percevons ces kleshas de façon disproportionnée.

Quelle attitude avoir face au Gohonzon afin d’affronter ses désirs ? Quel objectif leur donner ? Les intégrer dans quelque chose de plus grand, tel que le désir de paix mondiale, Kosen Rufu ?

    • Se reporter au chapitre XI du Sutra du Lotus intitulé « Vision de la Tour aux Trésors » 
    • Se rappeler que
      • Le mandala Gohonzon symbolise la Cérémonie dans les Airs à laquelle participent non seulement les bouddhas Shakyamuni et Maints Trésors, les grands disciples du Bouddha et bodhisattvas, mais aussi des personnes telles que Devadatta et le roi Ajatashatru qui ont attenté, l’un à la vie de Shakyamuni, l’autre à celle de son père.
      • Les dix mondes-états figurent sur le Gohonzon : ce mandala, qui peut de prime abord paraitre carré, est en fait circulaire, nous entourant à 360°. En pratiquant devant lui, nous assistons non seulement à cette cérémonie mais en faisons partie.
      • En se mettant devant le Gohonzon, nous ouvrons également notre cœur : parler au Gohonzon (note), lui exposer ses problèmes, ses difficultés, lui demander de l’aide, et surtout lui faire confiance ! « Vous verrez ce qu’il en résultera ! », prédit le Révérend.

Pour résumer, l’approche bouddhiste permet non seulement de travailler avec ses kleshas, mais surtout de les remettre à leur juste place.

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