DICTIONNAIRE des TERMES BOUDDHIQUES

français, japonais, chinois, sanscrit, pali


Esotérisme japonais au XIIIe siècle

Doctrines ésotériques


A l'époque de Nichiren on appelait "ésotériques" les enseignements révélés secrètement qui dépassent la compréhension des personnes ordinaires, par opposition aux doctrines "exotériques" qui sont révélées explicitement. Il est important de ne pas confondre l'ésotérisme japonais avec ce que recouvre ce terme en français qui est souvent synonyme d'occultisme, voire obscurantisme. Il ne relève d'aucune "magie" mais désigne l'impossibilité de comprendre un phénomène par le seul processus mental : il importe d'en faire l'expérience.

Au Japon, le bouddhisme ésotérique comprend deux branches importantes :
1) Le tomitsu (東密) de l'école Shingon, fondée par Kukai (774-835) qui étudia en Chine sous la direction de Huiguo / (Keika), disciple de Amoghavajra. Son centre se trouve à Kyoto, au To-ji (temple de l'Est) et est donc connu comme l'ésotérisme de l'Est (tomitsu). Selon cette école, les enseignements ésotériques sont l'esprit, la bouche et le corps du bouddha Dainichi-Vairocana. Celui-ci se trouverait partout dans l'univers, exposant sans cesse le Dharma pour son propre plaisir, mais le commun des mortels ne peut comprendre ses enseignements sans avoir été initié aux trois mystères (du corps, de la bouche et de l'esprit) ; voilà pourquoi on appelle ces enseignements ésotériques. Au contraire, le Bouddha Shakyamuni, qui apparut dans ce monde sous la forme d'un être humain, exposa ses enseignements en tenant compte des capacités de compréhension des gens. Parce qu'ils furent exposés de manière explicite et sont à la portée de tous, l'école Shingon, les appelle "exotériques" et les considère comme inférieurs à ceux du bouddha Vairocana.
Selon l'école Shingon, les enseignements ésotériques sont ceux qui furent prêchés par le bouddha Dainichi-Vairocana à Vajrasattva qui les compila et les enferma dans une tour en fer dans l'Inde du Sud où ils furent plus tard transmis à Nagarjuna. La transmission aurait ensuite été faite à Nagabodhi, Vajrabodhi et Amoghavajra. Le bouddhisme ésotérique est une forme de tantrisme qui comprend des éléments indigènes magiques et ritualistes tels que les gestes symboliques (mudra), les paroles (mantras) et les formules mystiques (dharani), ainsi que des organigrammes (mandala) et le culte de nombreuses divinités. Les enseignements ésotériques prêchés par Vairocana sont appelés "ésotérisme pur", tandis que les autres, dont les rites et formulations sont similaires mais sans relation avec ce bouddha, sont appelés "ésotérisme varié". L'ésotérisme pur fut introduit en Chine par Shubhakarasimha (Shan-wu-wei), Vajrabodhi et Amoghavajra.

2) L'ésotérisme Tendai (taimitsu), ou enseignements ésotériques conservés par l'école Tendai. Ennin (Jikaku) (794-866), troisième Grand-patriarche de l'école Tendai, étudia le bouddhisme ésotérique dans la Chine des Tang et l'incorpora à la doctrine tendai à son retour. A la différence du Shingon de Kukai, l'ésotérisme du Tendai maintient que Shakyamuni et Vairocana sont deux aspects du même Bouddha. Cette école assimile les enseignements exotériques aux trois véhicules et considère l'enseignement ésotérique comme le Véhicule unique. Elle range donc les sutras du Lotus et Kegon dans l'enseignement ésotérique mais, comme ils ne mentionnent ni les mudras ni les mantras qui constituent la voie concrète de la pratique ésotérique, le Tendai les appelle enseignements ésotériques en théorie, tandis qu'il appelle les sutras Vairocana et Kongocho* ésotériques en théorie et en pratique. Ainsi, l'ésotérisme du Tendai prétend que le Sutra du Lotus et le Sutra Vairocana sont égaux en principe, mais que le Sutra Vairocana est supérieur en pratique.

Nichiren se proclame "ésotérique" car son enseignement est, en effet, intimement lié à l'expérience et ne peut être compris que de l'intérieur. Tout comme Shakyamuni, Nichiren enseigne à ses contemporains selon leurs capacités spirituelles et mentales et de ce fait laisse "caché" (passe sous silence) ce qu'ils ne peuvent comprendre. Par ailleurs, certains principes, comme, par exemple, celui de non-dualité pouvaient être mésinterprétés. La non-dualité du bouddha et du simple mortel (bompu) pouvait paraître subversive dans une société fortement hiérarchisée, avec le culte de l'empereur.

 

Retour
haut de la page