Histoire des Écoles du Lotus


13. Naissance de la Soka Gakkai

Ryuei Michael McCormick

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III. Daisaku Ikeda
(1928 - )

C'est Daisaku Ikeda qui a pris la succession de la Soka Gakkai. En 1958, il en devint le Directeur général, puis en 1960, le Troisième Président.

Daisaku Ikeda est entré dans la Division de la Jeunesse (note) de la Soka Gakkai en 1947. En 1949, il devint le secrétaire de Toda. Celui-ci fut son tuteur légal de 1950 - 1951. En 1954, Ikeda devint le responsable général de la Division de la Jeunesse, fer de lance des campagnes de shakubuku des années 50. Dès 1951, Toda semble destiner son protégé à devenir le troisième président de la Soka Gakkai et fait des allusions pour que son successeur soit choisi dans les rangs de la Division des Jeunes Gens. Dans l'allocution inaugurale en tant que Président de la Soka Gakkai, Ikeda affirme clairement son intention de renforcer les liens entre la Soka Gakkai et le clergé de la Nichiren Shoshu, appelant le Grand-patriarche* « Son Excellence » et encourageant à poursuivre une campagne implacable contre les "mauvaises religions" :

"Conformément à l'esprit du premier Président, Tsunesaburo Makiguchi, et du deuxième Président, notre maître Josei Toda, qui se sont loyalement dévoués pour le temple principal, moi, représentant tous les membres de notre organisation, je promets une plus grande loyauté encore à Son Excellence. La Soka Gakkai est le plus grand allié des masses. Nos ennemis sont les mauvaises religions. Ce sont elles qui conduisent les hommes en enfer. Le Vrai Bouddhisme fait surgir le bouddha de tous les êtres. Nichiren Daishonin a dit que la source de tous les malheurs et de toutes les souffrances est la croyance erronée. Notre maître, Josei Toda, a repris ces paroles importantes. Avec l'esprit de notre maître prônant la destruction des mauvaises religions, nous, ses disciples devons, une fois encore, leur livrer un combat sans merci." (Murata, p. 118-119)

Ikeda a poursuivi l'effort de son prédécesseur pour fournir de nouveaux équipements au Taiseki-ji. Grâce aux donations de millions de dollars des membres de la Soka Gakkai, en 1964, fut bâti le Grand Hall de Réception. En 1965, plus de 8 millions de dollars furent collectés en quatre jours pour la construction du Grand Temple Principal (Sho-Hondo) où le Dai-Gohonzon du Taiseki-ji devait être accessible aux pèlerins du monde entier. Le Sho-Hondo fut effectivement achevé en 1972. C'était la plus grande construction religieuse au monde et qui pouvait accueillir plus de 3, 5 millions de pèlerins par an.

Ikeda a également poussé la pénétration de la Soka Gakkai dans la vie politique japonaise. Sous sa présidence, la Soka Gakkai a fondé, en 1964, son propre parti politique, le Komeito (Parti pour un Gouvernement intègre) et présenta avec succès 25 candidats aux élections générales de sa Chambre des Représentants. Le Komeito avait également 20 membres à la Chambre des Conseillers et avait gagné de nombreux sièges dans les instances locales. En 1969, le Komeito était le troisième parti après les partis libéral démocrate et social démocrate. Il gardera une grande force politique dans les décennies suivantes. En 1993, il fit même partie de la coalition qui détrôna pour un temps le PLD. Après l'échec fracassant de la coalition, le Komeito s'est autodissous, puis reconstitué en 1998, sous l'appellation de "Nouveau Komeito", retrouvant sa place de troisième grand parti du Japon. Etant donné le but avéré d'établir le bouddhisme de la Nichiren Shoshu comme religion d'Etat, le pouvoir croissant du Komeito fit craindre à beaucoup de Japonais que les ambitions de la Soka Gakkai ne se réalisent.

En fait, le Komeito avait changé son caractère d'extension de la Soka Gakkai plus tôt qu'on ne s'y était attendu. En 1970, un an après qu'il soit devenu le troisième grand parti politique à la Chambre des Représentants, s'est produit "l'incident de la liberté de presse" qui dévoilait à l'opinion publique l'étroite relation entre le Komeito et la Soka Gakkai. Les dirigeants du Komeito furent accusés de bloquer la publication d'un livre qui critiquait la Soka Gakkai et le Komeito. Celui-ci nia vigoureusement ces allégations et les détails de l'affaire ne furent jamais élucidés. Toutefois, cet incident a poussé le Komeito à rejeter son identité religieuse pour devenir un parti "ouvert", jouissant d'un appui plus large de la population japonaise.

Des mesures sérieuses ont été prises pour séparer les "casquettes" politiques et religieuses, comme le prouvent l'amendement au programme et le règlement du parti. Cela se reflète dans la réorganisation des alliances et des prises de position à l'égard de l'opposition. Tout d'abord, toute la terminologie bouddhiste, si abondante dans la version originale, disparut des programmes et principes du parti. Les mesures politiques furent proposées sous une forme plus concrète. Par exemple, en ce qui concerne la Constitution, qui n'était même pas mentionnée dans le document originel, l'amendement déclare : "Notre parti soutiendra la Constitution Japonaise [...] et non seulement protégera les droits fondamentaux de l'homme, mais cherchera également la sécurité fondamentale des droits sociaux". Cela montre clairement la nouvelle orientation du parti se voulant séculier et non-religieux. En outre, la participation du Komeito au réalignement des alliances des partis d'opposition est devenue une option sérieuse, impossible jusqu'alors, tant qu'il adhérait aux principes religieux de la Soka Gakkai. Quant à celle-ci, en 1970, elle renonça officiellement à l'idée d'un kaidan national, ce qui avait été jusqu'alors un de ses thèmes religieux. Dans ses relations avec le Komeito, il fut décidé, dans des directives explicites, de ne pas nommer de représentants du parti aux postes dirigeants de la Soka Gakkai, et de se dissocier complètement des problèmes du personnel, des décisions de candidature, des finances et de la gestion du Komeito. (Machaceck & Wilson, p. 116-117)

Bien que la Soka Gakkai ait officiellement renoncé en 1970 à l'établissement d'un kaidan national, sous l'égide du gouvernement, aussi bien la Nichiren Shoshu que la Soka Gakkai se sont tournées vers une nouvelle interprétation de la façon dont le kaidan devait être envisagé. Dès le 16 février 1965, dans un sermon lors de la première réunion du Comité de construction du Sho-Hondo, le Grand-patriarche Nittatsu déclara que le nouveau temple principal, le Sho-Hondo, sera le Kaidan des enseignements essentiels. Ce point fut repris et soutenu par Ikeda au cours des années à venir, et plus précisément lors de la cérémonie de la mise en chantier du Sho-Hondo, le 12 octobre 1968.

Cette interprétation devint le point de vue officiel de la Nichiren Shoshu lorsque le Grand-patriarche Nittatsu le proclama dans son sermon du 28 avril 1972.

"Le Sho-Hondo est le Ji no Kaidan (Grand Temple du Vrai bouddhisme) de notre temps qui porte la signification décrite du gosho Les Trois grands Dharmas Cachés et le document de transfert Minobu Sojo. Le Sho-Hondo est un édifice suprême qui sera le Grand temple du Honmonji à l'époque de kosen rufu." (Issues Vol. 3, p.132)

La théorie selon laquelle le Ji no Kaidan devait être établi par le gouvernement avait changé dès 1965. En 1972, le point de vue officiel de la Soka Gakkai et de la Nichiren Shoshu était que le Ji no Kaidan a été réalisé par la construction du Sho-Hondo et l'enchâssement dans ce temple du Dai-Gohonzon. Aucun mandat gouvernemental n'était plus demandé. En fait, le but précédent de convertir toute la nation japonaise pour bénéficier du mandat de tout la nation avait été modifié et remplacé par le concept de "300.000 de Shravasti (Shae no san-oku). Ce terme se référait au tiers de la population de Shravasti qui s'était convertie au bouddhisme à l'époque où Shakyamuni y vécut. Voici les propres paroles d'Ikeda :

"Notre association dépasse actuellement 5 millions de familles [juillet 1965]. Il existe une notion appelée Shae no san-oku qui concerne le royaume de Kosala (Shae) en Inde, connu du temps du Bouddha pour lui être le plus fortement lié. Dans le pays de Shae de cette époque, un tiers de la population avait vu et entendu le Bouddha, et avait foi en lui. Un autre tiers avait vu le Bouddha mais n'avait pas entendu ses enseignements. Le dernier tiers n'avait jamais vu ni entendu le Bouddha. Si nous appliquons cette formule à notre programme de kosen rufu et la réalisation de obutsu myogo* , cela signifie qu'un tiers de la population du Japon fera partie de la Soka Gakkai, un tiers, bien que ne partageant notre foi, soutiendra le Komeito et le dernier tiers refusera d'embrasser notre foi. Cela signifiera kosen rufu. Nous pouvons réaliser obutsu myogo par Shae no san-oku [au Japon]" (Murata, p. 130-131)

Outre la religion et la politique, Ikeda a étendu les activités de la Soka Gakkai à la culture et l'éducation. A partir de 1964 la Soka Gakkai a commencé à ouvrir des écoles élémentaires et primaires et des lycées. En 1971 fut créée l'Université Soka et en 1987, l'Université Soka d'Amérique. L'intérêt pour l'éducation et les théories pédagogiques de Makiguchi étaient en parfait accord avec les origines de la Soka Gakkai. Elle fonda l'association de concerts Min'on ainsi que l'association théâtrale Min'en. Au cours des années la Soka Gakkai commanditera et initiera de nombreuses expositions ainsi que de multiples projets culturels et pédagogiques.

C'est sous la présidence d'Ikeda que la Soka Gakkai a commencé à se propager hors du Japon. En 1960, il effectua sa première tournée en aux Etats-Unis, au Canada et au Brésil. Le nombre de membres de la Soka Gakkai crût de façon effarante pendant les années 60 et 70 grâce à l'effort des veuves de guerre japonaises et d'étudiants japonais membres de la Gakkai et vivant aux U.S. Un jeune étudiant, Masayasu Sadanaga, était particulièrement efficace dans l'organisation et la propagation aux U.S. au point qu'en 1963, Ikeda le nomma directeur national de l'Académie de la Nichiren Shoshu qui sera renommée plus tard Nichiren Shoshu d'Amérique (NSA). En 1972 Masayasu Sadanaga changea de nom pour celui de George M. Williams, afin de mieux s'assimiler à la culture américaine. La NSA poursuivit la diversification de ses adhérents, si bien qu'elle fut bientôt représentative de l'aspect multi-ethnique de l'Amérique ainsi que des couches sociales et des niveaux d'instruction. Les Japonais restèrent toutefois aux commandes encore pour un certain temps. En dépit du courant de contre-culture qui pourtant favorisa son développement, la NSA n'a pas renoncé à afficher ses convictions patriotiques et participa aux nombreux événements et manifestations de masse. Malgré la pratique fortement japonisée, la lecture en sino-japonais et la récitation du mantra, la NSA devint la forme la mieux assimilée des diverses formes de bouddhismes en Amérique et c'est encore vrai de nos jours. Le développement de la NSA est également remarquable en tant que groupe composé majoritairement d'Américains convertis, à l'inverse des communautés d'immigrants de culture bouddhiste. Les sociologues de Santa Barbara, Phillip Hammond et David Machaceck estiment que la NSA passa de 4.000 membres en 1965 à 35.000 à la fin du siècle. (Hammond & Machaceck, p.42)

Avec la construction du Sho-Hondo en 1972 la Soka Gakkai se trouvait au faîte de sa puissance. Même s'il n'avait pas eu le mandat du gouvernement, ni celui du peuple japonais, le Grand-patriarche Nittatsu déclara le Sho-Hondo Véritable Kaidan des enseignements essentiels. Grâce aux efforts de la Soka Gakkai il s'est avéré que le troisième des Trois Grands Dharmas Cachés (Honzon, Daimoku, Kaidan) était finalement établi. Nittatsu et Ikeda semblaient avoir le même esprit ; la coopération et l'harmonie entre la Soka Gakkai et la Nichiren Shoshu étaient au point le plus élevé qu'elles n'atteindraient jamais plus. La Soka Gakkai estimait le nombre de ses membres à 7, 5 millions de familles. (Toutefois les estimations extérieures à l'organisation tournaient autour de 3, 75 millions ; voir Machaceck & Wilson, p.100-101). Le Komeito représentait une formidable force dans la vie politique japonaise. Une université et d'autres institutions culturelles ont été créées en activités annexes. La Soka Gakkai connaissait une expansion phénoménale outre-mer, en Amérique, en Europe et dans divers pays d'Asie. En 1975 fut créée la Soka Gakkai Internationale afin d'unifier les différentes branches étrangères sous la houlette d'un mouvement international.

La cassure

En 1977, pourtant, les relations entre la direction de la Soka Gakkai et la Nichiren Shoshu commencèrent à se dégrader. Les prises de position d'Ikeda puis les modifications des prières du gongyo introduisant une référence à la Soka Gakkai irritèrent le clergé car la Soka Gakkai semblait vouloir être traitée comme le troisième des Trois trésors (Sangha). Le 30 juin 1978, le Soka Gakkai publia dans son journal, le Seikyo Shinbun, l'article "Termes de base pour l'étude". Elle s'y repentait de ses déviations et promettait de suivre les enseignements de la Nichiren Shoshu. L'article réaffirmait tout particulièrement la doctrine de kechimyaku qui signifie "sang vital" de la foi. Selon la Nichiren Shoshu, l'héritage du Dharma peut être préservé pour toute l'humanité uniquement par la transmission de personne à personne entre les Grands-patriarches successifs :

"Par conséquent recevoir le Gohonzon inscrit et transmis par les Grands-patriarches successifs est la voie correcte de la foi et devient la base de kechimyaku dans un sens plus large. Nous tenons à confirmer ici qu'il existe une différence entre la transmission spécifique du Dharma et le "sang vital" général de la foi." (D'après la traduction dans World Tribune, du 5 février 1979).

Le clergé eut un autre sujet de colère, lorsqu'en 1978 la Soka Gakkai a fait des copies soi-disant non-autorisées du Gohonzon pour les centres de leurs communautés. La Soka Gakkai prétend, jusqu'à ce jour, qu'elle avait reçu l'approbation de Nittatsu lui-même. En tous cas sept sur huit Gohonzons ont été renvoyés, le huitième reçut la permission de Nittatsu d'être installé dans le quartier général de la Soka Gakkai. Le 11 novembre de la même année, lors d'une réunion au Taiseki-ji, le directeur général Hiroshi Hojo fit la déclaration suivante :

"Dans la même veine, nous, la Soka Gakkai, reconnaissons sincèrement les deux points suivants :
1) Les principes fondamentaux que le Soka Gakkai doit suivre en tant qu'organisation laïque de la Nichiren Shoshu se sont quelque peu dégradés ces dernières années en ce qui concerne l'orientation, la direction du développement et l'application des enseignements de Nichiren Daishonin.
2) L'attitude de la Soka Gakkai à l'égard de la Nichiren Shoshu l'année dernière, a dépassé les limites. Nous, instance exécutive de la Soka Gakkai, nous nous excusons profondément pour ces deux points. (World Tribune, 5 février 1979).

Le clergé de la Nichiren Shoshu et son organisation laïque d'origine, le Hokkeko, nullement convaincus que la Gakkai avait réellement changé d'attitude, n'étaient pas satisfaits par ses excuses. En mars 1979, le Hokkeko se mit à faire pression sur Ikeda afin qu'il ne soit plus le représentant laïc de la Nichiren Shoshu. En avril, Ikeda quitta la présidence de la Soka Gakkai et renonça à représenter la Nichiren Shoshu laïque. C'est Hiroshi Hojo qui devint à sa place le quatrième président de la Soka Gakkai, alors qu'Ikeda devenait président honoraire de la Soka Gakkai et président de la Soka Gakkai Internationale. Lors de la réunion générale de commémoration du 40ème anniversaire du Quartier Général de la Soka Gakkai, Nittatsu prononça un discours de réconciliation et appela à la coopération et l'harmonie entre la Soka Gakkai, le clergé de la Nichiren Shoshu et le Hokkeko. Nittatsu décéda en juillet 1979 et, en août, Nikken Abe devint le 67ème Grand-patriarche de la Nichiren Shoshu.

Les problèmes, cependant, n'avaient pas été résolus à la satisfaction de tous les prêtres. Dès 1970, un groupe de prêtres, le Myoshinko (ou Myokankai) a protesté contre la désignation du Sho Hondo comme Kaidan de l'enseignement essentiel. Ils insistaient sur le fait que celui-ci devait être établi par le gouvernement en tant que sanctuaire national. Ces prêtres nationalistes se donneront plus tard le nom de Kenshokai.

En 1980, un nouveau schisme se produisit, lorsqu'un groupe de prêtres forma la Shoshinkai. Leur but était de promouvoir des adhésions directes aux temples, pour affaiblir et même supprimer l'influence de la Soka Gakkai dans la Nichiren Shoshu. Lorsqu'ils furent déboutés par Nikken de leurs attaques contre la Soka Gakkai, la Shoshinkai s'en prit à celui-ci en contestant la légitimité de sa succession. Entre 1981et 1983, Nikken a expulsé 180 prêtres de la Shoshinkai des rangs de la Nichiren Shoshu, lors de ce deuxième schisme, plus que pour la Soka Gakkai en une décennie.

Les relations entre la Soka Gakkai et la Nichiren Shoshu furent presque harmonieuses durant le reste des années 80. Le 2 janvier 1984, Ikeda a même été de nouveau reconnu comme le chef de l'organisation laïque représentant la Nichiren Shoshu. Mais cette trêve ne dura pas longtemps. En 1990, les tensions entre les deux groupes resurgirent aboutissant, en décembre, à la démission d'Ikeda de la fonction de représentant laïc de la Nichiren Shoshu. Durant l'année 1991, les accusations et les incriminations mutuelles entre la Nichiren Shoshu et la Soka Gakkai s'intensifièrent.

Le 8 novembre 1991, la Nichiren Shoshu demanda le départ de la Soka Gakkai. Lorsque cette dernière refusa et au contraire intensifia ses critiques à l'égard de Nikken et les agissements du clergé, la Nichiren Shoshu excommunia la Soka Gakkai en masse, le 28 novembre. En réponse la Soka Gakkai envoya une pétition avec la signature de 16, 25 millions de noms demandant la destitution de Nikken en tant que Grand-patriarche.

L'année suivante, le 11 août 1992, la Nichiren Shoshu exclut Ikeda personnellement de la Nichiren Shoshu.
- Le 2 octobre 1993 la Soka Gakkai commença à fabriquer ses propres Gohonzons en se servant de l'original inscrit par Nichikan, le 26ème Grand-patriarche de la Nichiren Shoshu.
- Le 30 novembre, la Nichiren Shoshu excommunia les membres de la Soka Gakkai qui refusaient de quitter l'organisation pour rejoindre le Hokkeko.
- Le 5 avril 1998, Nikken transféra secrètement le Dai-Gohonzon du Sho Hondo dans le Hoanden et le 23 juin commença la démolition du Sho Hondo. La réalisation apparente de l'établissement du Kaidan des Enseignements essentiels par Daisaku Ikeda n'existait plus. Le grand symbole de l'unité de la Nichiren Shoshu et de la Soka Gakkai était à jamais détruit.

En 2001, la Soka Gakkai poursuit sa politique officielle de combat contre ce qu'elle perçoit comme le mal et la corruption du clergé et la trahison de Nichiren Daishonin par Nikken. Elle s'est rendue autosuffisante en ce qu'elle effectue ses nouvelles cérémonies de mariage, des funérailles et de remise de Gohonzon. Elle a également adopté une attitude plus oecuménique à l'égard des autres religions et même des autres bouddhismes (excepté la Nichiren Shoshu) dans ses efforts d'élargir son audience et d'établir sa légitimité auprès de la communauté universitaire et du courant principal du bouddhisme. Les doctrines de la Soka Gakkai semblent elles aussi sujettes à révision, avec le rejet de plusieurs éléments-clefs des enseignements de la Nichiren Shoshu, et une réévaluation d'autres éléments. Une chose est certaine, c'est la négation de toutes les doctrines concernant le clergé, le Grand-patriarche et même (quoique pas tous) les enseignements relatifs au Dai-Gohonzon. L'enseignement selon lequel Nichiren serait le Vrai Bouddha (Honbutsu) a été mis en sourdine, même s'il n'a pas été modifié. Il faut attendre maintenant pour voir jusqu'où iront ces changements doctrinaux. La Soka Gakkai prétend compter 8 millions de membres au Japon et 300.000 aux U.S.A. mais des évaluations plus réalistes donnent 4 millions de membres pour le Japon et un peu moins de 36.000 aux U.S.A en 1997.

La Nichiren Shoshu n'a pas réussi à entraîner dans son sillage la grande majorité des membres de la Soka Gakkai et plusieurs dizaines de ses prêtres ont quitté la Nichiren Shoshu. Certains prêtres sont même passés dans la Soka Gakkai et sont devenus des prêtres "domei"*. Pourtant le Hokkeko continue à prospérer modestement, maintenant qu'il peut promouvoir directement l'adhésion directe auprès des temples. A l'heure actuelle, la Nichiren Shoshu et le Hokkeko semblent s'être retirés de l'affrontement et adopter une position réservée.

Grâce aux efforts de Josei Toda et Daisaku Ikeda, les enseignements de la Nichiren Shoshu se sont répandus à travers le monde. Même au Japon, le bouddhisme Nichiren est presque toujours associé à la Soka Gakkai. En dehors du Japon, les enseignements de la Nichiren Shoshu diffusés par la Soka Gakkai sont supposées être la norme canonique du bouddhisme Nichiren, hypothèse admise même au sein de nombreux milieux universitaires. A quelques exceptions près, les chercheurs occidentaux et des écrivains ne semblent pas être au courant de l'existence des autres écoles du bouddhisme Nichiren au Japon ou des normes de l'Université nichirenienne Rissho. En tous cas, on ne constate aucun signe d'intérêt pour une compréhension plus profonde du bouddhisme de Nichiren, considéré soit comme nationaliste soit comme vulgarisateur d'une forme populaire de bouddhisme, sans réelle substance.

Bien que la croissance phénoménale de la Soka Gakkai semble avoir culminé au début des années 70, on peut encore affirmer que, en dehors de l'Asie, et à l'exclusion des immigrants en provenance de pays bouddhistes, la majorité des pratiquants nichireniens sont ou ont été membres de la Soka Gakkai. Le bouddhisme de Nichiren, tel que défini par la Soka Gakkai, a réussi à devenir une forme de bouddhisme connue et pratiquée dans le monde entier. Il reste à voir combien de temps il va survivre en dehors du Japon, au-delà de l'actuelle génération de pratiquants et surtout si d'autres formes, moins déviées, du bouddhisme Nichiren ne vont pas gagner un public plus large.

 

Copyright by Ryuei Michael McCormick. 2001.
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