QUESTION

La semaine dernière, j'ai lu et étudié l'un de mes gosho préférés sur les quatre étapes de la foi et les cinq étapes de la pratique.

J'aime beaucoup ce gosho parce que Nichiren nous donne un moyen efficace et progressif de construire une pratique solide dans nos vies. Mais il interdit aussi formellement la pratique de la méditation (et des quatre autres premières paramitas ) pour les débutants, jusqu'au quatrième stade de la pratique. Je me demande donc ce que vous pensez de cela ? Cela signifie-t-il que des pratiques comme la méditation silencieuse ou le shodaigyo ne sont pas appropriées pour les débutants ? J'ai toujours pris cela comme une motivation pour atteindre l'étape suivante de ma pratique. Mais d'une certaine manière, je trouve que c'est un peu un non-sens, car dans notre monde actuel, où tout est fait pour nous distraire (smartphone, internet, etc...) la méditation peut être un très bon moyen d'améliorer la concentration et l'introspection de quelqu'un qui débute dans le bouddhisme.

Et ma prochaine question concerne la posture de méditation. Souvent, lorsque je fais une "longue" séance, je commence à ressentir beaucoup de tensions dans le dos ou à avoir des jambes enengourdies lorsque je suis assis. Et cela me distrait. Je préfère donc parfois rester devant mon "lieu sacré", ou de marcher très lentement dans mon appartement lorsque je fais daimoku (un peu comme le font les zen). Qu'en pensez-vous ?

REPONSE

Plusieurs livres ont été écrits sur ces sujets, c'est pourquoi j'hésite à y répondre dans un courriel ! Ces questions seraient peut-être mieux abordées si nous en parlions lors d'une prochaine discussion ouverte du sangha. Peux-tu s’il te plait les poser à nouveau la prochaine fois que tu y assistes ?

En attendant, permet-moi de te donner un bref résumé, même si je crains que la brièveté d'un courriel ne rende pas justice à la profondeur du sujet.

Nichiren en parle dans le "Traité des dix chapitres de la grande concentration et de la perspicacité" (Jissho-sho), recommandant la contemplation et la récitation de daimoku pour les "sages" tandis que les adeptes laïcs devraient simplement réciter daimoku :

« Ce que nous devons réciter en tout temps comme pratique de l' enseignement parfait est Namu Myoho Renge Kyo, et ce que nous devons garder à l'esprit est la voie de la méditation basée sur la vérité d'ichinen sanzen (3000 mondes en un seul moment-pensée). Seuls les sages pratiquent à la fois la récitation de Namu Myoho Renge Kyo et la méditation sur la vérité des 3000 mondes en un seul moment- pensée. Les disciples laïcs du Japon d'aujourd'hui devraient se contenter de réciter Namu Myoho Renge Kyo. » (Gosho non traduit officiellement)

Cela ressemble donc beaucoup à ce qu’il dit dans le gosho "Sur les quatre étapes de la foi et les cinq étapes de la pratique" que tu cites.

Il est très important de comprendre que Nichiren était d’abord un moine Tendai et qu'en tant que tel, il a pratiqué la méditation assise silencieuse shikan (arrêt et introspection) comme pratique principale jusqu'en 1253. Il est probable qu'il ait continué à pratiquer la méditation shikan tout au long de sa vie. Il a certainement enseigné et écrit à propos du Grand arrêt et introspection de Zhiyi pendant tout son ministère jusqu'à sa mort. Le changement instauré par Nichiren a été d'enseigner que la récitation de Namu Myoho Renge Kyo devait être notre pratique essentielle et primordiale. Il n'a jamais dit qu'il ne fallait pas faire de méditation silencieuse shikan , il a juste dit qu’il s’agit d’une pratique adaptée aux "sages" et à un stade ultérieur de la pratique.

La troisième considération importante est que Nichiren ne nous a pas laissé de manuel holistique complet. Il a passé toute sa vie à enseigner à partir des sutras existants, centré sur le Sutra du Lotus et les commentaires de Zhiyi , Zhanlan et Saicho . C'est pourquoi le programme d'étude du Rév. McCormick est si important, car si l'on ne comprend pas les sutras bouddhistes de base et leurs commentaires ultérieurs, on peut mal comprendre et mésinterpréter le Gosho.

La quatrième considération importante est que le Japon du XIIe siècle était pré-alphabétisé, féodal et autoritaire. La plupart des gens ne savaient pas lire et n'ont eu d'éducation formelle. Seules les classes supérieures en avaient. Le peuple peinait énormément et travaillait sans relâche de l'aube au crépuscule ayant ainsi peu de temps pour s'asseoir et méditer pendant de longues périodes.

Enfin, la dernière considération importante est que les deux pratiques les plus populaires à l’époque étaient la méditation Zen , pour les élites, et la psalmodie du Nembutsu pour la classe moyenne. Deux pratiques qui n'étaient pas centrées sur le Sutra du Lotus . Nichiren a donc voulu aider le peuple en lui donnant une pratique "facile" à faire n'importe où et n'importe quand, même en travaillant dans les champs ou en transportant des marchandises sur la place du marché. Et il leur a surtout donné une pratique qui leur était familière : la récitation d’un mantra.

Avançons maintenant rapidement jusqu'à l'ère moderne où la plupart des gens savent lire et écrire et ont au moins un niveau d’étude secondaire, ce qui représente des années de formation de plus que la majorité des habitants du Japon du XIIe siècle. Cela dit, qui pouvons-nous appeler « sages » aujourd’hui ? À bien des égards, nous le sommes tous. Et comme tu l’as écrit avec perspicacité, « d'une certaine manière, je trouve que c'est un peu un non-sens, car dans notre monde actuel, où tout est fait pour nous distraire (smartphone, internet, etc.…) la méditation peut être un très bon moyen d'améliorer la concentration et l'introspection de quelqu'un qui débute dans le bouddhisme. »

Je suis plutôt d'accord avec toi. Je pense que pour nous, au XXIe siècle, shodaigyo est une pratique optimale. Cela dit, il faut le faire en sachant que la récitation de Namu Myoho Renge Kyo est notre pratique essentielle. Ainsi, la majorité de notre temps de méditation doit être consacrée à la récitation du titre sacré.  Personnellement, j’utilise la "règle des 51%".  Cela signifie que 51% du temps que je passe devant mon "espace sacré" est consacré à daimoku . Ainsi, si je médite 30 minutes par jour, seize minutes sont consacrées à réciter Namu Myoho Renge Kyo et quatorze minutes à réciter le Sutra et à méditer en silence.

En fin de compte, c'est ce daimoku qui se trouve dans nos cœurs et nos esprits quoi que nous fassions ! Mais plus particulièrement lorsque nous méditons, récitons ou restons simplement assis.

Nichiren a écrit dans le "Ichidai Shoryo Tai-i" cité par Zhanlan (réf.)

« Zhanlan prêche également dans ses commentaires du Sutra du Lotus : " Si une phrase du Sutra du Lotus remplit votre cœur, vous pouvez être sûr qu'elle vous aidera à atteindre l’autre rive [de l’Éveil]. Si vous contemplez et pratiquez le Sutra du Lotus , vous êtes sûr d'être un navire capable de traverser le grand océan de la naissance et de la mort et d'atteindre l'autre rive. Réjouissez-vous d'entendre le Sutra du Lotus et exposer toujours le Sutra en devenant un maître ou un adepte. Que vous ayez foi dans le Sutra ou que vous l'abandonniez, une fois entendu, le Sutra du Lotus peut ouvrir la voie de la bouddhéité. Que vous suiviez ou refusiez le Sutra du Lotus , vous finirez par devenir bouddha, grâce au mérite de l’avoir entendu." Je pense que les phrases "Que vous ayez foi ou que vous l'abandonniez" et "Que vous suiviez ou refusiez le Sutra du Lotus" sont vraiment impressionnantes. » (Gosho non traduit officiellement)

J’espère que ces explications te seront utiles.

Pour ce qui est de ta question sur la posture. Oui, rester assis pendant de longues périodes peut devenir inconfortable. Le corps de chacun est bâti différemment et à mesure que nous vieillissons, en raison de l'âge et des blessures, notre capacité à rester assis sans bouger pendant de longues périodes change. La règle de base est d'éviter tout ce qui est douloureux. Si ton corps te fait mal, bouge ! Change de position. Essaye également différentes postures et choisis celle qui te convient le mieux. Coussins supplémentaires et/ou supports de type yogique, petits coussins, serviettes roulées et/ou couvertures, etc. Assis sur une chaise ou allongé. Et oui, même en marchant lentement en pleine conscience. Toutes ces possibilités sont "acceptables".

Un point crucial lorsque que l’on est assis sur le sol est de s’assurer que les fesses et les hanches soient plus hautes que les genoux, sinon la colonne vertébrale et les muscles dorsaux seront douloureux.

Personnellement, j’utilise deux coussins. Un zabuton qui est un grand coussin carré sur lequel on place un zafu un petit coussin rond. Le zabuton empêche les jambes et les pieds de s'endormir en raison de la pression exercée sur le sol, et le zafu est placé sous les os du bassin, ce qui élève le niveau des hanches au-dessus des genoux, soulageant ainsi le bas du dos.

Un TRES bon livre que tu devrais te procurer est The Posture of Meditation de Will Johnson. Il répondra à toutes tes questions en détail !  Nous avons fait des exercices provenant de ce livre lors des trois premières sessions de notre cours de Shodaigyo.
[écouter en anglais https://www.babelio.com/auteur/Will-Johnson/89538/videos ]

Fais-moi savoir si ces explications t’ont été utiles et n'hésite pas à les partager avec les autres frères et sœurs d’Europe.

En Gassho
Mark

* * *

Texte original

What good questions! 

Books have been written about both, so I feel some hesitation to try and answer in an email! These might be better addressed if we talked about them at an upcoming sangha meeting when we have open discussion. Next time you attend may I please call upon you to ask them again?

In the mean-time, let me give a brief summary, even though I am anxious the brevity of an email will not do justice to the depth of your questions.

Nichiren wrote in the “A Treatise on the Ten Chapters of the Great Concentration and Insight” (J. Jissho-sho) recommending contemplation and chanting for “wise men” while lay followers should simply recite Odaimoku:

"What we should chant all the time as the practice of the perfect teaching is “Namu Myoho Renge Kyo,” and what we should keep in mind is the way of meditation based on the truth of “3,000 worlds contained in one thought-moment.” Only wise men practice both chanting “Namu Myoho Renge Kyo” and meditating on the truth of “3,000 worlds contained in one though-moment.” Lay followers of Japan today should recite only “Namu Myoho Renge Kyo.” (p. 4)

So that is similar to the "On the Four Stages of Faith and the Five Stages of Practice" gosho you and Javier were studying.  

It is very important to understand that Nichiren began as a Tendai monk and as such did silent Shikan (Calming and Insight) sitting meditation as his primary practice until 1253. It is likely he continued to do Shikan meditation throughout his whole life. He certainly taught and wrote about T’ien-t’ai’s Great Calming and Contemplation his entire ministry up to his death. What changed for Nichiren was teaching that chanting Namu Myoho Renge Kyo should be our essential and primary practice. He never said not to do Shikan silent meditation, he just said that doing it was for “wise men” and at a later stage of one’s practice.

The second important consideration when contemplating the gosho, is that Nichiren’s gosho were all written to specific people and specific times and must be taken in the context that they are generally meant for one person. He wrote to them using skillful means based on his Enlightenment and his understanding of the person to which he was writing. So his gosho is very dependent on understanding the context in which it was written. 

The third important consideration is Nichiren did not leave behind a complete holistic manual, he spent his entire life teaching from the existing sutras, centered on the Lotus Sutra and the commentaries of T’ien-t’ai, Miao-lo and Dengyo. This is why Rev. McCormick’s Study Program is so important for not to understand the basic Buddhist sutras and later commentaries it is easy to misunderstand and misinterpret the gosho.

The fourth important consideration to understand that 12th Century Japan was a pre-literate, feudal, authoritarian culture. Most couldn’t read and never had any/much formal education. Only the elite classes did. The people suffered greatly and worked tirelessly dawn to dusk and had little time to sit meditating for prolonged periods of time.

Finally the last important consideration is the the two most popular practices were sitting in zen meditation, for the elites, and chanting Nembutsu for the common class, both of which practices were not centered on the Lotus Sutra. So Nichiren wanted to help the people ad give them an “easy” practice they can do anywhere and anytime, even working in the fields or transporting goods to the market place. And, he gave them a practice they were familiar with: chanting a mantra.

Now fast forward to today’s modern era, where most are literate and educated at least to high school level, which would be years more education than the majority of those in 12th Century Japan.

So, for today’s terms, who are “wise men?” In many ways we all are. And as you insightfully wrote, "But in a way, I find this a bit of a non sense, because in our actual world, where everything is made to distract us (smartphone, internet, etc...) meditation can be a very good way to improve the concentration and introspection of someone who begins in Buddhism.” 

I tend to agree with you.I think for us in today’s 21st Center Shodaigyo is the perfect beautiful practice. That said, it should be done knowing that chanting Namu Myoho Renge Kyo is our essential primary practice. So, the majority of our time meditating should be spent chanting the Sacred Title.  I personally use the “51% Rule.”  Meaning 51% of the time I spend in front of my “sacred space,” is chanting. So if I meditate for 30 minutes a day, then 16 minutes is chanting Namu Myoho Renge Kyo and 14 minutes spent reciting the Sutra and sitting silently.

I the end it is what is in our hearts and minds while we are doing anything! But specifically whether we are meditating, either chanting or sitting.

Nichiren wrote in the “Ichidai Shoryo Tai-i” quoted Miaole, on p. 84 of the Writings of Nichiren Shonin Doctrine 3: (or in the SGI version of that Gosho from WND Volume II p. 56: "TheMeaning of theSacred Teachings of theBuddha’sLifetime

"Miaole also preaches in his Annotations on the Words and Phrases of the Lotus Sutra: "If a phrase of the Lotus Sutra fills your heart, you can be sure it will help you to reach the other shore of enlightenment. If you contemplate and practice the Lotus Sutra, it is sure to be a ship which can cross the great ocean of birth and death and reach the other shore of enlightenment. Rejoice at hearing the Lotus Sutra and always expound the sutra by becoming a master or an attendant. Whether you believe the sutra or abandon it, the Lotus Sutra can open the way to Buddhahood once you hear it. Whether you follow or disobey the Lotus Sutra, you will become a Buddha in the end because of the merit of having heard the sutra." I think that the phrases, "Whether you believe it or abandon it" and "Whether you follow or disobey the Lotus Sutra," are truly impressive."

I hope that helps a bit ?????

As to your posture question. Yes, sitting for long periods, can become uncomfortable. Everyone’s body is built differently and as we age, due to age and injury our capacity to sit still and for prolonged periods changes. The rule of thumb is avoid anything painful. If your body hurts move! Change position. Try different positions too and see if that makes a difference. Extra cushions and or yoga-type supports, small pillows, rolled towels and or blankets, etc. Sitting in a chair. Laying down. And yes, even mindfully slowly walking. All are “acceptable.”

The big criteria is if sitting on the floor make sure your butt and hips are HIGHER than your knees, otherwise your spine and back muscles will hurt.

I have two cushions. A zabuton which is a large square cushion upon which a place a zafu a small round cushion. The zabuton keeps my legs and feet from falling asleep due to pressure on the floor, and the zafu is under my sit bones raising the level of my hips above my knees taking pressure off my lower back.

A REALLY good book you should get is called the Posture of Meditation by Will Johnson. It will answer all you questions in detail!  We did exercises from this book in the first three sessions of our Shodaigyo course.

Please let me know this email was helpful. And if so, please feel free to share with Javier and the other brothers and sisters from the EU.

With Gassho

Mark

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