Cours du 4 et 11 septembre 2016

Foi, Pratique, Etude
par Béatrice

Thème dont plusieurs d'entre nous ont souhaité que nous débattions lors des échanges concernant la façon dont nous pourrions dorénavant étudier.

Foi, pratique, étude sont là trois termes génériques essentiels et nécessaires quels que soient les religions ou les centres d'intérêt. Essentiels et nécessaires car il convient de croire à ou en ce que l'on veut faire pour réaliser ses objectifs, ce qui suppose d'étudier de façon constante et précise ce auquel l'on veut s'exercer. Par exemple, celui qui veut devenir jardinier devra étudier les sols, les semences, connaitre l'exposition correcte, tenir compte des températures et de bien d'autres choses encore, et mettre en pratique ses connaissances pour vérifier si elles portent leurs fruits. De même, celui qui veut obtenir l'Éveil devra étudier les enseignements bouddhiques pour les comprendre, et savoir les mettre en pratique pour parvenir à l'Éveil. Toute entreprise a besoin d'être préparée.

Nichiren rappelle l'importance de ces concepts dès l'entrée dans la voie de l'Éveil lors de la cérémonie de Réception des Préceptes (Gojukai) (note.)

"Croyez dans le Gohonzon, le Mandala suprême de ce monde. Soyez vigilants ! Efforcez-vous de fortifier votre foi pour être sous la protection de tous les bouddhas du passé, du présent et de l'avenir. Exercez-vous dans les deux voies de la pratique et de l'étude sans lesquelles il n'y a pas de bouddhisme. Faites cela pour vous et transmettez-le aux autres. La pratique bouddhique et l'étude reposent sur la foi. Faites de votre mieux pour transmettre le Sutra du Lotus aux autres, ne serait-ce qu'une stance ou une phrase." (réf.)

Nous constatons que Nichiren met d'emblée en garde en rappelant que la foi exige des efforts, qu'elle demande toute notre attention et notre sérieux, qu'elle est une pratique qui s'accompagne d'une étude hors desquelles le bouddhisme n'existe pas. Le Révérend Ryusho Jeffus compare ces 3 aspects à un trépied :

" Un trépied tient debout sur une surface irrégulière. Cela s’explique mathématiquement et c’est la seule forme d’objet à avoir cette propriété. Nous avons tous fait l’expérience d’une chaise à quatre pieds qui chancelle sur un sol irrégulier. Le trépied du bouddhisme qui rend notre assise stable sur n’importe quelle surface bosselée de la vie, c’est 'foi, pratique, étude'. Cela nous donne la possibilité de surmonter n’importe quelle situation et de parvenir à l’Éveil quelles que soient les circonstances." (réf.)

Passons en revue maintenant chacun de ces termes.

FOI, en japonais "shinjin" = la foi par le coeur

Dans le gosho Le sens de la foi rédigé en 1280, Nichiren écrit :

"Ce que nous appelons la foi n’a rien d’exceptionnel. La foi consiste à se fier au Sutra du Lotus, à Shakyamuni, à Maints-Trésors, aux bouddhas et aux bodhisattvas des dix directions, aux dieux célestes et divinités bienveillantes et à réciter Namu Myoho Renge Kyo, de la même façon qu’une femme chérit son mari, qu’un homme donne sa vie pour son épouse, que des parents refusent d’abandonner leurs enfants ou qu’un enfant refuse de quitter sa mère." (Le sens de la foi - Minobu, 1280, à Myoichi-ama)

La foi désigne donc "la confiance dans les enseignements du Bouddha", à savoir la croyance dans le Gohonzon, lequel n'est autre que la représentation de l'Éveil du Bouddha et de celle de sa propre vie. Pourquoi ? Le Gohonzon représentant l'Éveil qu'eurent tous les bouddhas à la Loi, au Dharma, cet objet de culte permet à chacun d'entre nous d'en faire aussi l'expérience. La foi bouddhique n'est par conséquent pas une croyance aveugle puisqu'elle incite l'aspirant à expérimenter cette Loi en mettant en pratique les principes qu'elle décrit, et à nous servir de nos doutes comme autant d'outils pour approfondir notre démarche spirituelle.

Ayant révélé son Éveil dans le Sutra du Lotus, Shakyamuni affirme qu'il s'agit là de son véritable enseignement, puis convie ses disciples à ne croire qu'en cet enseignement, lequel dit que chacun possède au fond de sa vie la nature et la sagesse de bouddha et qu'en les manifestant, toute personne peut devenir bouddha sans changer d'apparence. Nichiren a défini cette nature et cette sagesse comme étant Namu Myo Ho Renge Kyo, et les a écrit au centre du Gohonzon. Notre pratique de Gongyo (littéralement "pratique assidue") et de daimoku a donc pour fonction de faire fusionner notre vie avec celle du Bouddha.

"Réciter le nom du Bouddha, lire le Sutra, ou simplement offrir des fleurs ou brûler de l'encens, tous ces actes seront source de bienfaits et de bonne fortune dans votre propre vie. Avec cette conviction, mettez votre foi en pratique" (Sur l'atteinte de la bodhéité - 1255, à Toki Jonin)

rappelle Nichiren, précisant que toutes les actions qui entourent la pratique représentent les causes qui porteront nécessairement des fruits puisqu'elles exercent d'une certaine façon notre bodhéité.

La foi se décline par ailleurs en 10 étapes dont la première correspond à cette confiance accordée en l'enseignement et la dernière au voeu formulé par les bodhisattvas que nous sommes de parvenir à l'Éveil et de sauver les autres.


PRATIQUE, jap. gyo

Nous savons que notre pratique biquotidienne se compose de la lecture d'une partie des chapitres II et XVI du Sutra du Lotus, recommandés par Nichiren lui-même qui écrit :

"Si aucun chapitre du Sutra du Lotus n'est négligeable, parmi les vingt-huit, les chapitres Hoben (II) et Juryo (XVI) ont une importance toute particulière." (Sur la récitation des chapitres Hoben et Juryo - Kamakura - 1264, à la femme de Hiki Daigaku Saburo Yoshimoto)

Pourquoi ? Dans le 2e chapitre, intitulé Moyens salvifiques, Shakyamuni enseigne que

"tous les bouddhas apparaissent au monde pour 'une grande raison' : permettre à chacun d'atteindre le même Éveil qu'eux."

Le chapitre XVI intitulé Longévité de l'Ainsi Venu révèle quant à lui que la durée de la vie du Bouddha est incommensurable parce qu'

"il s'est en réalité passé un temps incalculable depuis qu'il est bouddha."

car

"si le Bouddha demeurait en ce monde en permanence, les êtres ne comprendraient pas la valeur de son enseignement."

C'est ce que précise la parabole du Médecin habile dont se sert Shakyamuni qui utilise son propre décès pour créer un sentiment de manque chez ses auditeurs, "détourner les êtres de leurs vains penchants" et réapparaitre "lorsque leurs dispositions sont propices" pour prêcher le Dharma.

Aux yeux de Nichiren, ce chapitre révèle donc la vraie nature de bouddha, universelle et atemporelle.

Une fois lus, ces deux chapitres sont suivis de la récitation du mantra Odaimoku, le grand Titre sino-japonais que porte le Sutra du Lotus et dont Nichiren parle ainsi :

« Pratiquer seulement les sept caractères Na Mu Myo Ho Ren Ge Kyo peut sembler limité ; mais, puisque ce Dharma est le maître de tous les bouddhas des trois phases de la vie [passé, présent, futur], puisqu'elle instruit tous les bodhisattvas de l'univers, et puisqu'elle est le guide qui permet à tous les êtres humains d'atteindre la bodhéité, sa pratique est d'une profondeur sans égale. » (Les désirs mènent à l'Éveil - Sado, 1272 ; à Shijo Kingo)

Voici l'explication littérale que donne le révérend Mc Cormick de chacun de ses termes:

" Namu vient du sanscrit "namas" (note), qui peut se traduire par 'je me dévoue à' ou bien 'je prends refuge en'. C'est l'affirmation selon laquelle, lorsque les autres méthodes de travail sur soi pour atteindre le bonheur se sont avérées insuffisantes, nous en venons à reconnaitre que le bonheur authentique se trouve dans le Dharma." (Fleurs du Dharma : pp.28-29 ; 220).

Autrement dit, nous dévouant au Sutra du Lotus ou prenant refuge en lui lors de notre récitation, nous créons les causes pour être heureux ou prenons refuge dans ses enseignements pour réveiller la sagesse infinie de notre nature de bouddha.

"Myoho signifie Vrai Dharma (enseignement) ou Dharma merveilleux, qui explicite la dynamique de la vie et sa nature profonde d'interdépendance où tout ce qui existe relève de la transformation et du support mutuels. Ce que nous appelons nature de bouddha est la potentialité inhérente à toute vie de découvrir et de réaliser sa nature profonde."

Myo représente également la vie, Ho - la mort, autrement dit ces deux termes couvrent le cycle infini qui fait que toute chose apparait puis disparait.

"Renge désigne la fleur du lotus. C'est l'image du fonctionnement du Dharma en ce que le lotus symbolise l'unité de la cause et de l'effet et, en ce qui nous concerne, l'unité d'aspiration à la bodhéité et sa réalisation. C'est également l'image de la pureté de la bodhéité qui fleurit au milieu du marécage de la vie quotidienne."

Renge représente donc la loi de causalité à l'oeuvre dans tout ce qui est, mais cause qui est originellement pure puisque c'est nous qui en sommes le créateur. Ce sont d'ailleurs effectivement des lotus qui fleurissent à la surface des piscines des stations d'épuration pour purifier toutes les boues charriées.

"Kyo, ce sont les 'sutras' (...), tous les enseignements du Bouddha qui culminent dans le Sutra du Lotus. Dans un sens plus large, puisque tous les phénomènes manifestent les enseignements du Bouddha, ce sont tous les phénomènes qui peuvent être considérés comme des enseignements et des manifestations de la vérité du Sutra du Lotus."

En d'autres termes, kyo représente notre vie quotidienne éclairée par les valeurs bouddhistes. Pour conclure ce rappel, je dirai qu'un jour l'un de mes amis me résuma ainsi la signification du Odaimoku : "Moi, je me dévoue à travers vies et morts à la Loi de cause et effet dans le passé, le présent et le futur."

Il va sans dire que la façon dont nous nous vouons à cette récitation, la qualité de nos pensées, de notre attitude physique et mentale, sont primordiales que ce soit en lisant le Sutra, dont chaque mot est à considérer comme un Bouddha en or, (note) ou en récitant ces dharani (note), des
formules réputées protectrices dont parle le Sutra du Lotus au chapitre XXVI. Un seul daimoku peut faire parvenir à la bodhéité, annonce Nichiren, mais combien en faut-il pour que celui-là soit le bon ! (note)

Gardant à l'esprit que Gongyo est une cérémonie qui célèbre l'ouverture de la Tour aux Trésors dans laquelle nous sommes, gardant en tête qu'il s'agit d'un moment que nous nous accordons pour transformer notre karma dont nous sommes seul responsable, nous éviterons l'effet dévastateur de la routine qui peut survenir à un moment donné. Bien qu'il s'agisse évidemment d'une forme d'ascèse que nous nous imposons comme avant son Éveil se l'imposait Shakyamuni, gardons également en mémoire que nous pratiquons aussi pour les autres et qu'en raison de la Loi de causalité chacun de nos plus petits efforts contribue à la progression de tout un chacun. C'est ce que Nichiren veut dire lorsqu'il écrivait ces mots que je
citais un peu plus haut :

"Exercez-vous dans la voie de la pratique sans laquelle il n'y a pas de bouddhisme. Faites cela pour vous et transmettez-le aux autres."

Ainsi, en transmettant aux autres les bienfaits de Gongyo, nous réalisons notre nature profonde de bodhisattva Surgi-de-Terre. Face à ces merveilleuses qualités de la pratique, que penser alors de ceux qui arrêtent de pratiquer ? Nichiren est à ce propos catégorique :

"Que ce soit pour de bonnes ou de mauvaises raisons, si l'on abandonne le Sutra du Lotus, on se condamne à l'enfer. [Ici] j'en fais
serment : même si l'on m'offrait le trône du Japon à la seule condition d'abandonner le Sutra du Lotus et d'adhérer aux enseignements du Sutra Kammuryoju en priant pour renaître sur la Terre pure de l'Ouest, même si l'on me menaçait, si je ne récite pas le Nembutsu, de décapiter mon père et ma mère, quels que soient les obstacles, tant que des hommes de sagesse ne m'auront pas prouvé que mes enseignements sont erronés, je n'accepterai jamais les pratiques des autres écoles !" (Traité pour ouvrir les yeux -Sado, 1272 à Shijo Kingo)

Autrement dit, se détourner du Sutra du Lotus conduit à l'enfer, c'est-àdire à retomber dans les 6 premières voies (mondes-états) se coupant ainsi de celles menant à la bodhéité. Se détourner du Sutra du Lotus, c'est donc aussi une façon de renouer avec le provisoire.

ETUDE, gaku

L'étude apparait comme un bon contrepoids pour éviter de retomber dans les six premières voies. Avant de parvenir à l'Éveil, Shakyamuni et Nichiren étudièrent eux-mêmes longtemps sous l'égide de grands maitres. Etudier nourrit la pensée, la réflexion mais aussi le sentiment, l'émotion, l'imagination ; étudier apporte des réponses aux questions que l'on se pose ou que l'on nous pose, renforçant ainsi notre envie de pratiquer et d'expérimenter. Le révérend Ryusho conseille d'étudier 20 minutes par jour, proposant plutôt que d'étudier avec la tête d'étudier avec le coeur, c'est-à-dire avec ce que l'on ressent. En nous référant à un extrait de gosho ou à un passage du Sutra du Lotus, il suggère cette démarche en cinq temps :
1 Lire l'extrait et le laisser nous pénétrer même si nous ne le comprenons pas bien.
2 Observer ce que dit l'extrait, rechercher ce qu'il veut nous dire, l'intention de son
auteur, même si nous ne le comprenons pas très bien
3 Comment interprétons-nous cet extrait ? etc.

Pour conclure et réfléchir ensemble à ce qui vient d'être dit, citons à nouveau Ryusho :

"La route qui mène à l'Éveil n'est pas facile. Chemin faisant, il y aura certainement beaucoup de choses qui surgiront pour nous compliquer la vie. Nous aurons à faire face à des quantités d'obstacles, mais nous devons garder à l'esprit qu'avec les enseignements du Bouddha, nous avons un excellent guide pour nous indiquer le bon chemin vers la bodhéité. Il n'est pas facile de pratiquer le bouddhisme mais la manifestation de notre bouddha intérieur n'est pas impossible." (Lire le Sutra du Lotus, p.63)

Voir le diaporama et les compléments d'information puis le commentaire du diaporama

Voir ensuite la discussion sur shin, gyo gaku

 

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