Ainsi l'ai-je entendu :
A ce moment-là, le Bhagavat séjournait près de Rajagriha,
dans la bambouseraie, le Sanctuaire des Ecureuils. En cette occasion,
Visakha le maître de maison* alla voir la bhiksuni Dharmadina et, à son
arrivée, s'étant incliné devant elle, il s'assit d'un côté. Alors qu'il
était assis là, il lui dit:
(Identification au soi)
– 'Identification au soi, identification au soi' entend-on dire, bhiksuni. Qu'est-ce que le Bhagavat décrit comme l'identification au soi?
– Ami Visakha, il y a ces cinq agrégats qui sont l'identification au soi décrite par le Bhagavat : la forme (rupa), la sensation (vedana), la conceptualisation (sanjana), la volition ou production mentale (samskara) et la conscience embryonnaire (vijnana). Ces cinq agrégats sont l'identification au soi décrite par le Bhagavat .
En disant: 'Bien, bhiksuni', Visakha le disciple séculier apprécia et se réjouit de ce que la bhiksuni Dharmadana avait dit. Alors il lui posa une question supplémentaire:
– 'L'origine de l'identification au soi, l'origine de l'identification au soi', entend-on dire. Qu'est-ce que le Bhagavat décrit comme l'origine de l'identification au soi?
– Ami Visakha, c'est l'appétence qui entretient le devenir, accompagnée d'avidité et de complaisance, se plaisant en ceci et en cela, c'est à dire l'appétence pour les plaisirs sensuels, l'appétence pout le devenir, et l'appétence pour le non-devenir, que le Bouddha décrit comme l'origine de l'identification au Soi.
– 'Cessation de l'identification au soi, cessation de l'identification au soi', entend-on dire. Qu'est-ce que le Bhagavat décrit comme la cessation de l'identification au Soi?
– Ami Visakha, c'est la disparition et la cessation sans résidus, la renonciation, l'abandon, la libération et le lâcher-prise sur cette même appétence, que le Bouddha décrit comme la cessation de l'identification au Soi.
– 'Le sentier menant à la cessation de l'identification au soi, le sentier menant à la cessation de l'identification au soi', entend-on dire. Qu'est-ce que le Bhagavat décrit comme le sentier menant à la cessation de l'identification au soi?
– C'est précisément ce noble octuple sentier, à savoir vue (opinion) correcte, intention correcte, parole correcte, action correcte, moyens de subsistance corrects, effort correct, attention correcte et concentration correcte, que le Bouddha décrit comme le sentier menant à la cessation de l'identification au soi.
– bhiksuni, l'attachement est-il la même chose que ces cinq agrégats, ou bien est-ce quelque chose de séparé?
– Ami Visakha, l'attachement n'est pas la même chose que les cinq agrégats, et il n'en est pas non plus séparé. C'est le désir et l'avidité qu'il y a envers les cinq agrégats, qui y constituent l'attachement.
– Mais, bhiksuni, comment l'identification au Soi apparaît-elle?
– Ici, ami Visakha, un individu ordinaire non instruit, qui n'a aucune considération pour les êtres nobles et n'est pas développé ni discipliné dans leur Dharma, qui n'a aucune considération pour les hommes intègres et n'est pas développé ni discipliné dans leur Dharma, considère la forme (rupa) comme Moi, ou Moi comme possédant la forme (rupa), ou la forme (rupa) comme une partie du Moi, ou Moi comme une partie de la forme (rupa). Il considère la sensation (vedana) comme Moi, ou Moi comme possédant la sensation (vedana), ou la sensation (vedana) comme une partie du Moi, ou Moi comme une partie de la sensation (vedana). Il considère la conceptualisation (sanjana) comme Moi, ou Moi comme possédant la conceptualisation (sanjana), ou la conceptualisation (sanjana) comme une partie du Moi, ou Moi comme une partie de la conceptualisation (sanjana). Il considère la volition (samskara) comme Moi, ou Moi comme possédant la volition (samskara), ou la volition (samskara) comme une partie du Moi, ou Moi comme une partie de la volition (samskara). Il considère la conscience embryonnaire (vijnana) comme Moi, ou Moi comme possédant la conscience embryonnaire (vijnana), ou la conscience embryonnaire (vijnana) comme une partie du Moi, ou Moi comme une partie de la conscience embryonnaire (vijnana). Voici comment apparaît l'identification au Soi.
– Mais, bhiksuni, comment arrive-t-il que l'identification au Soi n'apparaisse pas?
– Ici, ami Visakha, un noble disciple bien instruit, qui a de la considération pour les êtres nobles et qui est développé et discipliné dans leur Dharma, qui a de la considération pour les hommes intègres et qui est développé et discipliné dans leur Dharma, ne considère pas la forme (rupa) comme Moi, ni Moi comme possédant la forme (rupa), ni la forme (rupa) comme une partie du Moi, ni Moi comme une partie de la forme (rupa). Il ne considère pas la sensation (vedana) comme Moi, ni Moi comme possédant la sensation (vedana), ni la sensation (vedana) comme une partie du Moi, ni Moi comme une partie de la sensation (vedana). Il ne considère pas la conceptualisation (sanjana) comme Moi, ni Moi comme possédant la conceptualisation (sanjana), ni la conceptualisation (sanjana) comme une partie du Moi, ni Moi comme une partie de la conceptualisation (sanjana). Il ne considère pas la volition (samskara) comme Moi, ni Moi comme possédant la volition (samskara), ni la volition (samskara) comme une partie du Moi, ni Moi comme une partie de la volition (samskara). Il ne considère pas la conscience embryonnaire (vijnana) comme Moi, ni Moi comme possédant la conscience embryonnaire (vijnana), ni la conscience embryonnaire (vijnana) comme une partie du Moi, ni Moi comme une partie de la conscience embryonnaire (vijnana). Voici comment il arrive que l'identification au Soi n'apparaisse pas.
(L'Octuple noble sentier)
– Bhiksuni, qu'est-ce que l'octuple octuple sentier?
– Il s'agit de
la vue juste (samma ditthi)
la pensée juste (samma samkappa)
la parole juste (samma vaca)
l'action juste (samma kammanta)
la vie juste (mode de vie juste) (samma ajiva)
l'activité juste (comportement juste, effort juste) (samma
vayama)
l'esprit juste (mémoire juste, attention juste) (samma
sati)
la concentration juste (samma samadhi).
– L'octuple noble sentier est-il conditionné ou inconditionné?
– L'octuple noble sentier est conditionné.
la vue juste, la pensée juste, la parole juste, l'action juste, la vie juste, l'activité juste, l’effort juste, l’attention juste, la concentration juste
– Les trois entraînements (préceptes, samadhi, prajna) sont-ils inclus dans l'octuple noble sentier, ou bien est-ce l'octuple noble sentier qui est inclus dans les trois entrainements?
– Les trois entraînements ne sont pas inclus dans l'octuple noble sentier, ami Visakha, mais l'octuple noble sentier est inclus dans les trois entraînements. La parole juste, l'action juste, la vie juste sont inclus dans l'agrégat des préceptes (sila). L’effort juste, l’attention juste, la concentration juste sont inclus dans l'entrainement de samadhi. La vue juste, la pensée juste, sont incluses dans l'entrainement de la prajna
(Concentration)
– Bhiksuni, qu'est-ce que la concentration? Quels sont ses objets? Quels états mentaux sont ses prérequis? En quoi consiste son développement?
– La concentration est l'unification de l'esprit*, ami Visakha. Les quatre etablissements de l'attention (satipatthanas)sont ses objets, les quatre efforts corrects (note)
sont ses états mentaux prérequis, et toute culture, tout développement, toute répétition de ces [différents] états forment le développement de la concentration.
(Sankhara)
– Bhiksuni, que sont les productions mentales (volitions)*?
– Il y a trois types de volitions, ami Visakha: les volitions corporelles, les volitions verbales et les volitions mentales.
– Mais que sont les volitions corporelles? Que sont les volitions verbales? Que sont les volitions mentales?
– L'inspir et l'expir sont les volitions corporelles. Vitakka et vicara* sont les volitions verbales. Les conceptuelisations (sanjana) et les sensations (vedana) sont les volitions mentales.
– Mais pourquoi l'inspir et l'expir sont-ils les volitions (samskara) corporelles? Pourquoi vitakka et vicara* sont-ils les volitions verbales? Pourquoi les perceptions et les sensations sont-elles les volitions mentales?
– L'inspir et l'expir sont des phénomènes corporels, qui sont attachés au corps. Voici pourquoi l'inspir et l'expir sont les volitions corporelles. Ce n'est qu'après avoir fait usage de vitakka et vicara* qu'on s'engage dans la parole. Voici pourquoi vitakka et vicara* sont les volitions verbales. Les perceptions et les sensations sont mentales, elles sont attachées à l'esprit. Voici pourquoi les perceptions et les sensations sont les volitions mentales.
(La réalisation de la cessation)
– Bhiksuni, comment la cessation des perceptions et des sensations advient-elle?
– Les pensées: 'Je vais atteindre la cessation des perceptions et des sensations', 'Je suis en train d'atteindre la cessation des perceptions et des sensations', 'J'ai atteint la cessation des perceptions et des sensations' n'apparaissent pas chez un bhiksu lorsqu'il atteint la cessation des perceptions et des sensations. C'est plutôt la manière dont son esprit a été développé auparavant qui le conduit à cet état.
– Lorsqu'un bhiksu atteint la cessation des perceptions et des sensations, qu'est-ce qui cesse en premier: les volitions corporelles, les volitions verbales ou les volitions mentales?
– Lorsqu'un bhiksu atteint la cessation des perceptions et des sensations, ami Visakha, les volitions verbales cessent en premier puis les volitiosns corporelles, et ensuite les volitions mentales. (note)
– Comment l'émergence de la cessation des perceptions et des sensations se produit-elle?
– Les pensées: 'Je vais émerger de la cessation des perceptions et des sensations', 'Je suis en train d'émerger de la cessation des perceptions et des sensations', 'J'ai émergé de la cessation des perceptions et des sensations' n'apparaissent pas chez un bhiksu lorsqu'il émerge de la cessation des perceptions et des sensations. C'est plutôt la manière dont son esprit a été développé auparavant qui le conduit à cet état.
– Lorsqu'un bhiksu émerge de la cessation des perceptions et des sensations, bhiksuni, par combien de types de contacts est-il touché?
– Lorsqu'un bhiksu émerge de la cessation des perceptions et des sensations, ami Visakha, il y a trois contacts: le contact avec la vacuité, le contact avec le sans-forme* , et contact sans désir.
– Lorsqu'un bhiksu émerge de la cessation des perceptions et des sensations, bhiksuni, vers quoi son esprit est-il incliné? A quoi tend-il? Vers quoi penche-t-il?
– Lorsqu'un bhiksu émerge de la cessation des perceptions et des sensations, ami Visakha, son esprit est incliné vers l'isolement, il tend vers l'isolement, il penche vers l'isolement.
(Sensations)
– Bhiksuni, combien de types de sensations y a-t-il?
– Ami Visakha, il y a trois types de sensations: sensations agréables, sensations désagréables et sensations ni agréables ni désagréables.
– Qu'est-ce que la sensation agréable? Qu'est-ce que la sensation désagréable? Qu'est-ce que la sensation ni agréable ni désagréable?
– Tout ce qui est ressenti physiquement ou mentalement comme agréable et gratifiant constitue la sensation agréable. Tout ce qui est ressenti physiquement ou mentalement comme désagréable et nuisible constitue la sensation désagréable. Tout ce qui est ressenti physiquement ou mentalement comme ni gratifiant ni nuisible constitue la sensation ni agréable ni désagréable.
– Bhiksuni, qu'est-ce qui est agréable et qu'est-ce qui est désagréable dans le cas de la sensation agréable? Qu'est-ce qui est désagréable et agréable dans le cas de la sensation désagréable? Qu'est-ce qui est agréable et qu'est-ce qui est désagréable dans le cas d'une sensation ni agréable ni désagréable?
– Une sensation agréable est agréable lorsqu'elle demeure et désagréable lorsqu'elle change. Une sensation désagréable est désagréable lorsqu'elle demeure et agréable lorsqu'elle change. Une sensation ni agréable ni désagréable est agréable lorsqu'il y a connaissance à son égard et désagréable lorsqu'il n'y a pas connaissance à son égard.
(Tendances sous-jacentes)
– Quelle tendance latente est sous-jacente à la sensation agréable? Quelle tendance latente est sous-jacente à la sensation désagréable? Quelle tendance latente est sous-jacente à la sensation ni agréable ni désagréable?
– La tendance latente à l'appétence est sous-jacente à la sensation agréable. La tendance latente à l'aversion est sous-jacente à la sensation désagréable. La tendance latente à l'ignorance est sous-jacente à la sensation ni agréable ni désagréable.
– Bhiksuni, la tendance latente à l'appétence est-elle sous-jacente à toute sensation agréable? La tendance latente à l'aversion est-elle sous-jacente à toute sensation désagréable? La tendance latente à l'ignorance est-elle sous-jacente à toute sensation ni agréable ni désagréable?
– Ami Visakha, la tendance latente à l'appétence n'est pas sous-jacente à toute sensation agréable. La tendance latente à l'aversion n'est pas sous-jacente à toute sensation désagréable. La tendance latente à l'ignorance n'est pas sous-jacente à toute sensation ni agréable ni désagréable.
– Qu'est-ce qui devrait être abandonné au regard de la sensation agréable? Qu'est-ce qui devrait être abandonné au regard de la sensation désagréable? Qu'est-ce qui devrait être abandonné au regard de la sensation ni agréable ni désagréable?
– La tendance latente à l'appétence devrait être abandonnée au regard de la sensation agréable. La tendance latente à l'aversion devrait être abandonnée au regard de la sensation désagréable. La tendance latente à l'ignorance devrait être abandonnée au regard de la sensation ni agréable ni désagréable.
– La tendance latente à l'appétence doit-elle être abandonnée au regard de toute sensation agréable? La tendance latente à l'aversion doit-elle être abandonnée au regard de toute sensation désagréable? La tendance latente à l'ignorance doit-elle être abandonnée au regard de toute sensation ni agréable ni désagréable?
– Ami Visakha, la tendance latente à l'appétence n'a pas besoin d'être abandonnée au regard de toute sensation agréable. La tendance latente à l'aversion n'a pas besoin d'être abandonnée au regard de toute sensation désagréable. La tendance latente à l'ignorance n'a pas besoin d'être abandonnée au regard de toute sensation ni agréable ni désagréable.
Ici, ami Visakha, un bhiksu, relativement détourné de la sensualité, détourné des états mentaux malsains, entre et demeure dans le premier dhyana, qui est accompagné d'un plaisir et de ravissement (piti) nés de l'isolement, et de vitakka-vicara*. Avec cela, il abandonne l'appétence, et la tendance latente à l'appétence n'est pas sous-jacente à cela.
Ici, un bhiksu pense: 'O, quand entrerai-je et demeurerai-je dans la dimension dans laquelle les êtres nobles entrent et demeurent maintenant?' Et chez celui qui nourrit ainsi cette aspiration pour la suprême libération, un chagrin apparaît sur la base de cette aspiration. Avec cela, il abandonne l'aversion, et la tendance latente à l'aversion n'est pas sous-jacente à cela.
Ensuite, avec l'abandon du plaisir et de la douleur, après la disparition préalable de la joie et de la tristesse, il entre et demeure dans le quatrième dhyana, qui est accompagné d'une purification de l'attention par l'équanimité et de l'absence de plaisir et de douleur. Avec cela, il abandonne l'ignorance, et la tendance latente à l'ignorance n'est pas sous-jacente à cela.
(Contreparties)
– Bhiksuni, quel est le pendant de la sensation agréable?
– La sensation désagréable est le pendant de la sensation agréable.
– Et quel est le pendant de la sensation désagréable?
– La sensation agréable est le pendant de la sensation désagréable.
– Quel est le pendant de la sensation ni agréable ni désagréable?
– L'ignorance est le pendant de la sensation ni agréable ni désagréable.
– Et quel est le pendant de l'ignorance?
– La connaissance est le pendant de l'ignorance.
– Et quel est le pendant de la vraie connaissance?
– La libération est le pendant de la vraie connaissance.
– Et quel est le pendant de la libération?
– Nirvana est le pendant de la libération.
– Et quel est le pendant du nirvana?
– Ami Visakha, tu as poussé cette suite de questions trop loin, tu n'as pas été capable de saisir la limite des questions. En effet, ami Visakha, la vie sainte conflue dans le nirvana, elle culmine dans le nirvana, elle a le nirvana pour fin. Si tu le désires, va voir le Bhagavat et demande-lui la signification de ces choses. Ce qu'il en dira sera ce dont tu devras te rappeler.
Alors Visakha le disciple séculier, se réjouissant de ce que la bhiksuni Dharmadina lui avait dit, s'inclina devant elle puis, en la conservant sur sa date, il partit voir le Bhagavat . A son arrivée, il s'inclina devant lui et s'assit sur un côté*. Alors qu'il était assis là, il raconta entièrement la conversation qu'il avait eue avec la bhiksuni Dharmadina. Après cela, le Bhagavat lui dit:
– La bhiksuni Dharmadina est sage, Visakha, elle est douée d'un grand discernement. Si tu m'avais demandé ces choses, je t'aurais répondu de la même manière qu'elle. Telle est la signification de ces choses. C'est comme cela que tu devrais t'en souvenir.
Telle fut la parole du Bouddha. Gratifié, Visakha le disciple séculier se réjouit de la parole du Bouddha.
|