L’exclusivisme de Nichiren dans une perspective historique 4 - L’exclusivisme du Lotus Jacqueline I. STONE* |
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Né aux environs du XVe siècle, l’exclusivisme du Sutra du Lotus s’accrut considérablement dans les règlements des communautés (monto) des temples Hokke, particulièrement à Kyoto. En 1413, le Myokaku-ji, une des paroisses les plus radicales de la mouvance exclusiviste Hokke, édicta un ensemble de prescriptions interdisant à ses adhérents de pratiquer leur culte dans des salles et des temples d’autres écoles, de faire des dons à leur clergé, ou de recevoir des aumônes de ceux qui ne suivaient pas le Sutra du Lotus. Un homme épousant une femme n’appartenant pas à l’école Hokke avait l’obligation de la convertir dans un délai de trois ans, faute de quoi ils étaient tous les deux exclus. Des exceptions étaient tolérées pour des nobles de la cour ou des hommes d’armes (bushi) qui pouvaient avoir à transgresser ces règles pour des raisons d’Etat. (réf.) En 1451, les temples Honno-ji et Honko-ji, tous deux de la lignée Happon nouvellement fondée, adoptèrent des règles semblables et même plus strictes, interdisant en plus aux adhérents d’avoir recours aux services des miko ou des kannagi (note), d’assister à des cérémonies d’autres écoles ou d’offrir des dons à l’occasion d’événements religieux. Tous les efforts devaient être faits pour convertir les conjoints des fils et filles aussi bien que les serviteurs de la maison. (réf.) De telles mesures étaient motivées, du moins en partie, en réaction à la tendance d’accommodement perceptible notamment parmi les lignées Hokke ayant d’anciennes racines dans la capitale et des protecteurs parmi les aristocrates et les bushis de haut rang, la célébration des rites à l’intention de cette clientèle étant une substantielle source de revenus. En 1466, l’inquiétude croissante née des menaces venues du Mont Hiei, conduisit à un accord, signé par la presque totalité des montos Hokke de Kyoto, imposant la stricte interdiction de se rendre dans les sanctuaires et les temples de ceux qui « diffamaient le Dharma » et de recevoir d’eux des aumônes. Shakubuku devait leur être appliqué avec résolution.(réf.) L’historien Fujii Manabu voit cet excès d’exclusivisme institutionnel comme un moyen par lequel le machishu (groupement de citadins) émergeant de Kyoto - largement composé de croyants Hokke - affirma son indépendance par rapport à l’ancienne autorité féodale représentée par les principaux sanctuaires et temples, en particulier ceux du Mont Hiei,. Depuis l’époque où les moines Hokke commencèrent à prêcher à Kyoto au début du XIVe siècle, ils bénéficiaient d’un vif support de la part de ces communautés largement mercantiles, dont l’enrichissement, en retour, assurait au courant Hokke une prospérité supérieure aux autres écoles de la capitale. Cela fit la fortune de vingt-et-un temples, dont la majorité se trouvait dans la ville basse (shimogyo) à forte densité de machishu.(réf.) Les machishus prospérant, leur intérêt entra en conflit tant avec les anciens seigneurs féodaux (daimyo), auxquels ils étaient redevables de différentes rentes et taxes, qu’avec les ligues de paysans ruraux (do-ikki), fréquemment organisés sous la bannière de Ikko ou bouddhisme Shin. Après la guerre Onin (1467 - 1477), quand les Ashikaga devinrent trop faibles pour imposer leur police dans la ville, les citadins s’armèrent de plus en plus contre les attaques des paysans et des seigneurs de guerre des provinces, avides de prendre le pouvoir dans la capitale. Les principaux temples Hokke furent transformés en forteresses. La règle exclusiviste du Hokke monto, comme stipulé dans les Accords de 1466, fut sans aucun doute l’expression d’un besoin urgent de solidarité entre les machishus en même temps qu’un bon moyen pour y parvenir. Selon Imatani Akira, ce fut la Hokke Shu, avec ses fortes tendances exclusivistes et agressives, qui procéda à l’unification réelle de l’armée de la population urbaine. (réf.) Cette unité machishu de la Hokke Shu fit ses preuves en été 1532, lors de la tentative d’attaque par les forces Ikko. Plusieurs jours durant, des milliers de citadins, à pied ou à cheval, exécutèrent des rondes, dans toute la cité, se montrant prêts au combat, portant des bannières avec l’inscription de Namu Myoho Renge Kyo et en récitant daimoku. Ce fut le début de ce qu’on appela le ‘‘Hokke ikki’’(Confédération du Lotus ou Soulèvement du Lotus). Alliés aux forces du représentant shogunal, Hosokawa Harumoto, ils repoussèrent l’attaque et détruisirent le Yamashina Hongan-ji, la forteresse Ikko. Durant quatre ans, le monto* Hokke Shu maintint dans les faits un gouvernement autonome à Kyoto, établissant sa propre police et assumant les fonctions juridiques. Non seulement il refusa de payer les rentes et les taxes, mais - selon les plaintes provenant du Mont Hiei,- convertit de force les hommes du commun et interdit le culte dans les temples des autres écoles. (réf.) C’est alors que les anciennes institutions religieuses s’irritèrent de l’érosion de leur autorité dans la capitale. Au printemps 1536, Matsumoto Shinzaemon, un adhérent laïc Hokke Shu de Mobara en Kazusa, défia un prélat tendai de haut rang lors d’un sermon public. Le prédicateur fut incapable de lui répondre. (réf.) Furieux de cette humiliation, les moines du Mont Hiei, réunirent leurs partisans et, le septième mois de 1536, brûlèrent tous les temples Hokke Shu à Kyoto, étendant des ravages à une bonne partie de la ville. Les machishus résistèrent avec courage mais il y eut beaucoup de morts. Les moines nichiréniens s’enfuirent à Sakai où de nombreux montos* avaient des temples. En 1542, la Hokke Shu fut autorisée à se rétablir à Kyoto mais sa puissance d’autrefois était alors brisée. Lors de ces incidents, l’exclusivisme du Lotus aida à définir et à consolider une confédération de communautés urbaines, le machishu de Kyoto, et pour un temps servit son aspiration à une indépendance politique et économique mais, en fin de compte, annihila même les succès remportés. Dire que l’engagement exclusif envers le Sutra du Lotus servait uniquement des objectifs politiques serait nier que ce fut, pour un bon nombre, une profonde et sincère conviction religieuse. Cependant, comme le Hokke ikki* le montre clairement, cet exclusivisme a généralement servi des préoccupations sociales et institutionnelles. |
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