Un bouddhisme pour notre temps

Une interprétation moderne du Triple Sutra du Lotus par
Niwano Nikkyo
traduit de A Buddhism for today (Kosei Publishing Co - 2006)

Voir : SUTRA DU LOTUS - CHAPITRE VI

La prédiction (note)

Nous avons vu que par "prédiction" il faut entendre l'assurance que nous donne le Bouddha : ‘‘vous obtiendrez tous, tant que vous êtes, de devenir bouddha’’. Le terme "prédiction" (juki) a trois significations complexes qu'il importe de bien comprendre. Tout d'abord Shakyamuni ne dit pas ‘‘vous êtes des bouddhas’’ mais ‘‘vous obtiendrez de devenir bouddha’’. Le bouddhisme enseigne que tous les êtres vivants ont la nature de bouddha et chacun peut assurément devenir bouddha, mais si Shakyamuni disait ‘‘vous êtes des bouddhas’’ cela serait fort mal interprété par les gens ordinaires croyant qu'ils sont déjà aussi parfaits que les bouddhas alors qu'ils sont dans un état d'illusion ; ils leur viendrait l'idée qu'on peut devenir bouddha sans aucun effort, comme s'ils prenaient un escalier roulant.

La prédiction du Bouddha est souvent comparée, à juste titre, à l'admission dans une école. Ce n'est pas un diplôme mais seulement la possibilité de suivre un cursus. Ce que dit le Bouddha signifie : ‘‘vous êtes reçus à l'examen d'entrée dans la plus grande université qui mène à la bodhéité ; vos années d'études seront couronnées par l'obtention de la bodhéité.’’ Avec cette assurance, les simples mortels doivent pratiquer d'autant plus et redoubler d'efforts pour atteindre ce but.

C'est un immense bonheur pour les simples mortels d'être admis dans l'université du Bouddha, d’entendre la prédiction ‘‘vous obtiendrez tous, tant que vous êtes, de devenir bouddha’’. Dans le chapitre III du Sutra du Lotus, Shariputra était le premier shravaka à recevoir cette annonce et il est naturel que la Grande assemblée, qui en était témoin, en ait exulté de joie.

La joie qu'éprouve la Grande Assemblée est la même que la vôtre. Nous avons reçu notre admission dans l'université du Bouddha. Nous en comprendrons encore mieux la portée en analysant le chapitre VIII, Cinq cents disciples reçoivent la prédiction et le chapitre IX, Prédiction conférée aux apprentis et à ceux qui n’ont plus à apprendre. Ceux qui croient sincèrement au Sutra du Lotus et en mettent en pratique l'esprit ont en fait déjà reçu l'admission dans la plus haute université universelle, celle de la bodhéité. Sachant cela nous pouvons être fiers et aprécier la valeur de notre existence.

Cette joie de la Grande assemblée est aussi la nôtre. Nous avons reçu notre admission dans l'université du Bouddha. Nous en comprendrons encore mieux la portée en analysant le chapitre VIII, Cinq cents disciples reçoivent la prédiction et le chapitre IX, Prédiction conférée aux apprentis et à ceux qui n’ont plus à apprendre. Ceux qui croient sincèrement au Sutra du Lotus et mettent son esprit en pratique ont, en fait, déjà reçu l'admission dans la plus haute université universelle, celle de la bodhéité. Sachant cela, nous pouvons être fiers et apprécier notre existence à sa juste valeur.

Notre joie naturelle et notre fierté ne doivent cependant jamais nous conduire à la suffisance. Si la joie que nous ressentons ne s'applique qu'à nous-mêmes, elle perd tout son sens. C'est le deuxième point important de la prédiction du Bouddha. À la fin du deuxième passage en vers du chapitre VI, Maudgalyayana, Subhuti, Katyayana et d'autres parlent à l'unisson ainsi :

«Le grand héros, Vénéré du monde*,
a pour constant désir de soulager le monde,
nous souhaitons qu'il nous confère la prédiction,
de même que l'affamé aspire à l'autorisation de manger.»

C'est comme s’ils disaient : ‘‘Le Bouddha désire toujours le bien-être de tous les hommes du monde. Nous désirons aussi devenir des bouddhas vivant dans la paix. Veuillez nous donner l'assurance de devenir bouddhas’’ Ils ne disent pas qu'eux seuls veulent être sauvés en devenant bouddhas ou qu'eux seuls deviendront bouddhas et atteindront la paix intérieure. Leur intention ultime est de rendre heureux tous les hommes sur terre. C'est un point très important. Nous devons comprendre qu'en demandant de manière pressante que le Bouddha leur donne l'assurance de devenir bouddhas, le désir réel de ces disciples est d'obtenir une certaine liberté et un certain pouvoir de manière à être capables de rendre les autres heureux. Si nous ne comprenons pas cela, nous pourrions avoir l'impression mensongère qu'ils demandent la prédiction uniquement pour leur propre sérénité et leur propre Éveil.

Le troisième point important est que les disciples du Bouddha doivent bien comprendre qu'ils deviendront bouddhas grâce aux enseignements qu’il a déjà exposés. Aussi, certaines personnes se demandent pourquoi les disciples continuent à demander leur prédiction avec persistance. C'est en cela que la religion diffère de la connaissance. Le bouddhisme est un enseignement que l'on peut comprendre par la raison, mais cela ne suffit pas pour l’évolution de la spiritualité. Le savoir bien compris doit être une source d’inspiration pour l'homme. Il doit engendrer la foi qui, spontanément, fera naitre le désir d'agir pour le bien des autres et de la société en général.

Lorsque le savoir se met au service de la société et des autres, nous pouvons parler d’engagement spirituel ou de religion. Une religion véritable possède cette capacité. D'où vient l'inspiration qui en est la base ? Non pas des théories mais du contact d'un esprit avec celui d’un autre, ou des autres. Lorsque nous rencontrons un être exceptionnel et que nous écoutons ses paroles, notre cœur s'emplit de joie. Nous sommes ardemment déterminés à le suivre, même au risque de notre vie. La grandeur de Shakyamuni, le Bouddha de manifestation, est sa capacité à nous insuffler cet élan. Lorsque nous considérons que les paroles de Shakyamuni sont la vérité universelle et si nous le révérons en tant qu'idéal de l'être humain, nous acquérons une faculté qui est au-delà du simple savoir, une ressource qui nous élève et nous rend plus forts.

C'est la raison pour laquelle les disciples du Bouddha étaient si avides de l'entendre dire   ‘‘vous obtiendrez tous tant que vous êtes de devenir bouddhas’’. Ces paroles sont un encouragement plus fort que l'aide de dix millions de personnes. Ils lui demandent : ‘‘Dites seulement un seul mot et nous sommes prêts à donner notre vie pour votre enseignement, à vous suivre jusqu'au bout sans jamais reculer et sans négligence dans notre pratique. S’il vous plait, un mot !’’

C'est en ces termes que les disciples supplient Shakyamuni :

«Grand héros, Vénéré du monde*,
roi du Dharma des Shakya,
parce que tu nous prends en pitié,
dispense-nous le son de ta voix de bouddha.
Si, de par ta connaissance du profond de nos coeurs,
il s'en trouve pour se voir conférer la prédiction,
ce sera comme une douce aspersion d'ambroisie,
qui disperse la fièvre et procure la fraîcheur. [...]
même si nous entendons la voix du Bouddha
dire que nous deviendrons nous-mêmes bouddha,
nous avons encore, en notre coeur, crainte et angoisse,
comme celui qui n'ose se mettre à manger.
Si nous avons la grâce de recevoir la prédiction de bodhéité,
nous en aurons alors joie et soulagement.]

Cette attitude pure et confiante montre une foi authentique. La manière dont les disciples formulent leur demande est, pour notre vie spirituelle, un bon exemple que nous devons toujours garder à l'esprit. La compréhension des enseignements du Bouddha acquise en lisant des livres et en écoutant les sermons reste toujours sommaire. Si nous n'avons pas le sentiment d'être inspirés, la sensation de nous envoler tout droit dans les bras de la grande compassion de Shakyamuni, notre savoir ne produira pas le pouvoir de sauver ni les autres ni nous-mêmes. Vénérer l'image du Bouddha et réciter le titre du Sutra du Lotus, ce n’est ni adorer une idole ni prononcer des incantations magiques. Le but de ces actes est la fusion entre nous et l'esprit de Shakyamuni que nous révérons comme notre maître et notre parent ; par là, nous accomplissons la fusion avec le grand salut du Bouddha Atemporel.

Si nous gardons à l'esprit ces trois points essentiels concernant la prédiction du Bouddha du chapitre VI, nous pouvons comprendre le message enseigné par le Bouddha.

Passons maintenant au texte du chapitre.

Après avoir prononcé le dernier vers du chapitre V, le Bhagavat s'adresse à la Grande assemblée de la manière suivante :

« Ce mien disciple, Mahakashyapa, obtiendra, dans les âges futurs, d'être admis auprès de trois millions de myriades de bouddha Vénérés du monde, de leur faire offrande, de leur rendre hommage, de leur faire révérence, de les exalter et de propager largement les innombrables grands enseignements de bouddha. En son tout dernier corps*, il obtiendra de réaliser l'état de bouddha et sera appelé l'Ainsi-Venu Rashmiprabhasa [Lumière-Etincelante], Arhat [Digne d'offrande], Samyak-Sambuddha [Savoir correct et universel], Vidya-carana-sampanna [Pratiquant la Voie pure], Sugata [Parti en toute bienveillance], Lokavit [Comprenant le monde], Purusa-damya-sarathi [Dompteur des héros], Sasta deva-manusyanam [Précepteur des dieux et des hommes], Buddha - Bhagavat. Son royaume aura nom Avabhasa (Lumineux-Mérite), son kalpa sera appelé Mahavyuha (Grand-Ornement). L'âge du bouddha sera de douze kalpa mineurs; le Dharma correct demeurera au monde vingt kalpa mineurs, et le Dharma formel vingt kalpa mineurs également. »

Lorsque, plus tôt, à la suite de la parabole du fils pauvre, Kashyapa avait exprimé  sa profonde émotion et son immense gratitude envers l'enseignement du Bouddha, le Bhagavat eut la confirmation que Kashyapa avait déjà assimilé presque tous ses enseignements, approfondi sa foi et acquis une ferme résolution ; cela ayant déjà été annoncé par les paroles du Bouddha au début du chapitre V :

« C'est bien, c'est fort bien, Kashyapa, tu as fort bien exposé les mérites réels de l'Ainsi-Venu. »

Lorsque le Bouddha prédit la réalisation de l'état de bouddha pour tous les membres de l'Assemblée, il désigne les noms des futurs bouddhas, leurs domaines et leurs époques. Il donne à Kashyapa les dix épithètes d'un bouddha, en commençant par ‘‘l'Ainsi-Venu Rashmiprabhasa (Clarté-Rayonnante)’’, les dix épithètes de bouddha signifiant qu'il alliait parfaitement vertus et pouvoirs. Le Bhagavat affirme ainsi que, par ses pratiques, Kashyapa peut devenir un bouddha identique à Shakyamuni. En un mot, il explicite que si quelqu'un comprend réellement la vérité du Bouddha, il devient l'égal de Shakyamuni. On voit là quelle immense valeur Shakyamuni accorde à cette vérité.

Le Bouddha continue ainsi :

« Son royaume sera somptueusement orné, exempt de souillures et de maux, de tuiles et de gravier, de ronces et d'épines, d'excréments et d'impuretés; la terre en sera plate et égale, sans dénivellations, sans fossés ni éminences; le sol en sera de béryl, des arbres de matières précieuses s'y aligneront; il sera couvert d'enceintes en forme de damier avec des cordes d'or; des fleurs de matières précieuses les joncheront; ce ne sera, partout et en tous lieux, que pureté. En ce royaume, les bodhisattvas seront par innombrables myriades, de même que les foules d'auditeurs-shravakas seront incalculables. Les entreprises de Mara n'y existeront point; quand bien même y existeront Mara lui-même et sa horde, ils protégeront tous le Dharma du Bouddha. »

Ce tableau dépeint un monde idéal. La première partie est la description d'une ville merveilleuse, d'une contrée hautement développé du monde d'aujourd'hui, mais la deuxième moitié donne l'impression qu'il s'agit d'un royaume qui est exactement l'opposé du monde actuel. Notre monde a, sans conteste, fait des progrès remarquables dans le domaine matériel, mais il n'a que peu progressé sur les aspects spirituels. La description du Bouddha nous confronte nettement avec la plus grande défaite de la société moderne. Comprenant cela, comment refuser d'œuvrer collectivement pour propager massivement l'esprit du Sutra du Lotus  avec la ferme résolution de réaliser dans ce monde, le plus vite possible, le royaume idéal décrit par le Bouddha ?

Démons et actions démoniaques

Nous ne devons pas ignorer les paroles du Bouddha :

« Les entreprises de Mara n'y existeront point; quand bien même y existeront Mara lui-même et sa horde, ils protégeront tous le Dharma du Bouddha. »

Le Démon-Mara c'est tout ce qui fait obstacle à la voie spirituelle. La horde de Mara désigne les adeptes du mal tellement puissants qu'ils apparaissent les uns après les autres devant celui qui s'efforce de réaliser la voie correcte pour le pousser vers la tentation et troubler son esprit. Ce monde diabolique s'unit pour bloquer et intimider ceux qui essaient de pratiquer la voie de la vérité. Ces démons sont comme des bandes de voyous ou de mafieux. Les paroles et les écrits malveillants sont un très grand démon.

Le démon et sa horde étaient apparus à Shakyamuni alors qu'il méditait profondément juste avant son Éveil et tentèrent de dresser toutes sortes d'obstacles devant lui. Un homme ordinaire (bompu) y aurait succombé. Mais Shakyamuni fut capable de résister aux tentations, aux obstacles et aux menaces diaboliques ; son Éveil devint alors inébranlable. À en juger d'après le résultat on peut même dire que ces obstacles diaboliques contribuèrent à l'Éveil de Shakyamuni.

Le mot "démon" possède deux significations. La première est le "démon du corps" qui désigne les pulsions des instincts et les idées erronées qui dérangent l'esprit. La seconde est le "démon hors du corps" qui se présente sous la forme de tentations ou de pressions exercées de l'extérieur.

Dans un royaume idéal comme l’Avabhasa (Lumineux-Mérite), il y a des personnes qui pratiquent les enseignements du Bouddha ou les recherchent sincèrement. Même si elles sont tentées parfois par le "démon du corps", c'est-à-dire, par une idée erronée ou une pulsion instinctive, cette tentation agit de manière à renforcer leur désir de rechercher la Voie. C’est en cela que le "démon du corps" protège le Dharma. Ainsi, malgré l'existence du démon et des personnes démoniaques, leurs actions n’ont aucun impact dans le royaume idéal.

"Le démon hors du corps" désigne les paroles et les actes des personnes qui critiquent, menacent ou tentent ceux qui essaient d'appliquer et de propager les enseignements du Bouddha. Mais, comme dit le proverbe : ‘‘ d'un grand mal peut sortir un grand bien’’. Dans le royaume Avabhasa (Lumineux Mérite), même les plus corrompus peuvent changer et utiliser leurs pouvoirs pour protéger les enseignements du Bouddha. Puisque tous les êtres sensitifs possèdent de façon innée la nature de bouddha, la personne la plus démoniaque qui s'éveille à cette réalité pourra se montrer beaucoup plus remarquable qu'une personne bonne mais faible.

Le Bouddha nous enseigne que c'est dans l'illusion que le démon, qu'il soit intérieur ou extérieur, montre sa capacité de nuisance. Mais si on comprend la voie correcte, le démon exerce immédiatement ses facultés pour le bien. Nous ne devons donc pas penser à l’Avabhasa (Lumineux-Mérite) comme à un domaine idéal fort éloigné de notre monde mais comme un lieu d'évènements spirituels de notre vie intérieure et en rapport avec les problèmes pratiques de nos sociétés. Ayant compris cela, nous devons nous consacrer à l'Éveil des "démons", à l'élimination des "actions démoniaques" et surtout à la transformation des "démons" de manière à ce qu'ils montrent leurs côtés positifs.

Comment réaliser cela ? Une porte nous est ouverte : rechercher les enseignements corrects du Bouddha, y croire et les pratiquer. Si nous agissons ainsi, il n'y aura plus d'actions diaboliques dans la société. Les actes démoniaques qui collent à nos esprits et à nos corps disparaîtront comme la brume au soleil et notre vie infinie brillera dans toute sa pureté.

Ensuite, le Bhagavat, désirant proclamer à nouveau son enseignement, le répète en vers et termine en donnant sa prédiction à Kashyapa. Puis, 

«Alors Mahamaudgalyayana, Subhuti, Maha-Katyayana et les autres, tous tant qu'ils étaient, tremblants et frémissants, joignirent unanimement les paumes, levèrent les yeux vers le visage vénéré, ne le quittant pas un instant du regard et, à l'unisson, récitèrent les stances :

Grand héros, Vénéré du monde,
roi du Dharma des Shakya,
parce que tu nous prends en pitié,
dispense-nous le son de ta voix de bouddha.
Si, de par ta connaissance du profond de nos coeurs,
il s'en trouve pour se voir conférer la prédiction,
ce sera comme une douce aspersion d'ambroisie,
qui disperse la fièvre et procure la fraîcheur.
Il en est comme de qui viendrait d'une contrée affamée
et trouverait soudain un festin royal.
Il a encore doute et crainte en son coeur
et n'ose se mettre à manger;
ce n'est qu'après avoir eu l'instruction du roi
qu'il aura le courage de manger.
Il en est de même pour nous :
toujours à réfléchir aux erreurs du Petit Véhicule,
ne sachant pas comment
faire nôtre la sagesse insurpassable d'Éveillé;
même si nous entendons la voix du Bouddha
dire que nous deviendrons nous-mêmes bouddha,
nous avons encore, en notre coeur, crainte et angoisse,
comme celui qui n'ose se mettre à manger.
Si nous avons la grâce de recevoir la prédiction de bodhéité,
nous en aurons alors joie et soulagement.
Le grand héros, Vénéré du monde,
a pour constant désir de soulager le monde,
nous souhaitons qu'il nous confère la prédiction,
de même que l'affamé aspire à l'autorisation de manger.»

Alors, le Bhagavat, connaissant les pensées de ses grands disciples, accéda à la demande de Subhuti et lui octroya sa prédiction. Il déclara que son nom serait l'Ainsi-Venu Shashiketu (Forme merveilleuse) [Marque de Gloire] et son royaume Ratnasambhava (Né de Joyaux) [Né de Joyaux].

Ensuite le Bhagavat octroya sa prédiction à Maha-Katyayana et annonça son nom comme étant l'Ainsi-Venu Jambunadaprabha (Eclat Doré du Fleuve Jambu).

Il octroya aussi sa prédiction à Maha-Maudgalyayana, le nommant l'Ainsi-Venu Tamala patracananda gandha (Parfum de Tamala et Santal), son époque sera appelée Ratiprapurna (Pleine de Joie), son royaume aura nom Manobhirama (Délice-Mental).

En lisant cela la plupart d'entre vous pensent peut-être que tout cela est fort éloigné de notre vie, que cela ne parle que de la relation de Shakyamuni et de ses grands disciples. Pas du tout, comme nous le voyons en lisant la dernière partie de la section finale versifiée de ce chapitre. Le Bhagavat parle ainsi :

«Tous mes disciples,
pleinement munis d'autorité,
au nombre de cinq cents,
se verront conférer la prédiction :
En un âge à venir,
tous vous obtiendrez de devenir bouddha.
Les causes et conditions des existences antérieures,
les miennes comme les vôtres,
je vais à présent les exposer.
Ecoutez-moi bien !»

Le passage ‘‘Les causes et conditions des existences antérieures, les miennes comme les vôtres’’ s'applique non seulement au Bouddha Shakyamuni et à ses cinq cents disciples mais aussi à tous les bouddhas et à leurs disciples apparus ou à paraître, depuis le passé infini jusqu'au futur éternel. En effet, celui qui a réellement compris les enseignements du Bouddha ne manque jamais d'en parler à d'autres car il ressent le besoin de sauver autrui. En persistant, il peut devenir bouddha. De plus, ceux qui ont été sauvés par lui peuvent eux-mêmes devenir bouddhas en transmettant les enseignements de l’Éveillé à une foule de gens et en continuant à en sauver d'autres. C'est de cette façon que d'innombrables bouddhas sont apparus depuis le passé infini jusqu'à présent, et ces innombrables bouddhas ont produit un nombre incalculable d'autres bouddhas. Donc, une continuelle multiplication de personnes éveillées par les bouddhas se produit sans cesse. C'est la vraie signification des mots ‘‘Les causes et conditions des existences antérieures, les miennes comme les vôtres’’.

Aujourd'hui, nous avons la chance d'avoir rencontré le Sutra du Lotus. Cela signifie que nous avons aussi reçu la prédiction que nous allons devenir bouddhas si nous pratiquons le Dharma. Bien que le Bouddha historique Shakyamuni soit mort il y a près de deux mille cinq cents ans, le Bouddha Shakyamuni Atemporel, est parmi nous pour toujours. Il nous octroie sa prédiction de l’atteinte de la bodhéité à travers le Sutra du Lotus.

L'Importance de la répétition

Lorsque le Bouddha octroya sa prédiction à Kashyapa, son royaume fut décrit comme une terre merveilleuse idéale, puis la description fut répétée dans les stances.  En gros et à peu de choses près, ce fut la même description qu'il reprit dans les prédictions faites à Subhuti, à Maudgalyayana et à Katyayana. En récitant le Sutra du Lotus, nous ne devons pas penser : ‘‘C’est la même chose que précédemment’’, ni les réciter en pensant à autre chose. La répétition a une fonction très importante dans la vie spirituelle.

Le fait de répéter laisse une empreinte profonde dans notre esprit, à condition que la répétition soit faite du fond du cœur. Celui qui récite le chapitre VI en y mettant le meilleur de lui-même revivra la description de l'état idéal de l'homme — illustré par les dix épithètes du Bouddha — et la description de la société humaine idéale illustrée par la beauté de la Terre de Bouddha. Au moyen de fréquentes répétitions, ces descriptions pénétreront dans les profondeurs de son esprit.

Les indications "voir ci-dessus" ou "idem" sont bonnes pour les documents et rapports officiels. Ces raccourcis appartiennent au monde des affaires. Dans la pratique bouddhique, nous ne devons pas faire d'impasse mais, au contraire, répéter toutes les choses avec exactitude. Si, dans l'apprentissage de la musique ou du baseball, quelqu'un répète les mêmes gestes le plus souvent possible en y mettant toute son attention, il fera des progrès. Il en est de même pour l'entraînement spirituel. 

Lorsque nous récitons le titre du Sutra du Lotus, il suffirait théoriquement de ne le réciter qu'une fois à condition que ce soit avec une profonde sincérité. En réalité, si nous ne répétons pas le titre au moins trois à dix fois, l'idée de prendre refuge dans le Bouddha ne nous pénétrera pas complètement. Néanmoins, bien que la répétition soit importante, si nous le récitons mille ou dix mille fois, à moins d'être des surhommes, nous nous lasserons et notre esprit se mettra à vagabonder et nous nous retrouverons en train de répéter en ayant perdu le sens. Cela conduit au formalisme et à l'idée fallacieuse que l'on peut être sauvés par la quantité de daimokus.

Nous devons comprendre que la véritable expérience bouddhique requiert trois conditions : 1) une bonne pratique, 2) une conduite authentique et 3) une répétition constante.

Suite

Chapitre VI du Sutra du Lotus

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