Réponse au seigneur Shijo Kingo

(Le lieu du bouquet de bienfaits)

Lettres et traités de Nichiren Daishonin. ACEP - vol. 6, p. 339 ; SG* p.1078.
Gosho Zenshu p. 1193 - Shijo Kingo dono gohenji

Minobu, le 8 octobre 1280 à Shijo Kingo

J'ai bien reçu le riz que vous m'avez envoyé de Tono'oka (note). J'en ai fait don aux moines pour la cérémonie d'urabon, le septième mois de cette année. Les moines présents à l'assemblée réunie au Pic du Vautour, le Bouddha et les divinités, tous ont dû se réjouir de ce don. Les mots ne peuvent décrire [ma gratitude pour] vos dons sincères et répétés, et vos fréquentes visites.

Vous n'avez rien à craindre pour votre prochaine vie, il est certain que vous atteindrez la bodhéité. En particulier, je me souviens que dans la 8e année de l'ère Bun'ei [1271], alors que, ayant encouru la disgrâce des autorités j'étais conduit à Tatsunokuchi, dans la province de Sagami pour y être décapité, vous avez saisi la bride du cheval [qui me portait], et vous avez marché, pieds nus, à mes côtés, avec tristesse et en versant des larmes. Vous étiez même résolu à vous ouvrir le ventre si j'étais réellement exécuté. Comment, même avec le temps, pourrais-je l'oublier  ?

Il y a plus. Exilé à Sado, enfoui sous les neiges de cette île de la mer septentrionale et exposé aux vents violents venus des monts du nord, ma survie même paraissait peu probable. Abandonné par des amis de longue date, mes chances de revoir un jour mon pays natal semblaient aussi faibles que la possibilité, pour un rocher si lourd que mille bras ont peine à le soulever, de remonter à la surface du fond de l'océan.

N'étant qu'un simple mortel, j'avais la nostalgie de mon village natal et de ses habitants.

Que vous, un laïc à qui le service de son seigneur laisse si peu de temps, ayez foi dans le Sutra du Lotus est déjà un fait rare. De plus, franchissant les montagnes, traversant les rivières et l'étendue bleue de l'océan, vous êtes venu de très loin me rendre visite. Comment votre résolution pourrait-elle être inférieure à celle du bodhisattva qui se brisa les os [pour faire une offrande] à la Cité des Parfums ou à celle du bodhisattva qui, dans les Montagnes neigeuses, sacrifia son corps [en se précipitant dans le vide] ?

Pourtant en ce qui me concerne, si peu probable que fut mon éventuelle réapparition [dans le monde], je ne sais trop pour quelle raison, au printemps de la 11e année de Bun'ei [1274], je fus gracié. Prenant alors le chemin du retour, je revins à Kamakura.

Réfléchissant à ces événements, je pense désormais m'être totalement libéré de mes fautes passées. En une occasion, j'ai failli perdre la vie. A l'ère Kocho, je fus exilé dans la province d'Izu, et à l'ère Bun'ei, je fus banni sur l'île de Sado. C'est pour avoir, à plusieurs reprises, adressé des remontrances aux autorités que j'ai suscité de constantes persécutions. Mais par là même, il est absolument impossible de m'accuser d'être un "ennemi du bouddhisme" (note).

Quand, désireux de progresser sur la Voie bouddhique, j'ai fait connaître mon intention de quitter le monde et de me retirer dans une forêt de montagne, mon attitude a été interprétée de diverses manières. Mais, après avoir bien pesé ma décision, je me suis installé dans cette province, sur ce Mont où j'ai assisté sept fois au retour du printemps et de l'automne.

Sans préjuger de ma sagesse, parce que ma fidélité au Sutra du Lotus m'a valu de subir persécutions et blessures, je surpasse même le Grand-maître* Zhiyi* de Chine et le Grand-maître* Saicho* du Japon. C'est le temps [l'époque des Derniers jours du Dharma] qui l'a voulu ainsi. Si je suis bien le Pratiquant du Sutra du Lotus, alors Shakyamuni, qui enseigna la doctrine au Pic du Vautour, le bouddha Taho, du Monde du trésor de pureté, les bouddhas des dix directions, émanations de Shakyamuni, les grands bodhisattvas de l'enseignement essentiel et de l'enseignement théorique, Bonten, Taishaku, les rois dragons et les dix Filles-démones, tous sont très certainement présents en ce lieu. Là où il y a de l'eau vivent les poissons. Là où il y a des bois, les oiseaux s'assemblent. Les pierres précieuses abondent dans les montagnes de l'île Peng-lai (note) et les santals poussent sur le Mont Malaya. On trouve de l'or dans la montagne où la rivière Li-shui prend sa source. Il en va exactement de même pour cet endroit-ci. C'est le lieu du "monceau de bienfaits" (note) et c'est là où résident les bouddhas et les bodhisattvas.

Ma récitation du Sutra du Lotus, pendant des jours et des mois, m'a valu des bienfaits aussi grands que le ciel immense. Puisque chaque année, à plusieurs reprises, vous êtes venu ici me rendre visite, je suis certain que vous vous libérerez, au cours de cette vie-ci, des entraves karmiques accumulées depuis le passé illimité. Fortifiez encore votre croyance, renforcez-la toujours plus.

Nichiren.

Le 8e jour du 10e mois.

ARRIERE-PLAN - Nichiren Daishonin envoya cette lettre à Shijo Kingo en 1280 pour le remercier d'un don de riz. Il fait aussi l'éloge de l'exceptionnelle sincérité dans la foi de Kingo, exprimant sa gratitude non seulement pour le dévouement sans faille dont le samouraï fit preuve au moment de la persécution de Tatsunokuchi, mais aussi pour les grands efforts qu'il déploya par la suite en lui rendant visite et en lui procurant ce dont il avait besoin, à la fois sur l'île de Sado et au Mont Minobu. Nichiren Daishonin était, à cette époque, près de la fin de sa vie. Sa santé était chancelante et il souhaitait probablement exprimer sa profonde gratitude à Shijo Kingo pour avoir manifesté une foi aussi forte et durable (Commentaire ACEP)

En anglais : Reply to Lord Shijo Kingo ou The Place of the Cluster of Blessings

- http : //www.sgilibrary.org/view.php?page=1069&m=1&q=of%20Blessings
- commentaires : http : //nichiren.info/gosho/bk_ReplyShijoKingo.htm

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