Le don de riz

Lettres et traités de Nichiren Daishonin. ACEP - vol. 1, p.299 ; SG* p. 1132.
Gosho Zenshu p. 1596 - Hakumai Ippyo Gosho (Jiri Kuyo Gosho
)

Minobu, date 1273 ? destinataire ?

 

Je viens de recevoir le sac de riz blanc, le sac de taros et le panier d'algues de rivière que vous avez eu la bonté de me faire parvenir par vos serviteurs.

Il y a pour l'homme deux sortes de trésor : le vêtement et la nourriture. Un sutra dit : "Tous les êtres sensitifs vivent grâce à la nourriture." La survie de l'homme en ce monde dépend de la nourriture et des vêtements. Pour les poissons, c'est l'eau le plus grand trésor et pour les arbres, le sol dans lequel ils poussent. L'homme peut se maintenir en vie grâce à ce qu'il mange. C'est pourquoi la nourriture est son trésor (note).

Néanmoins, la vie elle-même est le plus précieux de tous les trésors. Même les trésors de tout l'univers n'ont pas la valeur d'une seule vie humaine. La vie est comme une lampe et la nourriture comme l'huile. Quand il n'y a plus d'huile, la flamme meurt ; et sans nourriture, la vie cesse.

On place le mot "Namu" devant le nom de toutes les divinités et bouddha à qui l'on adresse une prière. Mais que signifie "Namu"  ? Ce mot vient du sanskrit et se traduit par kuei-ming en chinois et kimyo en japonais. Namas en sanscrit, kuei-ming en chinois et kimyo en japonais ont tous le même sens, consacrer sa vie. En définitive, cela signifie offrir notre vie au Bouddha. Certains peuvent avoir femmes, enfants, fiefs, or, argent ou d'autres trésors en rapport avec leur statut. D'autres n'ont rien du tout. Cependant, que l'on soit riche ou non, la vie est toujours le plus précieux des trésors. C'est pourquoi les saints et les sages des temps anciens offrirent leur vie au Bouddha et purent eux-mêmes atteindre la bodhéité.

Sessen Doji offrit son corps à un démon pour recevoir un enseignement composé de huit caractères. N'ayant plus d'huile, le bodhisattva Yakuo* brûla son coude pour l'offrir au Sutra du Lotus. Dans notre propre pays, le prince Shotoku s'arracha la peau de la main pour y copier le Sutra du Lotus et l'empereur Tenji brûla son troisième doigt pour l'offrir au Bouddha Shakyamuni. Des pratiques aussi austères concernent les saints et les sages, non les hommes ordinaires.

Pourtant, même les hommes ordinaires peuvent atteindre la bodhéité s'ils ont un seul désir : celui d'avoir une foi fervente. Au sens le plus profond, une foi fervente correspond à la volonté de comprendre et de vivre l'esprit, et non la lettre des sutras. Qu'est-ce que cela signifie  ? D'une certaine façon, cela veut dire qu'offrir notre unique vêtement au Sutra du Lotus revient à s'arracher la peau, et qu'en période de famine, offrir au Bouddha l'unique bol de riz dont dépend notre survie revient à consacrer notre vie au Bouddha. Les bienfaits d'une telle dévotion équivalent à ceux qu'obtint le bodhisattva Yakuo* en brûlant son propre coude ou Sessen Doji en offrant sa chair à un démon.

Les saints consacraient donc leur vie en offrant leur propre corps, tandis que les simples mortels peuvent faire de même par la sincérité de leurs dons. La paramita du don exposée dans le septième volume du Maka Shikan enseigne en effet l'esprit de l'offrande.

La véritable Voie se trouve dans les affaires de ce monde. On peut lire dans le Sutra Konkomyo* : "Avoir une connaissance profonde de ce monde est en soi le bouddhisme." Et le Sutra du Nirvana stipule : "Tous les écrits ou enseignements, quelle que soit leur source, sont en fin de compte la révélation de la vérité bouddhique. Il n'y a pas d'enseignements non bouddhiques."

Et on lit dans le sixième volume du Sutra du Lotus : "Tout ce qui concerne la vie ou le travail n'est en rien différent de la réalité ultime (note)." Commentant la signification sous-jacente de ces citations, Zhanlan* enseigna que, bien que profonds, les deux premiers sutras restent superficiels comparés au Sutra du Lotus. Alors que ces sutras traitent des affaires du monde en termes bouddhiques, le Sutra du Lotus explique que les affaires du monde sont en fin de compte le bouddhisme.

Les sutras précédant le Sutra du Lotus enseignaient que tous les phénomènes proviennent de notre esprit. L'esprit était semblable à la terre et les phénomènes étaient comparés aux plantes qui poussent dans la terre. Mais le Sutra du Lotus enseigne que l'esprit fait un avec la terre, et que la terre fait un avec les plantes. Les sutras provisoires comparent un esprit paisible à la lune et un coeur pur à une fleur, mais le Sutra du Lotus indique que la fleur et la lune sont en elles-mêmes le coeur et l'esprit. Il est donc évident que le riz n'est pas seulement du riz, mais la vie elle-même.

Puisque le Régent n'a pas voulu goûter aux mets délicieux du vrai bouddhisme, je n'ai rien pu faire de plus et me suis donc retiré dans la forêt. Je suis un homme ordinaire (bompu) et trouve le froid de l'hiver ou la chaleur de l'été difficiles à supporter. Je n'ai pas non plus suffisamment à manger. Jamais je ne pourrais égaler l'exploit de cet homme dont on dit qu'il parcourut dix mille kilomètres en ne prenant qu'un seul repas, ou celui de Confucius et de son petit-fils qui ne mangèrent que neuf fois en cent jours. Sans nourriture, je ne pourrais pas continuer longtemps à réciter le Sutra ni me concentrer sur la méditation.

Aussi vos offrandes valent-elles plus que de simples cadeaux. Peut-être est-ce le Vénéré Bouddha lui-même qui vous a conseillé de prendre soin de moi, à moins que ce ne soit votre karma passé qui vous y ait incité. Il m'est impossible de dire tout ce que je voudrais dans cette lettre.

ARRIÈRE-PLAN - Nichiren Daishonin écrivit cette lettre après avoir reçu en cadeau des provisions alors qu'il vivait retiré au Mont Minobu. Il avait un besoin urgent de nourriture, de vêtements et autres produits essentiels. L'original de cette lettre se trouve conservé au temple principal, Taiseki-ji.
On sait peu de choses sur le contexte dans lequel elle a été écrite. Ni la date, ni le nom du destinataire ne sont indiqués. Dans le monde religieux de l'époque, les offrandes aux moines étaient une pratique courante et bien établie, mais la coutume n'obligeait pas à répondre à chaque présent. Toutefois, comme on le voit dans beaucoup de ses lettres, Nichiren Daishonin répondait invariablement à ses bienfaiteurs, louant leur sincérité et utilisant cette occasion pour leur donner de précieux encouragements dans la foi. (Commentaire ACEP)

En anglais : The Gift of Rice

- http : //www.sgilibrary.org/view.php?page=1125&m=1&q=The%20Gift%20of%20Rice
- commentaires : http : //nichiren.info/gosho/bk_GiftRice.htm
- http : //www.sgilibrary.org/view.php ?page=1126&m=0&q=

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